Test Blu-ray / À cheval sur le tigre, réalisé par Luigi Comencini

À CHEVAL SUR LE TIGRE (A cavallo della tigre) réalisé par Luigi Comencini, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 14 octobre 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Nino Manfredi, Mario Adorf, Valeria Moriconi, Gian Maria Volontè, Raymond Bussières, Luciana Buzzanca, Ferruccio De Ceresa, Vincenzo Fortunati…

Scénario : Luigi Comencini, Furio Scarpelli, Agenore Incrocci & Mario Monicelli

Photographie : Aldo Scavarda

Musique : Piero Umiliani

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Giacinto Rossi a été condamné à trois ans de prison pour vol et abus de confiance. Il a presque purgé sa peine quand trois codétenus profitent de son poste d’aide-infirmier pour lui demander de faciliter leur évasion. Giacinto devient leur complice sans savoir ce qu’ils mijotent…

Après l’énorme succès (international) du PigeonI Soliti Ignoti (1958), Age, Scarpelli et Mario Monicelli s’associent avec Luigi Comencini pour écrire À cheval sur le tigreÀ cavallo della tigre (ou comment expliquer qu’il est dangereux d’enfourcher un tigre, mais encore plus d’en descendre puisqu’on prend le risque de se faire bouffer), passerelle entre le cinéma néoréaliste et la comédie à l’italienne. Le cinéaste y dépeint la vie carcérale de manière réaliste, son univers, le quotidien des prisonniers et les cellules surchargées, tout en dressant le portrait d’un pauvre type malchanceux qui croyait avoir trouvé la bonne combine pour sortir sa famille de la panade. Nino Manfredi incarne Giacinto, emprisonné pour avoir simulé sa propre agression. C’était sans compter sur le témoignage d’un pêcheur un peu demeuré qui a assisté à toute la scène et qui le dénonce aussitôt que Giacinto lui demande d’appeler les secours. L’immense acteur italien joue à merveille les multiples facettes que lui offre le rôle de Giacinto, faible, mouchard, trouillard, en un mot un type banal. À cheval sur le tigre est un film drôle mais aussi émouvant et violent, mettant souvent mal à l’aise comme lorsque Giacinto est rossé par ses camarades de prison, cette scène étant d’un réalisme brut et inattendu. En préparant le film, Comencini étudie longuement la vie carcérale et va même jusqu’à rencontrer d’anciens évadés. Prenant le temps d’installer les personnages et l’univers de la prison durant les 50 premières minutes du film, À cheval sur le tigre devient ensuite une grande évasion faite de rapports humains, d’espoirs et de doutes où s’impose sans difficulté l’extraordinaire Nino Manfredi. Dissimulé entre deux monuments de la carrière du maître, La Grande PagailleTutti a casa et Le CommissaireIl commissario, À cheval sur le tigre, qui n’avait guère attiré les spectateurs à sa sortie, sans doute rebutés par la noirceur et la crasse du milieu dépeint, est à juste titre réhabilité depuis une vingtaine d’années.

À Rome. Giacinto Rossi, un pauvre infirmier endetté jusqu’au cou, est emprisonné pour simulation de crime. Trois ans plus tard, il se retrouve dans une cellule avec Tagliabue, un assassin sans scrupules, Sorcio, un voleur âgé, et Papaleo, un homme cultivé obsédé par l’honneur qui a tué l’amant de sa partenaire Olga. Giacinto est forcé par les trois à les aider à s’échapper de prison, et, après s’être réfugiés dans un bunker abandonné, ils ont l’intention de s’abriter à l’étranger. Cependant, Sorcio est envoyé pour récupérer de l’argent, mais ne revient pas, et donc Hyacinthe, Tagliabue et Papaleo sont forcés, face à mille malheurs, de fuir seuls. Les choses tournent mal pour les évadés. Une grande vadrouille commence.

À cheval sur le tigre est la première des quatre collaborations entre Nino Manfredi et Luigi Comencini. Suivront Les Russes ne boiront pas de Coca-Cola Italian Secret Service (1968),Les Aventures de PinocchioLe Avventure di Pinocchio (1972)et le film à sketches Mesdames et messieurs, bonsoir Signore e signori, buonanotte(1976). Le comédien n’est pas encore le « Mousquetaire » parmi les cinq que l’on connaît (avec Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alberto Sordi et Marcello Mastroianni), mais commence à enchaîner sérieusement les tournages, chez Mauro Bolognini, Steno, Dino Risi, Sergio Corbucci, Carlo Lizzani et Vittorio De Sica. Il est remarquable dans À cheval sur le tigre, pauvre type qui pensait s’en sortir en se faisant passer pour la victime d’un vol, mais qui est vite rattrapé par la réalité. Autrement dit, Giacinto n’est pas un mauvais bougre et cela se retourne toujours contre lui quand il essaye de faire croire le contraire.

Alors qu’il voit le bout de sa peine arriver après 36 mois d’emprisonnement, il se retrouve embarqué dans une évasion qu’il n’a pas voulue, par une bande de criminels, beaucoup plus dangereux et déterminés que lui. Parmi ceux-ci, on reconnaîtra Gian Maria Volontè, au tout début de sa carrière au cinéma, qui sortait à peine du splendide La Fille à la valiseLa Ragazza con la valigia de Valerio Zurlini et qui se préparait à tenir le rôle-titre de l’ambitieux Le TerroristeIl Terrorista de Gianfranco De Bosio. Mais celui qui vole quasiment la vedette à chaque apparition est l’imposant Mario Adorf (95 ans au compteur et encore récemment en activité en Allemagne), dont le personnage de Tagliabue préfigure le mythique Affreux, sales et méchants Brutti, Sporchi et Cattivi (1976) d’Ettore Scola. Le comédien germano-suisse (dont le père était aussi italien) promènera sa belle carcasse dans le cinéma transalpin et même jusqu’à Hollywood, et saura toujours se distinguer, aussi bien chez Lamberto Bava que Billy Wilder, en passant par Fernando Di Leo, Volker Schlöndorff, Aldo Lado, Sam Peckinpah, Dario Argento, Sergio Corbucci et bien d’autres. La violence et la puissance de Tagliabue contrastent en permanence avec la lâcheté de Giacinto, qui s’en prend d’ailleurs beaucoup dans la tronche par ses comparses, et cela crée une ambiguïté qui a quelque peu décontenancé une grande partie du public à la sortie du film, peu habitués à cette noirceur dans une comédie. Les spectateurs français reconnaîtront aussi Raymond Bussières, qui faisait beaucoup d’apparitions dans le cinéma italien et ce jusqu’au mitan des années 1970.

On suit la folle cavale de notre bande mal assortie, menée à cent à l’heure par un Luigi Comencini sans cesse inspiré derrière la caméra. Le scénario est un pur bijou, les dialogues sont à se damner, la photographie d’Aldo Scavarda (L’Avventura, La Poursuite implacable) est un ravissement de tous les instants, la musique composée par Piero Umiliani trouve ce parfait équilibre entre la farce et le premier degré représenté par les « vrais » truands qui se font la malle en traînant Giacinto comme un boulet. Tagliabue et Giacinto réussiront-ils à embarquer pour Civitavecchia ? Giacinto reverra-t-il son épouse Ileana et surtout réussira-t-il à la reconquérir ? Rien n’est moins sûr, car Giacinto n’est pas préparé à ce genre de situation. D’ailleurs, il ne l’est pour rien et peut à peine subvenir à ses propres besoins. Finalement, en trouvant un petit job d’aide-soignant en prison, il trouve enfin un boulot qui lui convient. Manque de bol, c’était sans compter sur ses compagnons qui trouvaient le temps long d’être enfermés entre quatre murs.

Luigi Comencini pointe alors du doigt comment la société parvient à corrompre même un homme bon et pauvre, l’oublié du miracle économique qui secouait la Botte. Le rêve n’est pas fait pour tout le monde et surtout pas pour la classe populaire. Mais il faut bien se débrouiller comme on peut, quand bien même cela ne durera jamais. Tous ces éléments apparaissent dans À cheval sur le tigre, chef d’oeuvre souvent oublié d’un des grands maîtres du septième art italien.

LE BLU-RAY

Décidément, Tamasa nous gâte ! Ainsi, après Les Complexés, Il Giovedi et Il Vedovo, À cheval sur le tigre rejoint le catalogue de l’éditeur. La collection Cinéma Italien s’agrandit encore et toujours chez Tamasa, qui récupère ce titre, anciennement édité par Opening, puis par Filmedia. Ce Combo Blu-ray + DVD prend la forme d’un Digipack à deux volets, qui contient un livret de 16 pages, écrit par Diogo Serafim, qui revient sur la genèse et l’accueil du film, tout en proposant une brillante et pointue analyse. Le menu principal est fixe et musical.

Pour cette nouvelle édition, Tamasa a demandé à la désormais incontournable Aurore Renaut de nous présenter À cheval sur le tigre (32’). Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, nous sommes fans des interventions de la maîtresse de conférence en études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université de Lorraine, et historienne du cinéma. Cette dernière nous parle longuement et toujours de façon érudite du film qui nous intéresse aujourd’hui. À cheval sur le tigre est ainsi replacé dans la carrière de Luigi Comencini, qui va voir son statut changer, muter dans les années 1960, avec des œuvres plus ambitieuses. Les motifs récurrents dans son cinéma sont ainsi mis en valeur (notamment le thème de l’enfance), les personnages du film disséqués, le casting abordé, les intentions du réalisateur dévoilées et les partis-pris passés au peigne fin. Le bon accueil critique et l’échec public sont aussi évoqués, ainsi que la redécouverte du film dans les années 1970.

L’éditeur reprend un bonus, précédemment disponible sur l’ancien DVD Opening, à savoir le module intitulé Ecriture à 8 mains : interview de Furio Scarpelli (10’) : L’un des plus célèbres scénaristes et dialoguistes du cinéma italien évoque sa longue collaboration avec son non moins célèbre compère Agenore Incrocci, décédé en 2005. Bien qu’affichant 87 ans au compteur au moment de cet entretien, c’est avec bonne humeur et une vitalité débordante que le scénariste (mort en 2010) se remémore la mise en chantier d’À cheval sur le tigre. Après le succès du film Le Pigeon de Mario Monicelli (1960), qui a révolutionné la comédie italienne, Luigi Comencini, Mario Monicelli ainsi que des scénaristes comme Age et Scarpelli décident de créer leur propre société de production. À cheval sur le tigre sera leur première production. Bien que le film n’ait pas rencontré un grand succès à sa sortie, le métrage est aujourd’hui considéré comme l’une des références de la comédie à l’italienne, féroce et peuplé de personnages monstrueux. Selon Scarpelli, À cheval sur le tigre est né de la grande inspiration néoréaliste mais traité sur un ton léger de comédie, alors que l’image lorgne plutôt du côté du drame du début à la fin. Ensuite, l’intervenant explique comment quatre scénaristes pouvaient travailler en collaboration. Extrait : « Nous nous documentions beaucoup. Nous nous entretenions avec des gens, nous faisions référence à des faits divers survenus récemment et dont les journaux faisaient alors leurs choux gras comme les évasions de prison dans le cas d’À cheval sur le tigre. Nous regardions également d’autres films que nous parodions ultérieurement. Qui décidait de l’idée à conserver ? Nous avions l’honnêteté de dire qui détenait la meilleure idée même si les conflits et les disputes étaient inévitables. Après l’insuccès du film et bien que nous l’aimions, notre association fût dissoute. »

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

De souvenir, le précédent master SD présentait une image fort médiocre, constellée de points noirs et de points blancs, de griffures, de déchirures et d’autres scories diverses accumulés depuis plusieurs dizaines d’années. Des défauts qui s’amenuisaient après le générique, comme bien souvent d’ailleurs. Le gros problème provenait de la copie elle-même qui se caractérisait par une image terne, un N&B sombre, sans aucune nuance et jamais lumineux. Les tons changeaient dans un même plan passant d’une palette de gris à une palette quasi sépia. Les scènes nocturnes permettaient de voir à quel point le master est abîmé. Tous cela est désormais de l’histoire ancienne. Le master HD proposé par Tamasa enfin à À cheval sur le tigre, le lifting dont il avait sérieusement besoin. Autrement dit, c’est avec cette édition que vous redécouvrirez pleinement le film de Luigi Comencini !

Pas de version française sur ce titre. La piste italienne est de bon acabit avec des dialogues nettoyés, des voix claires, un ensemble dynamique. Cela change de l’ancienne proposition sur le DVD, désormais à remiser aux oubliettes. les sous-titres français et bretons (oui oui) sont proposés.

Crédits images : © Tamasa / Arco Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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