Test Blu-ray / Jouer avec le feu, réalisé par Delphine et Muriel Coulin

JOUER AVEC LE FEU réalisé par Delphine & Muriel Coulin, disponible en DVD & Blu-ray le 22 mai 2025 chez Ad Vitam.

Acteurs : Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon, Sophie Guillemin, Édouard Sulpice, Arnaud Rebotini, Maëlle Poesy…

Scénario : Delphine et Muriel Coulin, d’après le roman Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin

Photographie : Frédéric Noirhomme

Durée : 1h58

Date de sortie initiale : 2025

LE FILM

Pierre éduque seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…

On est heureux de revoir les sœurs Coulin, Muriel, l’aînée, et Delphine, réalisatrices de 17 filles (2011) et de Voir du pays (2016), qui depuis avaient signé un documentaire, Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie, peintre allemande qui, entre 1940 et 1942, a peint plus de 1300 tableaux mêlant peinture, textes et musiques, avant de disparaître à Auschwitz à 26 ans. Elles reviennent à la fiction avec Jouer avec le feu, adaptation du roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, publié en 2020, qui se penche sur la cellule familiale qui implose quand l’un des fils se met à fréquenter un groupe de jeunes ultras d’extrême-droite. Avec ce troisième long-métrage, Muriel et Delphine Coulin s’inscrivent définitivement dans le cercle des grandes réalisatrices de ces quinze dernières années. Jouer avec le feu impose une fois de plus un univers qui leur est propre, personnel, engagé, fiévreux, qui fait vibrer le spectateur à travers un sujet d’actualité, de société, en trouvant là encore ce parfait équilibre entre film d’auteur et divertissement populaire. Immense réussite.

Villerupt, de nos jours. Pierre, veuf, au métier fatiguant, tente d’élever au moins ses deux fils. Alors que Louis, le plus jeune des deux, s’apprête à rentrer à Science Po à la Sorbonne à Paris, Pierre aperçoit son frère Fus, l’aîné, qu’il emmène au football, avec une bande aux crânes rasés. Il apprend de plus que celui-ci a été aperçu avec ce groupe d’extrême-droite, alors qu’ils arrachaient des affiches. Cherchant à comprendre, il regarde sur internet, découvrant un profil de réseau social de Fus qui ne laisse aucun doute sur ses fréquentations…

On a beau se dire chaque fois qu’on le voit partout, peut-être trop, on reste systématiquement bluffé par Vincent Lindon, qui nous cueille encore – comme Jean Gabin, dont il est sans doute aujourd’hui le grand successeur, à son époque – dans ce rôle de cheminot caténairiste, qui a perdu son épouse et tente d’élever ses deux fils du mieux qu’il peut. Mais c’était sans compter sur la radicalisation de Fus, son fils de 22 ans, en manque de repères, peinant à s’épanouir dans son BUT en métallurgie et n’ayant pas réussi à faire le deuil de sa mère, trouve « refuge » auprès d’un groupe d’extrême-droite qui sévit dans la région. Pierre va malgré tout et contre tout tenter de le ramener à la raison, quitte à fragiliser l’unité familiale. Sélectionné au Festival de Venise, Jouer avec feu a valu à Vincent Lindon le Prix du Meilleur acteur (la fameuse coupe Vopi), le Prix de la Jeunesse, Leoncino d’Oro ayant également été attribué au film des sœurs Coulin.

L’amour est-il forcément inconditionnel ? Si l’un de mes proches commettait le pire, pourrais-je continuer à l’aimer ? Ce sont ces deux questions qui animaient les deux cinéastes, qui cherchaient à parler de la famille, tout en questionnant la montée de l’extrême-droite en France et dans d’autres pays européens. Jouer avec le feu interroge sur le fameux point de non-retour. Une fois celui-ci franchi, l’amour peut-il subsister ? Doit-on ou peut-on accepter le pire quand on aime ? Bloc de granit dont on a souvent oublié les nombreuses fêlures et donc son extrême sensibilité, Vincent Lindon s’impose dès le premier plan, non seulement comme cheminot officiant de nuit, mais aussi comme père très attentionné envers ses deux fils, d’un âge rapproché, mais que tout semble opposé.

L’aîné, Fus, est interprété par le brillant Benjamin Voisin, qui depuis sa révélation dans Été 85 de François Ozon n’a eu de cesse d’épater, d’estomaquer même dans Illusions perdues de Xavier Giannoli et Les Âmes sœurs d’André Téchiné, prouvant encore qu’il a l’étoffe d’un très grand et qui crève l’écran là aussi. Le second, Louis, est quant à lui campé par Stefan Crepon, vu dans Le Sel des larmes de Philippe Garrel, Peter von Kant de François Ozon (pour lequel il obtiendra une nomination pour le César du meilleur espoir masculin), ainsi que dans les séries Le Bureau des légendes et Lupin. On croit d’emblée à cette famille, dont l’absence de la mère et épouse, décédée suite à une maladie, se fait ressentir à chaque plan. Pierre, seul élément restant du noyau parental, se consacre entièrement à ses fils quand il n’est pas sur les rails, mais cela n’a pas empêché Fus de s’acoquiner avec l’extrême-droite, qu’il avait toujours combattu avec son propre père. Quand ce point de bascule a-t-il eu lieu ? À la disparition de sa femme et donc de la mère de Fus et Louis sans doute.

Jouer avec le feu échappe aux sempiternels pièges dans lesquels tombe un certain cinéma français dit « engagé », qui souvent s’évertue à marteler un discours tout fait où tout est forcément noir ou blanc. Ici, les sœurs Coulin plongent dans les zones grises, où Pierre essaye de comprendre pourquoi celui à qu’il a donné la vie s’avère d’un coup diamétralement opposé à ses idées, à tel point que les deux en viennent presque à s’affronter physiquement dans une scène tendue comme un arc.

Sans aucun misérabiliste, ni effets ostentatoires (point de pamphlet ici), mais avec une pudeur qui prend aux tripes, Jouer avec le feu joue avec les genres, drame, thriller et même film de procès au cours d’un dernier acte inattendu qui apparaît après un fondu en noir qui symbolise une ellipse de temps. On ressort lessivé de ce film magnifique, intense, le plus beau des sœurs Coulin, d’ores et déjà l’un des plus beaux de l’année 2025.

LE BLU-RAY

Après 17 filles et Voir du pays, tous les deux disponibles en DVD chez Diaphana, le dernier film des sœurs Coulin arrive en édition Standard et en Blu-ray chez Ad Vitam. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint la bande-annonce et le dossier de presse (en version ROM). L’autre supplément en vidéo est une interview des sœurs Coulin (21’). Muriel et Delphine reviennent sur la genèse de Jouer avec le feu, avec lequel elles voulaient parler de la famille, ainsi que de la situation politique française qui les inquiétait de plus en plus, trouvant la démocratie de plus en plus en danger. C’est alors qu’elles ont découvert le roman de Laurent Petitmangin intitulé Ce qu’il faut de vie. Le casting (elles ont écrit pour Vincent Lindon après leur avoir donné son accord), le décor de la maison, les partis-pris esthétiques, leur méthode de travail, les récompenses à la Mostra de Venise sont aussi les sujets abordés.

L’Image et le son

Bravo à Ad Vitam qui livre un magnifique Blu-ray de Jouer avec le feu, qui permet aux spectateurs de revoir ce formidable drame dans les plus belles conditions techniques. La palette chromatique est vive dès le début, la luminosité est aveuglante, le piqué constamment acéré et les contrastes denses. La copie demeure immaculée, le cadre est superbe. Un transfert full HD qui en met plein les yeux.

Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 offre un excellent confort acoustique en mettant à l’avant la musique. Rien à redire sur la spatialisation, les ambiances naturelles sont constamment présentes et les dialogues solidement plantés sur la centrale. Présence également d’une piste Stéréo, d’une autre en Audiodescription ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Felicita – Curiosa Films – France 3 Cinema / Ad Vitam / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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