Test DVD / About Ray, réalisé par Gaby Dellal

ABOUT RAY (3 Generations) réalisé par Gaby Dellal, disponible en DVD le 22 mars 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Naomi Watts, Elle Fanning, Linda Emond, Susan Sarandon, Andrew Polk, Marcos A. Gonzalez, Tate Donovan

Scénario : Nikole Beckwith, Gaby Dellal

Photographie : David Johnson

Musique : West Dylan Thordson

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 2015

LE FILM

Ray, jeune adolescente transgenre, souhaite devenir un homme. Accompagnée de sa mère et de sa grand-mère, elle va devoir faire accepter à sa famille cette transition pour enfin s’épanouir. C’est un chemin semé d’embûches pour cette famille dont le père n’a jamais été présent. Chacun tentera de s’opposer à la réalité, avant de finalement comprendre qu’il faudra se serrer les coudes pour passer ensemble cette épreuve.

Malgré ses comédiennes prestigieuses à l’affiche, About Ray – aka 3 Generations en version originale, n’a pas eu les honneurs d’une distribution dans les salles françaises et c’est bien dommage. En effet, ce drame doux-amer porté par Naomi Watts, Susan Sarandon, Elle Fanning et Linda Emond s’avère une œuvre très délicate. Après une première projection du film au Festival de Toronto en septembre 2015 qui s’était soldée par un accueil particulièrement mitigé, la sortie d’About Ray a été purement et simplement annulée aux Etats-Unis. La réalisatrice Gaby Dellal a ensuite décidé de remonter son film, d’augmenter légèrement sa durée, puis de changer l’intégralité de la musique.

La cinéaste britannique nous avait déjà enthousiasmés en 2005 avec Une belle journée, dans lequel le grand Peter Mullan s’entraînait pour traverser la Manche à la nage afin de combattre ses démons. About Ray est l’histoire de Ramona, alias Ray (Elle Fanning), adolescente spontanée, qui vit à New York avec sa mère célibataire Maggie (Naomi Watts), et sa grand-mère pleine d’entrain, Dolly (Susan Sarandon). Lorsque Ramona, qui sait, depuis sa prime jeunesse, qu’elle est née dans un corps qui ne lui convient pas, décide de devenir un garçon et de s’appeler Ray, cette famille liée doit apprendre à vivre avec ce changement profond. Dolly, qui est elle-même lesbienne, trouve difficile d’accepter qu’elle ait à présent un petit-fils et Maggie, en tant que mère, est contrainte de prendre de grandes décisions. Pour mettre en œuvre la transformation, elles doivent rechercher le père de Ray de manière à ce que celui-ci puisse donner son consentement légal au changement de sexe.

About Ray ne tombe jamais dans la gratuité ou le pathos, grâce à quelques touches d’humour et l’incroyable performance d’Elle Fanning. La jeune comédienne âgée de 20 ans à peine compte déjà près de 60 films à son actif. Découverte à l’âge de deux ans dans Sam je suis Sam de Jesse Nelson (2001), la sœur de Dakota Fanning est ensuite passée devant les caméras de Alejandro González Iñárritu, Tony Scott, David Fincher, Sofia Coppola, J.J. Abrams, Francis Ford Coppola, Cameron Crowe, Ben Affleck et évidemment celle de Nicolas Winding Refn pour The Neon Demon, qui bien que largement surestimé a contribué à renforcer son statut de jeune star. Dans About Ray, elle impressionne avec sa démarche, ses regards, ses postures, celle d’un jeune homme enfermé dans un corps qui ne lui appartient pas. Naomi Watts est comme d’habitude parfaite et campe une mère compréhensive, qui a élevé seule sa fille, prête à tout pour que son enfant soit heureux et qui accepte donc naturellement que sa fille Ramona devienne Ray. Susan Sarandon et Linda Emond (vue dans les séries The Good Wife et Gossip Girl) forment un couple de lesbiennes féministes et engagées qui tentent de prendre le train en marche en essayant de se faire à l’idée que Ramona est sur le point de changer de sexe pour pouvoir enfin vivre et s’épanouir, pour pouvoir être.

Drame inattendu, à la fois pudique et frontal prenant pour personnage principal un adolescent transgenre, About Ray ne laisse évidemment pas indifférent, même si certains spectateurs diront bien sûr que le personnage de la mère accepte « trop facilement » de laisser sa fille prendre cette décision irrévocable. Les quelques longueurs, la mise en scène fonctionnelle et les rebondissements à la limite du soap (Ray qui se retrouve avec deux pères possibles) n’empêchent pas d’être constamment ému voire bouleversé par ce personnage de Ramona/Ray magnifiquement incarné(e) par Elle Fanning, décidément en état de grâce et qui n’a pas fini de nous surprendre.

LE DVD

Le test du DVD d’About Ray, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette est élégant et attractif. Même chose pour le menu principal, animé et musical.

Les suppléments se résument à la bande-annonce du film.

L’Image et le son

Ce master offre des conditions de visionnage banales et sans esbroufe. La colorimétrie est plutôt bien agencée, mais la définition demeure passable, même sur les quelques plans rapprochés. La clarté est de mise, les contrastes corrects, cependant le piqué manque de précision et certaines séquences apparaissent plus ternes que d’autres et s’accompagnent de moirages ainsi que de saccades.

About Ray n’est pas un film à effets et les mixages français et anglais Dolby Digital 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en extérieur s’accompagne inévitablement d’ambiances naturelles sur les latérales avec notamment la circulation dans les rues de New York. Il en est de même pour la musique systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes. Les voix demeurent solidement délivrées par la centrale, bien que la version française demeure moins ardente que son homologue. Les deux pistes Stéréo sauront contenter ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

Crédits images : © SND / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Le Prophète, réalisé par Dino Risi

LE PROPHÈTE (Il Profeta) réalisé par Dino Risi, disponible en DVD et Blu-ray le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Vittorio Gassman, Ann-Margret, Liana Orfei, Enzo Robutti, Dino Curcio, Oreste Lionello

Scénario : Ruggero Maccari, Dino Risi, Ettore Scola

Photographie : Alessandro D’Eva

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

Pietro Breccia est un homme qui a décidé depuis longtemps d’abandonner la civilisation en devenant ermite en laissant derrière lui l’usure de la vie moderne, le consumérisme immodéré et toutes les futilités de la civilisation de consommation elle-même. Depuis des années, il vit dans la solitude sur le mont Soratte, à 40 km au nord de Rome. Un jour, il est débusqué par une équipe de télévision qui, flairant le scoop, décide de faire un documentaire sur le curieux ermitage de cet homme. À partir de ce moment, Breccia en a fini avec sa tranquillité. Malgré lui, il se retrouve étouffé par la société en raison de sa notoriété soudaine et du fait qu’il a dévoilé son identité passée…

C’est un des films les plus méconnus de l’immense et prolifique réalisateur Dino Risi (1916-2008), le maître incontesté de la comédie italienne. Tour à tour médecin, psychiatre, journaliste, puis devenu metteur en scène presque par hasard, le mythique cinéaste du Fanfaron, Parfum de femme et Il Vedovo signe avec Le ProphèteIl Profeta (1968) sa neuvième collaboration (sur dix-sept) avec son acteur fétiche Vittorio Gassman. Après L’Homme à la Ferrari (1967), une comédie à la mécanique aussi bien huilée que la voiture du titre, les producteurs souhaitent réunir le même couple star, Vittorio Gassman et Ann-Margret (actrice, danseuse et chanteuse suédoise), dans une nouvelle comédie pour surfer sur le précédent succès. Le trio remet donc le couvert un an après. Le Prophète n’est pas la suite de L’Homme à la Ferrari, bien que divers éléments rappellent ce dernier, notamment le personnage interprété par la star italienne qui tombe évidemment sous le charme d’une femme plus jeune que lui, tandis que Dino Risi évoque entre autres la libération des mœurs de la communauté hippie.

