DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE (Murders in the Rue Morgue) réalisé par Robert Florey, disponible en DVD et combo Blu-ray-DVD le 25 janvier 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Bela Lugosi, Sidney Fox, Leon Ames, Bert Roach, Betty Ross Clarke, Brandon Hurst…
Scénario : Robert Florey, Tom Reed, Dale Van Every d’après la nouvelle Double assassinat dans la rue Morgue (The Murders in the Rue Morgue) d’Edgar Allan Poe
Photographie : Karl Freundt
Durée : 0h58
Date de sortie initiale : 1932
LE FILM
Paris, 1845. Dans la même semaine, trois femmes sont retrouvées mortes dans la Seine, s’étant apparemment suicidées. En examinant les corps, Pierre Dupin, étudiant en médecine, remarque de petites entailles sur les bras des victimes. Ces jeunes femmes sont en fait des cobayes du Dr Mirakle, un scientifique fanatique qui cherche à démonter le lien de parenté entre l’homme et le singe…
Le Lac des Cygnes de Tchaïkovski démarre, comme Dracula un an auparavant. « Based on the immortal classic by Edgar Allan Poe » indique le générique de Double assassinat dans la rue Morgue, libre adaptation d’une des nouvelles les plus célèbres de l’écrivain américain parue en avril 1841 dans le Graham’s Magazine, traduite en France en 1856 par Charles Baudelaire pour le recueil Histoires extraordinaires. On doit cette transposition de 1932 au réalisateur français naturalisé américain Robert Florey (1900-1979), aujourd’hui oublié et dont subsiste l’inénarrable Tarzan et les sirènes avec la dernière apparition de Johnny Weissmuller dans le rôle-titre. Alors qu’il envisageait l’adaptation de Frankenstein de Mary Shelley avec Béla Lugosi dans le rôle principal, le cinéaste se voit finalement confier par les studios Universal, alors en plein âge d’or, ce Double assassinat dans la rue Morgue – Murders in the Rue Morgue tâche dont il s’acquitte formidablement, même s’il gardera un goût amer de s’être fait voler son projet au profit de son confrère James Whale.
Robert Florey est épaulé par un certain John Huston aux dialogues, mais aussi et surtout du mythique chef opérateur Karl Freund, qui avait officié derrière la caméra pour Dracula de Tod Browning, Metropolis de Fritz Lang et Le Dernier des hommes de F.W. Murnau. Freund crée un Paris imaginaire et ténébreux du XIXe siècle et très largement inspiré de l’expressionnisme allemand avec des décors à l’architecture penchée et macabre, des ombres portées menaçantes, des noirs denses. La sublime photographie est l’un des atouts majeurs de ce petit film horrifique d’une heure montre en main. Tourné avec un budget somme toute limité, Double assassinat dans la rue Morgue demeure un excellent moment d’épouvante qui vaut également pour l’interprétation inspirée de Béla Lugosi.
C’est notamment grâce à lui que nous suivons l’histoire du jeune étudiant en médecine Pierre Dupin (Leon Ames), plongé dans ses recherches concernant des corps de jeunes femmes retrouvées dans la Seine. Persuadé qu’elles ne se sont pas noyées, mais assassinées avant d’être livrées au fleuve, le chercheur en herbe découvre des marques similaires au creux de leur bras. C’est alors qu’au cours de la fête du carnaval de Paris, il tombe par hasard avec sa ravissante fiancée Camille (Sidney Fox) et leurs amis, sur le discours d’un scientifique énigmatique et excentrique, le Docteur Mirakle (Béla Lugosi), accompagné de son singe Erik (un vrai primate pour les gros plans, un acteur costumé pour les plans larges), qui mène d’étranges recherches sur les liens de parenté entre gorilles, dont il déclare parler le langage, et les humains. En réalité, pour mener à bien ses études, il enlève des jeunes filles et se sert d’elles comme cobayes en leur injectant du sang de singe. L’échec est flagrant, car les victimes du savant-fou finissent inévitablement par succomber aux expériences menées sur elles. C’est alors que Mirakle entreprend d’enlever Camille, d’autant plus que le singe Erik semble attirer par la mademoiselle.
En une heure de temps, Robert Florey sait aller à l’essentiel, et livre un divertissement bien rythmé, mis en scène (la scène de la balançoire avec la caméra embarquée est étonnante) et interprété, qui ne manque pas d’humour (voir la scène où les trois témoins s’affrontent sur la langue du coupable), qui a su conserver un charme indéniable. N’oublions pas quelques éléments qui annoncent étonnamment le King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack réalisé un an plus tard, similitudes troublantes – à une autre échelle certes – que ne manqueront pas de noter les cinéphiles pour tout ce qui concerne le lien du singe avec l’héroïne et la fuite sur les toits. Raison de plus pour réhabiliter ce petit classique souvent oublier des Universal -Monsters.
LE BLU-RAY
Le test de l’édition HD de Double assassinat dans la rue Morgue, disponible chez Elephant Films en combo Blu-ray-DVD, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Sans surprise mais toujours avec le même plaisir, nous retrouvons l’imminent Jean-Pierre Dionnet qui nous présente le film de Robert Florey (10’). Il cite les propos du réalisateur tirés de deux lettres, dans lesquelles Florey partage sa joie de bientôt mettre en scène Frankenstein avec Béla Lugosi dans le rôle-titre. Un projet finalement avorté au profit de James Whale. Suite à ce revirement il se voit confier les rênes de Double assassinat dans la rue Morgue. Jean-Pierre Dionnet parle ensuite de la photographie de Karl Freund, des décors, des thèmes du film, des éléments qui préfigurent King Kong réalisé un an après, sans oublier le casting passé au peigne fin.
L’interactivité se clôt sur un lot conséquent de bandes-annonces de films disponibles chez l’éditeur qui barrit, une galerie de photos et les credits de ce Blu-ray.
L’Image et le son
Ce Blu-ray au format 1080p proposée par Elephant Films contient une formidable version restaurée de Double assassinat dans la rue Morgue. La copie – dans son format original 1.37 – se révèle fort enthousiasmante, même si de très légers points demeurent, ainsi que diverses rayures verticales et griffures, notamment sur les séquences comprenant des vues incrustées ou détourées. Des fondus enchaînés décrochent légèrement mais l’encodage AVC reste solide et l’image est stable. Le magnifique noir et blanc de Karl Freund retrouve une véritable fermeté, les noirs sont denses et la clarté est de mise sur diverses scènes. D’autres parviennent à sortir du lot grâce à un relief impressionnant, à l’instar du carnaval en début de film, tandis que les contrastes demeurent assurés. Le grain cinéma est évidemment conservé et le nettoyage numérique évident. Un apport HD évident.
La bande-son, uniquement disponible en version originale, a été restaurée. Cette piste est proposée en DTS HD Dual Mono Mono 2.0. Les dialogues, tout comme la musique, sont propres et distincts. Certains échanges sont peut-être plus étouffés que d’autres, mais le souffle est discret. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Crédits images : © Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr