LA MORT VOUS VA SI BIEN (Death Becomes Her) réalisé par Martin Provost, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez ESC Editions
Acteurs : Meryl Streep, Bruce Willis, Goldie Hawn, Isabella Rossellini, Ian Ogilvy, Adam Storke, Nancy Fish…
Scénario : Martin Donovan, David Koepp
Photographie : Dean Cundey
Musique : Alan Silvestri
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1992
LE FILM
Depuis des années, Madeline, une actrice médiocre, vole les amants de son amie Helen, écrivain. Un soir, cette dernière se rend au spectacle de son amie, accompagnée de son fiancé Ernest, séduisant chirurgien esthétique. Une fois de plus, l’actrice joue de ses charmes et finit par épouser Ernest. Helen sombre dans la dépression et devient obèse, vouant une haine secrète envers son ancienne amie. Quatorze années plus tard, Madeline essaye désespérément de lutter contre l’inévitable vieillissement de son corps. Elle a totalement anéanti Ernest, devenu alcoolique et qui en est réduit à voir sa femme parader avec ses jeunes amants. C’est alors que Helen entre alors en scène, plus sublime que jamais et venue pour reprendre son dû.
« Où avez-vous mis ma femme ?
Elle est morte monsieur, on l’a emmené à la morgue !
La morgue ?! Elle va être furieuse ! »
Souvent sous-estimé, La Mort vous va si bien – Death Becomes Her est pourtant une œuvre centrale dans l’immense filmographie de Robert Zemeckis. Sorti sur les écrans en 1992, cette comédie-fantastique et fantastique comédie par ailleurs, est un film somme qui résume tout ce que le cinéaste avait abordé jusqu’alors et qui prépare ses prochains opus. Drôle, mais également sombre et parfois proche des films d’épouvante des studios Universal qui fleurissaient dans les années 1930-40 (plus particulièrement Frankenstein), le huitième long métrage de Robert Zemeckis mérite amplement d’être reconsidéré et n’a souvent rien à envier aux autres films plus prestigieux de son auteur.
Madeline Ashton, chanteuse sur le déclin, se désespère de vieillir. Son succès ne se résume plus qu’au nombre de ses conquêtes masculines, qu’elle a le don de ravir à sa meilleure amie, Helen. C’est ainsi que Madeline épouse Ernest Menville, un chirurgien esthétique qu’Helen venait juste de lui présenter. La malheureuse ne s’en remet pas, cède à la boulimie et prend un terrible embonpoint. Pourtant, quelques années plus tard, Madeline retrouve Helen plus éblouissante que jamais. Folle de rage, la chanteuse accepte l’offre de Lisle, une étrange créature, mi-esthéticienne, mi-sorcière, qui lui vend un remède miracle supposé lui procurer une jeunesse éternelle. Les ennuis ne font que commencer. Réalisé entre Retour vers le futur 3 (1990) et Forrest Gump (1994), La Mort vous va si bien réunit la quête d’un trésor comme celle d’A la poursuite du diamant vert (ici la fontaine de jouvence), la course contre le temps de la trilogie Retour vers le futur (ici le vieillissement), et l’opposition de l’homme et de la créature (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?). Toujours au top de la technologie, Robert Zemeckis use de l’émergence des images de synthèse, qui ont participé au triomphe international de Terminator 2 – Le Jugement dernier l’année précédente, tout en ayant recours aux effets spéciaux traditionnels et plus particulièrement aux animatroniques.
Film de transition, La Mort vous va si bien se situe à une période charnière du cinéma, y compris pour le réalisateur qui fait comme qui dirait ses adieux au divertissement made in Amblin avec Steven Spielberg à la barre (ses quatre derniers films), avant d’entamer une nouvelle partie de sa carrière avec des films plus adultes qui regroupent Forrest Gump, Contact, Apparences et Seul au monde. La Mort vous va si bien est incontestablement un film à redécouvrir. On s’amuse avant tout devant le jeu survolté de son trio star. Déjantées, Meryl Streep et Goldie Hawn s’en donnent à coeur joie devant la caméra toujours inspirée et virtuose de Robert Zemeckis puisque le cinéaste traite leurs personnages comme des cartoons live (ou dead c’est selon) – grâce aux fabuleux effets visuels mis à sa disposition – sans cesse en représentation, qui vivent dans un monde de chimères et régit par ce que leur renvoie leur reflet dans le miroir. S’ils ne bénéficient sans doute pas de la même fluidité que les images de synthèse d’aujourd’hui, les effets (Oscar et BAFTA des meilleurs effets visuels en 1993) du cou tordu de Meryl Streep et du trou dans l’abdomen de Goldie Hawn demeurent fort corrects et le film ne fait pas son quart de siècle.
