LITTLE BUDDHA réalisé par Bernardo Bertolucci, disponible en Combo Blu-ray+4K Ultra HD le 12 septembre 2024 chez Rimini Éditions.
Acteurs : Keanu Reeves, Ruocheng Ying, Chris Isaak, Bridget Fonda, Alex Wiesendanger, Sogyal Rinpoche…
Scénario : Bernardo Bertolucci & Mark Peploe
Photographie : Vittorio Storaro
Musique : Ryuichi Sakamoto
Durée : 2h21
Date de sortie initiale : 1993
LE FILM
Jesse Conrad, neuf ans, vit à Seattle avec un père ingénieur, Dean, et une mère enseignante, Lisa. Un jour, ils reçoivent la visite surprise d’une délégation de moines bouddhistes venue du royaume himalayen du Bhoutan sous la conduite du lama Norbu et de son adjoint Champa. Les moines sont persuadés que Jesse pourrait être la réincarnation d’un de leurs plus éminents chefs spirituels. Ils lui offrent alors un livre narrant la vie de Siddhartha et attendent sa visite dans l’Himalaya.
Quand il tourne Little Buddha, Bernardo Bertolucci a laissé son pays natal derrière lui depuis près de dix ans, pour aller « voir ce qui se passe » dans le monde. Ainsi, il devait entamer sa trilogie dite « orientale », qui sera constituée du Dernier Empereur – L’Ultimo imperatore – The Last Emperor (1987), triomphe planétaire qui sera récompensé par 9 David Di Donatello, le César du meilleur film étranger, trois Golden Globes, neuf Oscars et trois BAFTA, Un thé au Sahara – The Sheltering Sky (1990), dont la sortie sera beaucoup plus confidentielle, et enfin Little Buddha en 1993. Le cinéaste italien renoue avec la fresque grandiose et suite à sa découverte du Bouddhisme, décide de s’adresser avant tout au jeune public, afin de leur donner son point de vue d’occidental sur cette religion et sur cette philosophie pour lesquelles il s’est passionné personnellement. Il en résulte un spectacle extraordinaire, rempli de couleurs, d’émotions, de réflexion, d’humour aussi également. Little Buddha aurait pu tomber dans la lourdeur didactique ou tout simplement dans l’effet bourratif en raison de trop d’excès, mais ce n’est pas le cas. Aujourd’hui encore, trente ans après sa sortie, ce gigantesque divertissement fonctionne à plein régime, auprès des spectateurs de tous les âges et permet de revoir Keanu Reeves avant d’exploser littéralement dans Speed de Jan de Bont et qui venait de se faire remarquer dans Point Break de Kathryn Bigelow, My Own Private Idaho de Gus Van Sant et Dracula de Francis Ford Coppola. Ça c’est du GRAND cinéma.
Les moines bouddhistes tibétains d’un monastère du Bhoutan, dirigés par Lama Norbu, recherchent un enfant qui serait la résurrection d’un grand professeur bouddhiste, Lama Dorje. Lama Norbu et ses confrères moines croient avoir trouvé celui qu’ils cherchaient : un garçon américain nommé Jesse Conrad, le jeune fils d’un architecte et d’une enseignante, une famille récemment installée à Seattle. Les moines arrivent aux États-Unis pour rencontrer le garçon. Jesse est fasciné par les moines et leur mode de vie, mais ses parents, Dean et Lisa, se méfient, et ce sentiment se transforme en quasi-hostilité lorsque Norbu annonce qu’il veut ramener Jesse avec lui au Bhoutan pour y être testé. Dean change cependant d’avis lorsqu’un de ses amis proches et collègues se suicide parce qu’il a fait faillite. Dean décide alors de se rendre au Bhoutan avec Jesse. Au Népal, ils rencontrent deux enfants également candidats à cette renaissance, Raju et Gita.
Little Buddha ne rencontrera pas le même engouement que Le Dernier Empereur, mais sera néanmoins mieux accueilli qu’Un thé au Sahara. Bernardo Bertolucci, loin du Dernier Tango à Paris, 1900 et La Tragédie d’un homme ridicule, vise cette fois un très large public et prend l’un des acteurs américains alors en vogue, Keanu Reeves, qui se voit offrir le rôle de Siddhārtha Gautama, ou le Bouddha (« l’Éveillé »), maître spirituel, fondateur historique d’une communauté de moines errants qui donna naissance au Bouddhisme. Avec son charisme lisse et son teint halé, appuyé par un maquillage conséquent, il est on ne peut plus convaincant et restitue l’itinéraire de Siddhārtha, à travers les différentes étapes de son voyage spirituel.
Bernardo Bertolucci innove et a recours pour la première fois aux effets spéciaux numériques, très réussis, et peut compter aussi sur le talent virtuose du directeur de la photographie Vittorio Storaro (L’Oiseau au plumage de cristal, Le Orme, Apocalypse Now). Ce dernier rend compte des deux mondes différents, celui de la rationalité et du modernisme à Seattle, vie l’utilisation de filtres bleus et froids, et celui du Bouddhisme, représenté par une multitude de couleurs chaudes capturées en 70mm, format qui a rendu immortel les images de West Side Story, Lawrence d’Arabie, Playtime ou bien encore 2011, l’odyssée de l’espace. Un ravissement pour les yeux du début à la fin. Outre Keanu Reeves, sur lequel le film a été très largement vendu, même s’il n’apparaît pas sur l’affiche, Chris Isaak, dans l’une de ses rares apparitions au cinéma (ici juste après Twin Peaks: Fire Walk with Me de David Lynch) et Bridget Fonda (au top de sa carrière) sont parfaits et la belle alchimie entre les deux comédiens est palpable. Le reste du casting est par ailleurs à l’avenant et tout aussi soigné.
De par cette rencontre entre un petit américain et d’un très vieil homme venu d’un lointain pays, Little Buddha interpelle et touche par les belles valeurs humanistes qu’il véhicule. Un mariage de deux cultures et de deux époques, séparées par vingt-cinq siècles d’histoire, touche en plein coeur et Little Buddha demeure un véritable enchantement, universel et intemporel.
LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD
Rimini Éditions paraît explorer le catalogue de TF1 Studio cette année. En effet, un peu plus de dix ans après une première édition Blu-ray chez ce dernier, Jean-Pierre Vasseur propose à son tour une mouture HD de Little Buddha, mais aussi et surtout pour la première fois en 4K Ultra HD. Les deux disques reposent dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un fourreau cartonné on ne peut plus élégant. Le visuel de la jaquette place cette fois Keanu Reeves comme élément central, tandis qu’une partie de celui de la très célèbre affiche du film apparaît dans le bas. Le menu principal est animé et musical.
Tout d’abord, Rimini reprend deux éléments déjà présents dans la section suppléments de l’ancienne édition, à savoir deux documentaires (8’40 et 7’15) destinés à la promotion de Little Buddha. On y découvre Bernardo Bertolucci parler de son film et de sa raison d’être, de ses partis pris et de ses intentions, des effets spéciaux et des décors, tandis que les comédiens s’expriment sur les conditions de tournage. Quelques images dévoilent l’envers du décor et l’on y voit également des extraits de Little Buddha sans les filtres bleus de la partie tournée à Seattle.
Deux nouveaux bonus donnent la parole à Gianni Giovagnoni, directeur artistique de Little Buddha, qui a entre autres collaboré à plusieurs reprises avec Ridley Scott (Kingdom of Heaven, La Chute du faucon noir). Dans le premier bonus (19’), l’intéressé évoque sa rencontre avec Bernardo Bertolucci, les intentions de ce dernier quant à la réalisation de Little Buddha, sa fonction précise sur ce film, l’élaboration des costumes, les difficultés rencontrées avec l’équipe népalaise, la création des décors, son expérience de tournage et la polémique née à la sortie du film sur le titre, l’adjectif « petit » étant très mal perçu pour qualifier Buddha et qui a donc été retiré sur certaines affiches de par le monde. Dans le second segment, Gianni Giovagnoni commente une quantité impressionnante de photos de tournage et capturées sur le plateau, qu’il consulte devant son ordinateur. L’occasion pour lui de rentrer plus en détails sur ses travaux réalisés pour Little Buddha et sur sa collaboration avec Bernardo Bertolucci.
L’autre bonus inédit est une formidable présentation de Little Buddha, réalisée par Piero Spila, critique de cinéma (35’). Celui-ci replace le film qui nous intéresse dans la carrière de Bernardo Bertolucci, mettant ainsi en relief le désir du cinéaste de s’exiler de son pays, pour aller filmer « l’ailleurs ». La découverte du Bouddhisme du réalisateur, sa rencontre avec le Dalaï Lama (Bertolucci lui demandera directement la permission de réaliser Little Buddha), les partis-pris esthétiques de Vittorio Storaro, le thème de l’impermanence, l’accueil tiède du film (qui ne sera pas un grand succès commercial) et la fin de vie du cinéaste sont aussi traités dans cette intervention. Piero Spila en profite pour évoquer le livre Mon obsession magnifique (publié en France par les Éditions du Seuil en 2014), qu’il a édité et qui réunit les textes critiques et autobiographiques du cinéaste Bernardo Bertolucci.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Rimini Éditions s’empare du master restauré 4K – les travaux ayant été réalisés en 2022 – par Cinecittà, sous la supervision du directeur de la photographie Vittorio Storaro. Alors, nous reconnaissons que nous ne sommes pas experts comme certains sites spécialisés (et nous ne ferons pas semblant de l’être comme d’autres qui vantaient les qualités du premier 4K de Hitcher par exemple ou ceux qui se pâmaient devant les restaurations de James Cameron grâce à l’intelligence artificielle), mais toujours est-il que l’image que nous avons devant les yeux est extraordinaire de beauté. Certes, le chef opérateur a visiblement entièrement revu son étalonnage (Dolby Vision), notamment en ce qui concerne la représentation de la partie « Seattle » (tournée en 35mm), marquée par des images bleues, froides et dures, qui caractérisent le monde de la raison, l’objectivité, le rationalisme, la technologie, mais c’est une volonté artistique. Cela n’atteint pas la laideur de la relecture de La Chasse – Cruising faite par William Friedkin et son glaucome, surtout que les séquences centrées sur le personnage de Keanu Reeves (celles-ci ont été capturées en 65mm) sont éblouissantes, avec des couleurs chaudes, ambrées, flamboyantes, lumineuses, dorées, bigarrées, majestueuses. La propreté du master est irréprochable, les détails sont ahurissants, tout comme le piqué (la végétation luxuriante), les noirs denses, la texture argentique respectée et excellemment gérée. Si certains risquent de hurler quant au recadrage 2.00:1 assez conséquent (le film était sorti en 2.39:1 et même en 2.20:1 dans les salles équipées en 70mm), cette mouture Ultra HD en met plein les yeux et permet de (re)découvrir Little Buddha dans des conditions techniques splendides.
La version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option acoustique séduisante permet à la musique d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’ambiance du film. Les effets latéraux ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité, tandis que le caisson de basses rugit aux moments opportuns. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique. Mais que les puristes se rassurent, un excellent mixage DTS-HD Master Audio 2.0 est également disponible. Cette piste se révèle d’ailleurs plus percutante et propre que son homologue, la version française disposant d’un encodage DTS-HD Master Audio 2.0 aux voix plus décollées. Les sous-titres français ne sont pas imposés.