LE LIEU DU CRIME réalisé par André Téchiné, disponible en DVD et Blu-ray le 11 mars 2020 chez Carlotta Films.
Acteurs : Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Wadeck Stanczak, Nicolas Giraudi, Jean-Claude Adelin, Jean Bousquet, Michel Grimaud, Philippe Landoulsi, Claire Nebout, Jacques Nolot, Victor Lanoux…
Scénario : André Téchiné, Pascal Bonitzer, Olivier Assayas
Photographie : Pascal Marti
Musique : Philippe Sarde
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 1986
LE FILM
Thomas est un jeune garçon rebelle et introverti qui partage son temps entre ses grands-parents et sa mère divorcée Lili. La veille de sa communion, il croise la route de Martin, un fugitif qui le menace et lui demande de l’argent. Lorsqu’ils se retrouvent le soir même, un drame éclate : voyant son complice sur le point d’attenter à la vie du garçon, Martin finit par le tuer. Complètement déboussolé suite à son acte, il débarque dans le bar tenu par Lili…
Le Lieu du crime, septième long métrage d’André Téchiné, est né de deux envies. La première, celle de raconter une partie de son enfance, du moins ses envies, ses espoirs, l’ennui, le soleil du Sud-ouest, une atmosphère, des couleurs. La seconde, celle du cinéaste de retrouver Catherine Deneuve, cinq ans après Hôtel des Amériques. Sous-couvert d’une intrigue vaguement policière, André Téchiné réalise une fois de plus une chronique provinciale. Un mélange des genres pas forcément réussi et qui peut déstabiliser les spectateurs. S’il n’est pas exempt de faiblesses, Le Lieu du crime permet d’admirer Catherine Deneuve, au sommet de son talent et de sa beauté, qui écrase facilement ses partenaires, peu aidés par une écriture faiblarde c’est vrai. Toutefois, le film vaut néanmoins le coup d’oeil.
Un petit village, dans le Sud-Ouest. Thomas (Nicolas Giraudi), treize ans, est un adolescent plutôt renfermé. Il vit avec sa mère, Lili (Catherine Deneuve), qu’il aime plus que tout, et ses grands-parents (Danielle Darrieux et Jean Bousquet). Lili a quitté le domicile familial et Thomas ne voit son père, Maurice (Victor Lanoux), que de temps en temps et leurs rapports sont conflictuels. Un jour, Thomas rencontre Martin (Wadeck Stanczak), jeune homme apparemment traqué, qui lui demande de lui rapporter de l’argent. Et lorsque Thomas revient avec quelques sous en poche, au lieu du rendez-vous fixé par Martin, il trouve avec lui Luc (Jean-Claude Adelin), qui est beaucoup plus violent que Martin et veut tuer Thomas pour qu’il ne révèle pas leur présence dans les parages. Fort heureusement, Martin intervient, et c’est lui qui doit tuer son copain pour sauver la vie de Thomas. Martin n’a plus d’autre solution que de se réfugier dans le village de Thomas. Il se rend au café-dancing que tient la mère de Thomas. Celle-ci va l’aider à trouver un hôtel. Lili est en fait très intriguée par ce beau jeune homme qui débarque dans ce village où il ne se passe jamais rien. Alice (Claire Nebout), complice de Luc et Martin, rejoint ce dernier, mais après s’être enfui avec elle, il l’abandonne pour revenir sur les lieux du crime.
La griffe d’André Téchiné est omniprésente, avec ses bons comme ses mauvais côtés. Le gros point positif, c’est cette plastique irréprochable, cette photo colorée et chatoyante signée ici Pascal Marti (Rive droite, rive gauche de Philippe Labro, Frantz de François Ozon) qui crée comme un cocon de lumière, dans lequel beaucoup se laisseraient aller, mais où d’autres étoufferaient en raison de la léthargie ambiante. Cependant, comme bien souvent chez le cinéaste, le jeu des comédiens laisse perplexe, même si Catherine Deneuve parvient à aller au-delà en laissant transparaître de façon naturelle le vertige auquel son personnage va céder, en acceptant de partir avec Martin. Engluée dans son quotidien, et surtout dans son environnement, Lili en vient même à se disputer avec sa mère, prise alors dans un désir ardent de pouvoir enfin vivre sa vie. Mais le destin va en décider autrement. André Téchiné brouille les pistes en passant d’un personnage à l’autre, Luc, puis Martin, et enfin Lili. L’itinéraire de ces trois protagonistes va sans cesse être parasité par d’autres, mettant à mal leurs projets respectifs. A ce titre, celui de Martin est peu aidé par le jeu emphatique de Wadeck Stanczak, qui interprétait Paulot dans Rendez-vous l’année précédente. C’est par lui que le côté romanesque emblématique de l’oeuvre d’André Téchiné arrive, ce qui a toujours pesé dans son cinéma, pour le pire, et très peu souvent pour le meilleur.
Le Lieu du crime est une œuvre déséquilibrée. Cela se ressent durant 90 minutes où l’on attend que quelque chose s’anime enfin. Mais cet état semi-comateux dans lequel plonge le spectateur n’a d’équivalent que celui dans lequel se perd Lili, jusqu’à ce que l’arrivée de Martin vienne chambouler son quotidien. Du coup, malheureusement, on finit par se désintéresser totalement du reste des personnages, malgré l’attachement que l’on peut avoir pour Luc au début du film, d’autant plus qu’André Téchiné a sûrement mis beaucoup de lui-même dans la peau de cet adolescent replié sur lui-même. Dommage que le scénario coécrit avec Pascal Bonitzer et Olivier Assayas soit finalement trop bancal, comme si les trois auteurs avaient bossé chacun de leur côté en mettant dans le récit les éléments qu’ils souhaitaient, sans se consulter, comme la B.O. qui mélange à la fois la Voix du printemps de Strauss avec la chanson Suspens de Jeanne Mas.
Le Lieu du crime ne tient jamais vraiment ses promesses en dépit d’un début enthousiasmant, mais l’ensemble est vite rattrapé par les tics habituels du réalisateur toujours attiré par le grandiloquent, en appuyant constamment les sentiments là où il aurait dû faire place au ressenti. Mais Catherine Deneuve est une fois de plus exceptionnelle, sa beauté solaire enflamme l’écran et va bien au-delà d’un récit forcé, hystérique, paroxystique et au final inabouti.
LE BLU-RAY
Au mois de mars 2020, André Téchiné est à l’honneur chez Carlotta Films, puisque Souvenirs d’en France, Rendez-vous et Le Lieu du crime ont tous connu une nouvelle restauration, avant de sortir en DVD et en Blu-ray. Le visuel reprend celui de l’affiche du film, tout comme le menu principal, fixe et musical.
Outre la bande-annonce originale, Carlotta Films propose un entretien d’André Téchiné mené par Jean-Marc Lalanne (24’). On pourra reprocher au critique de cinéma et directeur de la rédaction des Inrockuptibles de tutoyer le cinéaste et de le couvrir de louanges, mais heureusement, André Téchiné revient avant tout sur la genèse, le tournage et la sortie du Lieu du crime. Ses intentions (retravailler avec Catherine Deneuve avant tout), les partis pris, le thèmes (le fantasme), les liens avec Souvenirs d’en France, le travail avec les comédiens et les conditions de tournage sont également abordés.
L’Image et le son
L’éditeur frôle la perfection avec ce superbe master restauré HD. Les couleurs automnales (à dominante jaune-orangée) sont riches, magnifiques, bigarrées à souhait. L’image affiche une clarté constante, un piqué vif et acéré sur toutes les séquences tournées en extérieur, le relief et la profondeur de champ sont omniprésents et les détails abondent aux quatre coins du cadre large. Seules les scènes en basse lumière ou d’intérieur affichent une perte de la définition. Grain argentique présent et excellemment géré.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 1.0. instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches (le chant des cigales !) et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Philippe Sarde est également bien lotie. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.