Test Blu-ray / Les Grandes Manoeuvres, réalisé par René Clair

LES GRANDES MANOEUVRES réalisé par René Clair, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 9 avril 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Gérard Philipe, Michèle Morgan, Jean Desailly, Pierre Dux, Jacques François, Yves Robert, Brigitte Bardot, Lise Delamare, Magali Noël, Simone Valère, Jacques Fabbri, Olivier Hussenot, Raymond Cordy, Dany Carrel, Claude Rich…

Scénario : René Clair, Jérôme Géronimi & Jean Marsan

Photographie : Robert Lefebvre

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Armand de La Verne, jeune et beau lieutenant au 33ème Dragons et Don Juan invétéré, a fait le pari devant tout son régiment de séduire à coup sûr la première femme venue…Il tombe sur Marie-Louise à qui il fait une cour empressée. Mais sa proie a appris le pacte grossier dont elle fait l’objet. Elle ferme sa porte, n’ouvre pas ses lettres, refuse ses fleurs. Pour la première fois de sa carrière, Armand est déconcerté par la résistance d’une femme qui semble voir clair dans son jeu. Il tombe amoureux pour la première fois…

En 1945, le réalisateur René Lucien Chomette alias René Clair (1898-1981) découvre la pièce Caligula d’Albert Camus au théâtre Hébertot. Le jeu et le charisme du comédien Gérard Philipe le laissent pantois. Il faudra cependant attendre cinq ans pour que les deux artistes s’associent. Ce sera pour La Beauté du diable (2,5 millions d’entrées), revisite du mythe de Faust, emblématique du réalisme poétique. Deux ans plus tard, le cinéaste réunit Gérard Philipe et Gina Lollobrigida dans le méconnu et pourtant somptueux Les Belles de nuit (3,5 millions d’entrées), comédie fantastique dans laquelle René Clair annonce rien de moins que Le Monde sur le fil – Welt am Draht (1973) de Rainer Werner Fassbinder, Matrix des Wachowski (1999) et Inception (2010) de Christopher Nolan. 1955 est l’année de leur dernière collaboration au cinéma avec Les Grandes Manoeuvres, premier long-métrage en couleur pour le metteur en scène et surtout un triomphe puisque le film attirera 5,3 millions de français dans les salles, qui s’inscrit sur la cinquième marche du podium en 1955, tout juste derrière le Napoléon de Jean Delannoy, tandis que Disney emporte tout sur son passage avec Vingt mille lieues sous les mers et La Belle et le Clochard. Si Le Comte de Monte Cristo avec Jean Marais lui dame le pion au box-office, Les Grandes Manoeuvres se voit récompenser par le Prix Louis-Delluc. Si ce dernier commence comme une comédie presque vaudevillesque, le récit mute à mesure que le personnage principal, merveilleusement incarné par Gérard Philipe, change, grandit et mûrit, pour bifurquer vers le drame sentimental inattendu. A ses côtés, Michèle Morgan, qui avait déjà donné la réplique à son partenaire dans Les Orgueilleux d’Yves Allégret, est alors au top de sa carrière, la comédienne française la plus populaire et sa prestation est souvent bouleversante. S’il s’inspire du mythe de Don Juan, René Clair emprunte aussi beaucoup à la littérature française du XIXe siècle, on ne peut d’ailleurs s’empêcher se penser à Maupassant ou à Stendhal, mélange les genres, pour au final livrer un superbe objet de cinéma, qui a sans doute un peu vieilli, mais dont le charme demeure inaltérable.

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Test Blu-ray / Porte des Lilas, réalisé par René Clair

PORTE DES LILAS réalisé par René Clair, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 octobre 2018 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Pierre Brasseur, Georges Brassens, Henri Vidal, Dany Carrel, Raymond Bussières, Gabrielle Fontan, Amédée, Annette Poivre, Alain Bouvette, Alice Tissot…

Scénario : René Clair, Jean Aurel d’après le roman « La Grande ceinture » de René Fallet

Photographie : Robert Le Febvre

Musique : Georges Brassens

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Juju « propre à rien, ivrogne et paresseux », mais aimé par les habitants de son quartier parisien de le Porte des Lilas, admire son ami « l’Artiste », un guitariste qui habite dans le petit pavillon voisin. C’est là qu’un matin, un inconnu qui fuit la police, vient se réfugier…

Porte des Lilas est l’un des derniers longs métrages du grand cinéaste René Clair (1898-1981). L’auteur de Sous les toits de Paris (1930), La Belle Ensorceleuse (1941), La Beauté du diable (1950), Les Belles de nuit (1952) sort du triomphe des Grandes manœuvres (5,3 millions d’entrées) avec Gérard Philipe et Michelle Morgan, son premier film en couleur et récompensé par le Prix Louis-Delluc. Il jette son dévolu sur un roman de René Fallet (La Soupe aux choux, Le Triporteur, Les Vieux de la vieille), intitulé La Grande ceinture, qui vient d’être publié. René Clair adapte librement le livre original, désireux de revenir à une production plus « modeste » que son film précédent. Porte des Lilas a longtemps été sous-estimé. Certes, cette comédie-dramatique n’égale pas ses plus grandes réussites et souffre d’un manque de rythme, mais Porte des Lilas vaut bien plus que sa réputation de « petit film » et reste curieux à plus d’un titre puisqu’il s’agit de l’unique apparition au cinéma du chanteur et compositeur Georges Brassens.

Juju, un brave homme nonchalant, passe le plus clair de son temps à boire. Il vit non loin de chez son meilleur ami, surnommé l’Artiste, un chanteur-guitariste. Un jour, leur quartier est investi par la police, qui recherche Barbier, un dangereux criminel. Les agents repartent bredouilles. Juju et l’Artiste acceptent d’héberger le malfaiteur, dont l’élégance et l’assurance ne manquent pas de les impressionner. Juju, en particulier, admire beaucoup leur hôte, dont il accepte même les tentatives de séduction à l’endroit de la jeune Maria qui, pourtant, est la dame de ses propres pensées. Quand Barbier s’apprête à disparaître, seul, après avoir dépouillé Maria et son père, Juju décide enfin de réagir…

Georges Brassens incarne un chanteur anarchiste, misanthrope, aimant les chats et gratter sa guitare toute la journée. Autrement dit lui-même. Véritable attraction de Porte des Lilas, « l’autre moustache » comme l’appelle avec « affection » Bernard Frédéric dans Podium, ne fait pas grand-chose face à la caméra, à part chanter dans un bistrot parisien reconstitué en studio. Passée la surprise, c’est finalement l’immense talent de Pierre Brasseur, magnifique, qui crève l’écran une fois de plus et que l’on retient longtemps après. Son personnage très attachant et bouleversant, parfois proche de celui tenu par Jean Lefebvre dans Un idiot à Paris (également adapté de René Fallet) fait le grand intérêt de Porte des Lilas. Il y a aussi la virtuosité discrète, mais indéniable de René Clair qui parvient à reconstituer une vraie vie de quartier en studio, avec sa petite rue aux pavés mouillés, ses terrains vagues, ses commerçants, ses gamins en culotte courte qui se courent après et surtout, ses habitants. René Clair filme les habitués d’un bistrot, écoutant les chansons de l’Artiste, en regardant le fond de leur verre, en philosophant sur l’existence. Au milieu de ces piliers de bar déambule la fille du patron Alphonse (Raymond Bussières), Maria, interprétée par la délicieuse Dany Carrel, déjà présente dans Les Grandes manœuvres.

Le quotidien de ces petites gens va être bouleversé par l’arrivée d’un « ennemi public ». Si l’Artiste rechigne à le cacher dans sa cave, Juju va vouloir à tout prix devenir le protecteur de Barbier (Henri Vidal qui en fait des caisses, point faible du film), dont il admire l’audace et le succès auprès des femmes. Barbier va alors profiter de la naïveté de ses hôtes. Porte des Lilas conserve une spontanéité et une fraîcheur très agréables. René Clair trouve le parfait équilibre entre la comédie et l’émotion, notamment grâce à la gouaille de Pierre Brasseur et la déconvenue finale de son personnage. Sa mise en scène, tout comme la photographie de Robert Le Febvre (Casque d’or, Le Blé en herbe) inspirée de certaines œuvres de Robert Doisneau élèvent Porte des Lilas bien au-dessus du lot, en se rapprochant parfois du réalisme poétique de Marcel Carné. Et rien que pour cela, ce film souvent oublié est à réévaluer tant son charme rétro agit encore.

LE DIGIBOOK

Porte des Lilas est le sixième et dernier Digibook disponible dans la première vague éditée par Coin de Mire Cinéma que nous passons en revue. Si vous désirez en savoir plus sur la présentation de l’objet concocté par Coin de Mire Cinéma, reportez-vous aux chroniques d’Archimède le clochard, Les Grandes familles et Des gens sans importance, sans oublier celles des Amants du Tage et de Si tous les gars du monde… Comme sur les autres titres de la collection, le menu principal est fixe et musical.

 

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

L’édition de Porte des Lilas contient les actualités de la 39e semaine de l’année 1957, consacrées notamment aux malheurs et désespoirs de l’agriculture française, la désertion des campagnes, la crise agricole. Nous voyons également la Tour Eiffel grandir de huit mètres, ainsi qu’un récapitulatif du sixième Tour de France Automobile. Ce journal évoque également « l’Algérie Française »…(15’).

Ne manquez pas les réclames de l’année 1957 avec une publicité pour les bonbons Kréma, les caramels Valentin, Formica, les petits pois Libby’s et surtout un spot pour Martini avec Louis de Funès. (8′)

La bande-annonce de Porte des Lilas et celles des cinq autres titres de la collection édités le 22 octobre sont également disponibles.

L’Image et le son

Quel plaisir de redécouvrir Porte des Lilas dans de telles conditions ! L’apport HD demeure omniprésent, fabuleux, offrant aux spectateurs un relief inédit (les flocons de neige !), des contrastes denses et chatoyants, ainsi qu’un rendu ahurissant des gros plans. La propreté du master est ébouriffante (restauration 4K HD à partir du négatif original), la stabilité et la clarté sont de mise, le grain cinéma respecté et la compression AVC de haute volée. A l’exception d’une rayure verticale sur le générique en ouverture, de décrochages sur les fondus enchaînés et quelques plans peut-être plus vaporeux ou moins pointus, nous nous trouvons devant la plus belle copie à ce jour du film de René Clair. Vous pouvez dire au revoir à l’édition DVD René Chateau sortie en 2005.

Aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Le confort phonique de cette piste unique est indéniable, les dialogues sont clairs et nets. Si quelques saturations demeurent inévitables, ainsi qu’un léger souffle, la musique est joliment délivrée et aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Coin de mire Cinéma / TF1 Droits Audiovisuels /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr