CRISIS réalisé par Nicholas Jarecki, disponible en DVD et Blu-ray le 19 août 2021 chez Metropolitan Video.
Acteurs : Gary Oldman, Armie Hammer, Evangeline Lilly, Greg Kinnear, Michelle Rodriguez, Luke Evans, Lily-Rose Depp, Guy Nadon…
Scénario : Nicholas Jarecki
Photographie : Nicolas Bolduc
Musique : Raphael Reed
Durée : 2h
Année de sortie : 2021
LE FILM
L’arrestation à la frontière canadienne d’un passeur en possession d’une cargaison d’un puissant anti-douleur opioïde déclenche une série d’évènements incontrôlables. L’opération sous couverture d’un agent du FBI désormais compromise se complique encore avec la vendetta d’une ancienne addict alors qu’un éminent chercheur sonne l’alerte sur les dérives d’une industrie pharmaceutique corrompue.
Venu du documentaire avec The Outsider en 2005, dans lequel il suivait son confrère James Toback en pleine création, le réalisateur Nicholas Jarecki se fait surtout connaître des cinéphiles avec Arbitrage, son premier long-métrage sorti en 2012 – une belle et bonne surprise – inspiré par la crise financière internationale. Dans ce film, que l’on pourrait rapprocher de l’excellent Margin Call de J.C. Chandor, le scénariste et metteur en scène, lui-même fils de trader, offrait à Richard Gere l’un de ses meilleurs rôles, qui incarnait un magnat de la finance qui possède tout, mais qui cachait aussi un être sombre, sans scrupules, arrogant, n’hésitant pas à escroquer ses adversaires, sa propre entreprise de plusieurs centaines de millions de dollars, à mentir à sa famille dont sa femme et sa fille (et employée), et au passage à dissimuler sa responsabilité dans l’accident ayant entraîné la mort de sa maîtresse. La grande réussite d’Arbitrage était de parvenir à rendre attachant ce personnage que rien ni personne ne semblait ébranler. Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que Nicholas Jarecki revienne derrière la caméra avec Crisis, thriller qui s’inspire d’un des plus grands scandales sanitaires de tous les temps, une crise de santé publique liée à celle des opioïdes, entraînant une surprescription d’opiacés à fort risque d’accoutumance, à l’instar de l’Oxycodone. Si le réalisateur « invente » un médicament à risque dans son film, le procès en Oklahoma contre Johnson & Johnson (entreprise pharmaceutique américaine), qui avait dissimulé les risques de dépendance liés à la prise d’anti-douleurs à base d’opiacés, l’a évidemment guidé. En prenant en compte que près de 500.000 américains seraient morts par overdose aux États-Unis en deux décennies à cause de ces opiacés, Nicholas Jarecki livre un film dans la mouvance du récent Dark Waters de Todd Haynes, du sublime Erin Brockovich, seule contre tous (2000) de Steven Soderbergh, Révélations (1999) de Michael Mann et The Constant Gardener (2005) de Fernando Meirelles. S’il n’atteint pas les cimes comme ces précédents exemples, Crisis s’en sort remarquablement à travers un récit à plusieurs branches, où les histoires et les personnages sont narrés en parallèle, pour ensuite s’entrecroiser comme dans Traffic (2000) de Steven Soderbergh (tiens, encore lui) et Collision – Crash (2004) de Paul Haggis. Certes, la mise en scène ne peut rivaliser avec celle des illustres références mentionnées ci-dessus, mais Nicholas Jarecki est loin d’être un tâcheron ou un simple faiseur. L’élégance de son long-métrage est indéniable, le scénario est passionnant, et le casting composé de Gary Oldman, Armie Hammer, Evangeline Lilly, Greg Kinnear, Michelle Rodriguez et Luke Evans est impeccable.
Cédric Beauville, un jeune trafiquant de drogue, est arrêté par la Gendarmerie royale du Canada à la frontière canado-américaine, en possession de grandes quantités de pilules illégales de fentanyl. Le chercheur scientifique de l’Université d’Everett, le Dr Tyrone Brower, est engagé par Northlight Pharmaceuticals pour mener une étude à l’appui de leur nouveau produit, Klaralon. Le médicament devrait être commercialisé sous peu en remplacement de l’Oxycodone. L’étude révèle des résultats préoccupants. Klaralon se présente initialement comme un analgésique non addictif lorsqu’il est pris quotidiennement pendant les sept premiers jours (paramètres spécifiés par Northlight), mais après ce délai, il deviendrait presque trois fois plus addictif que l’Oxycodone. Conscient des implications pour la santé publique, Brower recommande à Northlight de retarder la sortie du Klaralon pour des tests supplémentaires, ce à quoi ils s’opposent. Le membre du conseil d’administration, le Dr Bill Simons, tente de convaincre Brower de changer d’avis en lui offrant une importante subvention de recherche, mais Brower refuse. Northlight étant l’un des principaux donateurs de l’université, Brower se retrouve sous la pression du chef de département Greg Talbot pour approuver l’étude, mais est encore une fois réticent. Northlight commence à divulguer des informations pour discréditer sa réputation, et l’Université d’Everett révoque son mandat. Désespéré, Brower devient un lanceur d’alerte et contacte la FDA, étant mis en contact avec l’enquêteur Ben Walker. De son côté, l’agent de la DEA basé à Detroit, Jake Kelly, a réussi à infiltrer deux cartels de la drogue à grande échelle utilisant du fentanyl. L’un est dirigé par la mafia arménienne qui s’étend à travers les États-Unis. L’autre est basé à Montréal, au Québec, contrôlé par le baron de la drogue Claude « Mother » Veroche. Kelly a l’intention de convaincre les deux cartels d’entrer en affaires, afin que leurs dirigeants puissent être arrêtés en même temps lorsqu’ils se rencontreront. L’infiltré a une motivation personnelle pour les faire tomber, en raison de sa jeune sœur souffrant d’une dépendance à l’héroïne. La relation de Kelly avec Mother devient tendue lorsque la nouvelle de la capture de Cédric est révélée, le trafiquant craignant qu’il y ait un indic dans son organisation. En raison de problèmes de financement opérationnel, l’agent supérieur de Kelly, Garrett, lui accorde un délai réduit pour organiser la rencontre entre les deux cartels. Enfin, Claire Reimann, architecte et accro à l’Oxycodone qui essaye de s’en sortir, s’inquiète lorsque son fils de 16 ans, David, ne rentre pas à la maison après sa séance de sport. Il est retrouvé mort à la suite d’une overdose de fentanyl. Claire, convaincue qu’il n’a jamais pris de drogue et devant faire face à une police qui a conclu à une mort accidentelle, engage un enquêteur privé qui détermine que David a été forcé de prendre le fentanyl et a été assassiné. Grâce aux réseaux sociaux, elle retrouve un des amis de son fils, qui avoue que plusieurs adolescents de son équipe de hockey travaillent pour Mother en tant que trafiquants de drogue, bien que David ne l’ait fait qu’une seule fois. Reimann se rend à Montréal où elle continue son enquête personnelle. Kelly prend connaissance de ses activités en enquêtant sur les associés de Cédric et tente de l’intercepter, avant qu’il soit trop tard.
A l’instar d’Arbitrage, on sent que Nicholas Jarecki en a sacrément sous le capot, que le réalisateur a des choses à dire, qu’il les dit bien, qu’il sait diriger ses comédiens (tous en très grande forme), équilibrer le suspense et l’émotion aussi, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il manque un petit truc pour que tous ces gros atouts réunis explosent enfin pour donner naissance au grand film qui couve encore. Sur un rythme posé, mais soutenu, on suit un flic infiltré (Armie Hammer, avant ses problèmes avec la justice suite à des accusations de…désirs cannibales) qui parvient à organiser un trafic de Fentanyl entre le Canada et les États-Unis, une architecte (Evangeline Lilly, bouleversante) qui se bat contre sa dépendance à l’Oxycodone et veut découvrir les véritables liens entre son fils et des narcotrafiquants, tandis qu’un professeur d’université (Gary Oldman, également producteur exécutif), employé d’une entreprise pharmaceutique, surveille le lancement d’un nouvel antalgique non addictif et se rend compte que le produit est non seulement dangereux, mais rend encore plus dépendant. Comme une pieuvre qui étalerait ses tentacules, la drogue s’attaque à tous les milieux, à toutes les classes sociales, sur tous les pays du globe, et peut même obtenir l’autorisation pour être commercialisée sous couvert de régler les problèmes liés…à la dépendance.
Crisis n’enfonce pas de portes ouvertes, il se contente d’exposer des faits, des actes et leurs conséquences, et de se pencher quelques jours sur le destin d’une poignée de personnages qui font face à la prolifération du Fentanyl, antalgique stupéfiant très puissant venu de Chine, proche de la morphine et de la codéine, cent fois plus puissant que l’héroïne. On sent constamment le travail de recherche et de documentation effectué par Nicholas Jarecki, ainsi que ses références, on pense même au JFK d’Oliver Stone au détour d’une rencontre entre deux hommes au bord d’un lac. Si sans aucun doute une étincelle lui fait défaut, une mise en scène plus personnelle peut-être, Crisis parvient à captiver son audience du début à la fin et à créer une empathie immédiate avec ses protagonistes. Un pari réussi.
LE BLU-RAY
Comme pour Arbitrage, Crisis atterrit dans la musette de Metropolitan Video, tout comme l’était aussi Informers (2008) de Gregor Jordan, film adapté du roman Zombies de Bret Easton Ellis que Nicholas Jarecki avait coscénarisé avec l’écrivain. Visuel efficace, tout comme celui du menu principal, fixe et musical.
Dommage que le commentaire audio du réalisateur n’ait pas été sous-titré en français, car celui-ci se révèle souvent intéressant, passionné par son sujet, ainsi que par son travail avec les comédiens. En revanche, l’éditeur présente aussi un petit making-of de huit minutes, composé d’interviews des comédiens et du réalisateur, qui reviennent essentiellement sur les faits divers à l’origine de Crisis et les personnages, le tout illustré par diverses images de tournage.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces (sauf celle de Crisis…).
L’Image et le son
Si l’on excepte deux ou trois plans plus doux, la copie HD du film de Nicholas Jarecki se révèle irréprochable. Que l’histoire se déroule dans les décors urbains, gris, dégradés, désaffectés de la ville de Détroit, ou bien dans des bureaux froids et aseptisés, le master restitue brillamment la belle photographie du talentueux chef opérateur canadien Nicolas Bolduc (La Belle époque, Fatal, Enemy). Le relief est omniprésent, la colorimétrie est vive, le piqué aiguisé comme une lame de rasoir, la clarté de mise et les contrastes d’une densité indiscutable. Le cadre large est magnifiquement exploité, les détails sont légion et la profondeur de champ impressionnante. Le nec plus ultra de la Haute définition.
Vous pouvez compter sur les deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français pour vous plonger dans l’atmosphère du film. Toutes les enceintes sont sollicitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques ambiances naturelles et effets percutants, sans oublier la très belle partition de Raphael Reed, excellemment restituée. Le caisson de basses distille également quelques vibrations. Sans surprise, la version originale l’emporte sur la piste française et se révèle plus naturelle et homogène.