Test Blu-ray / Lola, réalisé par Bigas Luna

LOLA réalisé par Bigas Luna, disponible en Coffret Combo Blu-ray + DVD + Livre le 7 octobre 2025 chez Artus Films.

Acteurs : Ángela Molina, Patrick Bauchau, Féodor Atkine, Assumpta Serna, Carme Sansa, Pepa Lopez, Constantino Romero…

Scénario : Luis Hercé, Bigas Luna & Enrique Viciano

Photographie : Josep M. Civit

Musique : José Manuel Pagán

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

Lola s’éloigne de Mario, son amant alcoolique et violent à son égard. Cinq ans plus tard, elle est mariée avec Robert, un chef d’entreprise français, et vit dans son confort bourgeois avec leur fille Ana. C’est à ce moment que Mario retrouve Lola.

Dans la carrière de Bigas Luna, Lola intervient après un rapide passage par les États-Unis, où le réalisateur a tourné Reborn, connu aussi sous le titre espagnol Renacer, dans lequel il dirigeait Dennis Hopper. Un échec cinglant dans les salles. Il revient en terre ibérique et crée la série Kiu i els seus amics en 1985, qui le remet en selle. Il peut donc signer son retour au cinéma en 1986 avec Lola, qui change du tout au tout avec Bilbao et Caniche, puisque Bigas Luna joue ici avec le thriller néo-noir, teinté d’histoire d’amour « contrariée », les guillemets n’étant pas de trop. Bien sûr, Lola n’est pas un film comme les autres. Oeuvre hybride, pensée pour contenter les spectateurs en quête d’émotions fortes dans le bas-ventre et les amateurs de film de genre, Lola est avant tout un portrait de femme forte et indépendante, qui fait ce qu’elle veut de son séant et qui tente de lutter contre ses penchants sexuels teintés de violence (« consentie »), tandis que son cerveau aspire à plus de d’équilibre et de tranquillité. Autant dire que la psychologie des personnages est on ne peut plus complexe et Lola vaut non seulement pour la mise en scène toujours aspirée et frontale de Bigas Luna, mais aussi pour l’interprétation habitée de ses trois têtes d’affiche, l’espagnole Ángela Molina (dans le rôle-titre), le belge Patrick Bauchau et le français Féodor Atkine. Grand succès du réalisateur, Lola est étrangement souvent oublié aujourd’hui quand on évoque la carrière du cinéaste. Raison de plus pour le réhabiliter quarante ans après sa sortie.

La vie de Lola est partagée entre son travail à l’usine et l’amour brutal que lui voue Mario. Après l’avoir quitté (parce qu’il avait à nouveau levé la main sur elle) pour aller vivre à Barcelone, elle fait la connaissance de Robert, cadre supérieur dans une société automobile. Cinq années passent. Lola est maintenant mariée et est la mère d’une petite fille, Ana. Elle vit dans un cadre bourgeois et est bien décidée à faire un trait sur son passé, jusqu’au jour où elle rencontre par hasard Mario dans la rue. Dès lors, son existence et sa confortable vie familiale vont être perturbées par un Mario menaçant, fou de jalousie du bonheur de Lola.

« Je t’aime, moi non plus ». Ou quand les sentiment s’affolent et font perdre la raison ou même perdre pied. Dans Lola, les personnages s’aiment passionnément, mais ont différentes façons de se le dire, ou de le faire comprendre. Lola c’est Ángela Molina, que l’on avait découvert à 22 ans dans Cet obscur objet du désir (1977) de Luis Buñuel, dont la carrière sera partagée entre l’Italie (où elle a tourné avec Luigi Comencini, Gillo Pontecorvo, Elio Petri, Marco Bellocchio, Lina Wertmüller) et son pays d’origine (où Pedro Almodóvar, Pablo Berger, Julio Medem l’ont également dirigée). Quasiment de toutes les scènes, pour ne pas dire de tous les plans, la comédienne crève, explose, atomise l’écran dans Lola et rend compte du feu qui anime son personnage, tiraillée entre deux hommes que tout oppose.

Le premier, Robert, est incarné par Patrick Bauchau, auréolé d’une carrière internationale, passé devant la caméra d’Éric Rohmer (La Collectionneuse), de Wim Wender (L’État des choses), de Diane Kurys (Coup de foudre), d’Andrzej Zulawski (La Femme publique) et qui a même participé au dernier James Bond de Roger Moore (Dangereusement vôtre de John Glen). La même année que Phenomena de Dario Argento, Patrick Bauchau interprète Robert dans Lola, homme de bonne situation, bourgeois parisien, qui plaque tout pour aller vivre avec Lola, dont il allait tomber éperdument amoureux au premier regard. Il ne sait pas que celle-ci a quitté Mario, homme violent, avec lequel elle entretenait une relation quelque peu masochiste. Celui-ci est quant à lui interprété par le grand Féodor Atkine, sortant du succès de Pauline à la plage d’Éric Rohmer. Sa prestation dans Lola annonce les héros fiévreux à venir du cinéma de Bigas Luna. La scène bestiale où Mario et Lola « s’accouplent » comme des animaux, renvoie une fois de plus à la bestialité qui sommeille en chaque être humain, sujet récurrent (pour ne pas dire obsession) de l’oeuvre de Bigas Luna.

