LE CANTIQUE DES CANTIQUES (The Song of Songs) réalisé par Rouben Mamoulian, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 7 février 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Marlene Dietrich, Brian Aherne, Lionel Atwill, Alison Skipworth, Hardie Albright, Helen Freeman…
Scénario : Leo Birinsky, Samuel Hoffenstein d’après le roman de de Hermann Sudermann
Photographie : Victor Milner
Musique : Karl Hajos, Herman Hand, Bernhard Kaun, Milan Roder
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1933
LE FILM
Une jeune paysanne orpheline, Lily, part vivre à Berlin chez sa tante, une libraire au tempérament bien trempé. Rapidement, elle fait la connaissance de Richard, un séduisant sculpteur dont l’atelier se trouve en face de la librairie. Charmé par les formes de la jeune femme, il lui propose de poser pour lui.
Le Cantique des cantiques – Song of songs, également connu sous un autre titre français, Cantique d’amour, est le premier film que Marlene Dietrich tourne avec un autre réalisateur que Josef von Sternberg depuis son arrivée et son triomphe aux Etats-Unis. Ce mélodrame est mis en scène par Rouben Mamoulian (1897-1987), cinéaste et producteur géorgien, d’origine arménienne. Eclectique, il commence sa carrière à la fin des années 1920 avec Applause, puis enchaîne quasiment un film par an jusqu’à la fin des années 1930. Rouben Mamoulian n’a que quatre films à son actif, dont la comédie musicale Aimez-moi ce soir avec Maurice Chevalier et surtout le film d’épouvante Docteur Jekyll et M. Hyde avec Fredric March dans le(s) rôle(s) titre(s), quand il se voit confier Le Cantique des cantiques. Marlene Dietrich connaît son premier revers avec Vénus Blonde, qui n’a pas convaincu la critique et encore moins les spectateurs. On lui propose alors une nouvelle adaptation – la troisième, après deux transpositions en 1918 et 1924 – du roman Das Hohelied (1908) de Hermann Sudermann (L’Aurore) et de la pièce de théâtre d’Edward Sheldon qui en a découlé. D’abord très réticente, tout comme Rouben Mamoulian qui détestait l’histoire originale, la comédienne accepte finalement le rôle de Lily, une jeune paysanne qui vient de perdre son père.
Lily quitte la campagne afin d’être recueillie par sa tante, Madame Rasmussen, libraire à Berlin, une femme autoritaire, rigide et légèrement portée sur l’alcool. De la fenêtre de sa chambre, Lily aperçoit un atelier de sculpteur qui la fascine. Un jour, Richard le sculpteur entre dans la librairie et semble captivé par le corps de Lily, il la persuade de venir poser pour elle. Elle accepte après avoir hésité et déjoue la surveillance de sa tante pour se rendre chez Richard qui la convainc de se déshabiller pour prendre la pose. Bientôt une très belle sculpture prend forme et les deux jeunes gens entament une idylle. Survient alors le vieux Baron von Merzbach, mécène de Richard et colonel des hussards, qui tombe en admiration devant la statue et de son modèle. Il demande à être présenté à Lily. Très vite, le Baron souhaite littéralement « s’emparer » de la jeune femme.
Manifeste féministe et critique de la femme-objet, Le Cantique des cantiques apparaît tout d’abord léger dans le ton adopté et dans l’interprétation de Marlene Dietrich, qui en fait même un peu trop dans le rôle de l’ingénue. Son personnage candide, qui n’a jamais quitté son foyer, est obligée de rejoindre la grande ville. Innocente, elle ne sait pas qu’elle risque de devenir l’objet de toutes les convoitises, même si elle dissimule son corps sous 9 jupons. Mais sa vieille tante, délaissée par ses propres enfants et qui souhaite la traiter comme sa fille, la rappelle à l’ordre et l’avertit que ses formes peuvent rendre les hommes fous. C’est alors qu’un sculpteur, Richard Waldow (Brian Aherne) rentre dans sa vie et tombe sous le charme de Lily, ou plutôt de son corps qu’il souhaite immédiatement reproduire pour une sculpture qu’un Baron (Lionel Atwill, génialement abject) lui a commandée. Lors d’une visite, ce dernier tombe lui aussi amoureux de Lily, ou plutôt de sa reproduction. Le Cantique des cantiques dresse alors le portrait d’une femme convoitée pour son corps et non pour ce qu’elle est.