Sur un scénario coécrit avec Ruggero Maccari et Ettore Scola et avec son sens unique et acéré de la satire, le cinéaste, qui habituellement s’amuse à égratigner ses concitoyens, l’homme lâche, corrompu, menteur, égoïste, malhonnête, cruel, abominable, l’être humain dans toute sa splendeur, pauvre et riche, avec un humour noir, dresse un constat amer et un portrait au vitriol de la société de consommation. La fable est souvent grinçante, relevée, percutante, chacun en prend pour son grade, y compris Pietro, le personnage principal qui va très vite se voir rattraper par ce qu’il croyait avoir définitivement oublié après avoir abandonné sa femme, son emploi, sa voiture, la ville. Mais le destin mettra une jeune hippie (divine et sexy Ann-Margret) sur son chemin. Abstinent depuis cinq ans, notre prophète que tout le monde s’arrache depuis la diffusion d’un reportage à la télévision, va avoir du mal à résister aux mini-jupes affriolantes de la demoiselle libre et exubérante. Arrive alors un individu louche et sans scrupules qui cherche à exploiter l’étrange histoire de cet homme pour en tirer profit.

Si elle n’est pas aussi célèbre que les autres comédies du tandem Risi-Gassman, Le Prophète est une comédie dynamique, qui va à cent à l’heure, formidablement interprétée par un Gassman toujours au top de sa forme, même si le comédien reniera le film en déclarant qu’il s’agit probablement de son pire long métrage tourné avec le réalisateur. Se défendant de faire du cinéma militant, le réalisateur transalpin n’épargne personne. Cinéaste humaniste mais profondément ironique, considéré comme le plus pessimiste des réalisateurs italiens – « tout est grave mais rien n’est sérieux » disait-ilet qui se sert de la puissance du cinéma populaire pour lancer des débats après la projection, Dino Risi, doctorant en psychologie psychologique donne à réfléchir sur les relations humaines, la place de l’homme dans la société contemporaine, moderne, après le boom économique.

Tout le monde souhaite posséder la plus grosse voiture, ou du moins celle dont le moteur fait le plus de bruit afin d’être remarqué, pour aller se reposer sur une plage bondée, avant de rentrer et de se retrouver coincé dans un embouteillage monstre en respirant le bon air pollué qui plane sur Rome, avant de manger devant la télé. Ces sujets n’ont jamais été autant d’actualité. Même si elle a connu un immense succès en Italie à sa sortie, Le Prophète reste une comédie mineure de Dino Risi, ce qui ne l’empêche pas d’être un grand moment de cinéma porté par un acteur exceptionnel.

LE DVD

Le DVD du Prophète est disponible chez ESC Editions, dans une nouvelle collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits seront même proposés en Haute-Définition ! Une grande initiative que nous accueillons à bras ouverts ! La jaquette est très attractive et le verso montre tous les titres bientôt disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet et le boîtier glisser dans un surétui cartonné.

Pour information, cette collection sortira dans les bacs en trois vagues. La première, celle que nous commençons à chroniquer, est sortie le 28 mars 2017 : Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). Au mois de juin, l’éditeur prévoit : Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). Il faudra attendre le mois de septembre pour compléter sa collection avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD). Vous avez l’eau à la bouche ? Nous aussi !

En plus d’une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro, ESC Editions propose une présentation du Prophète par Stéphane Roux, historien du cinéma (9’). Notre interlocuteur replace le film qui nous intéresse dans l’immense carrière de Dino Risi. Stéphane Roux indique que ce film de commande a quasiment été renié par Dino Risi, Vittorio Gassman et par Ettore Scola, qui trouvaient que le film avait été écrit et réalisé à la va-vite afin de surfer sur le triomphe de L’Homme à la Ferrari. Les conditions de production, les thèmes, le casting, l’accueil partagé de la critique, l’énorme succès dans les salles en Italie, encore plus que Les Monstres et autant que Le Fanfaron, tout est abordé avec une passion contagieuse.

L’Image et le son

Egalement disponible en Blu-ray, Le Prophète nous est arrivé dans son édition DVD. Découvrir Le Prophète était inespéré. Le film de Dino Risi renaît donc de ses cendres chez ESC Editions dans une copie – présentée dans son format respecté – d’une propreté souvent hallucinante. Point d’artefacts de la compression à signaler, aucun fourmillement, les couleurs se tiennent, sont ravivées, le master est propre, immaculé, stable, les noirs concis et les contrastes homogènes. Le cadre fourmille souvent de détails, le piqué est joliment acéré, le relief et la profondeur de champ flattent les rétines, les partis pris du célèbre directeur de la photographie Alessandro D’Eva sont divinement bien restitués. Certains plans rapprochés tirent agréablement leur épingle du jeu avec une qualité technique quasi-irréprochable. Une véritable redécouverte, merci ESC Editions !

Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien Stéréo 2.0 aux sous-titres français imposés, pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, même si les voix des comédiens, enregistrées en postsynchronisation, peuvent parfois saturer ou apparaître en léger décalage avec le mouvement des lèvres.

Crédits images : © RTI S.P.A. / ESC Conseils / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Cigarettes et chocolat chaud, réalisé par Sophie Reine

CIGARETTES ET CHOCOLAT CHAUD réalisé par Sophie Reine, disponible en DVD et Blu-ray le 18 avril 2017 chez Diaphana

Acteurs : Gustave Kervern, Camille Cottin, Héloïse Dugas, Fanie Zanini, Thomas Guy, Franck Gastambide

Scénario : Sophie Reine, Gladys Marciano

Photographie : Renaud Chassaing

Musique : Sébastien Souchois

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Denis Patar est un père aimant mais débordé qui se débat seul avec l’éducation de ses filles, Janine, 13 ans et Mercredi, 9 ans, deux boulots et une bonne dose de système D. Un soir, Denis oublie, une fois de trop, Mercredi à la sortie de l’école. Une enquêtrice sociale passe alors le quotidien de la famille Patar à la loupe et oblige Denis à « un stage de parentalité ». Désormais, les Patar vont devoir rentrer dans le rang…

On dirait que le Festival de Sundance fait des émules dans nos contrées ! Cigarettes et chocolat chaud est le premier long métrage de Sophie Reine, monteuse de profession, ayant oeuvré sur les très réussis Ma vie en l’air, Le Temps des porte-plumes, J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Foxfire, confessions d’un gang de filles, My Sweet Pepper Land et récompensée par un César pour Le Premier jour du reste de ta vie. Une carrière riche et éclectique qui l’a conduite vers la mise en scène. Son premier court-métrage Jeanine ou mes parents n’ont rien d’exceptionnel (2010) démontre déjà un univers constitué de collages, d’animations, de couleurs sur fond de crise familiale. Sophie Reine attendra six années avant de passer au long-métrage avec Cigarettes et chocolat chaud, prolongement et approfondissement de son précédent travail cinématographique.