Ces deux hommes se disputent cette chère Lola, sensuelle et séduisante, chaude comme la b(r)aise, qui ne sait plus à quel « sein » se vouer. Bigas Luna déroule plus classiquement son récit, allant même jusqu’à faire un détour par le film de procès, après un coup de théâtre pour le moins inattendu. Cependant, si Lola rentre un peu plus dans les rangs du cinéma traditionnel, son auteur continue de se démarquer de ses confrères post-Movida, avec une composition unique de plans hérités de l’art pictural, ainsi que par son approche unique de la gent masculine toxique, qui ne peut penser autrement que par leur queue, étant donné que leur cerveau n’est plus irrigué par le sang pompé par leur dard.

Et Bigas Luna de terminer son histoire par l’un des plans les plus glauques de sa filmographie, avec Robert, s’extasiant avec un grand sourire devant celle, qu’il a élevé comme sa fille (première apparition d’Ariadna Gil au cinéma) et qui sait que celle-ci n’est pas sa progéniture, alors placée dans une position qui lui rappelle celle que prenait Lola quand elle prenait son pied. Perversité, quand tu nous tiens…

LE COFFRET BLU-RAY + DVD + LIVRE

Cela faisait tellement longtemps qu’un éditeur ne s’était pas penché sur la filmographie de Bigas Luna ! Autant dire que nous sommes gâtés, puisqu’Artus Films propose un sublime coffret réunissant pas moins de trois long-métrages du réalisateur espagnol, Bilbao, Caniche et Lola, que nous chroniquerons un par un sur Homepopcorn. Les six disques, trois Blu-ray et trois DVD, reposent dans un Digipack conséquent constitué de quatre volets, glissé dans un fourreau cartonné, suprêmement élégant.

L’une des pièces-maîtresses de cette édition est un formidable et passionnant ouvrage intitulé Bigas Luna : La Période noire 1977-1987, conçu et écrit par le talentueux Maxime Lachaud. Le journaliste, essayiste, réalisateur et programmateur, auteur de Reflets dans un œil mort : Mondo movies et films de cannibales, Redneck movies : ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain, ou bien encore Mondo movies : reflets dans un œil mort, propose un livre de près de cent pages, entièrement consacré à Bigas Luna, son parcours, ses obsessions, ses films bien entendu aussi. Nous trouvons aussi un entretien avec Santiago Fouz-Hernández, que nous retrouverons en interview sur chaque titre de ce coffret. Spécialiste de Bigas Luna, celui-ci dissèque son cinéma, explique pourquoi son œuvre est si importante dans l’histoire du cinéma espagnol, aborde les différentes périodes, ses influences (Goya, Bunuel, Dali), son amitié avec Marco Ferreri, la vision du corps, l’imagerie catholique dans son cinéma, son attirance pour l’hypnose et d’autres éléments. Une vraie et grande plongée dans l’oeuvre d’un cinéaste culte, dont on espère voir arriver les autres (et nombreux) films, encore manquants dans les bacs français. Vous avez désormais entre les mains, l’un des coffrets indispensables de cette année 2025, au même titre que tout ce qu’Artus Films avait fait précédemment autour d’Eloy de la Iglesia. Le menu principal pour Lola est fixe et musical.

Excellente initiative d’Artus Films, d’avoir rappelé l’excellent Eric Peretti, pour nous présenter chaque titre de ce coffret. Le programmateur au Lausanne Underground Film et Music Festival, ainsi qu’aux Hallucinations collectives de Lyon présente le dernier film de cette anthologie, à savoir Lola (18’). Comme pour Bilbao et Caniche, le quatrième long-métrage de Bigas Luna est replacé dans sa carrière, dans sa filmographie et dans sa vie en général. Pour résumer ce qui est dit ici, disons que Lola arrive tardivement après Caniche, le réalisateur ayant eu l’opportunité d’aller aux États-Unis, où installé à Los Angeles, il a pu signer un film, Reborn avec Dennis Hopper. Une expérience douloureuse, qui a conduit Bigas Luna à revenir en Espagne, malgré d’autres projets sur le feu outre-Atlantique. La genèse de Lola, les intentions du cinéaste, les partis pris, les thèmes abordés, le très gros succès du film en Espagne, le casting et la fin de la période noire sont ensuite les points abordés par Eric Peretti.

Santiago Fouz-Hernández fait lui aussi sa dernière intervention de ce coffret (13’) et là encore, le professeur d’études ibériques et cinématographiques à l’université de Durham au Royaume-Uni signe une formidable lecture de Lola. Quelques redondances inévitables avec le module précédent, mais dans l’ensemble, les propos complètent ceux d’Eric Peretti. Le sujet de l’opposition Europe/Espagne est particulièrement pertinent.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et d’affiches d’exploitation.

L’Image et le son

Le master HD de Lola s’inscrit dans la continuité des restaurations des films de Bigas Luna édités par Artus Films. Les couleurs sont fraîches, les contrastes demeurent aléatoires, la copie est propre (de sensibles poussières subsistent), stable, la carnation naturelle et le piqué agréable. La texture argentique est quant à elle respectée, bien gérée, même si plus appuyée sur les scènes sombres et nocturnes, qui s’accompagnent également de pertes de la définition. Blu-ray au format 1080p.

Seule la version originale aux sous-titres français non imposés est disponible sur cette édition. L’écoute est frontale, riche, suffisamment dynamique et vive. Les effets annexes sont présents et le confort acoustique assuré.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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