Test Blu-ray / Harlequin, réalisé par Simon Wincer

HARLEQUIN réalisé par Simon Wincer, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 3 février 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : Robert Powell, David Hemmings, Carmen Duncan, Broderick Crawford, Gus Mercurio, Alan Cassell, Mark Spain, Alyson Best…

Scénario : Everett De Roche, Jon George, Neill D. Hicks

Photographie : Gary Hansen

Musique : Brian May

Durée : 1h35

Année de sortie : 1980

LE FILM

Homme très occupé, obsédé par sa carrière politique, le sénateur Rick Rast néglige sa femme Sandra et son fils Alex, pourtant atteint d’une grave leucémie. Un soir, un mystérieux inconnu parvient à entrer dans la propriété familiale, aussi protégée qu’une forteresse, et réussit à guérir l’enfant. Il s’installe peu à peu dans la famille. Qui est-il ? Que veut-il ?

Après Mad Max (1979) de George Miller, l’un des plus grands succès du cinéma australien demeure Harlequin (1980), réalisé par Simon Wincer. Très connu des cinéphiles pour D.A.R.Y.L. (1985), Harley Davidson et l’homme aux santiags (1991) avec Mickey Rourke et Don Johnson, mais également pour le lucratif Sauvez Willy (1993), Le Fantôme du BengaleThe Phantom (1996), film culte tiré de la bande dessinée de Lee Falk – non, nous ne parlerons pas de Crocodile Dundee III – le cinéaste avait fait ses classes à la télévision à travers des séries diverses (Division 4, Ryan, Matlock Police), avant de signer son premier long métrage en 1979, le légendaire Snapshot. Ecrit par Everett De Roche (Long Weekend, Déviation mortelle), produit par Antony I. Ginnane et réalisé par Simon Wincer, Snapshot fait aujourd’hui partie du patrimoine cinématographique australien et a participé à l’essor du cinéma d’exploitation du pays, peu voire pas ouvert sur le marché international. Les trois hommes décident de remettre le couvert avec Harlequin, une œuvre toujours aussi inclassable, oscillant entre drame politique et thriller fantastique. Merveilleusement interprété par l’incroyable Robert Powell et David Hemmings, Harlequin est encore très prisé par les cinéphiles et les amateurs de films de genre et n’a rien perdu de son pouvoir envoûtant. Comme un tour de magie envoûtant dont on voudrait connaître le truc, mais qui restera obscur et fascinant.

Le fils du sénateur Nick Rast est miraculeusement guéri de la leucémie par Grégory Wolfe, un guérisseur aux pouvoirs extraordinaires. Wolfe lui apprend par ailleurs que Wheelan, son principal soutien politique, le manipule à son insu mais Wheelan lui fait croire que Wolfe est un charlatan et le convainc de la nécessité de le supprimer…

A la base d’Harlequin, il y a la mystérieuse disparition d’Harold Holt (1908-1967), homme d’État australien, dix-septième Premier ministre d’Australie en 1966, qui disparaît dramatiquement en décembre 1967 alors qu’il se baigne à Cheviot Beach près de Portsea, dans l’État de Victoria. On suppose qu’il s’est noyé et son corps n’a jamais été retrouvé. Cet événement inspire le prologue d’Harlequin. Everett De Roche fait aussi quelques emprunts à l’histoire de Grigouri Raspoutine, pèlerin mystique errant et guérisseur, confident d’Alexandra, épouse de l’empereur Nicolas II, ce qui lui avait permis d’exercer une forte influence au sein de la cour impériale russe. Ces deux récits s’entrecroisent sans cesse dans Harlequin, pour donner naissance à un long métrage ambigu, complexe et surtout culotté puisque la plupart des éléments dramatiques ne seront jamais résolus.

Produit pour seulement 850.000 dollars, Harlequin repose non seulement sur un scénario en béton qui mélange habilement les genres, mais aussi et surtout sur un casting haut de gamme où trône l’impérial, le magnétique et intense Robert Powell. Le comédien britannique avait le vent en poupe et venait d’incarner le rôle-titre de Jésus de Nazareth dans la mini-série réalisée par Franco Zeffirelli en 1977. Il est une fois de plus remarquable dans Harlequin, à la fois très empathique envers le petit garçon qu’il a manifestement sauvé d’une mort certaine, mais également terriblement inquiétant. Son regard perçant, sa voix (superbe) posée, sa gestuelle, le spectateur scrute les moindres gestes de cet énigmatique Grégory Wolfe. Venu de nulle part, détenant des pouvoirs de télékinésie, omniscient, cet homme agit visiblement dans un seul but, lié à la disparition d’un homme politique, dont le poste est désormais promis à Nick Fast, le père du petit garçon qu’il a guéri de la leucémie. Fast, anagramme de « tsar », c’est David Hemmings. Malgré ses gros problèmes de boisson, l’acteur mythique de Blow Up (1966) de Michelangelo Antonioni et des Frissons de l’angoisseProfondo rosso (1975) de Dario Argento, livre une prestation toute en finesse, dont le personnage devient finalement central dans cette étrange histoire où il paraissait quelque peu en retrait.

Au-delà de cette plongée déconcertante dans un quotidien devenu insolite, Harlequin vaut pour sa mise en scène au cordeau et élégante, sans oublier la composition très inspirée de Brian May (déjà à l’oeuvre sur Coma, Mad Max et Snapshot), ainsi que la lumineuse photographie de Gary Hansen, qui signera celle du formidable Next of Kin de Tony Williams. S’il y a bien quelques petits soucis de rythme durant le dernier acte, qui s’éternise quelque peu, et que les effets spéciaux ont pris un sérieux coup de vieux, Harlequin reste un savoureux et étonnant tour de force, récompensé en 1980 par le Prix du jury de la critique internationale pour le meilleur scénario et la meilleure photographie, lors du Festival international du film de Catalogne, et par le Prix du jury, le prix de la critique et le prix du meilleur acteur pour Robert Powell, lors du Xe Festival du film fantastique de Paris.

A ranger précieusement aux côtés de Patrick (1978) de Richard Franklin, Soif de sang (1979) de Rod Hardy, Le Survivant d’un monde parallèle (1981) de David Hemmings, Les Traqués de l’an 2000 (1982) de Brian Trenchard-Smith, Montclare: Rendez-vous de l’horreurNext of Kin (1982) de Tony Williams et Fair Game (1986) réalisé par Mario Andreacchio. Vive la Ozploitation !

LE COMBO BLU-RAY/DVD/LIVRET

Nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer à plusieurs reprises, cette collection fantastique éditée par Rimini est devenue l’une de nos préférées depuis l’année dernière ! Un mois après Terror TrainLe Monstre du train, l’éditeur propose l’Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret du film de Simon Wincer, le mythique Harlequin. L’objet prend la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet et au visuel très attractif. Le menu principal est animé et musical.

Le livre de 20 pages écrit par Marc Toullec est bien illustré et donne moult informations sur la production et la sortie du film qui nous intéresse.

La section des suppléments propose uniquement des interviews, toutes très enrichissantes et souvent passionnantes à écouter.

On commence par Kim Newman (15’), auteur et critique, qui propose un beau tour d’horizon de l’émergence du cinéma australien à la fin des années 1970, et donc de la Ozploitation, qui regroupe les films d’exploitation destinés au marché international. De nombreux titres sont évoqués, dont Harlequin bien entendu, et cette intervention donne furieusement envie de les (re)découvrir.

S’ensuit un petit document d’archives, durant lequel David Hemmings et Robert Powell (5’30) répondent aux questions d’une journaliste, quelque peu groupie, qui apprend au passage qu’un film n’est jamais (ou presque) tourné dans l’ordre chronologique.

L’éditeur propose enfin une compilation d’interviews du réalisateur Simon Wincer, du producteur Antony I. Ginnane, du scénariste Everett De Roche (décédé en 2014) et du comédien Gus Mercurio (décédé en 2010). Sur une durée totale de 48 minutes, le cinéaste monopolise quasiment la moitié de ce bonus et ses propos sont toujours très intéressants, notamment lorsque celui-ci revient sur la genèse d’Harlequin, sur sa collaboration avec le producteur et le scénariste du film, ainsi que sur les thèmes, ses intentions et ses partis pris. Le casting est également passé au peigne fin, on apprend même que David Bowie avait été évoqué pour interpréter Wolfe. L’alcoolisme de David Hemmings et de Broderick Crawford est aussi abordé au fil de nombreuses anecdotes de tournage. Tous ces éléments sont peu ou prou repris par les intervenants suivants.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Ce qui frappe d’emblée, c’est la luminosité de ce très beau master HD, ainsi que la clarté des couleurs, qui renvoient au costume bariolé d’un arlequin. Le grain argentique est très bien géré, forcément plus appuyé sur les séquences à effets spéciaux qui entraînent quelques fourmillements et une baisse sévère de la définition. Dans l’ensemble, ce Blu-ray en met plein les yeux, le piqué est acéré, la propreté éloquente, les détails ciselés sur les gros plans notamment. Superbe cadre large.

Evitez le doublage français, qui tend à mettre les voix trop en avant, au détriment des effets annexes. La version originale est de plus mieux équilibrée, dynamique, avec des dialogues clairs et une solide restitution de la musique de Brian May. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / OB Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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