Extrêmement foutraque, mais très attentionné, Denis Patar est un paternel épatant, mais débordé qui se débat pour élever et éduquer ses deux fillettes Mercredi et Janine, depuis la mort de son épouse. Compressé par plusieurs boulots alimentaires, ce veuf rate, une fois de trop, la sortie d’école de sa fille Mercredi (c’est son prénom) de 9 ans, interprétée par la jeune Fanie Zanini, confondante de naturel, qui se retrouve au commissariat. Cette garde d’enfant à vue va entraîner l’entrée en scène d’une enquêtrice sociale. S’il veut conserver la garde de ses enfants, Denis va devoir suivre un stage de responsabilisation parentale. Comme très souvent pour une première oeuvre, Cigarettes et chocolat chaud foisonne d’idées – certaines inspirées par la propre enfance de la réalisatrice, passée dans un appartement parisien où le bordel était roi – et Sophie Reine s’avère très généreuse envers les spectateurs, quitte à créer un trop-plein.

La photo éclatante et colorée du chef opérateur Renaud Chassaing, les costumes et les décors plongent l’audience dans un monde singulier, celui de la famille Patar, qui a su rester optimiste et liée malgré le drame qui l’a touchée. Ce film très attachant part un peu dans tous les sens, mais cela traduit en même temps la façon de vivre des Patar. A mi-chemin, l’histoire se focalise sur la fille aînée atteinte du Syndrome Gilles de la Tourette, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais cette fois encore, cela reflète le fait que le père (génial Gustave Kervern) est tellement désorganisé dans sa façon de vivre et de s’occuper de ses deux enfants, qu’il ne s’est même pas rendu compte des nombreux tics qui agitent sa fille Janine (Héloïse Dugas, jolie révélation). Il faudra un électrochoc, l’arrivée d’une enquêtrice (l’excellente Camille Cottin), pour que Denis fasse le tri dans sa vie, parvienne à faire son deuil, pour mieux s’occuper de ses enfants et penser à lui.

Cigarettes et chocolat chaud s’inscrit dans ce genre de comédies américaines et anglaises du style Little Miss Sunshine et Captain Fantastic, une sensibilité Sundance comme nous le disions en début de critique, un film qui fait du bien, qui fait chaud au coeur, avec des personnages bourrés de charme menés par un Gustave Kervern nounours en diable. A la fin, il n’est pas interdit de fredonner Cigarettes and chocolate milk de Rufus Wainwright, chanson qui a inspiré le titre du film (et qui le clôt), qui devient comme qui dirait l’hymne entêtant et caractéristique de la famille Patar et de cette chronique irrésistible, fantaisiste, tendre et poétique.

LE DVD

Le DVD de Cigarettes et chocolat chaud, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film et la jaquette reprend le visuel de l’affiche du film.

Malgré le petit score du film dans les salles, Diaphana prend soin du service après-vente de Cigarettes et chocolat chaud, en livrant tout d’abord un making of (31’) très sympathique, composé de nombreuses images de tournage et de propos de l’équipe. On y voit Sophie Reine à l’oeuvre avec ses comédiens, tandis que ces derniers reviennent sur l’histoire et les personnages. Quelques images montrent les bouts d’essai des acteurs, ainsi que la préparation des décors et des costumes.

S’ensuit la court-métrage Jeanine ou mes parents n’ont rien d’exceptionnel, réalisé par Sophie Reine en 2010, avec Denis Ménochet et Léa Drucker. Jeanine, 10 ans, n’en peut plus de ses parents, anciens hippies, qui ne pensent qu’à s’amuser. Afin d’accéder à la vie « carrée et organisée » à laquelle elle rêve elle s’inscrit en cachette à un concours de gymnastique. Comme nous l’indiquons dans notre critique de Cigarettes et chocolat chaud, les thèmes et les bases formelles du long métrage de Sophie Reine sont déjà posés dans cet excellent Jeanine ou mes parents n’ont rien d’exceptionnel.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du film, une autre alternative, ainsi qu’un petit questionnaire auquel se sont pliés les quatre comédiens principaux.

L’Image et le son

Seule l’édition DVD a pu être testée. Evidemment, le piqué n’est pas aussi pointu qu’en Blu-ray et la colorimétrie peut avoir tendance à baver quelque peu, mais cette édition SD s’en tire avec les honneurs. Les contrastes sont corrects, les détails plaisants et l’encodage suffisamment solide pour pouvoir faire profiter de la photographie de Renaud Chassaing (Pattaya, Présumé coupable). La clarté est appréciable, les teintes chaleureuses et solaires. Notons toutefois quelques baisses de la définition.

Outre une piste Audiodescription et des sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, la version Dolby Digital 5.1 parvient sans mal à instaurer un indéniable confort phonique. Les enceintes sont toutes mises en valeur et spatialisent excellemment les effets, la musique et les ambiances. Quelques séquences auraient peut-être mérité d’être un peu plus dynamiques ou les dialogues parfois quelque peu relevés quand la partition s’envole. Le caisson de basses s’invite également à la partie, notamment lors de la fête finale. La piste Stéréo est de fort bon acabit et contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

Crédits images : © Mandarin Cinema / Alexis COTTIN / Diaphana / Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / La Levée des tomahawks, réalisé par Spencer Gordon Bennet

LA LEVÉE DES TOMAHAWKS (Brave Warrior) réalisé par Spencer Gordon Bennet, disponible en DVD le 23 mars 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Jon Hall, Christine Larsen, Jay Silverheels, Michael Ansara, Harry Cording, James Seay

Scénario : Robert E. Kent

Photographie : William V. Skall

Musique : Mischa Bakaleinikoff

Durée : 1h09

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

1812 dans l’Indiana. Un nouveau conflit menace de naître entre les Etats Unis et L’Angleterre. Un radeau américain destiné à ravitailler les tribus Shawnee en sel est attaqué par les Anglais, ceux-ci en massacrent les occupants et coulent la cargaison. Cet acte est commandité par Shayne Mac Grégor, riche commerçant en fourrures à Vincennes. Au camp Shawnnee, las des promesses non tenues la révolte gronde, la division éclate entre le chef Tecumseh et son frère surnommé « Le Prophète ». Ce dernier veut déterrer la hache de guerre contre les Américains. Le gouverneur de l’état William Henry Harrison, afin d’éviter une nouvelle guerre, engage Steve Rudell ami d’enfance de Tecumseh. Steve propose alors à Tecumseh de bâtir une ville nouvelle :  » Tippecanoe  » avec une école pour les enfants, ce qui permettra de rapprocher les contacts pacifiques entre blancs et indiens.
De son côté, Mac Grégor prépare avec l’aide du prophète et des Anglais, une embuscade destinée à anéantir les troupes américaines venues pour établir leur quartier général dans la ville de Vincennes.

Spencer Gordon Bennet (1983-1987) demeure un des plus grands spécialistes de la série B du cinéma américain. Prolifique et éclectique, on lui attribue plus de 120 films tournés entre 1921 et 1966. Habitué des serials, ce réalisateur était capable de livrer une demi-douzaine de films par an dans les années 1920 jusqu’à l’entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Dans sa filmographie, tous les genres y sont passés, en particulier les westerns, les films d’aventures et de science-fiction. Zorro, le vengeur masqué (1944), Superman (1948), Batman & Robin (1949), Le Sous-marin atomique (1959), restent ses œuvres les plus marquantes. Sur sa tombe, les studios lui ont rendu un dernier hommage en y faisant graver « King of Serial Directors, his final chapter ». La Levée des tomahawksBrave Warrior est un de ses cinq films tournés et sortis en 1952.

Ce petit western mis en scène avec peu de moyens, montre le savoir-faire du cinéaste pour emballer une aventure qui prend de très grandes libertés avec l’Histoire, afin de proposer aux spectateurs un récit aux personnages attachants, des archétypes où les gentils le sont vraiment, tout comme leurs adversaires que rien ne peut racheter, afin de ne pas compliquer les choses, pour aller à l’essentiel en à peine 70 minutes. Le lieu (la ville de Vincennes, Indiana), et le conflit en cours (les Anglais qui menacent les Américains, les Indiens Shawnees qui se retrouvent au milieu) sont exposés au moyen d’une carte dès le prologue. Spencer Gordon Bennet et son scénariste Robert E. Kent n’ont aucun scrupule pour remanier l’Histoire à leur guise et montrer de vrais héros américains, en paix avec les Indiens – ils leur fournissent même le sel nécessaire à la conservation de leur nourriture, afin de les remercier de leur avoir cédé leurs terres situées le long de la rivière Tippecanoe – jusqu’à ce que ces maudits Anglais essayent de contrecarrer leur expansion. Les Indiens Shawnees eux-mêmes vont se retrouver face à un dilemme puisque le guerrier surnommé « Le Prophète » (Michael Ansara) décide de se rebeller contre les Américains, tandis que son frère, le pacifiste Tecumseh (Jay Silverheels), qui admire la civilisation des Blancs et amoureux d’une Américaine, Laura (Christine Larsen), tente de ramener la paix dans la région. Mais les Anglais sont fourbes et vont user de stratagèmes, ainsi que de l’aide d’Américains qui ont rallié leur cause (dont le père de Laura), pour déclencher une guerre sur le sol de l’Oncle Sam, afin de mieux en récolter les fruits.

Comme il en a toujours eu l’habitude, Spencer Gordon Bennet soigne sa mise en scène, du moins autant que son budget restreint lui permettait de le faire, et se concentre avant tout sur les personnages et un beau Technicolor. De ce fait, les anachronismes, les décors carton-pâte, les costumes médiocres (les Indiens semblent affublés d’un pyjama) passent « mieux » à l’écran. Production modeste, La Levée des tomahawks repose sur un casting solide avec notamment Jon Hall, découvert dans quelques séries B d’aventures aux titres explicites Pago-Pago, île enchantée, Aloma, princesse des îles ou bien encore The Tuttles of Tahiti, avant de devenir une star avec les formidables La Vengeance de l’Homme Invisible et L’Agent invisible contre la gestapo.

La Levée des tomahawks se regarde comme on lit un roman d’aventures vintage à la couverture excitante, dont le contenu n’est sans doute pas à la hauteur des espérances, mais qui n’en demeure pas moins bourré de charme et extrêmement divertissant.

LE DVD

Le DVD de La Levée des tomahawks, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Point de Bertrand Tavernier à l’horizon, mais François Guérif a répondu présent à l’appel afin de présenter le film de Spencer Gordon Bennet. Pendant cinq petites minutes, le critique de cinéma, éditeur et directeur de la collection Rivages/Noir, rappelle qui est le réalisateur, avant d’évoquer tous les anachronismes et les grandes libertés (euphémisme) prises avec la véritable histoire et les personnages réels. S’il dit que La Levée des tomahawks demeure une curiosité, François Guérif insiste bien sur le fait que tous les événements évoqués dans le film sont faux.

De son côté, Parick Brion est plus magnanime avec le film (7’). On apprend que La Levée des tomahawks est un film inédit dans les salles françaises, mais qu’il a bénéficié d’une sortie en Belgique en double-programme. Après avoir rappelé quelques grands titres du western sortis en 1952, l’historien du cinéma parle du réalisateur Spencer Gordon Bennet, du casting du film et indique que La Levée des tomahawks est rare et s’estime très heureux de pouvoir le présenter aux spectateurs grâce à cette édition DVD.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos.

L’Image et le son

Le catalogue de Sidonis s’enrichit ainsi avec l’édition de La Levée des tomahawks, jusqu’alors inédit en France et se revêt d’un beau master (1.33, 16/9) restauré. La photo et les partis pris esthétiques originaux sont très bien conservés, les contrastes certes un peu légers et les couleurs parfois pastelles, mais le générique affiche d’emblée une stabilité bienvenue. La définition ne déçoit jamais, les poussières n’ont pas survécu au lifting numérique, hormis quelques points et tâches. Les scènes sombres et nocturnes sont logées à la même enseigne que les séquences diurnes, la profondeur de champ est appréciable, le grain cinéma est conservé même si certaines scènes apparaissent étrangement lisses et le piqué demeure vraiment agréable.

Que votre choix se porte sur la version originale (avec sous-titres français imposés) ou la version française, la restauration est également fort satisfaisante. Aucun souffle constaté sur les deux pistes, l’écoute est claire, frontale et riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont plus conséquents sur la version originale que sur la piste française, moins précise, mais le confort acoustique est assuré sur les deux options. Le changement de langue est verrouillé à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Columbia Pictures / Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Maman a tort, réalisé par Marc Fitoussi

MAMAN A TORT réalisé par Marc Fitoussi, disponible en DVD le 5 avril 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Jeanne Jestin, Emilie Dequenne, Camille Chamoux, Sabrina Ouazani, Nelly Antignac, Annie Grégorio, Grégoire Ludig, Jean-François Cayrey

Scénario : Marc Fitoussi

Photographie : Laurent Brunet

Musique : Pascal Mayer

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Anouk, 14 ans, a hâte d’effectuer son stage d’observation de troisième dans la compagnie d’assurances où travaille sa mère Cyrielle. Mais dès le premier jour, l’adolescente se voit confier le rangement d’un placard rempli de dossiers. Une tâche qu’elle trouve ingrate et sans aucun intérêt. Pire, au fil de cette semaine d’immersion, Anouk découvre brutalement un autre visage de sa mère, celle d’une femme froide et insensible à la détresse d’une jeune mère de famille endettée qui risque d’être expulsée du jour au lendemain. La jeune fille est alors confrontée au monde adulte de l’entreprise, avec ses petits arrangements et ses grandes lâchetés.

Maman a tort est déjà le cinquième long métrage de Marc Fitoussi après La Vie d’artiste, Copacabana, Pauline détective et La Ritournelle. Depuis dix ans, le réalisateur a su prouver la singularité et la sensibilité de son univers, en jouant souvent avec certains codes, à l’instar de Pauline détective qui mélangeait habilement la comédie policière avec des références au cinéma hollywoodien (Charade notamment), mais aussi les romans de la Bibliothèque rose ou verte à l’instar de Fantômette et du Club des cinq, et même les oeuvres d’Agatha Christie. Depuis La Vie d’artiste, Marc Fitoussi a toujours marqué ses films, pourtant souvent ancrés dans une réalité sociale, d’une douce folie. Ses œuvres possèdent également un décalage qui fait l’âme de son cinéma, toujours marquées par des dialogues subtils et d’une remarquable intelligence. Le dernier-né de Marc Fitoussi, Maman a tort, ne déroge pas à la règle et apparaît même comme un film-somme.

En haut de l’affiche la toujours parfaite et lumineuse Emilie Dequenne donne la réplique à la révélation du film, la jeune comédienne Jeanne Jestin, vue dans Le Passé d’Asghar Farhadi et La Vie domestique d’Isabelle Czajka. Cette dernière, à la fois solaire et grave, magnétique et promise à une belle carrière, porte littéralement le film sur ses épaules puisque le réalisateur adopte le point de vue de son personnage. Jeanne Jestin interprète Anouk. Ses parents sont divorcés. Elle voit son père de temps en temps (l’excellent Grégoire Ludig, très touchant). Alors qu’elle devait passer son stage de troisième dans la petite entreprise d’un ami de son père, le plan tombe à l’eau au dernier moment. Du coup, Anouk n’a d’autre recours que de réaliser cette semaine de stage dans la société d’assurance de sa mère Cyrielle Lequellec (Emilie Dequenne, dix ans après La Vie d’artiste). Remisée à des tâches subalternes par des employées indélicates et hypocrites (Nelly Antignac et Camille Chamoux, qui font penser aux terribles sœurs de Cendrillon) ou trop légères (Annie Grégorio, toujours géniale), elle ne tarde pas à s’ennuyer. Un jour, elle assiste à une plainte d’une assurée, Nadia Choukri (sublime Sabrina Ouazani), qui ne comprend pas pourquoi elle ne reçoit pas l’assurance-vie de son mari après son décès. Anouk constate que sa mère Cyrielle étudie le dossier de Nadia avec peu d’attention et de complaisance. Choquée par l’injustice faite à cette femme, elle va mener sa petite enquête pour essayer de lui venir en aide, car elle la sent menacée de se retrouver SDF avec ses deux enfants. Elle accède subrepticement au dossier et fait des découvertes sur les pratiques de la société d’assurance et de sa mère.

Récit initiatique, adieu à l’enfance et perte de l’innocence, Maman a tort montre la première plongée d’une adolescente dans le monde terrible et très violent des adultes et celui du travail avec ses règles établies. Malgré ses bureaux colorés et chaleureux (Marc Fitoussi a toujours apporté une grande importance aux couleurs), l’entreprise pourtant nommée Serenita est montrée comme un univers impitoyable, où ceux qui détiennent même une petite autorité n’hésitent pas à s’en prendre aux subalternes, puisque ceux-ci n’oseront pas répliquer. Anouk constate que même sa mère est victime de ce rapport de forces. Mais il n’y a pas que ça, puisqu’elle se rend compte également que sa mère n’est pas innocente et qu’elle est obligée de prendre des décisions importantes, même si cela doit détruire une ou plusieurs familles, pour pouvoir conserver son poste bien placé. Une situation inespérée pour Cyrielle, devenue cadre sans détenir de diplômes. Sans transition, Anouk se perd du jour au lendemain dans ces couloirs où les petites mesquineries sont quotidiennes, où les secrétaires se permettent de l’accuser d’avoir volé les chocolats du calendrier de l’Avent, sans avoir de preuves. Un « vol inqualifiable » puisque cela chamboule les quelques rituels qui « animent » la vie de bureau. Anouk observe (et quel regard ! ) et écoute. Son stage de troisième devient donc celui de la vie.

Marc Fitoussi filme l’entreprise et ses employés, comme des rats lâchés dans un labyrinthe étriqué, impression renforcée par l’usage du cadre 1.55 dans lequel les personnages semblent enfermés. Le personnage d’Emilie Dequenne est complexe, à la fois empathique mais aussi impitoyable et pathétique, la comédienne s’en acquittant encore une fois parfaitement. L’alchimie avec Jeanne Jestin est évidente et participe – entre autres – à la très grande réussite de Maman a tort, comédie-dramatique sociale élégante, bourrée de charme et très attachante, maline et dont le désenchantement progressif du personnage d’Anouk prend aux tripes jusqu’au générique de fin. On le savait déjà, probablement depuis son premier film, Marc Fitoussi est devenu l’un de nos plus précieux cinéastes.

LE DVD

Le test du DVD de Maman a tort, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la jolie musique du film. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film.

En 2005, Marc Fitoussi réalise L’Education anglaise, un documentaire de 52 minutes, présent sur le DVD, sur le séjour linguistique à Bristol de jeunes Français. « Un tournage que j’avais adoré et au cours duquel j’avais eu la chance de capter des choses qu’il me semblait difficile de restituer sous forme de fiction. » indique le cinéaste. Pour parfaire leur anglais, les adolescents âgés de 13 à 16 ans sont envoyés en Angleterre par leurs parents. Le programme concocté par l’organisme a été conçu selon une stratégie pédagogique imparable : logement en famille d’accueil, cours intensifs d’anglais, activités sportives et culturelles. Pourtant, les adolescents se révèlent assez peu sensibles à l’efficacité linguistique du séjour. Enfin affranchis de la tutelle parentale, ils se soucient surtout de nouer de nouvelles amitiés et de vivre pleinement une liberté tant désirée. Un film durant lequel Marc Fitoussi parvient à s’immiscer dans le quotidien de ces jeunes, venus des quatre coins de l’Europe, « obligés » de cohabiter durant un été, pour se perfectionner dans la langue de Shakespeare, mais pas seulement. Entre les discussions laborieuses avec les familles d’accueil et les cours obligatoires, les jeunes se rencontrent et se confrontent, s’attirent, flirtent pour certains. Les amours passagères, les amitiés qui dureront, ou inversement, sont capturées par la délicate caméra de Marc Fitoussi. Le documentaire se clôt sur la dernière fête organisée, le soir avant que les jeunes soient séparés.

La section des suppléments propose également 14 minutes de scènes coupées au montage, dont une fin alternative. Si rien n’est dit sur l’éviction de ces séquences, probablement pour une question de rythme, il serait dommage de passer à côté puisqu’elles s’avèrent très réussies.

L’Image et le son

Dommage de ne pas bénéficier de ce titre en Blu-ray. Néanmoins, l’éditeur soigne le transfert du film de Marc Fitoussi. Soutenu par une solide définition, le master est parfaitement propre. La copie est exemplaire et lumineuse tout du long, les couleurs excellemment gérées, avec une prédominance de teintes bleues, tout comme les contrastes très élégants.

Ne vous attendez pas à un déluge d’effets surround si votre choix s’est portée sur la Dolby Digital 5.1 qui se contente seulement de faire entendre de légères ambiances naturelles ou tout simplement d’offrir une spatialisation épisodique de la musique du film. Maman a tort ne se prêtant évidemment pas aux exubérances sonores, le principal de l’action se trouve canalisé sur les frontales où les dialogues ne manquent pas d’intelligibilité. N’hésitez pas à sélectionner la stéréo, ardente et dynamique, amplement suffisante avec un parfait confort acoustique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SND/ Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Tour de France, réalisé par Rachid Djaïdani

TOUR DE FRANCE réalisé par Rachid Djaïdani, disponible en DVD le 21 mars 2017 chez Studiocanal

Acteurs : Gérard Depardieu, Sadek, Louise Grinberg, Nicolas Marétheu, Mabô Kouyaté, Raounaki Chaudron

Scénario : Rachid Djaïdani

Photographie : Luc Pagès

Musique : Clément « Animalsons » Dumoulin

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Far’Hook est un jeune rappeur de 20 ans. Suite à un règlement de comptes, il est obligé de quitter Paris pour quelques temps. Son producteur, Bilal, lui propose alors de prendre sa place et d’accompagner son père Serge faire le tour des ports de France sur les traces du peintre Joseph Vernet. Malgré le choc des générations et des cultures, une amitié improbable va se nouer entre ce rappeur plein de promesses et ce maçon du Nord de la France au cours d’un périple qui les mènera à Marseille pour un concert final, celui de la réconciliation.

En 2012, le comédien et ancien boxeur Rachid Djaïdani sort son premier long métrage, Rengaine. Il lui aura fallu neuf ans pour peaufiner, tourner, monter et réussir à faire distribuer ce film d’une durée de 77 minutes piochées dans 200 heures de rushes. Réalisé sans argent, sans producteur ni scénario et autorisations, avec des potes, quand les conditions le permettaient, en laissant une grande place à l’improvisation, ce petit film mis en scène avec le coeur et des tripes avait su d’emblée imposer un style brut de décoffrage. Tour de France est le deuxième film de Rachid Djaïdani.

A l’instar de Rengaine, Tour de France contient de très belles choses. Une sensibilité à fleur de peau, une rage, une envie de frapper, une liberté totale de création et d’expression se dégagent de ce second long métrage qui se focalise sur la rencontre entre deux personnages que tout oppose. Far’Hook, un jeune rappeur qui tient à conserver son anonymat, se retrouve pris au piège de l’escalade de la violence. Après une altercation, il doit quitter la capitale afin de se protéger avant un grand concert qu’il doit donner à Marseille. Bilal, son producteur, lui trouve une planque temporaire. Ce même Bilal, qui a pris ses distances avec son père, Serge, demande alors à Far’Hook de lui rendre service : il s’agit de convoyer le retraité à travers les routes de France, sur les traces du peintre Joseph Vernet. Mais entre Far’Hook, jeune artiste arrogant, et Serge, retraité désabusé, misanthrope et limite raciste, le courant ne passe pas vraiment. Heureusement, la route est longue et ces deux générations vont alors vraiment faire connaissance.

Sélectionné dans la cadre de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2016, Tour de France bénéficie d’un budget plus important et de la présence du monstre Depardieu en tête d’affiche. Le comédien est absolument parfait en bonhomme bourru, veuf, en froid avec son fils récemment converti à l’Islam. Par un concours de circonstances, Serge, ancien maçon désormais à la retraite, accepte d’héberger un ami de son fils, Far’Hook. Tout d’abord réticent et malgré son racisme latent, il va se prendre d’amitié pour ce jeune de 20 ans dans lequel il reconnaît son fils et grâce auquel il va pouvoir admettre ses propres erreurs et lutter contre ses préjugés. De son côté, Far’Hook va à la rencontre de la France, lui qui n’a jamais quitté Paris. Tour de France est un petit film fait avec un coeur immense. On retrouve tout ce qui faisait la réussite de Rengaine tandis que le réalisateur prend plus soin de sa mise en scène et de sa direction d’acteurs. A ce titre, le rappeur Sadek s’avère touchant, souvent bluffant et fait preuve d’un réel talent de comédien avec son charisme brut qui s’impose sans mal face à l’imposante présence physique de Depardieu, qui de son côté n’hésite pas à entonner un rap sur La Marseillaise.

Tour de France est un road-movie élégant et chaleureux, spontané, jamais mièvre ou simpliste. Un beau moment.

LE DVD

Le DVD de Tour de France, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier Amaray classique. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est quant à lui fixe et muet.

Du point de vue des suppléments ? C’est simple, il n’y en a pas ! Même pas la bande-annonce !

L’Image et le son

Tour de France ne bénéficie pas de sortie en Blu-ray. Toutefois, ce DVD s’en sort bien, même si les couleurs s’avèrent parfois ternes. Rachid Djaïdani use parfois des images tirées de téléphone portable et d’autres sources indéterminées, ce qui entraîne inévitablement des baisses de la définition. La stabilité est de mise, les détails appréciables sur les gros plans. Notons également divers moirages.

Soyons honnêtes, le mixage Dolby Digital 5.1 ne sert pour ainsi dire à rien et concentre l’acoustique sur les enceintes avant, au détriment des ambiances naturelles. Les dialogues sont clairs, posés, la balance frontale dynamique, les basses ayant quant à elles quelques opportunités pour faire parler d’elles. Toutefois, privilégiez la Stéréo, beaucoup plus adaptée, souvent percutante et qui instaure un excellent confort. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Mars Films / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Captain Fantastic, réalisé par Matt Ross

CAPTAIN FANTASTIC réalisé par Matt Ross, disponible en DVD et Blu-ray le 14 février 2017 chez TF1 Vidéo

Acteurs : Viggo Mortensen, Frank Langella, George Mackay, Samantha Isler, Annalise Basso, Nicholas Hamilton, Shree Crooks, Charlie Shotwell, Ann Dowd, Erin Moriarty, Missi Pyle

Scénario : Matt Ross

Photographie : Stéphane Fontaine

Musique : Alex Somers

Durée : 1h58

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Dans les forêts reculées du nord-ouest des Etats-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à faire de ses six jeunes enfants d’extraordinaires adultes.
Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris.

C’est l’un des succès surprises de l’année 2016. Captain Fantastic, réalisé par Matt Ross, aura attiré près de 600.000 spectateurs français dans les salles à sa sortie. Ben et sa femme détestaient la société consumériste et ont donc tout quitté pour aller vivre dans les bois. Alors que son épouse est à l’hôpital, Ben continue à enseigner à ses six enfants comment vivre en communion avec la nature et les forme aux techniques de survie. Ils les entraînent à chasser, à pratiquer l’escalade, les arts martiaux, les langues étrangères, le tir à l’arc, les poussent à dépasser leurs limites physiques et leur fait l’école, tout en célébrant chaque année l’anniversaire du linguiste et philosophe Noam Chomsky. Leur monde s’écroule quand leur mère, bipolaire, se suicide. Ben découvre le testament de son épouse. Il est bien décidé à ce que ses dernières volontés soient respectées. Le père de la défunte, qui menace de faire arrêter Ben s’il se rend à la cérémonie, compte bien enterrer sa fille alors que la jeune femme voulait être incinérée.

Acteur vu dans la série Silicon Valley, mais aussi au cinéma dans L’Armée des douze singes, Volte/Face, Les Derniers jours du Disco et même dans Les Visiteurs en Amérique, Matt Ross signe son premier long métrage en 2012, 28 Hotel Rooms, inédit dans nos contrées. Son deuxième film en tant que réalisateur, Captain Fantastic, récompensé par le Prix de la mise en scène dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes, sans oublier le Prix du jury et celui du public au Festival du cinéma américain de Deauville, est un petit bijou indépendant. Inspiré par la propre enfance du metteur en scène passée dans quelques communautés de Californie du Nord et de l’Oregon, éloigné de toute technologie, du confort moderne et de la télévision, Captain Fantastic se penche sur les modes de vie et l’éducation alternatifs au XXIe siècle, avec notamment les choix qu’imposent les parents à leurs enfants, dans un environnement éloigné de la société de consommation.

Dans Captain Fantastic, le père de famille est sublimement incarné par Viggo Mortensen, dans un rôle taillé sur mesure, qui a pris en charge l’éducation de ses six enfants. Bo (excellent George MacKay), le fils aîné, maoïste, commence à ressentir un manque social et à s’intéresser aux filles de son âge, d’autant plus qu’il est accepté à Harvard et Yale, sans que son père le sache. Dans un contexte difficile – leur mère vient de décéder – Bo se rebiffe quelque peu et pour la première fois Ben (Mortensen) voit ses idéaux remis en question. On pense souvent au désormais classique Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris, avec quelques motifs semblables, la famille réunie dans un véhicule lancé sur les routes américaines, un décès, quelques enfants rebelles. Viggo Mortensen, radieux, est formidablement entouré par un jeune casting très impliqué, mention spéciale aux plus jeunes, d’un naturel confondant.

Doux-amer, pudique et à la fois frontal, joliment mis en scène et photographié par le chef opérateur français Stéphane Fontaine (De battre mon coeur s’est arrêté, De rouille et d’os, Elle), Captain Fantastic émeut, fait rire et réfléchir, interroge sur notre propre rapport à la société et ravit les sens. Le message passe, sans jamais tomber dans la démonstration gratuite et laisse le spectateur se faire sa propre opinion sur ce choix de vie en usant habilement de la fable et de la poésie.

LE DVD

Le test du DVD de Captain Fantastic, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation française.

Un tout petit making de 4 minutes, montre rapidement les comédiens sur le tournage, le tout ponctué par les propos du réalisateur Matt Ross et des acteurs Viggo Mortensen et Frank Langella. Les personnages sont abordés, tout comme l’histoire et les thèmes. Viggo Mortensen évoque rapidement sa préparation dans le nord de l’Idaho, où il a passé son enfance, dans un lieu proche de celui où habite la famille Cash dans le film.

A travers une interview réalisée – le 7 décembre, jour de l’anniversaire de Noam Chomsky ! – par Didier Allouch, le réalisateur Matt Ross revient sur tous les aspects de Captain Fantastic, à l’occasion de la sortie de son film en France (25’). La genèse, les thèmes, ses intentions, les personnages, le casting, le travail avec les enfants et le chef opérateur Stéphane Fontaine, les partis pris, la préparation de Viggo Mortensen, le montage (il existe une version de 3h30 !), sont analysés point par point, le tout illustré par quelques extraits tirés du film en version française et d’images de tournage.

Nous retrouvons le même Didier Allouch, mais cette fois à l’occasion de la présentation de Captain Fantastic au Festival de Sundance (7’). Les comédiens, dont Viggo Mortensen (en français dans le texte), répondent aux questions du journaliste sur le tapis rouge.

L’Image et le son

Seule l’édition DVD a pu être testée. Evidemment, le piqué n’est pas aussi pointu qu’en Blu-ray et la colorimétrie peut avoir tendance à baver quelque peu, mais cette édition SD s’en tire avec les honneurs. Les contrastes sont corrects, les détails plaisants et l’encodage suffisamment solide pour pouvoir faire profiter de la beauté des paysages naturels dans la première partie. La clarté est appréciable, les teintes chaleureuses et solaires. Notons toutefois quelques baisses de la définition sur les plans plus agités filmés en caméra portée.

Les versions anglaise et française bénéficient de mixages Dolby Digital 5.1. Afin de se plonger véritablement dans l’ambiance du film, nous vous conseillons d’oublier immédiatement le doublage français, totalement inapproprié, même si les effets latéraux sont aussi dynamiques qu’en version originale. La piste anglaise est plus homogène et l’exploitation des enceintes arrière judicieuse sur les séquences en extérieur. Le confort acoustique et musical y est cependant plus délicat et posé, tout à fait dans le ton du film. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo de fort bon acabit, ainsi qu’une piste Audiodescription et les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Mars Films / Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Le Masque arraché, réalisé par David Miller

LE MASQUE ARRACHÉ (Sudden Fear) réalisé par David Miller, disponible en DVD le 14 février 2017 chez Rimini Éditions

Acteurs : Joan Crawford, Jack Palance, Gloria Grahame, Bruce Bennett, Virginia Huston, Mike Connors

Scénario : Lenore J. Coffee, Robert Smith d’après le roman « Ils ne m’auront pas » d’Edna Sherry

Photographie : Charles Lang

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

Alors qu’elle supervise les auditions de sa prochaine pièce, la dramaturge Myra Hudson rejette la candidature du jeune acteur Lester Blaine. Elle le retrouve peu après dans le train qui la ramène à San Francisco, en tombe amoureuse et l’épouse rapidement. Mais Lester renoue avec Irène, sa précédente petite amie : ils décident d’éliminer Myra.

Voilà un thriller-film noir oublié qu’il est temps de réhabiliter ! Réalisé en 1952, Le Masque arrachéSudden Fear réunit à l’écran Joan Crawford, qui entamait la deuxième partie de son immense carrière après avoir été longtemps l’égérie des studios Warner et MGM, et Jack Palance dans un de ses premiers rôles au cinéma. Avant d’exploser véritablement avec Le Grand CouteauThe Big Knife de Robert Aldrich (1955), le comédien d’origine ukrainienne, né Volodymyr Palahniuk, avait fait ses débuts chez Elia Kazan (Panique dans la rue, 1950), Lewis Milestone (Okinawa, 1950), puis chez George Stevens (L’Homme des vallées perdues, 1953), Douglas Sirk (Le Signe du païen, 1954). Ces films ont immortalisé son visage anguleux et émacié, que l’on retrouvera d’ailleurs plus tard chez Jean-Luc Godard dans Le Mépris et même dans le Batman de Tim Burton. Dans Le Masque arraché, il trouve un rôle venimeux, qui deviendra sa spécialité.

