EL PICO 2 réalisé par Eloy de la Iglesia, disponible en coffret Cinéma Quinqui de Eloy de la Iglesia – Coffret 3 films : Colegas + El Pico + El Pico 2 le 5 septembre 2023 chez Artus Films.
Acteurs : José Luis Manzano, Fernando Guillén, Andrea Albani, Jaume Valls, Rafaela Aparicio, José Luís Fernández, Valentín Paredes, Gracita Morales, Fermín Cabal, Pedro Nieva Parola, Agustín González, Paloma Alaez…
Scénario : Gonzalo Goicoechea, Fermín Cabal & Eloy de la Iglesia
Photographie : Javier Aguirresarobe
Musique : Joaquín Carmona
Durée : 1h57
Date de sortie initiale : 1984
LE FILM
Paco, fils d’un commandant de la Garde civile, est impliqué dans le meurtre d’un couple de trafiquants d’héroïne à Bilbao. Lorsque la presse commence à s’intéresser à l’affaire, les efforts de son père pour l’éloigner de la drogue et cacher les preuves du crime se révèlent inutiles.
Après le triomphe inattendu dans les salles d’El Pico, Eloy de la Iglesia, poussé par le producteur J.A. Pérez Giner, ne perd pas une seconde et décide de donner une suite aux « aventures » de Paco et de son père. L’histoire reprend là où elle s’était arrêtée, mais le cinéaste va cette fois alourdir quelque peu son propos, en tirant plus sur la corde sensible et en y allant plus frontalement dans sa démonstration, sans doute dans l’espoir de ratisser plus large et donc d’attirer encore plus de spectateurs que pour le premier opus. Effectivement, El Pico 2 n’a pas la force du précédent, mais n’en reste pas moins passionnant, surtout lorsque le réalisateur dresse un portrait peu flatteur (euphémisme) des conditions d’incarcération, en montrant que la prison fonctionne comme « à l’extérieur », avec les plus grands caïds qui font la loi et qui s’opposent à des clans adverses qui la plupart du temps veulent profiter de la faiblesse des jeunes prisonniers. Parallèlement, outre la vie carcérale de Paco, Eloy de la Iglesia se focalise à nouveau sur son père, cette fois brillamment interprété par Fernando Guillén (Tout sur ma mère, La Loi du désir, Talons aiguilles, Action mutante), en remplacement de José Manuel Cervino, qui fera tout pour défendre et sauver la chair de sa chair, quitte à l’aider à trouver ce qui lui manque, le « cheval », le « bourrin », l’héroïne. El Pico 2 possède un ton différent, comme s’il s’agissait d’un long épilogue du premier épisode et il est donc souhaitable d’avoir vu le chapitre un, avant de voir et probablement d’apprécier ce second titre.
Paco, un jeune toxicomane, qui pleure encore la mort récente de son meilleur ami suite à une overdose d’héroïne, ne parvient pas à vaincre seul sa dépendance. Le retrait est trop douloureux pour Paco, qui est sous le regard vigilant de son père veuf, sévère mais inquiet, Evaristo Torrecuadrada, commandant de la garde civile. Pour trouver une cure détox pour Paco, père et fils déménagent à Madrid. Ils sont les bienvenus dans la maison de la fougueuse grand-mère de Paco qui vit avec sa fidèle vieille fille, Adela. Les deux femmes croient naïvement que la maladie de Paco est un diabète, ignorant totalement sa toxicomanie. Tandis que Paco entame un traitement à la méthadone avec un médecin chilien, Miguel Caballero, journaliste, enquête sur l’assassinat d’un trafiquant de drogue et de sa femme. Un témoin désigne Paco et son ami comme étant les coupables. Paco est interrogé par la police. Il avoue être impliqué dans cette affaire et est envoyé en prison. A son arrivée, Paco est tabassé et volé par ses compagnons de cellule. El Pirri, un codétenu, se lie d’amitié avec Paco et lui offre une nouvelle paire de chaussures pour remplacer celles volées. Pirri présente Paco à El Lehendakari, un membre d’un gang basque influent en prison. Lehendakari prend Paco sous son aile et fait en sorte que Paco et Pirri emménagent dans sa cellule que Lehendakari partage déjà avec son amant transsexuel. Bientôt, cependant, Paco commence à tirer de l’héroïne en prison avec Pirri. El Tejas, membre d’un gang rival, s’est également intéressé à Paco et l’a intimidé. Betty, l’ancienne petite amie de Paco, vient lui rendre visite. Elle pardonne à Paco de l’avoir abandonnée avec le corps de son ami de la mort.
El Pico 2 est le quatrième long-métrage d’Eloy de la Iglesia à s’inscrire dans le courant dit Quinqui, après Navajeros, Colegas et El Pico, tous interprétés par José Luis Manzano, qui fut sa muse et sans doute son amant. Un jeune comédien charismatique qu’Eloy de la Iglesia avait pour ainsi dire modelé, un peu à l’image de Ninetto Davoli avec Pier Paolo Pasolini, qui devait disparaître en 1993 d’une overdose, à seulement 29 ans. Pas de surjeu malgré son peu d’expériences, il est une fois de plus impeccable dans El Pico 2 et les scènes réalistes (car non simulées ?) quand Paco se fait un fixe sont souvent insoutenables et par ailleurs bouleversantes, quand on sait comment José Luis Manzano est passé de vie à trépas. Outre ce dernier et son partenaire Fernando Guillén, notons la participation de José Luis Fernández ‘Pirri’ dans son propre rôle, célèbre délinquant de l’époque, qui lui aussi aura participé à moult films d’Eloy de la Iglesia, ainsi que dans l’excellent The Hit – Le tueur était presque parfait de Stephen Frears. Un procédé typique du cinéma Quinqui, forcément violemment dénoncé par la critique. Cela n’empêche pas El Pirri de signer une prestation marquante, sa tronche apportant même une authenticité recherchée par le cinéaste. Lui aussi, ainsi que l’actrice Andrea Albani, qui joue la sulfureuse Betty, décéderont prématurément, tous deux à l’âge de 33 ans, le premier d’une overdose, la seconde d’une méningite causée par le VIH.
El Pico 2 apparaît comme un étonnant film testament, qui se termine de façon dramatique, pour ne pas dire tragique. Moins spontanée et subtile qu’El Pico, cette suite commerciale mise sur quelques effets chocs qui paraissent plus gratuits, à l’instar de la présence d’un acteur transgenre ou bien cette injection filmée en gros plan avec l’aiguille entrant et sortant de la veine (âmes sensibles s’abstenir), comme si Eloy de la Iglesia renvoyait ce geste à l’extase d’un acte sexuel. On pourrait peut-être regretter un dernier acte légèrement redondant et qui peine à se raccrocher au reste, mais au moins le réalisateur remplit généreusement son film, quitte à en faire trop, pour que son spectateur ne s’ennuie pas.
LE COFFRET BLU-RAY + DVD + LIVRE
C’est incontestablement l’un des événements de la rentrée septembre 2023 dans le monde de la vidéo en France. Après Cannibal Man – La Semaine d’un assassin, Artus Films revient au cinéma de José Luis Manzano avec l’édition du coffret Cinéma Quinqui de Eloy de la Iglesia – Coffret 3 films : Colegas + El Pico + El Pico 2. Six disques, trois DVD et trois Blu-ray, reposent dans un somptueux Digipack à quatre volets, glissé dans un fourreau cartonné très élégant. La pièce-maîtresse de ce coffret est le remarquable livret de 100 pages signé par le talentueux David Didelot et intitulé « Cine Quinqui : Les Loups sont dans la rue ». Un immense travail de recherches a donné naissance à cet ouvrage indispensable, qui se dévore de la première à la dernière page. Tout, vous saurez TOUT ce qu’il y a à savoir sur le cinéma Quinqui, ses origines, ses codes, les films représentatifs du genre, le contexte historique dans lequel il est né, ses figures emblématiques, les réalisateurs phares, ses variants, son évolution, sa pérennité, sans oublier la carrière d’Eloy de la Iglesia et ses longs-métrages appartenant au cinéma Quinqui…Nous y trouvons aussi une analyse du diptyque El Pico et El Pico 2 signée Simon Laperrière. Après Colegas et El Pico, nous nous penchons sur le troisième et dernier titre de ce coffret, El Pico 2. Le menu principal du Blu-ray d’El Pico 2 est fixe et musical.
Si vous avez lu le livre de David Didelot, alors la rencontre avec Laureano Montero et Maxime Breysse (38’) vous paraîtra quelque peu redondante étant donné que les arguments qui y sont avancés feront forcément écho avec ce qu’on a appris dans Cine Quinqui : Les Loups sont dans la rue. Néanmoins, ces interventions demeurent fondamentalement riches et intéressantes, un face à face réunissant le maître de conférence à l’université de Bourgogne (auteur d’Eloy de la Iglesia : un cinéma en marge) et le professeur agrégé d’espagnol à la même université (auteur de Le Cinéma « quinqui » selon Eloy de la Iglesia). N’hésitez pas à visionner ce module bourré d’informations sur le cinéma Quinqui, les titres phares du genre, les acteurs emblématiques (et donc les véritables délinquants qui ont participé à ces longs-métrages), les conditions de tournage de la plupart de ces opus, les motifs récurrents, la place de la musique, le revival du cinéma Quinqui…
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le master HD d’El Pico 2 est acceptable, mieux que celui du premier volet et possède les mêmes bons (et mauvais) points que la copie de Colegas. Un master HD tout ce qu’il y a de plus convaincant et qui nous permet de retrouver la texture argentique. Le cadre fourmille de détails, le piqué est acéré, la profondeur de champ éloquente, les matières des vêtements se font ressentir. L’ensemble est aussi très propre. Blu-ray au format 1080p.
Seule la version originale aux sous-titres français non imposés est disponible sur cette édition. La restauration est satisfaisante, l’écoute est frontale, riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont conséquents et le confort acoustique assuré.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / El Pico 2, réalisé par Eloy de la Iglesia »