EIFFEL réalisé par Martin Bourboulon, disponible en DVD, Blu-ray et Combo Blu-ray + 4K UHD le 16 février 2022 chez Pathé.
Acteurs : Romain Duris, Emma Mackey, Pierre Deladonchamps, Armande Boulanger, Bruno Raffaelli, Alexandre Steiger, Andranic Manet, Philippe Hérisson…
Scénario : Caroline Bongrand, Thomas Bidegain, Natalie Carter, Martin Bourboulon & Martin Brossollet, d’après les livres de Caroline Bongrand
Photographie : Matias Boucard
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 1h48
Année de sortie : 2021
LE FILM
Venant tout juste de terminer sa collaboration sur la Statue de la Liberté, Gustave Eiffel est au sommet de sa carrière. Le gouvernement français veut qu’il crée quelque chose de spectaculaire pour l’Exposition universelle de 1889 à Paris, mais Eiffel ne s’intéresse qu’au projet de métropolitain. Tout bascule lorsqu’il recroise son amour de jeunesse. Leur relation interdite l’inspire à changer à jamais l’horizon de Paris.
Le cinéma a toujours été frileux à l’idée d’aborder le mythe Gustave Eiffel ou tout du moins de le faire incarner à l’écran. Ce n’est que récemment que le légendaire ingénieur est revenu sur le devant de la scène, dans A la poursuite de demain – Tomorrowland (2015) de Brad Bird, ainsi que dans Men in Black : International (2019) de F. Gary Gray, dans lequel on apprenait qu’il s’agissait d’un des tous premiers « Hommes en Noir ». Mais jusqu’à présent, aucun acteur n’avait interprété « l’homme », même si Gérard Depardieu avait failli dans les années 1990, avec Isabelle Adjani, sous la direction de Luc Besson. Pour cela, il aura donc fallu attendre 2021 et le blockbuster hexagonal sobrement intitulé Eiffel. Sous la direction de Martin Bourboulon, ancien publicitaire, ayant fait ses classes à la télévision aux Guignols de l’Info, réalisateur du gros succès de Papa ou Maman en 2015 (et de sa suite inutile), l’un des français (d’origine germanique d’ailleurs) les plus célèbres du monde prend vie et devient un personnage romanesque dans un faux biopic. Le metteur en scène ne s’en cache pas, le scénario de l’écrivaine Caroline Bongrand marche allègrement sur les pas de Titanic de James Cameron, dans un désir de concilier l’évènement historique et un récit fictif, en l’occurrence une histoire d’amour totalement inventée (ou presque diront certains), dans la perspective de toucher un large public. Doté d’un budget conséquent de plus de 23 millions d’euros, Eiffel n’aura pas connu de réel engouement en France, où le film aura eu beaucoup de peine à frôler la barre du million et demi de spectateurs. Un résultat national forcément en demi-teinte devant l’ampleur et l’ambition du projet. S’il est évident qu’Eiffel n’aura pas eu de mal à se vendre à l’étranger, comment expliquer cet accueil tiède, aussi bien de la part des spectateurs que de la critique ? Tout simplement parce que Eiffel n’est pas un bon film, ou tout du moins qu’il déçoit là où l’on fondait de solides espoirs. Car même s’il est indéniable que les effets spéciaux sont spectaculaires, cette superproduction reste froide, pour ne pas dire désincarnée du début à la fin, tandis que la romance, qui n’intéresse jamais vraiment en raison du manque flagrant d’alchimie entre les deux têtes d’affiche, prend le pas sur l’ensemble. Au final, Eiffel ne tient pas ses promesses, demeure frustrant et disons-le, ennuyant.
En cette fin de XIXe siècle, Gustave Eiffel vient de livrer le « squelette » métallique de la Statue de la Liberté aux Américains. Après cet apport majeur à l’oeuvre de Bartholdi, l’ingénieur refuse d’abord de se lancer dans l’élaboration d’une tour, qu’il pense éphémère et prévue pour l’exposition universelle de 1889. A la place, il se passionne pour le projet du métro, qui va changer la vie des Parisiens. Le hasard lui met sur sa route un ancien amour, Adrienne Bourgès, désormais mariée à l’un de ses anciens amis, avec laquelle il commence une relation adultère. Parce que la jeune femme l’a convaincu, il annonce la construction d’une tour, de 300 mètres de haut, en fer, et en plein Paris pour permettre à tous de l’admirer, les riches comme les pauvres…
Il y avait tout pour faire d’Eiffel un « monument » à la gloire de celui qui a donné à la capitale française son symbole le plus représentatif. Une star du cinéma français, une nouvelle vedette à l’aura internationale, un budget colossal nécessaire à la meilleure reconstitution à l’écran du début du XXè siècle, une figure reconnue dans le monde entier au centre de l’histoire et bien d’autres éléments. L’argent se voit dans Eiffel, il est même omniprésent, dans les costumes, les décors massifs et impressionnants, les effets visuels extrêmement réussis et qui en mettent plein la vue, sans oublier une magnifique photographie signée Mathias Boucard, habitué des grosses productions (L’Affaire SK1, L’Odyssée et le futur Kompromat de Jérôme Salle). Mais Martin Bourboulon met finalement de côté la moelle de son long-métrage, et tout ce qui concerne la construction de ce qui deviendra sans doute le monument le plus connu sur Terre (un côté chauvin ressort, désolé) passe comme qui dirait au second plan et ne va pas plus loin qu’une simple illustration. Il faut patienter pendant une heure, afin que l’entreprise d’Eiffel (qui représente donc son incommensurable amour pour Adrienne) commence à s’élever, mais cette fois encore le réalisateur ne va pas au-delà de la « mise en image » des différentes étapes de la construction de la Tour, comme s’il était lui-même impressionné, timide et réservé devant son sujet.
Non, ce qui l’intéresse avant tout, c’est de faire découvrir « l’homme » derrière la légende, en confiant le rôle à Romain Duris. Ce dernier s’acquitte brillamment de cette tâche, sans se forcer certes, mais le costume le sied bien, tout comme avoir pris de la bouteille. On ne peut pas en dire autant sur la prestation de sa partenaire de 22 ans sa cadette, même si la différence d’âge qui a fait couler beaucoup d’encre à la sortie du film est finalement anecdotique, Emma Mackey, actrice franco-britannique et star de la série Netflix Sex Education, dans laquelle elle joue aux côtés d’Asa Butterfield et Gillian Anderson. Un peu trop figée, voire rigide, glaciale, sans doute trop « moderne », la comédienne ne parvient jamais à créer d’empathie pour son personnage et un décalage se crée avec Romain Duris. L’osmose attendue ne vient pas, les deux n’étant d’ailleurs guère aidés par des dialogues peu recherchés et des clichés à la pelle. On saluera tout de même la participation du toujours impeccable Pierre Deladonchamps (Le Fils de Jean, Les Chatouilles), dans le rôle d’Antoine de Restac, qui apporte la véritable émotion à Eiffel, surtout dans la dernière partie du film.
Le gros problème du film, c’est qu’il sonne faux, toc, y compris quand Eiffel entreprend soudainement sa création (issue littéralement d’un concours de bite) quand la caméra s’attarde sur les visages crasseux des ouvriers au turbin, qui apparaissent non pas sales, mais salis volontairement. Là où l’on attendait du diamant, Martin Bourboulon n’offre que du zircon. Eiffel est plaisant à regarder, rien à redire là-dessus, mais là où le metteur en scène échoue, c’est en voulant croiser l’intime et le gigantesque, le feutré et la lumière. L’idée de renouer avec le grand cinéma populaire est somme toute louable et nombreux sont ceux qui auraient pu faire bien pire que le film présent, qui sans surprise coche toutes les cases du cahier des charges en la matière, mais bien trop mécaniquement comme avant lui le pesant La Môme d’Olivier Dahan.
Toujours est-il que Pathé n’a pas attendu de savoir comment Eiffel allait être accueilli, pour confier à Martin Bourboulon un diptyque d’envergure (on parle de 70 millions d’euros), rien de moins que Les Trois Mousquetaires, deux films prévus pour 2023, qui réuniront François Civil (D’Artagnan), Vincent Cassel (Athos), Pio Marmaï (Porthos), Eva Green (Milady), Louis Garrel (Louis XIII), Vicky Krieps (Anna d’Autriche) et Romain Duris (Aramis). Avec Mathieu Delaporte et Alexandre de La Patellière au scénario et un tel casting, voilà qui s’annonce on ne peut plus alléchant !
LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD
Pathé sort la grosse artillerie pour le service après-vente de sa superproduction, puisque Eiffel est disponible en DVD, Blu-ray et combo Blu-ray + 4K UHD. Cette dernière option bénéficie également d’un Steelbook. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur s’avère un peu avare en ce qui concerne les suppléments.
On commence par un tout petit making of de 7 minutes, divisé en trois modules, centrés sur une rencontre avec Romain Duris, Emma Mackey et Martin Bourboulon, sur les effets spéciaux, puis sur la création des décors. Des images de tournage donnent un aperçu des conditions de production, tandis que les propos tenus ici et là ne dépassent jamais le cadre propret de la promotion bien faite.
Nous retrouvons Emma Mackey et Romain Duris dans un autre bonus (6’25), durant lequel les deux comédiens présentent le film, les personnages, leurs motivations, les conditions de tournage, le travail avec Martin Bourboulon. Visiblement peu habituée à l’exercice, Emma Mackey apparaît hésitante, mais son partenaire la soutient et lui vient même en aide quand elle se trouve en petite difficulté pour trouver ses mots.
Martin Bourboulon entre en scène pour une interview (6’30), plus intéressante que la précédente, durant laquelle on en apprend un peu plus sur la genèse d’Eiffel, sur les intentions du cinéaste, sur la préparation du film, sur le casting, les défis techniques à relever, ainsi que sur l’interruption du tournage à la mi-mars 2020 (débuté en janvier) en raison de la pandémie de Covid-19, les prises de vue n’ayant repris que trois mois après.
Enfin, Pathé fournit comme souvent, et nous adorons cela, trois documents d’archives (10’25 au total), liés cette fois à la Tour Eiffel. A savoir un formidable documentaire réalisé en 1965 par Georges Franju intitulé M. Eiffel et sa Tour, qui retrace l’histoire de la construction de la tour Eiffel, à l’aide de nombreux documents d’époque, photos et gravures, tandis que le commentaire vante le génie de son inventeur Gustave Eiffel. Le deuxième segment, Eiffel précurseur, date de 1962 et se focalise sur le poste d’observation météorologique installé au sommet de la tour, ainsi que sur le talent de Gustave Eiffel dans le domaine de l’aérodynamique. Enfin, le dernier bonus a été réalisé à l’occasion du 50e anniversaire de la Tour Eiffel et reprend pour ainsi dire l’ensemble des arguments et des images précédentes.
L’Image et le son
Le chef opérateur Matias Boucard avait pour références visuelles le travail de Robert Elswit sur There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson et celui de Vilmos Zsigmond sur La Porte du paradis de Michael Cimino, « une image très texturée avec du grain ». Des partis-pris esthétiques que l’on retrouve aussi bien sur le Blu-ray simple que sur le disque UHD (sans HDR). Mais il faut bien avouer que la différence est on ne peut plus minime entre les deux. Évidemment, dans un cas comme dans l’autre, le piqué se révèle être chirurgical, les détails ne cessent d’impressionner, aussi bien sur les scènes diurnes que celles aux éclairages tamisées, sur les visages comme sur les costumes, les contrastes sont ébouriffants aux quatre coins du cadre large, les couleurs exceptionnelles. Entièrement tourné en numérique, Eiffel resplendit en Haute-Définition, mais aurait pu l’être encore plus en UHD, où les noirs paraissent étrangement plus bouchés qu’en simple HD et où la clarté paraît plus filtrée.
Dès l’apparition du logo Pathé, la piste française Dolby Atmos, instaure d’excellentes conditions acoustiques et fait surtout la part belle à la musique d’Alexandre Desplat, très (trop ?) présente pendant 1h50. Les basses ont souvent l’occasion de briller, les ambiances naturelles sont bien là, les effets sont toujours saisissants (le vent et les grincements métalliques, le brouhaha de la foule, les chuintements des caissons) et le rendu des voix est sans faille. De quoi bien décrasser les frontales et les latérales. L’éditeur joint également une piste Audiovision, ainsi qu’une piste 2.0 très ample, sans oublier les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.