Test Blu-ray / Cure, réalisé par Kiyoshi Kurosawa

CURE (Kyua – キュア) réalisé par Kiyoshi Kurosawa, disponible en DVD et Blu-ray le 28 juillet 2021 chez Carlotta Films.

Acteurs : Koji Yakusho, Tsuyoshi Ujiki, Anna Nakagawa, Masato Hagiwara, Yoriko Douguchi, Yukijiro Hotaru, Denden, Ren Osugi…

Scénario : Kiyoshi Kurosawa

Photographie : Tokushô Kikumura

Musique : Geiri Ashiya

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 1999

LE FILM

Un officier de police, Takabe, enquête sur une série de meurtres dont les victimes sont retrouvées avec une croix gravée dans le cou. Un jour, un jeune vagabond est arrêté près de l’endroit où a été retrouvé le dernier corps. Il est vite identifié comme un ancien étudiant en psychologie, devenu fou et ayant d’inquiétants pouvoirs hypnotiques, lui permettant de pousser des gens à commettre des actes criminels…

Cure, réalisé en 1997 par le cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa (né en 1955 et aucun lien de parenté avec Akira), est le film avec lequel ce dernier allait être révélé sur la scène internationale. L’artiste considéré aujourd’hui comme faisant partie des leaders du renouveau du cinéma nippon, au même titre que ses confrères Hideo Nakata et Shinya Tsukamoto, se place à la lisière des genres et des influences, inspiré à la fois par la Nouvelle Vague japonaise des années 1960-70 (Yoshida, Imamura, Oshima), mais aussi par le cinéma hollywoodien, en particulier par le film de genre US représenté par John Carpenter, George Romero, Richard Fleischer, Tobe Hooper et Don Siegel. Dès les années 1970, Kiyoshi Kurosawa enchaîne les courts-métrages, avant de passer au format long, puis de tourner pour la télévision. Prolifique (trop diront certains, et ils auront sans doute raison), le réalisateur aime le septième art, visionne pléthore de films, autant de chefs d’oeuvre reconnus que de séries B-Z improbables qu’il affectionne tout autant, même si le fantastique et l’horreur demeurent ses genres de prédilection. Dans les années 1990, les triomphes rencontrés par Le Silence des agneaux The Silence of the Lambs de Jonathan Demme et Seven de David Fincher rendent compte du nouvel attrait des spectateurs pour les thrillers psychologiques placés sous tension et centrés sur des tueurs en série. Ces deux références s’imposent évidemment aussi au Japon et créent moult ersatz. Cure en est assurément un. Ce sera le film de la reconnaissance pour Kiyoshi Kurosawa (son quinzième long-métrage), aussi bien dans son pays que dans le reste du monde où Cure est projeté dans de nombreux festivals et même encensé par un Martin Scorsese dithyrambique. Près d’un quart de siècle après sa sortie, on ne peut pas dire cependant que ce polar sensoriel ait bien vieilli, même s’il reste marqué par quelques indéniables fulgurances.

L’inspecteur Takabe est chargé d’enquêter sur une série de crimes mystérieux. En effet, l’assassin est systématiquement retrouvé hébété et amnésique aux côtés de sa malheureuse victime. Et curieusement, même si les meurtriers sont à chaque fois différents, les cadavres ont tous la gorge tranchée en croix. La police appréhende un vagabond soupçonné d’avoir rencontré chaque assassin avant son forfait. L’homme, en réalité un étudiant en psychologie, aurait envoûté les futurs meurtriers et les aurait convaincus d’éliminer une personne qui leur nuisait et les opprimait. L’inspecteur Takabe, fasciné par les pouvoirs de l’étudiant, lui rend régulièrement visite en prison…

On est tout d’abord happé par les premières séquences, par une ambiance, une atmosphère. Les décors dépouillés et crades, la photographie froide et austère de Tokushô Kikumura (Ju-on : The Grudge 1 et 2 de Takashi Shimizu), les personnages quasi-fantomatiques, Tokyo vidée de ses habitants, une plage désertique (qui rappelle celle où le personnage de Charles Bronson, lui aussi amnésique, est trouvé dans Quelqu’un derrière la porte de Nicolas Gessner) jusqu’au premier meurtre aussi inattendu que brutal. Le spectateur est intrigué par ce qui peut pousser des individus quelconques à commettre l’irréparable, sans raisons particulières. Puis, on se rend vite compte que Cure vaudra assurément plus pour sa forme que pour son récit. Si l’on est pris dans cette histoire, c’est bel et bien grâce à la force des images excellemment composées par Kiyoshi Kurosawa et son chef opérateur, car l’enquête est loin d’être transcendante. Par le passé, certains ont pu comparer la lenteur de l’intrigue à celle d’un épisode d’un épisode de Derrick…et on ne peut pas dire qu’ils avaient entièrement faux. Certes, Cure implique qu’on se mette au diapason avec l’univers dépeint par le metteur en scène, mais soyons honnêtes, on s’ennuie énormément durant ces presque deux heures où les personnages tirent tous la tronche et où ceux-ci s’avèrent souvent filmés en plan-séquence pendant qu’ils réfléchissent – looooooonguement– avant d’agir ou même de parler. Le problème avec Cure, c’est qu’aucun protagoniste n’est attachant, même s’il n’y a rien à redire sur la qualité de l’interprétation, en particulier celle de Kōji Yakusho (L’Anguille de Shōhei Imamura), qui campe l’inspecteur Kenichi Takabe, ou celle de Masato Hagiwara, impeccable dans la peau du mystérieux Kunio Mamiya, celui par qui le mal arrive. Du coup, malgré toute la bonne volonté du monde, le spectateur ne peut ou ne sait à qui se raccrocher pour s’impliquer.

Cure est à la fois un divertissement à portée universelle, ainsi qu’un film expérimental, difficile d’accès, surtout pour un public peu habitué aux produits où le calme apparent contraste avec la violence des meurtres qui sont dépeints ou montrés avec une rare sécheresse. Le quotidien des personnages paraît figé, glacial, glauque, étouffant, comme s’ils déambulaient chez eux comme des zombies, ne parlant de rien, prisonniers dans des faits et gestes qu’ils répètent inlassablement de façon mécanique dans leurs intérieurs maussades. Cure ne cesse de flirter avec le surnaturel, sans s’y perdre entièrement. Des partis-pris qui ne seront pas sans inspirer moult cinéastes par la suite, y compris en Corée. On pense alors à The Strangers de Na Hong-jin ou même au cinéma de Bong Joon-ho, qui a d’ailleurs toujours déclaré que Cure faisait partie de ses dix films préférés.

Si le film de Kiyoshi Kurosawa vaut essentiellement qu’on y consacre le temps d’une projection, c’est donc finalement bien plus en raison de son esthétique, de l’excellence de ses comédiens et de son importance historique dans le cinéma asiatique, en particulier pour la J-Horror (qui réunit la littérature et le cinéma d’horreur au Japon), que pour son histoire qui pourra même avoir raison des insomniaques les plus atteints.

LE BLU-RAY

Changement de crèmerie pour Cure, qui était jusqu’alors disponible en DVD en France sous la couleurs de MK2 depuis 2005. Le film de Kiyoshi Kurosawa atterrit dans la musette de Carlotta Films, qui à cette occasion propose Cure pour la première fois en Haute-Définition dans nos contrées. Disque à la sérigraphie sobre, placé dans un boîtier classique de couleur noire, qui contraste avec la jaquette rouge sang. L’ensemble est glissé dans un surétui cartonné au visuel intrigant. Le menu principal est très légèrement animé et musical.

Critique aux Cahiers du Cinéma et spécialiste du cinéma asiatique, Stéphane du Mesnildot propose une analyse précise, passionnante et très détaillée de Cure (22’). Le film de Kiyoshi Kurosawa est pour ainsi dire disséqué par l’invité de Carlotta Films, qui le replace tout d’abord dans son contexte, ainsi que dans la carrière du cinéaste, qui allait connaître un engouement international pour la première fois de sa vie. Vous en saurez plus sur la J-Horror, sur les intentions et les partis pris du réalisateur, ainsi que sur ses influences. Un carton en introduction indique que de nombreux spoilers sont réalisés au cours de cette intervention.

L’éditeur reprend ensuite l’interview déjà présente sur le DVD MK2, à savoir celle de Kiyoshi Kurosawa, réalisée en 1999 à l’occasion de la sortie de Cure en France (15’). Le cinéaste y revient sur sa propre définition de la peur, mêlant angoisses intérieures et menaces extérieures, et parle de l’obsession récurrente des japonais pour le concept de fin du monde, ainsi que de leur passion pour les prophéties de Nostradamus. Pas étonnant que Kurosawa évoque le symbole représenté par le premier Godzilla, qui condensait en son temps le cauchemar de tout un pays. Les propos du metteur en scène sont directement traduits en français.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré HD (1080p) de Cure présente une propreté quasi-irréprochable. La copie 1.85 est immaculée et quasiment dépourvue de déchets résiduels. Les gammes de couleurs sombres prédominent dans le film. Les décors dépouillés sont omniprésents et les personnages se détachent sans mal devant des fonds unis, très froids, les gros plans étant bien restitués bien que manquant de détails. Les noirs paraissent tantôt concis tantôt poreux et dénaturent quelque peu le piqué. Le grain cinéma est heureusement conservé donnant une texture non déplaisante à l’image. Les séquences se déroulant en extérieur sont particulièrement soignées et sortent du lot, le codec AVC consolide l’ensemble, bien qu’un léger bruit vidéo demeure constatable. Voilà toutefois un nouvel écrin pour redécouvrir ce film de Kiyoshi Kurosawa.

La version originale, seule piste disponible sur cette édition, bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option acoustique séduisante permet à l’enivrante composition du film d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’atmosphère étrangère et trouble de Cure. Les effets latéraux ajoutés ne tombent pas dans la gratuité ni dans l’artificialité. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique. Une piste 2.0 est aussi au programme. Les sous-titres ne sont pas imposés.

Crédits images : © Carlotta Films / Daiee / MK2 / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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