Test Blu-ray / Le Travail c’est la liberté, réalisé par Louis Grospierre

LE TRAVAIL C’EST LA LIBERTÉ réalisé par Louis Grospierre, disponible en Blu-ray le 18 juin 2025 chez Gaumont.

Acteurs : Raymond Devos, Gérard Séty, Sami Frey, Judith Magre, Marguerite Cassan, Jany Clair, Hubert Deschamps, Jacques Dufilho…

Scénario : Louis Grospierre & Jacques Lanzmann, d’après une nouvelle de Françoise Mallet-Joris

Photographie : Marcel Grignon

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

En raison d’une grève des éboueurs, il est fait appel à des détenus pour assurer l’enlèvement des ordures ménagères. Profitant de cette situation inattendue, trois d’entre eux réussissent à fausser compagnie à leurs gardiens.

Voilà en gros l’histoire du Travail c’est la liberté, premier long-métrage du réalisateur et scénariste Louis Grospierre (1927-2020), lauréat du Prix Jean Vigo pour son court-métrage Les Femmes de Stermetz (1958), jusqu’à présent inconnu au bataillon en ce qui nous concerne. « Le travail, c’est la liberté. La liberté, c’est celle des autres. Le travail, c’est celui des autres » disait Boris Vian et dans le film de Louis Grospierre, le boulot va permettre à trois détenus d’aller prendre l’air. Enfin, façon de parler, puisqu’à cause d’une grève nationale des éboueurs, nos trois Pieds Nickelés se retrouvent à ramasser les détritus dans les rues de Paname, sous l’oeil de deux gardiens de la paix qui les suivent à vélo. Évidemment, toute la clique va en profiter pour essayer de se faire la malle ou pour aller retrouver une donzelle, mais rien ne va se passer comme prévu. Il ne faut pas en attendre beaucoup du Travail c’est la liberté, qui vaut essentiellement pour découvrir Raymond Devos, 37 ans, déjà bien installé au music-hall, dans l’une de ses rares apparitions au cinéma.

Les éboueurs étant en grève, les Services publics font appel à certains prisonniers peu dangereux qui, sous bonne garde, sont chargés d’enlever les ordures dans Paris. Nous suivons trois d’entre eux, Emile, Eugène et Louis, accompagnés de deux agents de police. Deux des trois hommes veulent profiter de l’occasion ainsi offerte : Louis pour voir sa fiancée et Eugène pour retrouver l’associé à qui il a envoyé l’argent, fruit de ses escroqueries. Emile, au contraire, cherche à passer inaperçu. C’est qu’il est bigame et qu’il a peur, dans les quartiers traversés, de rencontrer ses femmes. Avec la complicité de leurs deux surveillants, les trois hommes pourront chacun arranger leurs histoires : Louis rencontre sa fiancée, Eugène découvre que son associé est mort, mais il se console en compagnie d’une petite marchande de glaces. Quant à Emile, après une explication avec ses deux femmes qu’il n’a pu empêcher de se rencontrer, il devra accepter en philosophe de passer la nuit dehors pour laisser la place à sa trop nombreuse famille.

Si vous croyez que c’est parce que vous êtes dehors, que vous allez vous en sortir ?!

Le travail c’est la liberté est l’exemple d’un cinéma français révolu, oublié aussi peut-être, qui reposait beaucoup sur une distribution dans « l’ère du temps », sur laquelle les producteurs misaient pour attirer un minimum de spectateurs dans les salles. En cette année 1959 dominée par La Vache et le prisonnier d’Henri Verneuil (8,8 millions d’entrées), La Jument verte de Claude Autant-Lara (5,2 millions d’entrées), Babette s’en va-t-en guerre de Christian-Jaque (4,7 millions d’entrées), tandis que François Truffaut s’impose avec son premier long-métrage Les Quatre cents coups (4,1 millions d’entrées), les spectateurs se ruent en masse dans les cinémas. Pas moins de 120 films dépasseront d’ailleurs la barre du million d’entrées, rendez-vous compte !

Le Travail c’est la liberté ne connaîtra pas cet engouement et disparaîtra assez rapidement de la circulation, au point de devenir quasiment invisible pendant plus de soixante ans. Les fans de Raymond Devos, et Dieu sait s’il y en a encore aujourd’hui, surtout quand on voit à quel point la langue française, la grammaire, l’orthographe, l’articulation se sont considérablement dégradées, seront ravis de le redécouvrir, alors qu’il n’avait pas encore complètement créé son « personnage ». Quelques bribes de dialogues interpellent et nous font penser que l’artiste les a écrits lui-même, mais ces moments restent rares.

La plupart du temps, Le Travail c’est la liberté reste sur un rythme pépère, brasse beaucoup de vent pour pas grand-chose et raconte encore moins. Outre Raymond Devos, Sami Frey, 22 ans, est encore au début de sa carrière, La Vérité de Henri-Georges Clouzot et Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda ne vont pas tarder à arriver, et finalement la plus grande vedette du moment est Gérard Séty, qui avait déjà collaboré avec André Hunebelle, Marc Allégret, Jean Delannoy, Jacques Becker, tout en étant sur les planches. Néanmoins, le trio se fait systématiquement voler les scènes par le tandem formé par Hubert Deschamps et Jacques Dufilho, irrésistibles en gendarmes portés sur la bibine et la bonne bouffe.

Si les deux tiers du film passent à peu près et valent le coup pour découvrir le Paris d’époque, ses rues pavées, ses petites boutiques, ses artisans, le scénario (coécrit par Jacques Lanzmann et librement adapté d’une nouvelle de Françoise Mallet-Jorispart sobrement intitulée Les Poubelles) vrille dans la dernière partie, où tous les personnages passent d’une pièce à l’autre, gesticulent et parlent fort. L’intérêt s’émousse au fil d’un récit déjà lâche et l’ennui s’installe.

Par la suite, le film qui parviendra à se démarquer dans la carrière de Louis Grospierre est Du mou dans la gâchette, qui surfe plus ou moins sur le triomphe des Tontons flingueurs de Georges Lautner, en reprenant notamment trois des acteurs principaux, Jean Lefebvre, Bernard Blier et Francis Blanche.

LE BLU-RAY

Disponible à la vente chez Gaumont, à la fois en DVD dans la collection Gaumont Découverte et en Haute-Définition, Le Travail c’est la liberté renaît de ses cendres. La galette HD tient dans un boîtier Standard de couleur blanche. La jaquette peut être trompeuse et indiquer que le film est en couleur, ce qui n’est pas le cas. Le menu principal est fixe et muet.

Le seul supplément est une présentation du film par Sylvain Perret (20’). D’emblée, celui-ci indique que peu de traces subsistent du réalisateur Louis Grospierre, qui visiblement n’avait donné aucune interview à la radio, pour la télévision ou pour la presse. Toutefois, Sylvain Perret dresse son portrait et retrace son parcours avec le peu d’éléments mis à sa disposition. Il en vient rapidement au Travail c’est la liberté, en évoquant la nouvelle de Françoise Mallet-Jorispart (Les Poubelles), qui avait pour personnages principaux deux émigrés et un homosexuel, sujets écartés du cinéma français et qui ont donc été « transformés » pour son adaptation. Le casting est passé au peigne fin, ainsi que quelques éléments de l’équipe technique. Enfin, Sylvain Perret parle de la suite de la carrière du metteur en scène.

L’Image et le son

D’emblée, la copie nous apparaît étincelante, des noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue. La restauration HD est éloquente, la propreté est irréprochable et le piqué est bluffant. Quelques séquences témoignent d’une sensible perte de la définition, mais ce serait vraiment chercher la petite bête.

L’éditeur livre comme d’habitude une piste DTS-HD Master Audio Mono qui instaure un très bon confort acoustique. L’écoute est aérée avec des dialogues clairs et affirmés, ainsi qu’une solide délivrance des effets annexes et de la belle partition de Georges Van Parys (Les Diaboliques, Le Mouton à 5 pattes, Adorables créatures, Rue des prairies). La restauration ne fait aucun doute et surtout, aucun souffle n’est à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Gaumont / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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