Entre Le Dernier Samaritain de Tony Scott et Piège en eaux troubles de Rowdy Herrington, Bruce Willis trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Emouvant, pathétique et même tragique, le personnage d’Ernest est le plus beau de La Mort vous va si bien, celui par qui la rédemption arrive, qui donne encore confiance en l’être humain en refusant le pacte faustien que lui propose la pourtant affriolante Lisle Von Rhoman (Isabella Rossellini). Death Becomes Her est certes une comédie jubilatoire (avec un formidable caméo de Sydney Pollack en toubib dépassé par les événements), marquée par des dialogues vachards et hilarants brillamment écrits par Martin Donovan et David Koepp, mais également une critique noire, cruelle et acide sur le culte du glamour, de la jeunesse éternelle et de la recherche de la postérité. L’industrie hollywoodienne passe à la casserole et on y croise au passage James Dean et Jim Morrison, jeunes pour l’éternité.
Du point de vue technique, Robert Zemeckis ne cesse d’innover et enchaîne les morceaux de bravoure. Ses plans-séquences sophistiqués sont d’une beauté ahurissante et soutenus par la photographie élégante du chef opérateur Dean Cundey, habituellement complice de John Carpenter, tandis que la musique d’Alan Silvestri est comme d’habitude en parfaite osmose avec le travail du cinéaste.
Cette relecture du Portrait de Dorian Gray croisée avec Boulevard du crépuscule – Sunset Boulevard de Billy Wilder, où Norma Desmond aurait trouvé le secret pour contrer les affres du temps est donc bien plus qu’un film anecdotique comme la critique l’avait qualifié à sa sortie et ce malgré un succès honnête dans les salles. 25 ans après, La Mort vous va si bien peut enfin être reconnu à sa juste valeur.
LE BLU-RAY
Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. La jaquette reprend le célèbre visuel de l’affiche française. Le menu principal est quant à lui animé sur la musique d’Alan Silvestri.
Plus d’une heure de suppléments, voilà qui fait plaisir pour remettre en avant La Mort vous va si bien. ESC Editions a donc vu les choses en grand et nous propose de passionnants entretiens.
On commence par la présentation croisée des journalistes Jacky Goldberg et Vincent Ostria (21’) dans le segment intitulé Robert Zemeckis, ce film vous va si bien. Si l’intervention du second s’avère anecdotique et manque d’entrain, celle du premier mérite vraiment l’attention du spectateur. Jacky Goldberg présente tout d’abord les débuts de Robert Zemeckis, pris sous l’aile de Steven Spielberg, à l’instar de ses confrères Joe Dante, Chris Columbus et Barry Levinson. Considéré comme « le bon élève », contrairement à Joe Dante qui serait plutôt le « fils rebelle », Robert Zemeckis arrive à un tournant de sa carrière avec La Mort vous va si bien. Jacky Goldberg évoque l’intelligence du casting (avec Bruce Willis et Meryl Streep qui « n’ont pas d’âge »), croise habilement le fond et la forme du film qui nous intéresse, dissèque la dualité humanité/monstruosité (thème récurrent chez le cinéaste) et démontre que La Mort vous va si bien n’a rien du film mineur dans la carrière de Robert Zemeckis. Dans la dernière partie de ce module, Jacky Goldberg évoque la réception du film et met judicieusement en parallèle certains films du cinéaste avec ceux de James Cameron. En effet, leurs œuvres se sont souvent répondues dans le sens où les deux réalisateurs ont toujours été à la pointe de la technologie et ont su utiliser les nouveaux outils mis à leur disposition en matière d’effets spéciaux pour raconter leurs histoires, à l’instar de la motion-capture.
Nous retrouvons Jacky Goldberg dans un second supplément où il est cette fois seul en piste, Bruce Willis, itinéraire d’un héros ordinaire (22’). A travers une brillante analyse, le journaliste croise divers films et donc différents personnages interprétés par Bruce Willis au cours de sa carrière, et démontre que son merveilleux contre-emploi dans La Mort vous va si bien n’est finalement pas si singulier. Après une rapide présentation des débuts de la carrière du comédien, Jacky Goldberg en vient à la nouvelle figure du héros créée par Bruce Willis dans Piège de cristal. Moins indestructible en apparence que Sylvester Stallone et qu’Arnold Schwarzenegger, Bruce Willis compose des héros qui n’ont pas choisi de l’être, ce qui renforce l’empathie des spectateurs et ainsi une meilleure identification. Habitué des comédies, chez Blake Edwards et dans la série Clair de lune, l’acteur devient une star du film d’action à l’âge de 33 ans. Dans la seconde partie, Jacky Goldberg se penche sur la nature quasi-incassable et immortelle du corps de Bruce Willis à l’écran, dont le point d’orgue demeure le film de M. Night Shyamalan, Incassable. Un corps qui prend en charge l’humour dans le registre de la comédie, mais qui est blessé, égratigné, mais qui résiste, qui encaisse les coups et qui finalement ne peut mourir (ou presque) dans les films d’action. Enfin, Jacky Goldberg évoque les dernières étapes dans la carrière de Bruce Willis, en disant que « lé héros ironique est devenu cynique », presque anachronique dans le monde du cinéma contemporain. Le journaliste sauve Clones et Looper, avant de parler brièvement des catastrophiques années 2010 où l’acteur enchaîne les productions bas de gamme sortant directement en DVD, en espérant un prochain sursaut dans la suite d’Incassable.
