BREEDERS réalisé par Tim Kincaid, disponible en Blu-ray depuis juin 2023 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Teresa Farley, Lance Lewman, Frances Raines, Natalie O’Connell, Amy Brentano, LeeAnne Baker, Matt Mitler, Adriane Lee…
Scénario : Tim Kincaid
Photographie : Arthur D. Marks
Musique : Don Great & Thomas Milano
Durée : 1h17
Date de sortie initiale : 1986
LE FILM
À Manhattan, plusieurs femmes sont victimes d’un violeur qui les brûle au visage avec de l’acide. Leur point commun est qu’elles sont toutes vierges. Admises au même hôpital, elles vont être soignées par le docteur Gamble Page, qui sera aidé par le détective Dale Andriotti. Le docteur Page aimerait bien trouver l’origine du produit visqueux trouvé sur les jeunes femmes et qui semble ne pas appartenir au monde terrestre…
C’est vendredi ou samedi soir, vous désirez vous scotcher devant la télé pour oublier une semaine pourrie. La qualité des programmes est forcément nullissime et ce qu’il vous faudrait c’est un petit film, très court, mettons 75 minutes, ça serait parfait, mais ce serait surtout pas mal que celui-ci soit drôle, tout en étant bien emballé, sans prise de tête et si possible avec un peu de cul ici et là. Ne cherchez plus, Breeders est exactement ce qu’il vous faut. Réalisé par Tim Kincaid, cet opus d’épouvante tourné avec trois francs six sous (on vous laisse convertir en dollars, en tenant compte de l’inflation, avant de repasser en euros) est produit par Charles Brand, qui a comme qui dirait suivi la doctrine de Roger Corman, autrement dit investir dans des films au budget microscopique, en faisant de larges économies, tout en espérant que les recettes soient ainsi les plus lucratives. Pas étonnant de constater que ce dernier ait produit plus de 400 longs-métrages en cinquante ans de carrière dont le célèbre Le Piège – Tourist Trap (1979) et Fou à tuer – Crawlspace (1986) de David Schmoeller, Ghoulies (1984) de Luca Bercovici, From Beyond: Aux portes de l’au-delà (1986) et Dolls – Les Poupées (1986) de Stuart Gordon. Autant dire que Charles Brand, lui-même réalisateur à ses heures (et qui continue encore à mettre en scène en 2023) a de la suite dans les idées et engage toute une ribambelle d’artistes désireux de percer au cinéma. Ce sera donc le cas pour Tim Kincaid, venu du monde pornographique gay, pour lequel il a signé – souvent sous le pseudo de Joe Gage – moult métrages aux titres explicites (Le Secret des routiers, Tough Guys). Pour Breeders, qu’il a par ailleurs écrit, il imagine une poignée de jeunes et belles vierges être violées par une entité extraterrestre, dans le but d’envahir le monde. Voilà. Le pitch tient en une phrase et le pire c’est que Tim Kincaid s’en sort derrière la caméra et ce en dépit de moyens faméliques. Breeders fait penser au train fantôme d’une fête foraine minable, où tous les trucs se voient à l’avance et ne font pas peur, mais devant lesquels on ne peut s’empêcher de se marrer, par nervosité, mais aussi par compassion. Un gentil ride bien sympathique où toutes les nanas se foutent à poil et sans aucune raison, à part satisfaire les bas et bons instincts des animaux que nous sommes.
Manhattan vit dans la terreur depuis que cinq femmes se sont fait agresser dans de mystérieuses circonstances. Pour la police, il s’agit d’une affaire de violeur en série. Mais le détective Dale Andriotti et le Dr Gamble Pace découvrent rapidement que la vérité est bien pire : un monstre extraterrestre a élu domicile dans une station de métro désaffectée et s’attaque aux femmes humaines afin de se reproduire. Dans une course contre la montre pour le salut de l’humanité, Andriotti et Pace affrontent une créature plus horrible que tout ce qu’ils avaient imaginé…
Décidément, cette ville de New York aura inspiré tous les réalisateurs du monde entier et nombreux sont ceux qui auront vu dans la Grosse Pomme le point central de la planète, idéal donc pour que des aliens démarrent leur conquête de la Terre. Certes, on tiquera volontiers devant la science infuse des médecins qui parviennent au cours d’un examen à établir le fait que de la poussière de brique rouge remonte à telle année et ne peut provenir que d’un seul endroit exactement à Manhattan, ou dans ses sous-sols plutôt, et ce en gardant un sérieux de circonstance, car l’heure n’est pas à la gaudriole. Sauf pour le spectateur qui pouffera de rire en entendant ces superbes dialogues du genre « Ma petite sœur a été violée quand elle avait sept ans…j’ai vu une très jeune fille devenir une petite vieille en quelques semaines…alors on va le boire ce verre ? ». Pourtant, le lieutenant qui mène l’enquête, interprété par Lance Lewman (dans la première de ses rares apparitions à l’écran), n’est pas le pire des personnages de Breeders.
En réalité, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre et cet aspect est aussi l’un des points les plus jubilatoires du film. On apprécie la choucroute de la canon Teresa Farley (dans son second et dernier long-métrage avec Bad Girls Dormitory du même Tim Kincaid), la séance d’aérobic à poil de Frances Sherman (Riot on 42nd St. de…ah bah tiens Tim Kincaid aussi), la transformation les dents serrées (car avoir le ventre lacéré de l’intérieur, ça fait un mal de chien) de Matt Mitler, l’indécise Adriane Lee (qui se met nue pour enfiler une chemise, avant d’aller prendre une douche) et bien d’autres. Vous pouvez vous marrer, mais en attendant Breeders compile quelques scènes anthologiques qui resteront dans quelques coins perdus de votre mémoire vieillissante et qui reviendront à n’en point douter au moment où vous vous y attendrez le moins, tout en vous demandant d’où peuvent bien provenir ces souvenirs. Est-ce quelque chose que vous avez vu ? Que vous avez rêvé ? Ou imaginé après deux ou trois taffes d’une cigarette magique ? Qu’est-ce que c’est que cette baignoire (en fait un nid) remplie de foutre alien (ou issu d’anciens tournages de Tim Kincaid) dans lequel se prélassent avec extase des nanas dans le plus simple appareil ?
Comment un être normalement constitué a pu penser à un tel truc ? Est-on bien sûr d’avoir vu une créature au visage représentant une vulve avec des crocs ? C’est là où Breeders devient génial, en livrant des séquences improbables et uniques, dans une complète décontraction (et en rendant hommage aux films de monstres des années 1950), en y allant franchement. Disons-le, c’est un classique du genre.
LE BLU-RAY
En fouinant, on découvre que Breeders avait déjà été édité en DVD en France, en 2004, chez MGM/United Artists. Vingt ans plus tard, qui aurait pu penser une seule seconde que le film de Tim Kincaid serait proposé en Haute-Définition ??? Un miracle que l’on doit au Chat qui fume, qui à cette occasion à d’ores et déjà sorti quelques pépites du même acabit, dont nous vous ferons part prochainement. En l’état, le disque repose dans un boîtier Scanavo. Jaquette au visuel très attractif pour les cinéphiles/ages. Le menu principal est animé et musical.
En plus de la bande-annonce, Le Chat qui fume nous propose une formidable rencontre avec Damien Granger (18’). L’ancien rédacteur en chef du magazine Mad Movies et auteurs de livres axés sur le cinéma d’exploitation (Sexy Starlettes, Horror Porn, B-Movie Posters…) parle dans un premier temps de la carrière du producteur Charles Brand, qui dans les années 1980 avait décidé d’investir dans une série de petits films à très faibles budgets (moins de 100.000$). C’est là qu’intervient le réalisateur Tim Kincaid, avec lequel il fera quatre longs-métrages en deux ans. Le parcours de ce dernier, les conditions de tournage de Breeders (10 jours de prises de vue pour 60.000 dollars de budget), l’histoire du film, les partis-pris (« une des séries B les plus sexualisées jamais faites […] tout tourne autour du cul dans Breeders […] avec des scènes de nu totalement gratuites », la photographie, les effets spéciaux d’Ed French, la diffusion du film sur La Cinq (en version amputée de toutes les scènes gores et quasiment tous les plans des actrices à poil) sont les sujets abordés par Damien Granger, qui recommande Breeders, « un film amusant et attachant, avec des scènes incroyables, pour ne pas dire fascinantes ».
L’Image et le son
Aux Etats-Unis, Breeders est disponible en Blu-ray chez Olive Films depuis 2016. C’est vraisemblablement la même copie qui arrive en France. Un master très propre, étonnamment superbe même. La HD est flagrante, surtout sur la luminosité et l’éclat des couleurs, le grain est très bien géré (plus accentué sur les scènes sombres), le piqué agréable, les détails appréciables (le dédales des rues new-yorkaises, la texture des vêtements, les gros plans) et la profondeur de champ indéniable.
Les versions originale et française bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues (tordants) avec minutie, ainsi que partition plutôt pas mal. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré. Le mixage français est certes moins riche mais le doublage vaut son pesant.
Crédits images : © Le Chat qui fume / Orion Pictures Corporation / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr