LA HORSE réalisé par Pierre Granier-Deferre, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 14 octobre 2019 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Jean Gabin, Danièle Ajoret, Michel Barbey, Christian Barbier, Pierre Dux, Armando Francioli, Julien Guiomar, Eléonore Hirt, Félix Marten, Orlane Paquin, Marc Porel, André Weber…
Scénario : Pierre Granier-Deferre, Pascal Jardin d’après le roman de Michel Lambesc
Photographie : Walter Wottitz
Musique : Serge Gainsbourg
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1970
LE FILM
Auguste Maroilleur, propriétaire terrien en Normandie, règne en véritable patriarche sur sa ferme de 400 hectares. Il y vit avec ses deux filles, ses deux gendres, et leurs enfants. Il découvre un jour que son petit-fils Henri se sert d’une des cabanes du domaine pour y cacher la drogue de son trafic. Auguste décide alors de détruire la « horse ». Les représailles des truands avec lesquels traitaient Henri vont être terribles.
« D’une manière générale, c’est moi qui réponds pour tout le monde… »
Régnant sur le cinéma français depuis les années 1930, Jean Gabin entre de manière fracassante dans les années 1970 avec La Horse, thriller de Pierre Granier-Deferre (1927-2007), grâce auquel le comédien entame la toute dernière partie de sa carrière, avant de s’éteindre en 1976 à l’âge de 72 ans. Conspué par la critique, mais acclamé dans les salles par plus de deux millions de spectateurs, La Horse s’apparente à un vigilante en bottes à caoutchouc dans lequel « le vieux » trouve un rôle à sa (dé)mesure, qui n’hésite pas à prendre la pétoire pour défendre ses terres et surtout sa famille, face à des trafiquants de drogue. Œuvre resserrée et dépouillée qui n’excède pas 80 minutes, La Horse, adaptation du roman de Michel Lambesc, reste un formidable film dramatique d’action sur l’auto-justice, étonnamment moderne et violent (la séquence des vaches est toujours aussi pénible à regarder), pour lequel Serge Gainsbourg signe une mythique partition.
Face au port du Havre, près des marais de la Baie de Seine, Auguste, un riche fermier farouchement attaché aux traditions patriarcales, supporte mal qu’Henri, son petit-fils, ait abandonné ses études pour travailler comme barman sur un bateau. En allant à la chasse, Auguste découvre un paquet suspect dans sa cabane d’affût. Intrigué, il l’ouvre et constate avec stupeur qu’il contient de la drogue. Grâce aux truands venus récupérer le colis, il apprend qu’Henri est lui aussi impliqué dans ce trafic. Auguste décide de tirer lui-même cette affaire au clair. Une lutte âpre et sans merci s’engage alors entre le gang et Auguste. Celui-ci commence par enfermer son petit-fils dans sa cave, puis détruit la drogue et abat un truand…
Qui d’autre que Jean Gabin aurait pu incarner ce patriarche misanthrope et solitaire, qui n’hésite pas à appliquer la seule loi qu’il connaisse, la sienne, pour protéger ses proches ? Dans cette ferme isolée, Auguste dirige d’une main de fer sa famille et son exploitation. Il peut notamment compter sur l’aide de Bien-Phu (excellent André Weber), ainsi surnommé du fait d’être un vétéran de la guerre d’Indochine, revenu du front avec une blessure à la jambe et de nombreux traumatismes. C’est lui qui découvre le fameux paquet remplit de horse, de l’héroïne en argot, que le petit-fils d’Auguste, Henri (le magnétique Marc Porel), fait passer en douce. Plus tard, dans la ferme, et devant le regard impuissant d’Henri, Auguste détruit l’héroïne sans hésitation. Le gang réagit immédiatement en détruisant un hangar, en tuant du bétail et en violant sa petite fille. Auguste n’est pas homme à plier face aux intimidations. Il fait tout pour faire comprendre à sa famille qu’elle doit garder son calme, ne pas céder aux pressions, ni aux menaces de représailles, et renoncer à faire appel aux gendarmes. La guerre est engagée.