Lily, rêvant du grand amour absolu, passionnée et espérant que l’homme qui l’aimera pour son âme apparaîtra un jour devant elle, se retrouve entre deux hommes. Le premier a d’abord aimé son corps avant de tomber amoureux d’elle, le second demeure fasciné par l’oeuvre d’art inspirée par le corps de Lily et jette son dévolu sur la jeune femme. Le Baron rappelle d’ailleurs à Richard que quand il souhaite acquérir quelque chose, il finit toujours par l’obtenir d’une façon ou d’une autre. Devant se résoudre à laisser partir Lily, Richard lui laisse un mot et l’informe qu’il la quitte, ne pouvant lui offrir la vie qu’elle mérite d’avoir. Cela laisse le chemin libre pour le Baron, qui épouse rapidement Lily et en fait très vite sa « chose » en lui faisant apprendre le piano et le français, mais aussi en la violant la nuit de noces en la faisant boire. Lily devient son « singe savant » qu’il exhibe avec fierté devant ses invités.
Remarquable plaidoyer pour la condition des femmes et le droit à disposer d’elles-mêmes, Le Cantique des cantiques est un film élégamment mis en scène, comprenant quelques scènes d’un érotisme rare et osé pour un film de 1933. C’est le cas du sculpteur qui caresse de façon très suggestive sa statue en regardant le corps nu de son modèle. Juste avant l’instauration du tristement célèbre Code Hays, Marlene Dietrich apparaît ici très dénudée. On comprend au final ce qui a séduit la comédienne dans cette histoire prônant l’indépendance des femmes.
LE BLU-RAY
Disponible en DVD chez Universal depuis 2005 sous le titre Cantique d’amour, Le Cantique des cantiques atterrit dans l’escarcelle d’Elephant Films, en combo Blu-ray-DVD qui plus est ! Le titre intègre l’impressionnante et sublime collection Cinéma MasterClass de l’éditeur. Le test de l’édition HD a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Dans un premier temps, le journaliste et critique de cinéma Xavier Leherpeur propose un portrait de Marlene Dietrich (12’30). Visiblement fasciné par la comédienne – qui ne le serait pas – l’intéressé évoque les grandes étapes de sa carrière avec ce qu’il faut de propos dithyrambiques. Certes, Xavier Leherpeur est passionné par son sujet, mais il se contente essentiellement de dresser une liste de ses films les plus célèbres, ceux tournés avec Josef von Sternberg (L’Ange bleu en Allemagne, les autres aux Etats-Unis) et les artistes qui se sont inspirés du mythe Dietrich (Lauren Bacall, Rita Hayworth…Madonna), tout en évoquant brièvement le caractère farouche, indépendant et sexuel de la comédienne qui en a fait l’un des premiers modèles du mouvement féministe. Un portrait simple, pour ne pas dire simpliste, anecdotique, même si sympathique.
En revanche, la présentation du film par le même Xavier Leherpeur (13’) manque singulièrement d’intérêt. Le journaliste et critique de cinéma ne fait que paraphraser ce qui se déroule dans le film en indiquant ici et là une petite information anecdotique, en indiquant qu’il trouve la scène « formidable », sans jamais revenir une seule fois sur les conditions de tournage ou sur le fait que ni Rouben Mamoulian ni Marlene Dietrich ne voulaient au départ faire le film. En introduction, un panneau indique que des éléments de certaines scènes clés sont dévoilés. En réalité il n’y a que cela, le tout entrecoupé d’extraits beaucoup trop longs du film.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
Le master HD au format 1080p du Cantique des cantiques n’est pas aussi convaincant que celui de Vénus Blonde. Cette édition pourtant restaurée contient encore quelques points, griffures, rayures et poussières, surtout durant le générique en ouverture, avec diverses instabilités. Signalons que ces défauts tendent à s’amenuiser au fil du visionnage. Si le N&B retrouve une certaine fermeté, une clarté plaisante et une densité indéniable, le piqué et la gestion du grain restent aléatoires. Au début du film, Rouben Mamoulian use de certains stockshots qui n’ont évidemment pas été restaurés comme le reste du film et se voient donc comme le nez au milieu de la figure. Des fondus enchaînés décrochent, un bruit vidéo est notable mais aidé par un encodage solide, un effet de pompage peut agacer sur les scènes sombres, tandis que d’autres sortent du lot et se révèlent particulièrement belles – la superbe photo diffuse est signée Victor Milner (Haute pègre, L’odyssée du docteur Wassell) – détaillées et dignes du support Blu-ray made in Elephant. La copie est proposée dans son format 1.33 respecté.
La bande-son semble avoir été restaurée également car peu de craquements sont à déplorer. Les dialogues, tout comme la musique, demeurent propres et distincts sur cette piste unique DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Certains échanges sont peut-être plus étouffés que d’autres, un petit souffle est audible du début à la fin, mais le confort acoustique est appréciable. Précisons que le spectateur devra actionner lui-même les sous-titres français en début de film et que la dernière réplique n’a pas été traduite !
Crédits images : © Elephant Films / Universal / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr