Test Blu-ray / Honneur et gloire, réalisé par Hynek Bocan

HONNEUR ET GLOIRE (Cest a sláva) réalisé par Hynek Bocan, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 décembre 2025 chez Artus Films.

Acteurs : Rudolf Hrusínský, Karel Höger, Blanka Bohdanová, Josef Kemr, Iva Janzurová, Adolf Minský, Lubomír Lipský, Bohuslav Cáp…

Scénario : Hynek Bocan & Karel Michal

Photographie : Jirí Sámal

Musique : Zdenek Liska

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1969

LE FILM

Bohême, 1647, à la fin de la Guerre de Trente ans. Misère et désolation ont envahi le pays. Le chevalier Rynda, au sein de sa forteresse, tente tant bien que mal de nourrir sa famille et ses gens. En 1620, son père avait subi une défaite lors de la Bataille de la Montagne Blanche, ce qui l’obligea à renier la foi protestante pour rejoindre la couronne catholique de l’Empereur. Un soir, un commissaire de l’Empereur, accompagné de son épouse, demande l’hospitalité à Rynda. Ils sont en fait des agents du Roi de France, cherchant à faire soulever les paysans contre les Habsbourg.

C’est une expérience de cinéma à part entière, dans le fait de se plonger dans un septième art méconnu dans nos contrées, en l’occurrence provenant de Tchécoslovaquie, mais aussi dans un contexte historique peu traité, autrement sur la Guerre des Trente ans. Pour jouer les (faux) historiens, ces conflits armés ont déchiré l’Europe de 1618 à 1648 et reposaient sur une lutte entre la noblesse et l’aristocratie tchèque hussite et le catholicisme imposé par le Saint-Empire romain germanique dirigé par la maison de Habsbourg. Honneur et gloireCest a sláva, réalisé en 1969 par Hynek Bočan se situe juste avant la fin des hostilités, après la répression et le désir des Habsbourg d’accroître leur hégémonie, ainsi que celle de la religion catholique dans le Saint-Empire. Nous vous conseillons de vous renseigner en amont sur cette guerre, afin de mieux comprendre les enjeux d’Honneur et gloire, au risque de vous perdre. Il serait d’ailleurs dommage de passer à côté de ce drame historique, l’un des opus les plus célèbres du cinéaste (né en 1938 et toujours parmi nous), prolifique et éclectique, qui a autant oeuvré pour le grand que pour le petit écran. Outre Honneur et gloire, ses œuvres les plus connues demeurent Personne ne riraNikdo se nebude smát (1965), comédie douce-amère sur les problèmes liés au refus d’admettre les vérités qui dérangent, le conte de fées S certy nejsou zerty (1984), où l’on croise le diable en personne, ainsi que la mini-série Prítelkyne z domu smutku (1992), immense succès de la télévision tchèque. Ce qui prouve que le metteur en scène a su toucher plusieurs générations au fil de sa longue carrière, étendue de 1958 à 2014. En l’état, Honneur et gloire est une belle porte d’entrée dans le cinéma de Hynek Bočan, quand bien même beaucoup d’éléments resteront obscurs pour les spectateurs français. Les cinéphiles pointus, à qui le film est essentiellement destiné, est un très bel objet formel à analyser, disséquer, à admirer et si le temps peut paraître long parfois, on espère découvrir d’autres films, téléfilms ou séries du réalisateur.

Nous sommes en 1647 et la guerre fait rage depuis près de Trente ans. La forteresse du chevalier Václav Rynda de Loucka est misérable et délabrée, tout comme ses vêtements. Son père, après la défaite à la bataille de la Montagne Blanche, a dilapidé la fortune familiale et a dû se convertir au catholicisme pour survivre. Václav ressemble davantage à un paysan qu’à un noble, peinant à nourrir sa famille. Un jour, une visite arrive à la forteresse : le commissaire de l’empereur, Srandorf, et son épouse, demandent l’hospitalité pour la nuit. L’invité révèle alors à Rynda en privé que Srandorf n’est pas leur vrai nom et qu’en fait ils ne sont même pas mariés – Jindrich Donovalský et sa compagne Katerina sont entrés au service du roi de France et veulent inciter à une révolte contre les Habsbourg en Bohême.

Une croix brûle, les morts s’entassent, les charniers débordent, les corps sont piétinés et s’enfoncent dans la boue. D’autres sont suspendus la tête en bas, au-dessus d’un brasier. « Voilà pourquoi les châtiments surgissent de toutes parts […] la misère et la guerre sont partout sur Terre » indique un chant. Et nous ne sommes qu’aux credits d’ouverture. Autant dire que le choc est immédiat et met dans l’ambiance mortifère, anxiogène. La photographie N&B sombre et ténébreuse de Jirí Sámal happe le spectateur d’entrée de jeu et l’emporte au XVIIe siècle, au milieu de nulle-part. Les personnages principaux sont installés, dont le seigneur en son domaine, incarné par l’imposant Rudolf Hrusínský, passé à la postérité grâce à L’Incinérateur de cadavresSpalovac mrtvol (1969) et acteur fétiche de Jirí Menzel (Mon cher petit village, Une blonde émoustillante, Un été capricieux). D’ailleurs, celui-ci est tellement charismatique qu’il éclipse la plupart de ses partenaires, dont le formidable Josef Kemr (Un marteau pour les sorcières, Marketa Lazarova, Le Neuvième coeur), Iva Janzurová (Morgiana) et bien d’autres.

Le néophyte tentera de relier les personnages, de comprendre ce qui se déroule, avec du mal sans doute, mais cela ne fait pas de mal de mettre l’intellect à contribution. On suit donc la vie du chevalier Rynda, courageux, taciturne aussi, qui déclare à ceux qui lui chercheraient querelle « Je crois en ce que j’ai choisi, mais ne le confie à personne », tout en préservant sa liberté de parole, celle de dire sa propre vérité. Mais tout en pensant tout de même à celles et ceux qui l’entourent, comme s’il essayait de maintenir un cadre de paix en période trouble et mouvementée. On se laisse aller devant Honneur et gloire, comme une séance d’hypnose, et cela fonctionne ainsi, d’autant plus que la musique signée Zdenek Liska (La Vallée des abeilles, Le Piège du diable, La Colombe blanche) va dans ce sens. On est également étonné de la sécheresse et de la crudité des dialogues, de la violence de certains échanges.

Quand bien même Honneur et gloire restera hermétique pour une bonne partie du public, comme Marketa Lazarova de František Vláčil, auquel on pense beaucoup, on se prend d’intérêt pour cet homme bourru, sur lequel pèse le poids d’un père, qui s’était mêlé de ce qui ne le regardait pas, et qui avait d’ailleurs payé cher pour ça. Honneur et gloire se regarde comme on lit un conte, où se mêlent la foi, la croyance, la religion, la folie, le fanatisme, aux côtés du dernier noble de Bohème à être resté sur ses terres. C’est aussi ça la cinéphilie, se retrouver dans quelques recoins obscurs de cette passion qui nous anime.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

C’est toujours un plaisir de découvrir un film tchèque et cette fois encore, on doit cette opportunité à Artus Films. Un superbe Combo Blu-ray + DVD, les deux disques reposant dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné très élégant. Le menu principal est fixe et musical.

Aux côtés d’un Diaporama d’affiches et de photos, nous trouvons une nouvelle formidable présentation du film par Christian Lucas (24’35). Ce dernier donne de multiples indications sur la Guerre de Trente ans, un contexte historique à ne pas manquer et que l’on vous conseille d’écouter avant de visionner Honneur et gloire, afin de mieux appréhender l’histoire du film. Christian Lucas évoque aussi la carrière et la vie du réalisateur Hynek Bočan, passe le casting au peigne fin, le travail sur la photographie, les conditions et les lieux de tournage, la musique et la présentation du film au Festival de Venise (où il allait être récompensé).

L’Image et le son

Des fourmillements, des marques de changement de bobine, quelques poussières subsistent. Néanmoins, ce master HD de Honneur et gloire s’en sort haut la main. Le N&B est magnifique, les contrastes léchés, le piqué aiguisé, la texture argentique préservée. Restauration 2K.

Seule la version originale (tchèque donc) aux sous-titres français non imposés est disponible sur cette édition. La restauration est satisfaisante, l’écoute frontale, riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont conséquents et le confort acoustique assuré.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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