LA CLASSE DE NEIGE réalisé par Claude Miller, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 23 mai 2018 chez LCJ Editions
Acteurs : Clément Van Den Bergh, Lokman Nalcakan, François Roy, Yves Verhoeven, Emmanuelle Bercot, Tina Sportolaro, Yves Jacques, Chantal Banlier…
Scénario : Claude Miller, Emmanuel Carrère d’après le roman de ce dernier
Photographie : Guillaume Schiffman
Musique : Henri Texier
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 1998
LE FILM
Nicolas est un enfant grave, fragile et perturbé, qui vit dans son monde intérieur, peuplé de fantasmes terrifiants. Son père l’accompagne lui-même sur les lieux de la classe de neige où il rejoint ses camarades de classe. Malgré l’attention de Mademoiselle Grimm, sa maîtresse, Nicolas reste isolé, retiré dans son monde d’hallucinations morbides. Il sympathise avec Hodkann, un enfant turbulent, qu’il entraîne dans sa dérive mentale en lui racontant des histoires terribles. Au chalet, Nicolas, tombé malade, est choyé par le moniteur Patrick et par sa maîtresse. Pour Nicolas et Hodkann, la réalité se révèle plus éprouvante que ses fantasmes les plus cruels.
L’un des thèmes récurrents de l’oeuvre du cinéaste Claude Miller (1942-2012) est l’enfance. Dans tous ses états. Ou le passage à l’âge adulte, la fin de l’innocence, cet instant de révolte où l’être est en guerre contre le reste du monde. Ou tout simplement celui de l’enfance perturbée et mise à mal en raison d’un facteur extérieur. Le roman d’Emmanuel Carrère, La Classe de neige, publié en 1995 et Prix Fémina, ne pouvait pas laisser le réalisateur indifférent.
Ce dernier s’associe avec l’écrivain lui-même afin d’adapter ce roman insolite et percutant, qui traite de la psyché perturbée de Nicolas un jeune garçon de dix ans solitaire, craintif, anxieux, plus petit que son âge et qui fait tout pour ne pas se faire remarquer. Il a un petit frère et un foyer apparemment sans histoires, mais les déséquilibres de son père rejaillissent sur lui. Sa classe part en séjour de neige, mais, obsédé par l’accident de car de Beaune survenu en 1982 et qui avait fait 53 morts dont 46 enfants et adolescents, son père préfère l’amener avec sa voiture au chalet où se déroulera la classe de neige. Le père ne semble pas être très équilibré, persuadé de ne pas être aimé par son fils et trop exigeant avec lui, ne sachant pas le mettre en confiance et l’effrayant avec des histoires de rapt et de trafic d’organes. Nicolas est de son côté traumatisé par la peur de faire pipi au lit et de surcroît, il oublie sa valise dans la voiture de son père, cela n’arrangeant pas son intégration dans la vie collective. Il est sujet à des cauchemars et des hallucinations. La disparition tragique d’un enfant du village conforte ses affabulations et il est entraîné dans des délires morbides. Hodkann, un garçon turbulent et revêche, son meilleur et seul ami, et Patrick l’animateur, essayent de comprendre ses angoisses. Finalement la réalité rattrapera la fiction d’une façon tragique.
A plus de 50 ans, Claude Miller expérimente et renouvelle son cinéma, tout en préservant les thèmes qui lui sont chers. Les histoires terrifiantes que Nicolas imagine endormi ou éveillé, permettent au cinéaste d’essayer de nouvelles formes d’expression, utilisant même la musique jazzy d’Henri Texier pour créer un décalage inquiétant. Ces fantasmes, cette peur et même cette folie reflètent la violence à laquelle Nicolas a été soumis. Claude Miller livre quelques séquences brutales et anxiogènes, à l’instar de la tuerie dans le chalet, tout droit sortie de l’imagination de Nicolas, mais particulièrement sèches et impressionnantes, inattendues et frontales, quand les enfants tombent un à un sous le feu nourri des assassins. Le cinéaste brouille les pistes et n’a pas peur de perdre quelques spectateurs en route, qui pourraient être décontenancés par le ton adopté et la quasi-absence de rebondissements.
La Classe de neige déroule son récit lentement, mais agrippe le spectateur par une tension dissimulée et palpable, dans l’environnement rassurant et chaud d’un chalet, alors que le froid glacial et la neige étincelante (très belle photo de Guillaume Schiffman) s’emparent des paysages à l’extérieur. Le personnage principal, Nicolas, est excellemment interprété par Clément Van Den Bergh, 13 ans au moment du tournage, dont le regard perdu et la maturité de jeu laissent pantois. Emmanuel Carrère transpose son propre roman et cela se ressent. Celles et ceux qui auront lu La Classe de neige avant de voir le film, retrouveront cette sensation cotonneuse et cette atmosphère hypnotique qui émanaient de chaque page, tandis que les autres, qui auraient été transportés par cette histoire morbide, mais néanmoins poétique, voudront à coup sûr mettre des mots sur l’exploration psychologique et intimiste de cet enfant. N’oublions pas de citer également la prestation des trois adultes du film, Emmanuelle Bercot, déjà intense et à fleur de peau, François Roy, le père inquiétant (euphémisme) de Nicolas, et Yves Verhoeven, échappé du cinéma de Claude Chabrol, très attachant dans le rôle de l’animateur.
Pour La Classe de neige, Claude Miller obtient le Prix du Jury au Festival de Cannes en 1998. Malgré la critique positive et la récompense sur la Croisette, le film connaît un échec retentissant dans les salles à sa sortie en septembre de la même année et ne parvient même pas à dépasser la barre des 100.000 entrées. Depuis, La Classe de neige a acquis une plus large notoriété grâce à ses diffusions à la télévision, y compris à l’étranger (le film étant très prisé en Italie) et aux divers hommages rendus lors de la disparition du réalisateur. Aujourd’hui, ce long métrage déroutant est également défendu par moult cinéphiles. Ce n’est que justice rendue.
LE BLU-RAY
Il aura fallu attendre vingt ans pour bénéficier de La Classe de neige en DVD ! La bonne nouvelle, c’est que le film de Claude Miller est également disponible en Haute-Définition ! Merci LCJ Editions ! La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est animé sur la musique d’Henri Texier.
L’éditeur joint trois petits modules d’archives, réalisés à l’occasion de la sortie de La Classe de neige au cinéma. Claude Miller est présent dans les trois segments (2’, 5’ et 4’40), répond aux questions des journalistes et se voit accompagné d’Emmanuel Carrère dans le dernier.
L’Image et le son
Nous avons devant les yeux une superbe version restaurée 4K de La Classe de neige, réalisée par les Laboratoires Eclair. L’image est souvent resplendissante, fidèle aux partis pris esthétiques originaux. Guillaume Schiffman capte les variations de la lumière du soleil, l’atmosphère inquiétante au coucher du soleil, le relief des paysages. Un peu comme une boule à neige que l’on secoue pour admirer les flocons qui tombent délicatement sur le décor. Les contrastes ne manquent pas de concision, surtout sur les scènes sombres où les noirs impressionnent, malgré quelques baisses de régime sur certains plans, mais rien de bien alarmant. Le léger grain est flatteur, la colorimétrie est douce, la clarté toujours appréciable. La propreté est également indéniable, tout comme la stabilité, et les détails sont éloquents aux quatre coins du cadre.
Le spectateur a le choix entre les pistes 5.1 et 2.0. Notre préférence va évidemment pour la première qui instaure un confort acoustique plus plaisant, une spatialisation musicale un peu chiche mais présente et des effets latéraux, certes peu foisonnants, qui savent néanmoins rester appréciables. Le caisson de basses a peu d’occasions de briller, certaines ambiances parviennent à percer, la balance frontale toujours dynamique et équilibrée, et le report des voix solide. Une piste Audiodescription pour aveugles et malvoyants, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.