LA COLOMBE BLANCHE (Holubice) réalisé par Frantisek Vlácil, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 4 février 2025 chez Artus Films.
Acteurs : Katerina Irmanovová, Karel Smyczek, Vjaceslav Irmanov, Gustav Püttjer, Hans-Peter Reinecke, Frantisek Kovárík, Ladislav Fialka, Jirí Patocka…
Scénario : Frantisek Vlácil & Otakar Kirchner
Photographie : Jan Curík
Musique : Zdenek Liska
Durée : 1h07
Date de sortie initiale : 1960
LE FILM
Au nord de la Belgique, un lâcher de pigeons voyageurs est organisé. Au même moment, sur les bords de la mer Baltique, la petite Susanne attend le retour de sa colombe blanche. Mais l’oiseau a été dérouté par une tempête et se retrouve à Prague, se reposant sur un toit. Un jeune garçon infirme, Michal, tire l’oiseau à la carabine. Pris de regrets, il l’emmène au peintre Martin qui va tenter de le soigner. La guérison de l’oiseau ira de pair avec celle de Michal, tandis que Susanne, ne le voyant pas revenir, se met à dépérir.
Les présentations avec le réalisateur tchèque František Vláčil (1924-1999) ayant déjà été faites lors des sorties en HD de Marketa Lazarova et La Vallée des abeilles, nous voilà débarrassés du superflu on va pouvoir aborder l’essentiel (petit hommage à Bertrand Blier en passant). Holubice – La Colombe blanche est le premier long-métrage du cinéaste, avec lequel celui-ci pose les bases de son univers pictural. Magistralement photographié en N&B par Jan Curik, ce superbe objet de cinéma d’une durée resserrée de 65 minutes est une invitation au rêve, au fantasme, au voyage, à l’imaginaire. D’entrée de jeu, la composition du cadre laisse pantois et le lâcher de pigeons voyageurs réalisé entre Charleroi, Liège, Mons et Valenciennes n’est qu’un bref aperçu de la beauté hypnotique du film. Évidemment, si La Colombe blanche demeure avant tout conseillée aux cinéphiles les plus pointus, les autres pourront se laisser porter par le magnétisme d’une mise en scène fabuleuse.
Ancien étudiant ayant fréquenté l’École des arts appliqués de Prague, František Vláčil en vient au cinéma dans un second temps, en signant tout d’abord des scénarios pour des films d’animation, puis en s’emparant de la caméra dans le cadre de courts-métrages réalisés pour le compte de l’armée tchèque. C’est d’ailleurs là que la collaboration démarre entre le réalisateur et le directeur de la photographie, qui ne cesseront d’expérimenter sur l’image tout au long de leurs diverses associations. La Colombe blanche est une magnifique porte d’entrée vers le cinéma, la sensibilité et l’oeil de František Vláčil, dans lequel transparaissent déjà des motifs plastiques qui deviendront récurrents dans la trilogie dite historique composée du Piège du diable, Marketa Lazarova et La Vallée des abeilles. Nous ne sommes pas ici dans le milieu féodal tchèque du milieu du XIIIè siècle, mais bel et bien au début des années 1960, époque contemporaine à laquelle le cinéaste n’a pas souvent été rattaché. On pense à un chaînon manquant entre Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni, pour ses personnages filmés sur un fond clair et sur lequel transparaissent leurs émotions, ainsi que leurs déambulations dans quelques décors urbains symétriques et froids. Pacifiste, František Vláčil use de la colombe comme d’un symbole qui réunit les peuples à travers le monde, où deux enfants séparés par plus de mille kilomètres vont pourtant profiter de ce lien tissé par cet oiseau, qui a dérivé lors de son voyage. Le montage expérimental joue avec la chronologie des événements, le cinéaste faisant confiance aux spectateurs pour reconstituer le puzzle et replacer les scènes dans l’ordre.
Merveille visuelle, La Colombe blanche est cependant inracontable et des spectateurs risquent d’être laissés sur le bas-côté. Mais ceux qui embarqueront pour cet incroyable voyage sensoriel ne seront pas déçus en tentant évidemment de découvrir où František Vláčil souhaite en venir, mais aussi en analysant chaque scène, une leçon de cinéma en permanence, puisque toute la grammaire du septième art est composée devant nos yeux ébahis. Si en France la distribution restera totalement inconnue, les plus physionomistes reconnaîtront Frantisek Kovárík, que le metteur en scène dirigera aussi dans Le Piège du diable, sur lequel nous reviendrons prochainement.
En l’état, La Colombe blanche est un poème imprimé sur pellicule, où l’émotion surgit sans qu’on s’y attende, qui parlera personnellement au public selon le vécu de chacun et qui saura même éveiller la curiosité des amateurs de fantastique. La cerise sur le gâteau provient de la composition de Zdenek Liska (L’Incinérateur de cadavres, Le Miroir aux alouettes, Le Trésor de l’île aux oiseaux) qui donne aux images un aspect boîte à musique, une ritournelle entêtante et sur laquelle La Colombe blanche repose aussi beaucoup, le film étant quasiment dépourvu de dialogues. C’est grâce à celui-ci que František Vláčil va pouvoir se consacrer à des œuvres plus personnelles, qui resteront ses plus reconnues et emblématiques, louées par la critique et conseillées par tous les amateurs ès septième art.
LE BLU-RAY
Un an et demi après avoir édité Marketa Lazarova et La Vallée des abeilles, Artus Films revient au réalisateur František Vláčil, en éditant ses deux premiers longs-métrages, La Colombe blanche (1960) et Le Piège du diable (1962). Les deux disques du Combo Blu-ray + DVD de La Colombe blanche reposent dans un Digipack à deux volets, glissé dans un superbe fourreau cartonné. Le menu principal est fixe et musical.
Aux côtés d’un Diaporama d’affiches et de photos, Artus propose une présentation en vidéo par Christian Lucas (26’). Ce spécialiste en la matière, avait déjà passé en revue l’intégralité de l’oeuvre de František Vláčil à travers un livre disponible dans l’édition de Marketa Lazarova. Christian Lucas était donc la personne qu’il fallait pour nous présenter La Colombe blanche, tâche dont il s’acquitte comme d’habitude royalement. Celui-ci replace le film qui nous intéresse aujourd’hui dans la carrière du réalisateur, explore la genèse du long-métrage (une œuvre de commande qui était déjà passée par moult mains avant d’atterrir dans celles de František Vláčil), ses faux-départs (on évoque même une coproduction française, qui ne verra jamais le jour). Les conditions et les lieux de tournage sont évoqués, ainsi que le casting, l’accueil critique (La Colombe blanche sera primée à la Mostra, tandis que le plombant Jean Douchet le qualifiait de mauvais). Dans la dernière partie son intervention, Christian Lucas donne son avis (forcément positif) sur La Colombe blanche, dont il analyse quelques scènes et partis-pris.
L’Image et le son
La restauration numérique de La Colombe blanche s’avère très impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seuls petits bémols, divers points et quelques griffures demeurent constatables, ainsi que des rayures verticales et des raccords de montage.
Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage tchèque, pas même un souffle parasite sur les nombreux silences. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets.
Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr