ATLANTIQUE réalisé par Mati Diop, disponible le 4 février 2020 en DVD et Blu-ray chez Ad Vitam.
Acteurs : Abdou Balde, Aminata Kane, Ibrahima Mbaye, Amadou Mbow, Mame Bineta Sane, Diankou Sembene, Nicole Sougou, Babacar Sylla…
Scénario : Mati Diop, Olivier Demangel
Photographie : Claire Mathon
Musique : Fatima Al Qadiri
Durée : 1h44
Année de sortie : 2019
LE FILM
Ada, qui va bientôt se marier avec Omar, immigré régulier en Italie, est amoureuse de Souleiman. Tous deux doivent se retrouver ce soir-là, avec les autres garçons et filles, dans une boîte de nuit de bord de mer. Mais Souleiman décide de quitter le pays en embarquant sur l’océan.
Pour son premier long métrage en tant que réalisatrice, la comédienne Mati Diop, vue dans 35 rhums (2008) de Claire Denis est repartie avec le Grand Prix au Festival de Cannes en 2019. Une récompense prestigieuse qui est venue distinguer très justement cette œuvre quasi-inclassable, mais néanmoins engagée, à la frontière de plusieurs genres, qui a des choses à dire, mais qui préfère en même temps faire confiance au ressenti du spectateur, pour ne pas lui servir un discours politique tout cuit dans le bec. Tout cela en flattant une audience cinéphile et même cinéphage en plaçant son histoire dans le film de genre, et plus particulièrement dans le film de zombies. Atlantique est typique d’une première œuvre, riche, peut-être et sans doute trop, dans laquelle Mati Diop place tout ce dont elle a envie de parler. En résulte un film qui peut parfois sembler bancal, traversé néanmoins par de remarquables fulgurances dramatiques, magnifiquement photographié et surtout interprété par une jeune comédienne en état de grâce, la révélation Mame Bineta Sané, en lice pour obtenir le César du Meilleur espoir féminin.
Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers d’un chantier, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le pays par l’océan pour un avenir meilleur. Parmi eux se trouve Souleiman, qui laisse derrière lui celle qu’il aime, Ada, promise à un autre homme. Quelques jours après le départ en mer des garçons, un incendie dévaste la fête de mariage d’Ada et de mystérieuses fièvres s’emparent des filles du quartier. Issa, jeune policier, débute une enquête, loin de se douter que les esprits des noyés sont revenus. Si certains viennent réclamer vengeance, Souleiman, lui, est revenu faire ses adieux à Ada.
Bien après le visionnage d’Atlantique, le film ne cesse de revenir sans cesse en tête, le spectateur essayant de recomposer certaines scènes, pour comprendre là où Mati Diop a bien voulu le mener et ce qu’elle a souhaité lui dire. Tout d’abord, la beauté plastique d’Atlantique est indéniable avec ses couleurs pastel concoctées par la grande directrice de la photographie Claire Mathon, dernièrement à l’oeuvre sur Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma et Rester vertical d’Alain Guiraudie. La mise en scène élégante de Mati Diop agit comme une véritable séance d’hypnose du début à la fin, impression renforcée par cette fièvre étrange qui s’empare de quelques habitants et qui ranime momentanément les esprits des noyés, ceux qui étaient partis en espérant trouver un futur plus prometteur. A la fois documentaire, pour tout ce qui tourne autour du chantier de cette incroyable tour futuriste (inspirée par un projet abandonné imaginé par l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade et Mouammar Kadhafi en 2009) qui apparaît comme un mirage en plein désert, ainsi que la situation sociale des habitants (des acteurs non-professionnels pour la plupart) et des ouvriers (les migrations subsahariennes, le désœuvrement de la jeunesse africaine), drame politico-psychologique et conte fantastique où les vivants, ceux qui sont restés, portent en eux les disparus, Atlantique perturbe les repères et emmène là où s’y attendait le moins.
Si toutes les réponses ne sont données à la fin, le film de Mati Diop reste suffisamment limpide pour accrocher. Coécrit par la réalisatrice et Olivier Demangel (consultant sur la série Baron Noir), Atlantique est en fait la version en long métrage du court-métrage de Mati Diop, Atlantiques, réalisé à Dakar en 2009, qui surfait déjà sur le fil tendu entre le documentaire et la fiction. En fait, Atlantiques était un prologue d’Atlantique et les deux films restent désormais indubitablement liés.
Sur un montage lent, languissant, mais toujours maîtrisé, Atlantique avance par vagues (!) successives, comme un ressac qui emporte l’audience dans un flot d’émotions, un univers méconnu, palpable, mais qui conserve son étrangeté et son ambiguïté, et avant tout son charme poétique.
LE BLU-RAY
Le DVD et le Blu-ray d’Atlantique sont disponibles chez Ad Vitam. La jaquette de l’édition HD reprend le visuel de la superbe affiche d’exploitation, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est animé et musical.
Nous en parlions plus, le court-métrage Atlantiques (16’) réalisé par Mati Diop en 2009 dans le cadre de ses études, est proposé comme unique supplément sur cette édition. On y suit Serigne, un jeune homme qui raconte à ses amis sa traversée en mer. « C’est l’époque « Barcelone ou la Mort » où des milliers de jeunes quittent les côtes sénégalaises pour un avenir meilleur en tentant de rejoindre l’Espagne » raconte la réalisatrice.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Après son triomphe à Cannes, Ad Vitam prend soin d’Atlantique pour son arrivée dans les salons et en Haute Définition. Un master HD quasi-irréprochable au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, avec l’horizon bleuté, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, seuls les arrière-plans auraient pu être un peu plus détaillés, surtout sur les plans d’ensemble. Les gros plans sont ciselés à souhait, la colorimétrie est joliment laquée, le relief très présent. Un service après-vente remarquable et élégant.
La très belle musique composée par Fatima Al Qadiri est admirablement délivrée et spatialisée par le mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Wolof et Français. Les voix des comédiens s’imposent sans mal sur la centrale, toujours clairs et distincts. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales, la balance gauche-droite est dynamique, même si le caisson de basses reste souvent au point mort. La piste Stéréo instaure également un très bon confort acoustique.