
IL GIOVEDI réalisé par Dino Risi, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 16 septembre 2025 chez Tamasa Distribution.
Acteurs : Walter Chiari, Michèle Mercier, Roberto Ciccolini, Umberto D’Orsi, Alice Kessler, Ellen Kessler, Emma Baron, Carole Walker…
Scénario : Dino Risi, Franco Castellano & Giuseppe Moccia
Photographie : Alfio Contini
Musique : Armando Trovajoli
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Dino Versini, un parasite vivant aux crochets de sa dulcinée, voit sa vie changer après une journée passée avec son fils. Fruit d’un précédent mariage, le charmant bambin de 8 ans n’a pas vu son père depuis plusieurs années. Découvrant les joies de la paternité, le bellâtre décide enfin de s’assumer…

Dino Risi (1916-2008). Quand on évoque le maître italien, le cinéphile est soudain pris de l’envie d’énumérer les « capolavori » qui ont souvent marqué le parcours des amoureux du septième art. Quand il entreprend Il Giovedi, ou « Le Jeudi » en version française, même si le film n’est pas sorti dans l’Hexagone avant les années 2010, le réalisateur sort tout juste du triomphe international du Fanfaron – Il Sorpasso, mais il a aussi déjà derrière-lui la trilogie dite optimiste (Pauvres mais beaux, Beaux mais pauvres, Pauvres millionnaires), L’Homme aux cent visages – Il Mattatore, Le Veuf – Il Vedovo, Une Vie difficile – Une vita difficile et bien d’autres. Mais Le Fanfaron va comme qui dirait changer la donne. Dino Risi enchaîne avec l’un de ses opus les plus méconnus et pourtant l’un de ses plus personnels avec Il Giovedi. Juste avant Les Monstres – I Mostri, qui allait alors le propulser au firmament et lui assurer la postérité, le cinéaste se livre comme rarement dans cette chronique, où un quadra immature devient enfin un homme et un père après avoir passé quelques heures avec son fils de huit ans, qu’il ne connaît pour ainsi dire pas. Au-delà de l’insouciance, cette ode à la légèreté ne peut aussi dissimuler une gravité, une mélancolie, une tristesse, qui ont toujours, ou tout du moins très souvent imprégné les histoires de Dino Risi. D’ailleurs, si Il Giovedi demeure une comédie solaire, la plus belle scène du film reste ce gros câlin silencieux entre Dino et Roberto, devant lequel les larmes du spectateur viennent brouiller le regard. Chef d’oeuvre calfeutré entre deux des plus gros monuments de la carrière du maestro, Il Giovedi est une merveille que l’on redécouvre sans cesse.


Dino, très en retard, est réveillé par son amie Elsa. Ce jeudi, il passe la journée avec son fils, Robertino, qu’il n’a pas vu depuis des années. Chômeur séparé de sa riche épouse, Dino saisit l’occasion pour briller aux yeux de l’enfant, en se faisant passer pour ce qu’il n’est pas. Tout d’abord, il parlemente longuement chez un ami garagiste, avant que ce dernier ne lui confie une belle voiture américaine, dont il ignore le fonctionnement. Arrivé à l’hôtel, où sont descendus son ex-épouse, son fils et la nurse, Dino est impressionné par le garçon de huit ans, érudit et bien élevé, qui l’accueille avec une poignée de main en guise de bonjour. Après l’achat d’un Meccano au magasin de jouets, de fortes émotions et rigolades dans les manèges du Luna Park, la gêne de Robertino lorsque Dino est moqué par les gamins du terrain vague, ou encore la plage où l’enfant navré observe son baratin de coureur de jupons, alors même qu’Elsa venue après son travail finit par quitter avec fracas, la journée est riche en tensions autant qu’en rapprochements.


Aujourd’hui je t’ai beaucoup menti. Énormément. Sur tout.
Mais Dino, qui s’appelle comme le réalisateur, ceci n’est pas un hasard, continue d’apprendre et donc à faire des erreurs. Cela arrive quand il ouvre le journal intime de Robertino. Le garçon qui avait baissé sa garde se vexe. Mais finalement, il s’agissait d’un passage obligé, car le père et le fils n’ont de cesse de se rapprocher encore plus, portés par le véhicule filant contre le vent. De retour en ville, ils abandonnent définitivement la Ford en panne et vont chez la mère de Dino. L’heure est à la séparation, mais rien ne sera plus comme avant. Chacun s’est dévoilé à l’autre, il est désormais temps de s’aimer pour de bon et pour de vrai. La vie est une fête et Dino, qui sait que son existence ne sera plus jamais la même, s’en va en jetant les pétards, en pensant sans doute aux autres jeudis qu’il pourra partager avec Robertino.


Walter Chiari (1924-1991) est extraordinaire dans ce rôle alors très convoité, y compris par un certain Ugo Tognazzi, qui collabore ici pour la seule et unique fois de sa carrière avec Dino Risi. Acteur polyvalent et qui s’exportait, de La Conquête du bout du monde – They’re a Weird Mob de Michael Powell à Cosa Nostra de Terence Young, en passant par Le Corniaud de Gérard Oury, Zig Zig de László Szabó, Falstaff d’Orson Welles, Bellissima de Luchino Visconti, Les Surprises de l’amour de Luigi Comencini, Walter Chiari trouve l’un de ses plus beaux rôles dans Il Giovedi. Grand enfant, et ce dès sa première apparition où Dino, qui ne souhaite pas se lever, se plaint comme un gamin qu’on finit par tirer de force de son lit. Le personnage est d’emblée installé, l’enfant du récit n’est pas celui qu’on croit. Le petit bonhomme est quant à lui interprété par le jeune Roberto Ciccolini, qui n’apparaîtra que dans un seul autre film (La Scoperta d’Elio Piccon), renversant de naturel et qui tient la dragée haute à son partenaire. La sublime Michèle Mercier est elle aussi de la partie. Juste avant d’exploser avec le premier épisode d’Angélique, Marquise des Anges, la comédienne tourne beaucoup en Italie, chez Domenico Paolella, Luigi Zampa, Mario Bava (Les Trois Visages de la peur), Mario Monicelli et donc Dino Risi, avec lequel elle collaborera aussi sur Les Monstres.


Il suffira d’une seule journée pour que Dino et Roberto s’apprivoisent en ce jeudi estival, comme si le temps s’était arrêté et leur appartenait. Dino fera oublier momentanément à son fils son éducation stricte, laissera progressivement tomber le masque du type vantard, mythomane et séducteur qu’il a toujours arboré, pour enfin exprimer ses sentiments.


Il Giovedi est un road-movie intimiste dans les rues de Rome, avec quelques échappées sur la plage où tout le monde profite de la vie, avant que le boom économique, alors en plein essor, ne cloisonne définitivement les classes sociales. Le sous-texte « risien » dans toute sa splendeur, optimiste, mais réaliste.

LE COMBO BLU-RAY + DVD
Tamasa Distribution reprend petit à petit les grands et mêmes petits classiques du cinéma italien, précédemment proposés par M6 vidéo il y a près de vingt ans dans la collection Les Maîtres Italiens SND. Tamasa présente un Combo Blu-ray + DVD, deux galettes plantées dans un Digipack à deux volets, arborant les couleurs éclatantes de cette anthologie. Le menu principal est fixe et musical.

Outre la bande-annonce originale, l’éditeur donne cette fois encore la parole à l’excellente Aurore Renaut (31’). Mine de rien, les suppléments réalisés par cette dernière et mis bout à bout, forment une véritable masterclass consacrée à la comédie italienne. Il Giovedi, qui n’avait pas connu de sortie dans les salles françaises en 1963, est encore aujourd’hui considéré comme un opus mineur dans la carrière prolifique de Dino Risi. Aurore Renaut explique pourquoi cette affirmation est fausse, le film étant surtout considéré comme un sous-Fanfaron, avec lequel il partage effectivement de nombreux points communs. Aurore Renaut revient aussi sur le fait que Il Giovedi était l’un des films préférés de Dino Risi (« un de ses plus intimes, comme un film secret »), aborde le casting et dissèque les thèmes avec une passion toujours aussi contagieuse.

L’Image et le son
Le master semble identique à celui édité par M6 Vidéo en 2007. Quelques couacs demeurent et ce dès le générique qui comporte de légers troubles et un grain un peu hasardeux. Par la suite, l’image trouve son équilibre et le lifting prend enfin tout son sens. La définition ne déçoit pas, le transfert est solide, l’image est nette. Notons tout de même de légers décrochages sur les fondus enchaînés, qui s’accompagnent aussi de tremblements et de déséquilibres des contrastes.

La piste italienne mono d’origine (la seule disponible, le film n’ayant jamais été doublé en français) a été restaurée et le résultat est plus que probant. Celle-ci surprend par l’absence totale de saturation, de souffle ou de quelconque autre parasite sonore majeur. Si le film repose avant tout sur les dialogues et la confrontation entre un père et son fils, ceux-ci se montrent tout du long très actifs. La musique n’est pas en reste et assure une belle présence sur les avants.



Crédits images : © Tamasa / SND (Groupe M6) / Compass MovieTime / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr