ABSOLUTION réalisé par Anthony Page, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 21 octobre 2021 chez LCJ Editions & Productions.
Acteurs : Richard Burton, Dominic Guard, David Bradley, Billy Connolly, Andrew Keir, Willoughby Gray, Preston Lockwood…
Scénario : Anthony Shaffer
Photographie : John Coquillon
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1978
LE FILM
Un prêtre sans compassion est enseignant dans une école militaire catholique. Un étudiant décide de lui jouer un tour et lui raconte, lors d’une confession, comment il a accidentellement assassiné un de ses amis et l’a enterré dans la forêt. Une blague morbide qui va se transformer en un meurtre sanglant, lorsque l’homme d’église décidera d’en savoir plus…
C’est un bijou méconnu, voire complètement oublié de l’épouvante britannique. Mais attention, point de sang, pas de gore, ni encore d’effets outranciers destinés à faire peur ! Absolution est l’une des rares incursions au cinéma du réalisateur Anthony Page (né en 1935), qui aura fait l’essentiel de sa carrière à la télévision, à travers des séries diverses (Z Cars, Middlemarch, Performance), mais surtout moult téléfilms comme Male of the Species (1969) avec Sean Connery et Michael Caine, Pueblo (1973) avec Hal Hholbrook et Ronny Cox, The Missiles of October (1974) avec William Devane et Martin Sheen, jusqu’à My Zinc Bed (2008), son dernier en date, interprété par Uma Thurman et Jonathan Price. A la fin des années 1970, le metteur en scène va enchaîner trois projets destinés à être exploités dans les salles, Jamais je ne t’ai promis un jardin de roses – I Never Promised You a Rose Garden, avec Bibi Andersson, d’après un roman de Joanne Greenberg, The Lady Vanishes, remake du film d’Alfred Hitchcock, avec Elliott Gould et Cybill Shepherd, ainsi qu’Absolution, d’après un scénario d’Anthony Shaffer, tiré d’une de ses pièces de théâtre qui n’avait jamais vu le jour. Ce dernier n’est autre que l’auteur de Frenzy (1972), de Sleuth – Le Limier (1972) de Joseph L. Mankiewicz, de The Wicker Man (1973) de Robin Hardy et de Mort sur le Nil – Death on the Nile (1978) de John Guillermin. Dans Absolution, on retrouve cette implacable mécanique qui a fait le style reconnaissable du scénariste, qui prend le spectateur à la gorge d’entrée de jeu et qui ne fait que resserrer sa pression jusqu’au dénouement absolument ébouriffant. Magistralement interprété par Richard Burton (dans un rôle envisagé pour Christopher Lee), qui entamait alors la dernière partie de sa vie, puisqu’une hémorragie cérébrale l’emportera six ans plus tard à l’âge de 58 ans, Absolution demeure un modèle de thriller paranoïaque et psychologique teinté d’horreur, qui glace les sangs et qui marquera les esprits des cinéphiles qui s’y aventureront.
Dans un pensionnat catholique. Le Père Goddard (Richard Burton), un homme sévère, se lie d’amitié avec Benjie (Dominic Guard), un élève brillant. Goddard entre dans une colère noire lorsqu’il s’aperçoit que l’adolescent, très influençable, passe beaucoup de temps avec Blakey (Billy Connolly), un jeune dont la liberté d’esprit se nourrit d’un anticléricalisme virulent. Après avoir interdit à son protégé de fréquenter cette brebis galeuse, Goddard met tout en oeuvre pour que l’indésirable quitte les lieux, allant jusqu’à faire appel à la police. Son ami chassé, Benjie, révolté, prépare une cruelle vengeance en prenant pour cible un élève impopulaire et déjà le sujet de moqueries de la part de ses camarades de classe, Arthur Dyson (David Bradley).
Si l’on ne sait pas où le scénariste et le réalisateur veulent nous mener dans la première partie, une ambiance lourde, pesante, pour ne pas dire glauque se fait ressentir quasiment instantanément. Les personnages sont très vite présentés, entre le rigide Père Goddard, un prêtre d’une école catholique, son meilleur élève Benjamin Stanfield et la tête de turc de l’établissement Arthur Dyson, que Goddard déteste ouvertement, un étrange triangle s’installe. Puis, Absolution plonge dans les sujets délicats de la foi et la religion pour mieux parler des déviances humaines, une fois que le Père Goddard ait longuement parlé avec sa classe du concept catholique de la confession, notamment du fait qu’un prêtre catholique ne peut pas briser le sceau de cet acte, même si cela inclut un crime grave ou un meurtre. Le récit prend ensuite la forme d’une réaction en chaîne et fait perdre ses repères aux spectateurs ainsi qu’au Père Goddard, Richard Burton n’étant jamais aussi bon que lorsqu’il lui fallait traduire les tourments de ses personnages. Il est extraordinaire dans Absolution, retrouvant ici le même jeu fiévreux que l’année précédente dans l’ahurissant Equus de Sidney Lumet et par ailleurs la soutane qu’il portait dans L’Exorciste 2 : L’Hérétique – Exorcist II: The Heretic de John Boorman. La descente aux enfers de Father Goddard et la dernière séquence du film, celle de la révélation, qu’on ne soupçonnait pas une seule seconde, sont autant de scènes qui s’impriment de façon indélébile dans notre mémoire et qui reviennent encore longtemps après.
Face à Richard Burton, Dominic Guard dans le rôle de Benjie, pervers inattendu, étonne, agace, donne envie de lui mettre des baffes (c’est dire si le comédien est bon) et fait penser à un élève de Poudlard, qui aurait intégré la maison Serdaigle, alors qu’il s’agit en réalité d’un redoutable Serpentard. Révélé dans Le Messager – The Go-Between (1970) de Joseph Losey, vu ensuite dans Pique-nique à Hanging Rock (1975) de Peter Weir, le jeune comédien impressionne et sa lente transformation participe à la très grande réussite d’Absolution. Il en est de même pour David Bradley (révélé dans le rôle principal de Kes de Ken Loach), incroyable dans la peau du pauvre Arthur, cheveux gras plaqués sur le crâne, lunettes aux verres culs de bouteilles, la peau brillante de sébum, qui souhaiterait devenir le meilleur ami de Benjie, pour se faire respecter et sans doute apprécier du Père Goddard, qui n’est pas le dernier pour l’humilier devant les autres élèves. Mais quand Benjie avoue dans le confessionnal vouloir s’en prendre à Arthur, Goddard se retrouve dans une impasse, car bloqué par le secret que lui impose sa fonction.
Particulièrement sombre, désenchanté et crépusculaire (superbe photo de John Coquillon, célèbre chef opérateur de The Changeling de Peter Medak et du Grand Inquisiteur de Michael Reeves), Absolution, avec sa vision profondément pessimiste de l’âme humaine, prend aux tripes et se clôt dans un cri déchirant qui n’a pas fini de résonner…
LE BLU-RAY
Quand on fouine un peu, on découvre qu’Absolution avait déjà été édité en DVD en 2009 chez feu EuropaCorp. Octobre 2021, le film d’Anthony Page atterrit dans la besace de LCJ Editions & Productions, en DVD cette fois encore, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur noire, est beaucoup plus attractif que le précédent et attirera forcément l’oeil du cinéphile avide d’épouvante. Le menu principal est animé et musical.
Aucun supplément…alors que l’édition UK sortie chez Indicator contenait une tonne de suppléments, comme un Director’s Cut réalisé en 2018 (qui dure dix minutes de moins), un commentaire audio, une interview d’Anthony Page, une autre de Dominic Guard, et bien d’autres…
L’Image et le son
Hormis un générique quelque peu délavé, le transfert est irréprochable, le master immaculé (il s’agit d’une récente restauration 2K), stable et dépourvu de déchets résiduels. Les noirs sont concis, la colorimétrie est volontairement froide et fanée. Les décors dépouillés sont omniprésents et les personnages n’ont aucun mal à ressortir devant un fond uni, avec de très beaux gros plans, notamment sur le visage buriné de Richard Burton. La gestion des contrastes est également très solide. Malgré un très léger voile apparent, ainsi que de menus changements chromatiques au cours d’une même séquence (la dernière surtout), ce master HD présenté dans son format d’origine 1.85 ne manque pas d’attraits. Le Blu-ray est au format 1080p.
Le film d’Anthony Page bénéficie d’un doublage français. Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage très moyen (euphémisme) s’accompagne de quelques chuintements et les dialogues sont souvent mis trop en avant. La version anglaise DTS-HD Master Audio est plus dynamique, propre et intelligible, homogène dans son rendu, notamment au niveau des effets sonores, même si nous notons là aussi divers sifflements et échanges sourds.