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MOI CHRISTIANE F. 13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE… (Christiane F. – Wir Kinder vom Bahnhof Zoo) réalisé par Uli Edel, disponible en Édition collector limitée – 4K Ultra HD + Blu-ray le 10 janvier 2025 chez Metropolitan Film & Video.
Acteurs : Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Christiane Lechle, Jens Kuphal, Bernhard Janson, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger, Jan Georg Effler, David Bowie…
Scénario : Hermann Weigel, d’après le livre de Kai Hermann & Horst Rieck
Photographie : Jürgen Jürges & Justus Pankau
Musique : Jürgen Knieper
Durée : 2h05
Date de sortie initiale : 1981
LE FILM
Christiane, une jeune berlinoise de treize ans, vit très mal le divorce de ses parents et entretient une relation compliquée avec sa mère. Elle rêve de s’intégrer à une bande d’amis et de s’en approprier les codes. Lorsqu’elle sort en boîte de nuit pour la première fois, la descente aux enfers de Suzanne commence: la drogue puis la prostitution vont venir ternir le reste de sa jeunesse.
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C’est un film culte, un vrai, celui de toute une génération et dont l’histoire a su perdurer dans le temps. Mais à la base, c’est aussi un récit biographique, celui de Christiane Felscherinow, écrit par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck. Adapté au cinéma par Uli Edel, ce roman traduit en français et publié en 1981 sous le titre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… est une histoire sans doute intemporelle et sa version pour le septième art une étape dans une vie de cinéphile. Magistralement mise en scène, cette descente aux enfers d’une adolescente est une plongée viscérale et anxiogène dans la capitale allemande, peuplée de jeunes zombies défoncés par la dope et qui n’hésitaient pas à vendre leur cul pour quelques Deutsche Marks, nécessaires pour aller acheter plus tard leur prochaine dose. Bercé par la voix de David Bowie, Heroes, Station to Station, TVC 15 et autres tubes/classiques tirés des albums Heroes, Lodger, Stage et Low, la star faisant d’ailleurs une apparition centrale dans son propre rôle, Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… – Christiane F. – Wir Kinder vom Bahnhof Zoo (littéralement « Nous, les enfants de la station Zoo ») est une véritable expérience sensorielle comme seul le septième art est capable d’offrir aux spectateurs. Même plus de quarante ans après sa sortie (triomphale), le public ressort lessivé de ce chef d’oeuvre redoutablement immersif, choquant, frontal, qui malgré les abîmes laisse percevoir l’espoir.
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Christiane F., 13 ans, vit avec sa mère, sa petite sœur et son chat dans leur petit appartement social d’un immeuble délabré en béton dans un quartier morne à la périphérie de Berlin-Ouest. Elle est fatiguée de vivre là et est une grande fan de David Bowie. Elle entend parler du Sound, un nouveau night-club à la mode au centre-ville. Bien qu’elle ne soit pas assez âgée pour entrer, elle s’habille avec des talons hauts et met du maquillage, et demande à une camarade de classe populaire, Kessi, qui y va régulièrement, de la faire entrer. Kessi lui fournit également des pilules. Au club, elle rencontre un garçon légèrement plus âgé nommé Detlev, qui fait partie d’une bande où tout le monde use de divers types de drogues. Le lendemain matin, Christiane et Kessi attendent le métro lorsque la mère de Kessi les trouve et réprimande violemment sa fille, la saisissant par le bras et disant à Christiane de rester loin de sa fille. Christiane commence à prendre du LSD, en plus d’abuser de pilules, et se lie d’amitié avec une fille de son âge nommée Babsi. Après un concert de David Bowie, elle essaie l’héroïne pour la première fois. Alors qu’elle tombe amoureuse de Detlev, elle commence à prendre régulièrement de l’héroïne pour être plus proche de lui, devenant de plus en plus dépendante de la drogue jusqu’à ce qu’elle devienne toxicomane. Après son 14e anniversaire, elle cesse de rentrer chez elle et passe de plus en plus de temps dans l’appartement délabré de ses amis ; elle traîne également à la gare de Berlin Zoologischer Garten, notoire pour le trafic de drogue et la prostitution qui se déroulent dans ses passages souterrains et ses ruelles. Elle commence également à se prostituer, imitant Detlev, qui vend régulièrement ses faveurs sexuelles à des hommes pour acheter de l’héroïne.
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Uli Edel avait à son actif une poignée de courts-métrages et quelques travaux pour la télévision, quand il se voit proposer la transposition du livre Kai Hermann et Horst Rieck. Tout d’abord réticent devant cette entreprise colossale et risquée, le réalisateur rencontre la véritable Christiane Felscherinow, après quoi il accepte de relever ce défi. Le reste appartient à l’histoire. La jeune et inconnue Natja Brunckhorst (née en 1966) devient l’un des nouveaux visages du cinéma allemand, son portrait s’affiche dans le monde entier où le film rencontre un succès phénoménal avec notamment près de trois millions d’entrées en France, tandis que 4,7 millions de spectateurs se ruent dans les salles allemandes, soit autant que le nombre d’exemplaires vendus du livre. Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… bénéficie d’une caméra portée qui colle au plus près de ses personnages, capte leurs yeux dont les paupières sont rattrapées par la pesanteur du shoot ou du Valium, tandis que résonne la voix aérienne de l’homme aux mille visages.
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La photo signée Jürgen Jürges (Funny Games, Allemagne mère blafarde, Tous les autres s’appellent Ali), en collaboration avec Justus Pankau, est marquée par un grain très prononcé, qui ajoute un aspect brut, craspec, glauque, réaliste, documentaire aussi à l’entreprise, notamment quand on suit les pérégrinations de Christiane et de ceux de son âge dans les galeries commerçantes où ils courent après…après quoi au juste ? Nombreuses sont les séquences qui se gravent de façon indélébile dans notre mémoire, à l’instar du sevrage de Christiane et de Detlev (âmes sensibles s’abstenir, y compris les émétophobes et les bélénophobes, autrement dit celles et ceux qui ont peur du vomi et des aiguilles), la caméra ne nous épargnant aucun détail.
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Quasiment de toutes les scènes, pour ne pas dire de tous les plans, Natja Brunckhorst impressionne par son naturel confondant, par son intensité, par son charisme magnétique. Sans aucune expérience au préalable devant une caméra, elle se donne corps et âme à son personnage et crée d’emblée une empathie, qui sera alors malmenée pendant les deux heures du long-métrage. Désormais scénariste et réalisatrice, elle restera à jamais Christiane F. et sa prestation exceptionnelle demeure encore aujourd’hui saluée par la critique. Zoologischer Garten est montré comme un enfer à ciel ouvert, où les jeunes livrés à eux-mêmes (car leurs parents s’en foutent) traînent toute la journée, essayent des nouvelles substances pour passer le temps, en découvrant chaque jour qui de la bande est passé de vie à trépas.
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Personne ne ressort indemne de Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…, qui rétrospectivement s’avère encore plus viscéral et percutant que Panique à Needle Park – The Panic in Needle Park de Jerry Schatzberg ou Requiem for a Dream de Darren Aronofsky, pour ne citer que ceux-là. C’est dire l’importance du film de Uli Edel et vous pouvez déjà oublier l’adaptation en série éponyme sortie en 2021 chez Prime Video !
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L’ÉDITION 4K + BLU-RAY
Moi Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée… a connu plusieurs vies en DVD et Blu-ray dans nos contrées. Tout a commencé en 2001 avec une édition DVD chez LCJ Éditions & Productions, puis en Blu-ray huit ans plus tard dans la même crémerie, sans jamais présenter la version originale. 2025, le film de Uli Edel refait surface dans une sublime édition concoctée par Metropolitan Film & Video, qui à cette occasion propose une Édition collector limitée – 4K Ultra HD + Blu-ray, avec enfin la piste allemande. Le Combo prend la forme d’un Digipack à quatre volets. Le menu principal est animé sur Heroes de David Bowie. Notons également une excellente critique du film écrite sur deux des volets du Digipack, un texte qui revient sur le livre, son importance, son adaptation aussi bien évidemment, ainsi que sur la carrière de Uli Edel. Enfin, l’édition Blu-ray et le DVD sont d’ores et déjà prévus à la vente en avril 2025.
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Le premier bonus est un montage dévoilant les auditions de Kerstin Richter (Stella), Natja Brunckhorst (Christiane) et Jens Kuphal (Axel) (5’). Comme l’indique un carton en introduction, certains propos inaudibles en fond n’ont pas pu être traduits en raison d’altérations audios.
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Nous trouvons ensuite un entretien (non daté, mais pas récent) d’Uli Edel (12’). En anglais, le réalisateur s’exprime sur la genèse du projet (il avait lu le livre et a beaucoup hésité quand on lui a proposé l’adaptation, avant d’accepter suite à sa rencontre avec la vraie Christiane), avant d’évoquer le long casting mis en place pour trouver celle qui allait incarner le rôle principal, parmi plus de mille candidates. Uli Edel s’exprime sur les conditions de tournage (le plus délicat de sa carrière), le sujet de la drogue alors tabou à l’époque, le fait de gérer de vrais toxicos qui tentaient de s’incruster sur le plateau. Le cinéaste parle de sa direction d’acteurs (non professionnels), ainsi que de l’immense succès (surprise) du film.
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Dernier supplément, l’éditeur nous gratifie d’une interview réalisée en 2022 de Natja Brunckhorst (27’). Désormais réalisatrice, celle qui restera à jamais Christiane F. au cinéma revient sur le casting, puis sur les conditions (plaisantes) de tournage, après une première semaine pourtant difficile qui a entraîné des reshoots. Elle partage quelques anecdotes (notamment celle concernant un vrai client qui l’avait abordé dans la rue depuis sa voiture), dévoile quelques secrets liés aux prises de vue les plus compliquées (celles liées aux injections filmées en gros plan ou celle du vomi). Natja Brunckhorst parle de ses partenaires à l’écran, de la célèbre séquence où Christiane se rend à un concert de David Bowie (en fait filmée à New York, tandis que les scènes centrées sur les spectateurs provenaient d’un concert d’AC/DC en Allemagne). La comédienne, devenue scénariste, puis cinéaste, parle aussi de sa seule et unique rencontre avec Christiane F.
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L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de Moi Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée… et de La Bande à Baader, autre film de Uli Edel.
L’Image et le son
Entièrement restauré en 4K à partir du négatif original, Moi Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée… profite de cette élévation en Ultra Haute-Définition. Les couleurs froides voire glaciales sont nettes et tranchées, les noirs denses, les contrastes sont peut-être parfois trop appuyés, mais trouvent tout de même un bon équilibre. Le grain original très appuyé est heureusement respecté et bien géré, tandis que les nombreux gros plans ne manquent pas de détails. La copie est quasi-immaculée (on note divers points blancs ici et là) et stable, la photographie est admirablement restituée, tout comme les séquences partagées entre ombre et lumière, qui reflètent les tourments et la déchéance de Christiane. Hormis quelques baisses de la définition et de légers flous, ce disque UHD est superbe et s’impose comme la nouvelle copie de référence, quand bien même le format original 1.66 a été recadré ici en 1.78.
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Seule la version originale (enfin disponible) bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1, contrairement à la piste française proposée en 2.0. Le premier mixage créé une spatialisation très impressionnante. Les dialogues sont exsudés avec force, les effets et ambiances annexes sont riches, amples et variés, respectueux, car ne cherchant jamais à jouer la « surenchère ». Nul besoin de monter le volume pour profiter pleinement de la bande-originale mythique et du moment central montrant Christiane au concert de David Bowie. Le caisson de basses intervient aux moments opportuns, sans en faire trop et les sous-titres français ne sont pas imposés. Le doublage français laisse à désirer et le confort acoustique est beaucoup plus feutré, même si l’ensemble est propre et sans souffle.
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Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr