CASINO DE PARIS réalisé par André Hunebelle, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 26 avril 2023 chez Pathé.
Acteurs : Gilbert Bécaud, Caterina Valente, Vittorio De Sica, Grethe Weiser, Grégoire Aslan, Rudolf Vogel, Fritz Lafontaine, Roland Kaiser, Véra Valmont…
Scénario : Jean Halain, Hans Wilhelm, André Hunebelle & Claude Barma
Photographie : Henri Alekan, Erwin Hillier & Bruno Mondi
Musique : Paul Durand, Gilbert Bécaud, Heinz Gietz & Heinz Kiessling
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Catherine Miller, une vedette du Casino de Paris, est remarquée par Alexandre Gordy, un auteur qui veut la faire jouer dans sa prochaine pièce. Catherine s’installe alors, avec sa famille, chez Gordi sur la Côte d’Azur. Jacques Merval, le secrétaire de Gordi, mais aussi l’auteur véritable des dernières pièces de Gordy, va faire en sorte qu’elle revienne au music-hall.
André Hunebelle (1896-1985) est un cas à part dans le cinéma français. Bien que ses films aient attiré près de 90 millions de spectateurs dans les salles (oui oui), son nom demeure très largement méconnu. Pourtant, la trilogie Fantômas, Le Bossu, Le Capitan, Le Miracle des loups, Les Mystères de Paris, quatre épisodes (sur cinq) de la saga OSS 117, Les Quatre Charlots mousquetaires, Les Charlots en folie : À nous quatre Cardinal ! etc…tout ça, c’est lui ! Hormis Les Trois Mousquetaires et Cadet Rousselle, déjà avec Bourvil, ses deux plus grands succès durant cette décennie, on connaît moins ses opus des années 1950. C’est le cas de Casino de Paris, un autre triomphe commercial (3 millions d’entrées), dont le chanteur, compositeur et pianiste Gilbert Bécaud tient le haut de l’affiche. Rétrospectivement, le film ne vaut que pour cette singularité, car honnêtement Casino de Paris compile tout ce que l’on pouvait parfois reprocher à André Hunebelle, autrement dit une mise en scène complètement impersonnelle, pour ne pas dire inexistante, un rythme poussif et un scénario prétexte. Véhicule de « star », destiné à lancer la carrière au cinéma de son interprète principal, ce dont il rêvait, mais qui ne se fera jamais, Casino de Paris enchaîne les tableaux chantés et musicaux sans aucune imagination, platement filmés (n’est pas Vincente Minnelli qui veut), reliés par une romance peu attachante et des personnages agaçants. Une curiosité sans doute, une réussite sûrement pas.
Le triomphe que remporte Catherine Miller dans sa revue au Casino de Paris décide l’auteur dramatique à la mode Alexandre Gordi à la demander pour créer sa prochaine pièce. Flattée, la vedette s’installe près de Cannes, dans la villa de Gordi, escortée de toute sa famille. Seul Jacques Merval, secrétaire de Gordi, n’est pas d’accord. Cela se comprend car c’est lui qui écrit les pièces que Gordi, plutôt fatigué, se contente de signer. Jacques est d’ailleurs un homme-orchestre dans tous les sens du terme, il s’allie avec le directeur du Casino pour ramener Catherine à ses succès de music-hall. Malgré quelques nuages et grâce à l’intervention généreuse de Gordi, il y parvient. N’a-t-il pas pensé au seul bonheur de celle qu’il aime ?
Ils ont été quatre à pondre ce scénario, à première vue sympathique. André Hunebelle lui-même, son complice Jean Halain (qui sera aussi lié aux films de Louis de Funès), Hans Wilhelm (Christine de Pierre Gasppard-Huit, Battement de coeur d’Henri Decoin, Sans lendemain de Max Ophüls) et Claude Barma (officiant habituellement pour la télévision) posent des idées ici et là, tentent de les coudre ensemble sur un fil lâche, pour livrer un pseudo-récit étalé sur 100 (longues) minutes. Les décors sont beaux pour les scènes chantées, mais n’ont rien d’extraordinaire, d’autres sont parfois médiocres (le jardin de la villa avec cette mer factice en fond), les couleurs pastel donnent au film un aspect bonbon acidulé, mais l’ensemble manque de folie et s’avère bien trop sage pour emballer du début à la fin. Gilbert Bécaud a beau se démener et bondir partout, son charisme lisse et ses airs suffisants n’ont rien d’empathiques, même si ses chansons (La Machine à écrire, Incroyablement) conservent une belle efficacité doublée d’un indéniable charme rétro.
À ses côtés, la belle italienne Caterina Valente, elle aussi chanteuse et danseuse, commençait à apparaître au cinéma. Elle est beaucoup plus naturelle en « gosse de Ménilmontant » face à la caméra que son partenaire et sa présence est incontestable. Co-production franco-italiano-allemande, Casino de Paris repose aussi sur le cabotinage de génie de Vittorio de Sica, très occupé en cette année 1957, avec pas moins d’une douzaine de films à son actif, chez Mario Camerini, Charles Vidor, Mario Monicelli, Antonio Pietrangeli…Tout ce beau petit monde fait ce qu’il peut pour insuffler une énergie à cette histoire, qui manque cruellement d’enjeux, de rebondissements et d’intérêts. La scène centrale durant laquelle Jacques explique la revue dite du « Magicien » est supposée être le gros morceau de bravoure du film (plus de dix minutes), mais le cadre large demeure désespérément vide ou creux et Gilbert Bécaud n’a décidément pas les épaules pour tenir une telle entreprise.
Casino de Paris est au final le témoignage d’une époque révolue, une pièce d’antiquité cinématographique, dont on perçoit les bribes de ce qui pouvait plaire alors aux spectateurs. Amusant un temps, mais usant sur la durée.
LE BLU-RAY
Pathé avait déjà édité Casino de Paris en DVD il y a une dizaine d’années dans la collection Pathé Classique. Le film d’André Hunebelle est désormais disponible en Combo Blu-ray + DVD et intègre désormais l’anthologie Pathé Présente. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.
Le premier supplément de cette édition est un entretien croisé avec Sébastien Le Pajolec (historien du cinéma) et Jacques Pessis (journaliste, écrivain et réalisateur) (37’). Au sein même de la magnifique salle du Casino de Paris, les intervenants s’expriment sur la réalisation du vaudeville d’André Hunebelle (« représentatif de l’âge d’or du cinéma populaire européen, populaire mais d’exigence »), en revenant tour à tour sur le parcours, la carrière et le travail d’André Hunebelle (« les numéros chantés sont un peu illustratifs »), le casting (« Gilbert Bécaud n’est pas particulièrement remarquable »), les points positifs (le long tableau de dix minutes, par ailleurs réalisé par Claude Barma) et sur les partis-pris esthétiques.
Le second bonus est un extrait des infos Pathé, centré sur le trentième anniversaire de Gilbert Bécaud, qui fête en même temps la sortie au cinéma de Casino de Paris (39 secondes).
L’Image et le son
Pathé annonce un master restauré 4K, réalisé à partir d’un internégatif. Casino de Paris est un film tourné en « Franscope », procédé Cinépanoramic et Bavaria Filmkunst-Munich, en Technicolor. La copie demeure marquée par une texture argentique aléatoire, avec des plans parfois étonnamment lisses, des décrochages sur les fondus enchaînés, quelques baisses de la définition et des visages blafards avec Gilbert Bécaud ressemble souvent à un vampire. La propreté de la copie est éloquente, rien à redire là-dessus, les couleurs pastel sont belles, mais l’ensemble paraît trop lumineux avec même des blancs qui semblent brûlés.
L’éditeur livre comme d’habitude une piste DTS-HD Master Audio Mono qui instaure d’emblée un très bon confort acoustique. L’écoute est aérée avec des dialogues clairs et affirmés, ainsi qu’une belle délivrance des chansons. La restauration ne fait aucun doute et surtout, aucun souffle n’est à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.
Crédits images : © Pathé Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr