
L’ATTAQUE DES FOURGONS BLINDÉS (Money Movers) réalisé par Bruce Beresford, disponible en Blu-ray le 30 juillet 2025 chez Badlands.
Acteurs : Terence Donovan, Tony Bonner, Ed Devereaux, Charles ‘Bud’ Tingwell, Candy Raymond, Jeanie Drynan, Bryan Brown, Alan Cassell…
Scénario : Bruce Beresford, d’après le roman de Devon Minchin
Photographie : Donald McAlpine
Durée : 1h34
Date de sortie initiale : 1978
LE FILM
Un fourgon blindé des services de sécurité Darcy transportant le salaire de centaines d’employés est intercepté par des hommes armés. Ils s’emparent du butin, mais ils sont bientôt tous abattus par Dino, tueur à gages qui travaille pour le compte de Henderson, chef de gang.

Essentiellement connu pour Miss Daisy et son chauffeur – Driving Miss Daisy (1989), drame au succès planétaire ayant récolté au passage quatre Oscars, dont ceux de la Meilleure actrice pour Jessica Tandy et du Meilleur film, le réalisateur australien Bruce Beresford (né en 1940) a pourtant eu une sacrée carrière avant ce hit. Il fait ses armes en 1972 derrière la caméra avec The Adventures of Barry McKenzie, comédie à succès qui entraîne immédiatement une suite, Barry McKenzie Holds His Own. Il continue son bonhomme de chemin, signe quasiment un film par an, est sélectionné au Festival de Berlin (pour Don’s Party), quand il décide de se lancer dans le polar, genre alors rare, pour ne pas dire inédit dans le cinéma australien. Adapté du roman éponyme de Devon Minchin, L’Attaque des fourgons blindés – Money Movers sera donc un film de casse, tiré de faits réels, quand bien même un panneau en introduction indique que les personnages dépeints sont fictifs et sans ressemblance avec toute personne existante. Une ambiguïté déjà amusante, d’autant plus que l’auteur du livre était lui-même le fondateur des Metropolitan Security Services en 1954, devenue l’une des plus grandes sociétés de sécurité privées du pays. L’Attaque des fourgons blindés est une sacrée découverte et prouvera aux détracteurs de Bruce Beresford qu’il est tout sauf un cinéaste pantouflard à l’image d’un Taylor Hackford. Deux avant l’exceptionnel Héros ou Salopards – Breaker Morant, le metteur en scène et scénariste se plaçait dans la droite lignée de Sam Peckinpah et de William Friedkin avec ce polar complètement dingue, prenant, immersif (on se croirait presque dans un documentaire, impression renforcée par l’utilisation de la caméra portée), incroyablement violent (le dernier acte est considéré à juste titre comme ce qui s’est fait de plus violent dans le cinéma australien des années 1970), magistralement réalisé et interprété par toute une ribambelle de comédiens venus de la petite lucarne. Complexe et dense, anxiogène et pessimiste, L’Attaque des fourgons blindés, qui ne sera distribué en France qu’en 1986, saura ravir les amateurs du genre et mérite amplement d’être réhabilité.


Un camion blindé de paie appartenant aux services de sécurité de Darcy est braqué. Le conducteur, l’ancien policier Dick Martin, est retiré des véhicules blindés et affecté à des patrouilles de nuit. Les braqueurs sont trahis par le chef du crime Jack Henderson, dont l’homme de main, Dino, abat tous les braqueurs. Lionel Darcy, directeur de l’entreprise, soupçonne un braquage majeur, mais ignore que tous les coupables sont des employés de l’entreprise. Il demande à son ancien employé Mindel Seagers d’enquêter sur Leo Bassett, un nouveau venu dans l’entreprise. Jack Henderson découvre qu’un braquage est planifié par Eric Jackson, ancien pilote de speedway et superviseur principal chez Darcy, son frère Brian Jackson, également agent de sécurité chez Darcy comme chauffeur de camion blindé, et Ed Gallagher, le superviseur du bureau de comptabilité de Darcy. Lorsque Eric Jackson fait irruption dans l’appartement de Bassett, les hommes d’Henderson le kidnappent et le torturent pour l’obliger à travailler pour eux.


Il y a beaucoup de personnages dans L’Attaque des fourgons blindés, ce qui peut tout d’abord donné du fil à retordre pour non seulement retenir qui est qui, mais aussi pour comprendre qui est relié à qui. Parmi la distribution, un visage surgit, celui du génial Bryan Brown, ici dans une de ses premières apparitions à l’écran, avant que celui-ci ne devienne célèbre avec la série Les oiseaux se cachent pour mourir – The Thorn Birds (1983) et soit appelé à Hollywood pour F/X, effet de choc de Robert Mandel, Cocktail de Roger Donaldson et Gorilles dans la brume – Gorillas in the Mist: The Story of Dian Fossey de Michael Apted. Ses partenaires, moins célèbres, voire inconnus en France, sont alors des célébrités issues de la télévision, Terence Donovan (que l’on reverra aussi dans Héros ou salopards), Tony Bonner et Ed Devereaux (Skippy le kangourou), Charles ‘Bud’ Tingwell (les Miss Marple avec Margaret Rutherford), Jeanie Drynan (que l’on reverra dans Muriel de P.J. Hogan), Alan Cassell (Harlequin). Ils sont tous formidables dans L’Attaque des fourgons blindés et solidement dirigés par Bruce Beresford, qui peut aussi compter un montage sec et nerveux imputable au talentueux William M. Anderson (Green Card, Razorback, The Truman Show, 1492 : Christophe Colomb), qui plante instantanément le décor, le quotidien des petites mains, des convoyeurs, des responsables, tous plus moins cyniques, dépassés par les événements, peu fréquentables aussi.


Après avoir réalisé The Getting of Wisdom, Bruce Beresford signe un contrat avec la South Australian Film Corporation (SAFC) pour réaliser trois films. Il jette son dévolu sur un sujet radicalement différent et écrit un scénario intitulé The Ferryman. Cependant, la SAFC ne lui donne pas le feu vert et lui propose plusieurs autres projets. C’est là que Bruce Beresford découvre le roman de Devon Minchin, qui lui permet tout de même d’aborder un autre genre. Sombre comme un roman de Richard Stark (aka Donald Westlake), L’Attaque des fourgons blindés a été tourné en six semaines seulement au premier trimestre 1978, à Sydney et à Adélaïde. Les moyens mis à sa disposition sont honnêtes, mais le réalisateur doit redoubler d’inventivité pour quelques séquences spectaculaires. À l’arrivée, Money Movers est un échec cuisant au box-office, le film ne remboursant même pas son budget initial sur le sol australien.


En (re)découvrant L’Attaque des fourgons blindés aujourd’hui, on peut sans doute plus apprécier l’enchevêtrement des intrigues et des protagonistes qu’à l’époque. La mise en scène de Bruce Beresford est aussi immédiatement remarquable et ne laisse pas un moment de répit au spectateur, qui se laisse embarquer dans ce thriller brutal, dont l’issue s’avère particulièrement sanglante, même si la scène dont on se souvient le plus est celle où Eric se fait couper le petit orteil, passage sur lequel reposait d’ailleurs beaucoup la promotion du film. La séquence du braquage qui tourne mal restera elle aussi dans les mémoires.


Il est difficile de résumer L’Attaque des fourgons blindés, tant les personnages et leurs motivations sont multiples. Mais le constat est indéniable, on reste sous tension du début à la fin face à ce western urbain (qui mine de rien inspirera Michael Mann et évidemment Le Convoyeur de Nicolas Boukhrief), captivé par la réalisation de Bruce Beresford et la force du casting composé de gueules inoubliables. À ranger précieusement aux côtés des Flics ne dorment pas la nuit – The New Centurions de Richard Fleischer.


LE BLU-RAY
2022 avait été une année faste pour les sorties des films de Bruce Beresford en Haute-Définition avec Aria (film collectif édité par LCJ Editions & Productions), Tendre bonheur (chez Studiocanal) et Héros ou salopards (édité par Rimini). 2025, Badlands se mêle à la partie et propose l’oeuvre uppercut du réalisateur en Blu-ray., inédit dans les bacs depuis la VHS sortie chez Delta Vidéo. Le disque, sobrement sérigraphié, repose dans un élégant boîtier Scanavo, glissé dans un solide fourreau cartonné au visuel soigné, arborant le logo « 1kult la collection ». Le menu principal est fixe et musical. À noter que l’éditeur a opté pour le titre français L’Attaque des fourgons blindés, repris de l’édition Delta Vidéo Diffusion.

L’interactivité de ce Blu-ray se compose déjà de deux interventions de Malvin Zed (spécialiste du cinéma australien, auteur de Mad Max, ultraviolence dans le cinéma), la première centrée sur la carrière de Bruce Beresford (29’30), la seconde sur le film qui nous intéresse (34’). N’hésitez pas à enchaîner ces deux bonus, tout aussi intéressants, denses, complets, passionnants, documentés avec l’aide d’images principalement tirées de bandes-annonces. Vous saurez tout sur le parcours, pour le moins atypique, du réalisateur (« un des instigateurs de la Nouvelle vague du cinéma australien, mais aussi un paria »), ses premiers longs-métrages et leur accueil public, ainsi que critique (qui l’accusait souvent de sexisme, d’homophobie et de misogynie), jusqu’à L’Attaque des fourgons blindés, tandis que le reste de sa filmographie est ensuite évalué plus rapidement ou même oublié en ce qui concerne ses films hollywoodiens. Tout cela nous mène à Money Movers, qui apparaît à la fin de la Nouvelle vague susmentionnée, « un film très particulier et curieux […] qui embrasse un genre qui n’existe pas encore en Australie, le film de braquage et policier ». La seconde partie de cette interview se focalise entièrement sur L’Attaque des fourgons blindés à savoir l’adaptation du roman de Devon Minchin, le casting, l’équipe technique, la bataille avec la censure, la critique mitigée, l’échec commercial grave à sa sortie (et ce malgré une grosse promo, quelque peu à côté de la plaque)…Puis, Melvin Zed réalise sa propre analyse du film, dissèque cet « objet de cinéma curieux, passionnant, fascinant, encore plus complexe que le roman original dont il est tiré ». Le fond et la forme sont intelligemment abordés et réhabilitent comme il se doit Money Movers.

Badlands a réussi à reprendre le documentaire rétrospectif réalisé en 2004 (37’), proposé sur le DVD de 2004, puis sur le Blu-ray Umbrella Entertainment de 2022, composé d’interviews de Bryan Brown, Bruce Beresford, Terence Donovan, Tony Bonner et Candy Raymond. Tous revenant sur L’Attaque des fourgons blindés, sans aucune langue de bois. Certains acteurs y vont de leur avis négatif sur un partenaire, le réalisateur déclare que son film est sûrement largement sous-estimé, même s’il avoue qu’il ne l’aime pas du tout, trouvant même le final exagérément violent et sanglant. Les anecdotes de tournage s’enchaînent, le film est bien replacé dans son contexte cinématographique australien, l’accueil glacial commenté.






L’interactivité se clôt sur un lot de trois bandes-annonces de L’Attaque des fourgons blindés (dont la française pour la VHS Delta Vidéo, avec quelques inserts français), ainsi que des bandes-annonces de films disponibles chez Badlands.



L’Image et le son
Autant le dire d’emblée, c’est superbe, et ce dès le prologue et le générique qui affichent une stabilité et une propreté jamais démenties. Ce master HD, au format 1080p (AVC) trouve rapidement un équilibre fort convenable et offre un nouveau lot de détails que nous n’attendions pas. Le piqué est ferme, les couleurs ravivées et chatoyantes, les contrastes fermes et les noirs denses. Le grain original est évidemment présent et excellemment géré. Resplendissante restauration 4K provenant des australiens de chez Umbrella Entertainment.

La version originale est disponible avec deux options possibles : une écoute frontale riche et dynamique en 2.0, ou alors une spatialisation concrète et un bon confort acoustique en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans tous les cas, l’écoute demeure ardente, fait une large place aux dialogues. Les effets latéraux et ambiances naturelles pointent habilement le bout de leur nez. Présence de la version française, qui s’accompagne d’un léger bruit de fond, mais qui s’avère on ne peut plus sympathique.


Crédits images : © Badlands / Umbrella Entertainment / Captures Blu-ray: Franck Brissard pour Homepopcorn.fr