ADIEU POULET réalisé par Pierre Granier-Deferre, disponible en DVD et combo Blu-ray/4K UHD le 5 juin 2024 chez Rimini Éditions.
Acteurs : Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux, Julien Guiomar, Pierre Tornade, Françoise Brion, Claude Rich, Claude Brosset…
Scénario : Francis Veber, d’après le roman de Raf Vallet
Photographie : Jean Collomb
Musique : Philippe Sarde
Durée : 1h31
Année de sortie : 1975
LE FILM
Le commissaire Verjeat, aidé de son adjoint Lefèvre se bat contre la corruption de sa ville, à la veille de nouvelles élections. Mis sous pression, il partira en donnant un coup de pied dans la fourmilière…
Quel pied ! Malgré ses multiples rediffusions à la télévision, Adieu poulet de Pierre Granier-Deferre (1927-2007) reste un très grand moment du cinéma français. L’immense réussite de ce film policier écrit par Francis Veber, d’après le roman de Raf Vallet lui -même inspiré par un fait divers survenu à Puteaux au début des années 1970, découle de l’alliance entre un réalisateur chevronné, un scénariste virtuose et un casting exceptionnel mené par deux de nos plus grands comédiens, Lino Ventura et Patrick Dewaere. Thriller politique qui n’a jamais été autant d’actualité, Adieu poulet est et reste une véritable référence, par ailleurs grand succès critique et public à sa sortie en décembre 1975 avec près de 2 millions spectateurs.
Alors que la campagne électorale bat son plein à Rouen, le commissaire Verjeat (Lino Ventura) enquête dans une maison close suite à la mort d’un des clients alors qu’il était ‘en peine action’. La tenancière du bordel le prévient qu’elle connaît nombre de personnalités importantes et qu’il serait mieux de ne pas aller fouiller trop loin. Dans le même temps il a affaire à la mort de l’un de ses hommes qui tentait de sauver des colleurs d’affiches agressés par un voyou. Il s’avère que ce dernier, ancien repris de justice, travaille dans le service de sécurité de l’un des candidats les plus en vue pour la prochaine élection municipale, le républicain Lardatte (Victor Lanoux), qui défend l’ordre et la morale. Avec le désinvolte et arrogant inspecteur Lefèvre (Patrick Dewaere), de vingt ans son cadet, et même si on lui met des bâtons dans les roues, Verjeat va vouloir aller jusqu’au bout quitte à risquer sa carrière…
Pourquoi le cinéma hexagonal ne parvient plus ou rarement à atteindre une telle qualité ? Plus de réalisateur aussi engagé ? Plus de scénariste-dialoguiste talentueux ? Plus de comédiens magnétiques et virtuoses ? Sans doute tout cela à la fois. C’est pourquoi le film de Pierre Granier-Deferre (La Métamorphose des cloportes, La Horse, Le Chat, La Veuve Couderc) demeure une valeur sûre, vers laquelle on se tourne en sachant que l’on a affaire à du vrai cinoche. Véritable buddy-movie, genre que Francis Veber déclinera dans la comédie pure et qui assurera son triomphe en tant que metteur en scène, notamment à travers sa trilogie avec Gérard Depardieu et Pierre Richard, Adieu poulet convoque la crème du cinéma français. Aux côtés de Lino Ventura, qui retrouvait alors immédiatement le cinéaste de La Cage, et de Patrick Dewaere, tout juste auréolé du succès phénoménal des Valseuses, sublimes de complicité, Victor Lanoux (sans moustache) se taille également la part du lion dans le rôle du politicien véreux (pléonasme diront certains) Lardatte, vénéneux et suintant à souhait. Ajoutez à ce trio Julien Guiomar, Pierre Tornade, Françoise Brion, Claude Rich, Claude Brosset, Dominique Zardi, Henri Attal, Valérie Mairesse, Michel Beaune, Jacques Serres, Michel Robin et bien d’autres tronches incontournables et vous obtenez l’exemple type du grand cinéma d’alors.
Francis Veber signe un bijou de drame-policier toujours teinté d’humour, tout en livrant de fabuleux mots d’auteur :
« Pourquoi qu’t’es rentré dans la police toi Lefèvre ?
Parce que j’étais feignant, parce que, pfft, j’avais aucune capacité et puis que…
Bah moi c’est pareil ! J’ai été flic 24 heures sur 24 pendant 30 ans et j’sais pas non plus pourquoi tu vois…Et j’me r’trouve à 5h du matin avec un gugusse qui va en faire autant. Et qui un jour finira tout seul, comme moi.
Enfin heureusement ! Vous vous rendez compte ? Pas de femme de flic qui nous attend à la maison, avec un haricot de mouton. Non ! On est les rois nous ! Seuls ! Libres ! Et on va se payer Lardatte en prime. C’est nous les plus forts !
J’aime bien ça moi le haricot de mouton… »
Avec sa mise en scène carrée soulignée par la partition toujours inspirée et jazzy de Philippe Sarde, ses acteurs au sommet, ses dialogues percutants et son scénario en béton, Adieu poulet est un chef d’oeuvre, ni plus ni moins.
« Verjeat, il est à Montpellier, Verjeat ! »
LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD
Six ans après une édition Restauration Prestige – Blu-ray + DVD sortie chez TF1 Studio, Adieu poulet revient dans les bacs chez Rimini. À cette occasion, l’éditeur livre son premier disque 4K Ultra-HD, galette disponible en combo avec le Blu-ray (ainsi qu’en édition DVD Standard), le tout glissé dans un boîtier classique de couleur noire, reposant dans un fourreau cartonné. Visuel attractif qui devrait taper dans l’oeil des cinéphiles et des adeptes d’UHD. Le menu principal est animé et musical. Nous ne remercierons jamais assez l’éditeur pour sa confiance depuis les débuts de Homepopcorn. Comme les choses sont bien faites, cette première édition 4K de chez Rimini est aussi la 200è chronique que nous consacrons à leur catalogue.
En plus de la bande-annonce, Rimini reprend les deux suppléments de l’édition TF1 Studio. À l’occasion de la sortie d’Adieu poulet en version restaurée en 2018, le scénariste du film de Pierre Granier-Deferre, le grand Francis Veber, revenait sur l’écriture de ce polar « très difficile à faire » (21’). L’adaptation du roman de Raf Vallet, le casting, le rejet de la première mouture par Lino Ventura (« Lino ne se fait pas acheter par une pute » maintenait l’acteur), la collaboration avec le réalisateur, tout était passé en revue. Ce module est souvent passionnant, malgré de nombreuses digressions sur la carrière américaine de Francis Veber, quelques piques lancées à Yves Robert (« qui n’a pas écrit une ligne du Grand Blond avec une chaussure noire, bien qu’il soit mentionné en tant que scénariste »), ainsi que sur les transpositions cinématographiques du Tambour par Volker Schlöndorff et du Parfum par Tom Tykwer, exemple de « très grands romans qui ne donnent pas de grands films ». Francis Veber évoquait également quelques-unes de ses références tels que Woody Allen et Groucho Marx.
Nous retrouvons aussi la présentation de Clélia Ventura présente sur le DVD sorti en 2009 (8’30). La fille du comédien replace Adieu poulet dans la carrière de son père, parle de l’échec au box-office de La Cage, réalisé par Pierre Granier-Deferre, puis du désir de Lino Ventura de s’associer à nouveau avec le cinéaste. Clélia Ventura aborde également la collaboration et la complicité de Patrick Dewaere avec son père (« la rencontre de l’ordre et du désordre »), tout en indiquant que Lino Ventura était très fier d’avoir fait ce film.
Jean-Pierre Vasseur de Rimini Éditions est allé à la rencontre de Luc Larriba (et non pas Arriba comme l’indique la jaquette et le carton en intro), excellent journaliste (Revus et Corrigés, Schnock) et auteur de livres sur le cinéma (Bourvil, La Piscine). Il s’agit probablement d’un des meilleurs bonus concoctés par l’éditeur depuis ce début d’année. Pendant une demi-heure, Luc Larriba, sur un rythme effréné, passe en revue tout ce qu’il y a à savoir sur Adieu poulet, mais aussi sur le cinéma de Pierre Granier-Deferre, auquel il rend un très bel hommage, tout en indiquant que, contrairement à ce que la critique de l’époque semblait penser, que le réalisateur était également un vrai auteur et non un simple technicien, « un metteur en scène qui a toujours mis quelque chose de lui dans ses films, qui a filmé son époque comme le voulait, avec un vrai regard sur les individus et la société ». Après cette réhabilitation, l’intervenant s’exprime sur les conditions de production d’Adieu poulet, sa genèse (le roman de Jean Laborde, sous le pseudo de Raf Vallet), le replace dans la filmographie du cinéaste, dans le contexte politique et social de son époque. L’écriture du scénario par Francis Veber, le casting, la rencontre des deux générations représentées par Lino Ventura et Patrick Dewaere (qui allaient s’entendre à merveille), la dimension documentaire dans la représentation des méthodes policières (le film allait participer à la vocation de jeunes aspirants flics comme un certain Olivier Marchal) et le triomphe d’Adieu poulet sont aussi les sujets abordés au cours de cette formidable présentation.
C’est au précieux et talentueux Jérôme Wybon que l’on doit l’autre ajout (et non des moindres) de cette nouvelle édition, à savoir une interview inédite de Pierre Granier-Deferre et Lino Ventura, provenant de la télévision belge (11’30). Diffusé en 1976 et jusqu’alors considéré comme perdu, cet entretien (présenté en HD, d’après un scan 16mm) forcément indispensable, que Jérôme Wybon avait alors tenté de retrouver pour le DVD TF1 de 2009, est un petit trésor pour les fans du comédien. Celui-ci, la pipe au bec, défend ce film et explique au journaliste pourquoi Adieu poulet n’est pas qu’une « sempiternelle histoire de flic », tandis que Pierre-Granier Deferre parle des personnages et de la représentation de la police dans ce film « de caractères ». On pourrait écouter ces deux-là pendant des heures, quand le réalisateur déclare son amour pour les comédiens professionnels ou quand Lino Ventura s’oppose au journaliste et lui demande « pourquoi selon-lui un type qui n’aime pas s’exhiber ne pourrait pas être acteur ».
L’Image et le son
Adieu poulet a bénéficié d’une restauration 4K, réalisée en 2017 à partir du négatif image original, par le Laboratoire Lumières Numériques. L’image est très propre et le format original respecté, mais point de miracle concernant la photo assez passe-partout et aux teintes fanées de Jean Collomb (L’aventure, c’est l’aventure, Le Silencieux, La Gifle) qui reste peu éclatante en 4K UHD, même si la palette chromatique est heureusement plus riche qu’en Blu-ray. La stabilité est de mise, la clarté semble légèrement plus appuyée, les contrastes ont été revus à la hausse (HDR 10 – Dolby Vision). Le piqué est correct, le grain bien géré et la texture d’ensemble plutôt agréable. Notons également que les séquences tournées en extérieur sont celles qui profitent le plus de cette élévation UHD.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont clairs, bien que certains échanges manquent parfois d’ardeur. La propreté est de mise (bande-son restaurée à partir de la piste magnétique originale), les effets suffisamment riches et les silences denses, sans aucun souffle. La très belle composition de l’immense Philippe Sarde jouit également d’un très bel écrin. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, mais l’ancienne piste Audiodescription est ici absente.
Crédits images : © Les Films Ariane / Mondex Films / TF1 Studio / Rimini Éditions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr