LE GRAND BAZAR réalisé par Claude Zidi, disponible en Blu-ray le 16 mars 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Gérard Rinaldi, Jean Sarrus, Gérard Filippelli, Jean-Guy Fechner, Michel Galabru, Michel Serrault, Roger Carel, Jacques Seiler, Coluche…
Scénario : Claude Zidi, Georges Beller & Michel Fabre
Photographie : Paul Bonis
Musique : Les Charlots
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Licenciés d’une usine, Gérard, Jean-Guy, Phil et Jean se retrouvent du jour au lendemain sans travail. Mais, très vite, ils trouvent une occupation qui va leur prendre tout leur temps. En effet, les quatre amis ont décidé d’aider un petit commerçant à faire face à la concurrence d’une grande surface…
Sur le tournage de leur premier film La Grande Java (3,4 millions d’entrées), mis en scène par Philippe Clair, les Charlots rencontrent Claude Zidi, directeur de la photographie, avec qui le courant passe immédiatement. La bande impose alors ce dernier au producteur Michel Ardan, pour réaliser leur prochain film, l’occasion pour Zidi de signer son premier long-métrage. Ce sera donc Les Bidasses en folie, un phénomène qui attire 7,5 millions de français dans les salles et devient le plus grand succès de l’année 1971, onze mois après le triomphe de La Grande Java. En septembre 1972, rebelote avec Les Fous du stade (5,7 millions d’entrées). Jean Girault les emmène de l’autre côté des Pyrénées pour Les Charlots font l’Espagne (4,2 millions de spectateurs), puis le quatuor retrouve Claude Zidi pour Le Grand bazar, qui cinquante ans après demeure incontestablement l’un de leurs meilleurs opus. Cette immense comédie menée à cent à l’heure et avec une vraie élégance, enchaîne les gags visuels et même les cascades (réglées par Rémy Julienne) sans discontinuer, mais il serait dommage de réduire le film juste à cela. Les quatre joyeux lurons y sont bien dirigés, toujours mis en valeur (même individuellement), à l’instar de personnages de dessin animé ayant débarqué dans le monde réel (et sans pitié), qui doivent d’ailleurs s’y confronter. Le travail pénible, la société de consommation et le rouleau compresseur de la grande distribution sont au coeur du récit (coécrit par le réalisateur, Georges Beller et Michel Fabre), qui ne contente pas d’enfiler les scènes (très) drôles gratuitement, avec même un hommage à Il était une fois dans l’Ouest souligné par le thème de L’Homme à l’harmonica en sus. Ce sera toujours la force du cinéma de Claude Zidi, qui traverse les décennies sans prendre (trop) de rides, dont les scénarios ont souvent reposé sur une scène solide, sur laquelle ses protagonistes pouvaient laisser libre cours à leur talent. Une avalanche de séquences anthologiques.
Jean, Phil, Gérard et Jean-Guy sont quatre copains qui habitent la même barre HLM. Ils préfèrent davantage boire un coup au bistrot d’Émile que d’aller travailler à l’usine de tondeuse à gazon. Ils ne tardent pas à se faire renvoyer à cause de leur manque de professionnalisme. Émile les aide à retrouver de petits boulots : Gérard fait visiter des appartements, Jean livre le lait, Jean-Guy répare une voiture et Phil distribue des tracts. Mais lorsque le commerce d’Émile est menacé par l’ouverture d’Euromarché situé en face, les quatre amis vont tout faire pour l’aider…
Outre les Charlots (qui avaient déclaré qu’il s’agit de leur meilleur film), la distribution se compose bien sûr de Michel Galabru, qui retrouvera Claude Zidi pour Les Sous-doués (1980) et Astérix et Obélix contre César (1999), Michel Serrault (impeccable en ambitieux directeur de supermarché), Roger Carel (hilarant en commissaire-priseur), sans oublier Jacques Seiler (le légendaire sergent Bellec des Bidasses) et même Coluche, dans une petite apparition, avant de tenir le haut de l’affiche de L’Aile ou la cuisse avec Louis de Funès trois ans plus tard, puis d’être la star d’Inspecteur la Bavure (1980) et de Banzaï (1983). Non, nous ne parlerons pas des Rois du gag (1984).
Sur une musique entraînante (composée par les Charlots eux-mêmes) et qui reste d’ailleurs définitivement en tête, Le Grand bazar est une fantaisie, une « confiserie » acidulée, jamais vulgaire, intelligente, brillamment photographiée par Paul Bonis (complice de Claude Zidi sur une demi-douzaine de longs-métrages), avec laquelle le cinéaste peaufine un style, qui l’imposera comme l’un des plus grands auteurs et metteurs en scène de la comédie hexagonale.
LE BLU-RAY
Nous sommes heureux de parler pour la première fois de la collection Nos années 70, dirigée et présentée par Jérôme Wybon. Le réalisateur d’Alain Jessua, le franc-tireur du cinéma français, Yves Robert : le cinéma entre copains, Gérard Jugnot, une vie de comédies, Pierre Jolivet, un réalisateur libre et de Belmondo ou le goût du risque a depuis septembre 2022 pris les rênes de cette anthologie consacrée au cinéma français des années 1970, disponible chez Studiocanal. Sont d’ores et déjà sortis, Dites-lui que je l’aime de Claude Miller, Armagedon d’Alain Jessua, Calmos de Betrand Blier, Défense de savoir de Nadine Trintignant, Je sais rien mais je dirai tout de Pierre Richard, Je t’aime moi non plus de Serge Gainsbourg, Les galettes de Pont Aven de Joel Seria, La vieille fille de Jean-Pierre Blanc, L’Ordinateur des pompes funèbres de Gérard Pirès et Traitement de choc d’Alain Jessua. Grâce à l’éditeur, nous avons eu la possibilité de mettre la main sur Le Grand bazar de Claude Zidi et Ils sont grands ces petits de Joël Santoni. Chaque titre se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, glissée dans un surétui cartonné. Seul gros bémol, les visuels (par ailleurs repris sur le menu principal, fixe et muet) qui ne sont absolument pas à la hauteur, et qui s’avèrent même de très mauvais goût. Dommage de ne pas avoir pensé à proposer une jaquette réversible reprenant le visuel des affiches d’exploitations originales. Le « spéléologue », surnom que nous avons toujours donné à Jérôme Wybon, apparaît dans les suppléments pour présenter chaque film, ainsi que les suppléments d’archives qu’il a pu retrouver dans ses précieuses recherches. À noter que Le Grand bazar est le premier long-métrage avec les Charlots à bénéficier d’une édition HD. Les prochains titres – annoncés pour le 14 juin – qui intégreront la collection sont La Cage de Pierre Granier-Deferre, Le Secret de Robert Enrico et Ursule et Grelu de Serge Korber.
Jérôme Wybon nous présente donc Le Grand bazar (4’), en donnant des indications sur les collaborations entre Claude Zidi et les Charlots (ici leur troisième et avant-dernière), sur les coscénaristes, les thèmes du film (les petits commerces face à la grande distribution, le marché du travail) en précisant que « Claude Zidi s’est toujours défendu de faire un film à message », sur le casting et le triomphe commercial.
Le premier trésor déniché par Jérôme Wybon est un reportage réalisé sur le tournage du Grand bazar (4’). Un par un, puis réunis par la suite, les Charlots s’expriment (évidemment avec humour et non-sens) sur l’histoire du film et sur le travail avec Claude Zidi, tandis que ce dernier, qui n’a jamais vraiment aimé parler de son boulot, refuse le côté dit « engagé » de son récit et préfère évoquer avant tout l’humour de son long-métrage.
En plus de la bande-annonce, parfois composée de prises alternatives, nous trouvons aussi un bêtisier (1’50), en réalité un montage étonnant de prises ratées, dévoilant parfois la difficulté de créer un gag visuel, comme les lunettes d’Émile (Michel Galabru) plongeant dans le verre géant en face de lui.
L’Image et le son
Une restauration étincelante, des contrastes d’une densité remarquable, une copie très propre et lumineuse. Les détails étonnent par leur précision, les gros plans impressionnent, les couleurs bigarrées retrouvent un éclat inespéré (la boutique rénovée d’Émile), le relief des séquences diurnes est inédit et le piqué demeure acéré. La texture argentique est elle aussi préservée et solidement gérée. Un lifting impressionnant !
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches (gros travail sur les bruitages) et les silences denses, sans aucun souffle. La géniale composition des Charlots jouit également d’un très bel écrin. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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