A l’occasion de cette sortie en Haute-Définition, les responsables des effets spéciaux mécaniques Alec Gillis et Tom Woodruff Jr., qui comptent à leur actif des films comme Cocoon, Aliens – le retour, Alien 3, Terminator, Wolf et bien d’autres classiques, reviennent sur leur collaboration avec Robert Zemeckis sur La Mort vous va si bien (21’). Les deux amis et confrères évoquent leur arrivée sur le projet, avec pour mission de créer des versions robotiques de Meryl Streep et de Goldie Hawn. La Mort vous va si bien se situe à une période charnière dans le domaine des effets visuels, entre Terminator 2 – Le Jugement dernier et Abyss, mais avant Jurassic Park. Si La Mort vous va si bien bénéficie d’images de synthèse, le film repose encore sur de nombreux animatroniques. Alec Gillis et Tom Woodruff Jr. reviennent en détails sur la création du cou tordu, du trou dans l’abdomen, de la réalisation de la séquence de l’escalier et donnent même le secret de la poitrine redressée de Meryl Streep…réalisée en un tour de main.
L’interactivité se clôt sur un module précieux (3’) constitué d’une rapide présentation d’Alec Gillis et Tom Woodruff Jr et d’images d’archives montrant la création des effets mécaniques dans les ateliers des effets spéciaux.
Seul très léger bémol : il est dommage de ne pas retrouver le making of d’époque de 9 minutes présent sur le DVD Universal.
L’Image et le son
Jusqu’à présent, La Mort vous va si bien n’avait pas été gâté avec seulement une petite édition en DVD disponible depuis 2000 et quasiment dépourvue de suppléments. Le nouveau master Haute Définition proposé ici par ESC Editions remplit son contrat et offre à La Mort vous va si bien…une cure de jouvence. Ce lifting (!) sied notamment aux couleurs de la photo élégante du grand chef opérateur Dean Cundey à qui l’on doit les images mythiques d’Halloween – la nuit des masques, Fog, New York 1997, The Thing, la trilogie Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, bref un remarquable C.V. La restauration est de haut niveau, aucune scorie n’a survécu, les contrastes ont été revus à la hausse. En dehors de deux ou trois séquences sombres et du générique d’ouverture au bruit vidéo certain, la gestion du grain est solide. Si le teint des comédiens tire parfois sur le rosé, cela a toujours été le cas. Les séquences aux effets spéciaux numériques détonnent quelque peu, mais dans l’ensemble la copie est équilibrée et l’apport HD plus que probant.
Point de remixage à l’horizon comme cela avait tout d’abord été annoncé, les pistes anglaise et française sont présentées en DTS-HD Master Audio 2.0. et instaurent toutes deux un très large et semblable confort acoustique. La musique d’Alan Silvestri, à redécouvrir absolument, bénéficie d’une large ouverture des canaux, le doublage français est brillant, les effets annexes riches et le report des voix dynamique. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
Enfin en haute définition ! Et comme je le pressentais grosse déception…je ne suis pas aussi enthousiaste que vous car s’agissant de ma comédie fantastique préférée, j’aurais espéré une édition digne du film mais… déjà ESC??? Universal a jeté l’éponge depuis un moment, ils considèrent ce film comme un de tiroir !
Par rapport au désastreux DVD il y a un fossé c’est sûr ! Mais on aura semble t’il
Petit bug, suite : on aura semble t’il jamais droit à la version longue longtemps fantasmée dont certaines scènes inédites étaient présentes dans la BA de l’époque !
Concernant les bonus un effort -étrange!- a été fait car ils sont plutôt sympa même s’il manque la featurette d’époque et quelques interviews !
Mais le gros point noir de l’édition est le son en 2.0…en 2017 sérieux? La musique et l’ambiance sonore sont très importantes dans ce film! Inadmissible.
Bref ce n’est pas avec cette édition fainéante que ce chef d’œuvre très sous-estimé va retrouver une « seconde jeunesse » ». Las.