Après Le Pacha, Le Tatoué, Sous le signe du taureau et Le Clan des Siciliens, Jean Gabin, toujours impérial, revient à la terre, au monde paysan. Pierre Granier-Deferre, ancien assistant de Marcel Carné, Jean-Paul le Chanois et Denys de La Patellière, qui a fait ses débuts derrière la caméra au début des années 1960, semble vouloir immortaliser à sa manière et à son tour l’icône du cinéma français. Bien que formidable, le dialogue – écrit par Pascal Jardin et le réalisateur- est limité dans La Horse. Le comédien est mis en valeur dès sa première apparition. Chaque plan, chaque cadre paraît savamment étudié pour faire du personnage d’Auguste un héros que rien ni personne ne peut faire tomber. Pierre Granier-Deferre filme Jean Gabin droit dans ses bottes, dans ses champs nappés de brouillard, face aux truands, fumant sa cigarette la nuit, devant un verre de calvados. Visage filmé en gros plan, perdu dans des volutes de fumée. Ravis de cette expérience, l’acteur et le cinéaste enchaîneront directement avec Le Chat, percutante adaptation du roman éponyme de Georges Simenon. Toutefois, le metteur en scène ne laisse pas ses autres comédiens sur le carreau et leur donne également l’occasion de briller comme Marc Porel (Le Clan des Siciliens), les indispensables sbires Henri Attal et Dominique Zardi, la jolie Danièle Ajoret ici victime des deux truands mentionnés précédemment dans une scène aussi osée que rare à l’écran dans le cinéma français d’alors. Sans oublier le grand Julien Guiomar en commissaire chargé d’enquêter sur le règlement de comptes peu catholique qui s’est déroulé « sur la route qui mène à la ferme » des Maroilleur, ainsi que Pierre Dux, parfait en juge d’instruction, dont la scène d’interrogatoire final reste un grand moment.
Rétrospectivement, La Horse, véritable western rural, apparaît comme étant le dernier baroud d’honneur de Jean Gabin vu qu’il ne tournera plus que sept longs métrages, dont Le Tueur (1972) de Denys de La Patellière, dans lequel le comédien affronte Fabio Testi. Mais nous en parlerons très bientôt. En attendant, le plan final de La Horse est inscrit dans toutes les mémoires, avec ce zoom sur le dos et la nuque de Jean Gabin, tandis que la note de Serge Gainsbourg reste suspendue, jusqu’à l’écran noir. Magistral.
LE MEDIABOOK
Revoilà nos amis de chez Coin de Mire Cinéma ! Cette troisième vague de six films va cette fois encore nous permettre de (re)découvrir plusieurs classiques du cinéma français dans les meilleures conditions possibles. Les titres qui rejoignent la collection La Séance sont : Le Baron de l’Ecluse de Jean Delannoy, Les Bonnes causes de Christian-Jaque, La Horse de Pierre Granier-Deferre, Le Tueur de Denys de La Patellière, Ce sacré grand-père de Jacques Poitrenaud et Le Bateau d’Emile de Denys de La Patellière. Comme les précédents titres Coin de Mire Cinéma, les coffrets Digibook Prestige (format 142 x 194 mm) sont numérotés et limités à 3.000 exemplaires, comprennent un Blu-ray et un DVD avec inclus un livret 24 pages cousu au boîtier, reproduisant en fac similé des archives sur le film (matériel publicitaire et promotionnel), la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Rappelons que chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet (sur le site de l’éditeur notamment) et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par Bruno Terrier, rue Dante à Paris. Le menu principal du Blu-ray est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.
L’édition de La Horse contient les actualités Gaumont de la 8e semaine de l’année 1970 : les championnats du monde de saut à ski, Jean-Paul Belmondo et Ursula Andress qui se rendent au vernissage d’une exposition du père de l’acteur, l’inauguration de la station de La Défense sur la ligne 1, les travaux et avancées concernant la transplantation cardiaque, ainsi qu’un retour sur les différents voyages présidentiels français à travers le monde. Enfin, ne manquez pas le mini-reportage réalisé dans les studios de cinéma d’Almeria en Espagne ! (10’).
Enchaînez avec les réclames de l’année 1970 avec une publicité pour Pimlico, Total, Taillefine, Gibbs, la Renault 6 (avec Claude Piéplu et Daniel Prévost), les collants Dim, Vedette, le papier carbone Armor et bien d’autres (7’).
La bande-annonce de La Horse et celles des cinq autres titres de la collection éditée le 15 octobre 2019 sont également disponibles.
L’Image et le son
Le film de Pierre Granier-Deferre avait déjà connu deux éditions en DVD en 2006 et 2017 chez M6 Vidéo. La Horse réapparaît aujourd’hui en Blu-ray, dans une nouvelle restauration HD réalisée à partir du négatif original par SNC – Groupe M6 avec la participation du CNC. L’élévation HD proprement dire offre à La Horse une nouvelle cure de jouvence, aucune scorie n’est à déplorer (ou alors quelques points noirs et blancs), le grain cinéma est restitué et les contrastes trouvent une nouvelle densité. L’encodage AVC consolide l’ensemble, les textures sont flatteuses, le piqué est renforcé et rend hommage aux nombreux gros plans sur la tronche de Gabin. Signalons tout de même une colorimétrie parfois fanée (mais d’origine), certains plans sensiblement plus altérés (le générique entre autres), ainsi qu’une profondeur de champ limitée.
La musique de Serge Gainsbourg donne le ton. La bande-son a été restaurée de fond en comble, et le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 s’en donne à coeur joie. Les dialogues n’ont jamais été aussi intelligibles et les effets annexes jouissent d’un coffre inédit. Aucun souffle constaté. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / La Horse, réalisé par Pierre Granier-Deferre »