Test Blu-ray / Goliath, réalisé par Frédéric Tellier

GOLIATH réalisé par Frédéric Tellier, disponible en DVD, Blu-ray & 4K UHD le 13 juillet 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot, Laurent Stocker, Yannick Renier, Chloé Stefani, Marie Gillain, Jacques Perrin…

Scénario : Frédéric Tellier & Simon Montaïrou

Photographie : Renaud Chassaing

Musique : Christophe Lapinta & Frédéric Tellier

Durée : 2h02

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Une jeune agricultrice a été emportée par la maladie après avoir utilisé dans son exploitation un produit soupçonné d’être dangereux pour la santé, la tétrazine. Un avocat veut faire reconnaître le lien de cause à effet, confronté au puissant lobby des pesticides dont la zone d’influence s’étend à la communauté européenne entière. Pour se faire entendre, la compagne de la victime se suicide devant le siège de l’entreprise qui commercialise la tétrazine. C’est l’embrasement. Littéralement.

En 2017, le journal Le Monde publiait une enquête fleuve sur les « Monsanto papers », réalisée à partir de documents déclassifiés de la société américaine produisant le glyphosate. Difficile de ne pas faire le lien entre cette affaire et celle « imaginée » par Frédéric Tellier, dont on connaît le penchant pour les films tirés de faits réels. Son premier film, L’affaire SK1, en 2014, impressionnait déjà par la méticulosité de sa reconstitution et par la plongée effectuée dans les coulisses de l’enquête sur les meurtres perpétrés par Guy Georges. On savait donc Tellier minutieux. On le découvre engagé. Il faut l’être, pour filmer avec autant de colère les actes de désespoir d’agriculteurs malades ou endeuillés et la violence de la répression d’Etat contre des militants écologistes armés de leur seule détermination. Difficile de ne pas percevoir le point de vue partial du cinéaste qui en voulant dénoncer le pouvoir écrasant des sphères d’influence, prend le risque d’un certain manichéisme – le lobbyiste incarné par Pierre Niney évoluant dans un luxe indécent par un souci d’opposition presque caricaturale avec les victimes de la tétrazine et l’avocat qui les défend (Gilles Lellouche). Qu’importe. Les gestes partisan et cinématographique se confondent avec assez d’habileté pour qu’on ne puisse en faire le reproche à Frédéric Tellier, tant ce dernier excelle à explorer les mécanismes du lobbyisme et à tenir le spectateur en tension du premier au dernier plan (inoubliable).

Deux objectifs atteints en grande partie grâce aux acteurs. D’un côté, Pierre Niney où on l’attend rarement, excellent en grand « méchant » du film. De l’autre, Emmanuelle Bercot, totalement investie et habitée par un personnage de lanceuse d’alerte dont on soupçonne qu’il lui tient personnellement à coeur (on se souvient de la ferveur avec laquelle elle avait filmé le combat d’Irène Frachon dans La Fille de Brest, sur l’affaire du Mediator). Entre les deux, Gilles Lellouche en obscur avocat alcoolique et menacé de mort, décidément très bon quand il s’agit de personnifier le doute et le désenchantement. Les trois protagonistes se croisent rarement à l’écran – c’est là une des grandes qualités du film et une facilité qu’il ne s’autorise que lors d’une courte (et impressionnante) confrontation entre Niney et Lellouche. C’est essentiellement par le montage que Tellier les fait cohabiter et à ce titre, les prises de risque sont aussi insolentes que réussies : des nantis dansant en rythme bien réglé au pied d’un château laissent place au bal de tracteurs dans un champ ; à une immolation effroyable succède le plan de bougies soufflées par une fillette sur son gâteau d’anniversaire…

Tellier n’a pas peur de choquer. C’est, du reste, le but qu’il s’est fixé. Sur un tel sujet, il serait en effet bien vain de ménager le spectateur, appelé à s’indigner face à l’injustice et à l’inaction gouvernementale. Rappelons en passant qu’Emmanuel Macron n’a toujours pas fait interdire l’utilisation du glyphosate comme il s’était engagé à le faire en 2017. Il est d’ailleurs particulièrement révoltant de découvrir Goliath au moment où le ministre de l’Intérieur criminalise les lanceurs d’alerte et les militants écologistes en n’hésitant pas à les qualifier d' »éco-terroristes », terme employé par l’un des personnages du film. C’est dire si la colère de Goliath est d’actualité. Cette colère n’est pas feinte. Elle est saine et communicative. Entre thriller écologiste et drame intime, Goliath est surtout une oeuvre d’utilité publique sur les dérives de la mondialisation, la productivité à tout prix et la collusion entre ceux qui soufflent les décisions et ceux qui font semblant de les prendre.

LE BLU-RAY

Après un score honorable dans les salles avec près de 800.000 entrées, Goliath bénéficie d’une sortie en DVD, en Blu-ray et même en 4K UHD chez Studiocanal. Nous nous pencherons aujourd’hui sur l’édition HD classique, qui se présente sous la forme d’un boîtier bleu traditionnel, glissé dans un surétui cartonné, reprenant le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Côté bonus : « David(s), l’histoire d’un film » (1h08), revient sur le parcours du combattant de l’équipe du film pour le tourner dans les meilleures conditions malgré les obstacles : l’interdiction de dernière minute de filmer des séquences-clés dans l’hémicycle du Parlement européen alors que ce dernier avait donné son accord « avant lecture du scénario » précise Frédéric Tellier. Mais aussi l’irruption du virus du Covid et l’obligation de s’adapter aux contraintes. On reste notamment sidéré par les coulisses de la grande scène de manifestation finale, dont les extérieurs ont été entièrement recréés par ordinateur faute de pouvoir accéder aux lieux. A l’écran, on n’en décèle rien. Le making of d’une heure laisse abondamment la parole à Frédéric Tellier et son co-scénariste Simon Moutaïrou, tous les deux passionnants. Les acteurs évoquent aussi leur implication dans le projet – l’occasion de confirmer à quel point elle peut être personnelle, comme dans le cas de Bercot. Loin de la simple featurette dans laquelle chacun se congratule sans penser à parler du film, « David(s), l’histoire d’un film » est un authentique reportage, en immersion sur le tournage du film dans lequel il est chaudement conseillé de se plonger après avoir visionné Goliath. Histoire de reprendre une petite dose de révolte.

Nous trouvons aussi quatre séquences coupées au montage (12′). Notre préférence se tourne vers celle intitulée La démission de Paul, présentée ici en version longue. L’occasion pour Laurent Stocker de briller une fois de plus à l’écran. Le dialogue entre Paul et Mathias permet d’en savoir plus sur le passé du second. Une autre scène montre Mathias renvoyer un jeune lobbyiste, quand il apprend que celui-ci a regardé la vidéo de l’immolation, car cela est « contre-productif ».

L’Image et le son

On reste abasourdi pas la définition de cette édition HD qui restitue formidablement les partis-pris esthétiques alliant des noirs denses à une colorimétrie froide et parfois désaturée. Le piqué est pointu comme la lame d’un scalpel, les détails sont omniprésents aux quatre coins du cadre large, les contrastes sont concis, les scènes extérieures lumineuses et les gros plans impressionnent par leur minutie notamment sur les visages fatigués des personnages.

Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 sait particulièrement happer le spectateur et ne manque pas de créer une percutante spatialisation constatable aussi bien sur toutes les séquences en extérieur que dans les scènes plus intimistes. Les voix demeurent saisissantes sur l’enceinte centrale, quelques basses sont notables et la balance frontale est percutante. L’éditeur joint également une piste audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Single Man Productions / France 3 Cinéma / Gapbusters / RTBF / Dum Dum Films / Labyrinthe Films / JM Films / Critique du film et chronique du Blu-ray réalisées par Sabrina Guintini / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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