LES MONSTRES DE LA MER (Humanoids from the Deep) réalisé par Barbara Peeters, disponible en Édition Digibook Collector, Combo Blu-ray + DVD + Livret le 19 août 2021 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Doug McClure, Ann Turkel, Vic Morrow, Cindy Weintraub, Anthony Pena, Denise Galik, Lynn Theel, Meegan King…
Scénario : Frank Arnold, Martin B. Cohen & Frederick James
Photographie : Daniel Lacambre
Musique : James Horner
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
Le petit village tranquille de Noyo est victime d’une vague de violence. Les hommes sont assassinés et les femmes sont violées. Il apparaît rapidement qu’une expérience génétique a mal tourné, et une nouvelle race de créatures mi-homme, mi-poisson quitte son monde aquatique… pour s’accoupler avec les femmes !
Au début des années 1980, Roger Corman se consacre uniquement à la production et Dieu sait qu’il a du pain sur la planche. En effet, en l’espace de quelques mois, au moins une dizaine de longs-métrages affichent son nom en lettres dorées et celles de sa société New World Pictures, à l’instar de Destructor de Max Kleven et The Private Eyes de Lang Elliott. Deux de ses films se distinguent. Le premier est Les Mercenaires de l’espace – Battle Beyond the Stars de Jimmy T. Murakami, dont Roger Corman reprend le tournage sans être crédité, le second est Les Monstres de la mer – Humanoids from the Deep. Cette série B, limite Z avec son budget famélique, ses deux semaines de prises de vue et son casting de quasi-inconnus complètement à côté de la plaque, est symbolique du génie du producteur spécialisé dans le cinéma d’exploitation. Il confie son nouveau bébé à Barbara Peeters, remarquée dès 1970 avec son premier film, Je suis une hard-girl – The Dark Side of Tomorrow, puis Les Diablesses de la moto – Bury Me an Angel (1971), Summer School Teachers (1975) et Starhops (1978). Roger Corman avait déjà été impressionné par la qualité d’écriture, mais aussi et surtout par l’efficacité de la mise en scène de la réalisatrice, au point de lui avoir produit son troisième opus. Recherchant une nouvelle approche de l’horreur et une sensibilité inédite pour aborder le genre, le nabab lui propose donc Les Monstres de la mer, avant tout destiné aux projos dans les drive-in et devant comporter les ingrédients attendus par les spectateurs avides de ce genre de spectacle, autrement dit du sang, du gore même, et des belles nanas chichement habillées voire carrément nues si cela est possible. Barbara Peeters s’acquitte de sa tâche en grande professionnelle, mais la copie rendue déçoit Roger Corman en raison du manque de sexe. La cinéaste refuse de procéder à des reshoots. Qu’à cela ne tienne, le producteur rappelle son poulain Jimmy T. Murakami pour filmer quelques plans boobs bien gratos et des séquences beaucoup plus explicites de viols de femmes par les humanoids éponymes. Énorme succès en son temps, que reste-t-il des Monstres de la mer quarante ans après ? Un formidable divertissement complètement fou, très bien rythmé, malin, à la photographie soignée, qui fait rire autant pour son côté nawak que pour le mauvais jeu des comédiens. 80 minutes de rires non-stop, cela ne se refuse pas et surtout fonctionne encore aujourd’hui à plein régime. Vous ne verrez plus jamais un pavé de saumon de la même façon !
Des pêcheurs – qui semblent ne pas avoir inventé l’eau tiède – du village de Noyo en Californie, attrapent une masse indéterminée. Le jeune fils de l’un d’entre eux (qui a l’air aussi à la ramasse) tombe à l’eau et une force inconnue l’entraîne vers le fond. Un autre pêcheur prépare un pistolet lance-fusées, mais il glisse (pas de bol quand même) et tire accidentellement sur le pont, qui est imbibé d’essence larguée plus tôt par le garçon. Le vaisseau s’enflamme, avant d’exploser, tuant tout le monde à bord. Jim Hill (Doug McClure, vu dans Le Continent oublié, Les Prairies de l’honneur et Le Triangle du diable, mais rien à voir avec Troy McClure – quoique – que vous avez sûrement apprécié dans Massacre à la poinçonneuse, 20.000 vieux sous grand-mère ou Géronimo perd ses plumes) et sa femme Carol (Cindy Weintraub) sont témoins de l’explosion. Plus tard, leur chien disparaît et le couple retrouve son cadavre démembré sur la plage voisine. Le lendemain, les adolescents Jerry Potter (Meegan King) et Peggy Larsen (Lynn Theel, que l’on reverra dans Terreur extraterrestre de Greydon Clark) se baignent à la plage. Jerry est brusquement tiré sous l’eau. Peggy croit que c’est une farce jusqu’à ce qu’elle découvre son cadavre mutilé. Peggy, effrayée, essaye d’atteindre la plage, mais une silhouette monstrueuse la traîne sur le sable. La créature humanoïde arrache son bikini et la viole. Cette nuit-là, deux autres adolescents campent sur la même plage. Billy (David Strassman) est sur le point d’avoir des relations sexuelles avec sa petite amie (et un pantin, mais c’est une autre histoire), Becky (Lisa Glaser) lorsqu’un autre monstre humanoïde se fraie un chemin à l’intérieur, le tue et poursuit Becky sur la plage. Elle sème son agresseur, mais se jette ensuite dans les bras d’un autre monstre, qui la plaque sur le sable et la viole. D’autres attaques s’enchaînent. Seule Peggy est retrouvée vivante, bien que gravement traumatisée. Le frère de Jim est également attaqué, ce qui incite Jim à s’intéresser personnellement à l’affaire. Il n’est pas au bout de ses peines, surtout que la fête du saumon approche et pourrait vite virer au cauchemar.
L’Étrange créature du lac noir sous Viagra.
Ne riez pas trop vite, car Les Monstres de la mer a des choses à dire sur la malbouffe et tire également la sonnette d’alarme quant à l’avenir écologique de la planète. Si le danger vient effectivement de la mer, tout est de la faute de l’être humain puisqu’on apprend très vite qu’une compagnie scientifique, qui élevait des saumons génétiquement modifiés, ont été dévorés par des cœlacanthes (le plus vieux poisson du monde, mais soyez rassurés, on vous l’explique dans le film avec plein de jargon scientifique), qui se mettent à muter en hommes-poissons voraces, qui envahissent le port du coin. Le gros problème, c’est que ces êtres, devenus agressifs, sont chauds comme la braise et soucieux de la survie de leur espèce, s’en prennent aux jolies nanas en bikini, qu’ils désapent rapidement, pour les violer. Des amphibiens qui enfilent bien, qui ont un peu de mal à se déplacer (pas sûr que les cascadeurs y voyaient quelque chose sous leur costume encombrant), mais qui parviennent toujours à mettre la main sur les demoiselles aux longues jambes fuselées et au décolleté fièrement exposé.
Le scénario de Frank Arnold, Martin B. Cohen (Les Motos de la violence – The Rebel Rousers) et Frederick James enchaîne les morceaux de bravoure, reliés à la va-comme-je-te-pousse, sur un montage nerveux signé par Mark Goldblatt, alors au début d’une carrière qui sera prestigieuse (Terminator, Terminator 2 : Le Jugement dernier, Rambo II : La Mission, Showgirls, Starship Troopers…). L’autre grand nom en devenir des Monstres de la mer est celui de James Horner (disparu en 2015), qui venait lui aussi de démarrer sa carrière et qui donne au film des airs de grandeur qu’il n’a certainement pas, mais dont la plus-value est évidente. Alors, prenez place aux côtés de tous ces bouseux racistes qui arborent fièrement leur casquette Castrol et leur bedaine mousseuse en allant se bourrer la tronche au bar minable du coin qui sent la Bud frelatée et allez cramer cette saleté de poiscaille OGM pour en faire du hachis ! Meurs, pourriture communiste !
L’ÉDITION DIGIBOOK COLLECTOR
Pour son arrivée dans les bacs français, Les Monstres de la mer bénéficie d’une sortie royale grâce aux bons soins de Sidonis Calysta, qui a ni plus ni moins concocté une Édition Digibook Collector, composée d’un Blu-ray, d’un DVD et d’un Livret de 24 pages écrit par Marc Toullec. Très beau visuel, repris de l’affiche française d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
En toute honnêteté, on ne s’attendait pas à voir Olivier Père nous parler des Monstres de la mer. Mais après tout, Patrick Brion nous avait bien présenté Supernichons contre mafia de Doris Wishman, également disponible en DVD chez Sidonis Calysta ! Durant 25 minutes, le directeur général d’ARTE France Cinéma et directeur de l’Unité Cinéma d’ARTE France nous dit TOUT ce qu’on voulait savoir sur Humanoids from the Deep, tout en disséquant la méthode Corman. La genèse du film (né du succès rencontré par Piranhas de Joe Dante), le contexte de production (l’enchaînement des films d’exploitation destinés aux drive-in), la réalisatrice Barbara Peeters (que Corman avait engagé pour une approche plus politique, sociale et écologique), les thèmes, le casting, les premières intentions de la cinéaste, les conditions de tournage, la reprise des prises de vue par Jimmy T. Murakami qui allait s’occuper des reshoots sexy et de viols, sont ainsi abordés par Olivier Père. Dans un second temps, ce dernier évoque aussi la version internationale plus « corsée » que le montage américain, met en relief les points positifs du film (le côté écolo, James Horner à la musique, le soin accordé aux effets spéciaux grâce aux talents combinés de Chris Wallas et Rob Bottin) et d’autres éléments encore.
Un tout petit module de 3’30 montre Roger Corman répondre – avec son sourire espiègle – aux questions du légendaire Leonard Maltin, à l’occasion d’une diffusion des Monstres de la mer à la télévision. De ses propos, il se dégage un immense respect pour les spectateurs, à qui le producteur a pour ainsi dire dédié sa vie (il vient d’ailleurs de fêter ses 95 ans) et sa carrière (il continue aussi de produire).
Récupéré de l’édition HD sortie chez Shout Factory aux Etats-Unis en 2010, puis repris sur le nouveau Blu-ray de 2019, le making of rétrospectif (23’), compile les interviews du producteur Roger Corman, du monteur Mark Goldblatt, du réalisateur de la seconde équipe James Sbardellati, du compositeur James Horner, des créateurs des effets spéciaux Chris Walas & Kenny Myers, et des comédiennes Cindy Weintraub et Linda Shayne. Les propos tenus ici reprennent en fait les arguments avancés par Olivier Père au cours de sa présentation. Pas ou peu de nouveaux éléments à glaner dans ce supplément, même si l’ensemble demeure bon enfant et amusant.
L’éditeur nous présente ensuite six minutes de scènes coupées, non sous-titrées (mais en bon état), certaines étant dépourvues de son (un panneau en introduction nous prévient sur ce point) et proposant entre autres quelques scènes sexy.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces (non sous-titrées) des Monstres de la mer.
L’Image et le son
Qui aurait pu croire que Les Monstres de la mer bénéficieraient un jour d’une restauration 4K réalisée à partir du négatif original ??? Qui plus est, Sidonis Calysta présente Humanoids from the Deep dans sa version internationale dite intégrale, avec plus de gore et probablement plus de boobs. Le résultat est éloquent, nous n’avions jamais vu le film de Barbara Peeters dans d’aussi belles et impressionnantes conditions techniques. Si le grain argentique est beaucoup plus épais et aléatoire durant le générique, celui-ci trouve ensuite rapidement un équilibre dans le reste du métrage. La propreté est indéniable, ainsi que la stabilité, les couleurs sont ravivées (voir le rouge du sang et le vert des algues), les contrastes au top, la clarté inédite. Seul le piqué est un peu trop émoussé, mais cela reste anecdotique. Le Blu-ray est au format 1080p.
Les versions française et originale sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0. L’écoute rappelle les séances en VHS avec un son plutôt étouffé pour la piste française, qui bénéficie d’un doublage très réussi et amusant. La version anglaise s’en sort mieux et s’avère plus riche dans ses effets, la délivrance de la musique, des grognements des créatures et des cris (en boucle, tendez l’oreille, les mêmes bruitages reviennent sans cesse durant le carnage final) de ces pauvres demoiselles. Les sous-titres français ne sont pas imposés.