L’acteur Lester Blaine (Jack Palance) épouse une riche et célèbre dramaturge à succès, Myra Hudson (Joan Crawford), sans avoir pour autant rompu avec sa petite amie, Irene Nest (Gloria Grahame). Quelque temps plus tard, il apprend que le nouveau testament de sa femme lui assure une rente annuelle de dix mille dollars, à la seule et unique condition qu’il ne se remarie pas. Irene, qui n’apprécie pas du tout cette clause, incite Lester à éliminer Myra avant que son testament n’entre en vigueur. Les amants ignorent que le magnétophone de Myra enregistre leur conversation. Réalisateur, producteur et scénariste, David Miller (1909-1992) est un cinéaste méconnu qui a pourtant quelques pépites à son palmarès, dont le célèbre Seuls sont les indomptés avec Kirk Douglas et Complot à Dallas avec Burt Lancaster. Le Masque arraché est assurément une de ses plus grandes réussites et un vrai bijou de film noir.

Sudden Fear joue avec la notion de direction d’acteur et de mise en scène à travers le personnage d’une dramaturge à succès, qui découvre la manipulation dont elle est victime et qui risque de lui coûter la vie. Afin de contrer cette menace, elle décide d’utiliser son don pour la mise en scène en complotant de son côté et en préparant sa vengeance, heure par heure, dans un lieu précis. Le deuxième acte peut commencer, la dramaturge manipulée reprend ses droits et dirige à nouveau sa vie pour éviter d’être assassinée. Deux ans avant Johnny Guitare de Nicholas Ray, Joan Crawford (également productrice exécutive et scénariste non créditée) se délecte de ce rôle dense et charismatique, même si ses nombreux détracteurs trouveront encore à redire sur l’emphase de son jeu, parfois limite c’est vrai, tout comme ses « grimaces » – héritées de sa période muette – successives quand son personnage découvre que son époux souhaite se débarrasser d’elle pour toucher l’argent de l’assurance-vie. Avec son sens du cadre qui sied à merveille aux rues en pente luisantes de pluie de San Francisco (surtout lors de la poursuite finale), David Miller livre un thriller qui distille son poison au compte-gouttes, aidé pour cela par la sublime photo contrastée signée Charles Lang (Certains l’aiment chaud, Sabrina, Les 7 Mercenaires), sans oublier la composition de l’immense Elmer Bernstein.

Sur un scénario machiavélique et riche en rebondissements, adapté du roman Ils ne m’auront pas d’Edna Sherry, David Miller compose un face à face percutant, qui n’a rien à envier aux films noirs plus célébrés des années 1940-50 et mérite amplement d’être réévalué à sa juste valeur, autrement dit un chef d’oeuvre du genre. L’intrigue est épurée et comme le disait François Truffaut dans sa première critique écrite pour Les Cahiers du cinéma en mars 1953 « Pas un plan dans ce film qui ne soit nécessaire à la progression dramatique. Pas un plan non plus qui ne soit passionnant et ne nous donne à penser qu’il est le clou du film ». Outre Joan Crawford et Jack Palance, vraiment superbes dans le rôle du chat et de la souris dont les rôles finissent par s’inverser, Gloria Grahame tire son épingle du jeu dans le rôle d’une jeune escroc, qui entretient une relation amoureuse et brutale avec Lester.

Quelle merveilleuse surprise donc que ce Masque arraché, thriller angoissant qui fait penser au Soupçons d’Alfred Hitchcock (dont la présence d’un verre de lait), qui se clôt dans un dernier acte quasi-dépourvu de dialogues, reposant uniquement sur la mise en scène virtuose et l’intensité de l’interprétation de Joan Crawford. Immanquable !

LE DVD

Le DVD du Masque arrac, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un élégant surétui cartonné. La jaquette saura attirer les fans de films noirs. Le menu principal est élégant, animé et musical. Notons la faute sur le nom de l’actrice Gloria Grahame, corrigée sur l’exemplaire disponible à la vente.

Le Masque arraché / Sudden Fear, est présenté par Antoine Sire (39’). l’auteur de Hollywood, la cité des femmes (editions Institut Lumière / Acte Sud) propose un portrait brillant de la comédienne Joan Crawford, mais aussi de son partenaire Jack Palance (après le refus de Clark Gable et de Marlon Brando) et du cinéaste David Miller. Fourmillant d’informations et d’anecdotes, Antoine Sire part un peu dans tous les sens et se répète parfois, mais on ne pourra pas lui reprocher la passion contagieuse avec laquelle il évoque Le Masque arraché et tout ce qui l’entoure. Composé d’extraits et de bandes-annonces, cet entretien s’avère riche, spontané et passionnant.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce anglaise de la sortie DVD du Masque arraché.

L’Image et le son

Ce master restauré (en 2K par Cohen Media Group) au format respecté 1.33 (16/9) du Masque arraché, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Charles Lang retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie ne sautent aux yeux, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, même si certaines séquences paraissent étonnamment plus lisses, ce qui fera tiquer quelque peu les puristes. Le cadre fourmille de détails, les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce diamant noir. Dommage de ne pas trouver Le Masque arraché en Haute-Définition !

L’éditeur ne propose que la version originale du Masque arraché. Dynamique, nettoyée, homogène et naturelle, sans souffle parasite, cette piste offre un confort acoustique solide et restitue admirablement la musique d’Elmer Bernstein et les effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Joseph Kaufman Productions, Inc. / Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

 

Test DVD / Nocturama, réalisé par Bertrand Bonello

NOCTURAMA réalisé par Bertrand Bonello, disponible en DVD le 22 février 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani, Manal Issa, Martin Guyot, Jamil McCraven, Rabah Naït Oufella, Laure Valentinelli, Ilias Le Doré, Robin Goldbronn, Luis Rego, Hermine Karagheuz

Scénario : Bertrand Bonello

Photographie : Léo Hinstin

Musique : Bertrand Bonello

Durée : 2h10

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents.  Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence. 

Bertrand Bonello, réalisateur du splendide L’Apollonide (Souvenirs de la maison close) et du viscontien Saint Laurent revient avec un film coup de poing, pensé comme « un ressenti du monde dans lequel nous vivons ». Après son adaptation libre, décalée et sans concession de la vie du célèbre couturier, Bonello privilégie l’aspect visuel et sensoriel et à ce titre Nocturama, son septième long métrage, s’avère une fois de plus une véritable expérience cinématographique.

A Paris, de nos jours, sept jeunes gens déambulent dans le métro et dans les rues de la capitale. Chacun d’entre eux accomplit des tâches aussi précises que mystérieuses, répondant à des messages cryptiques reçus sur les téléphones portables en leur possession. Soudain, plusieurs bombes explosent dans Paris. Les jeunes gens, parmi lesquels David, Yacine, Sabrina, Mika, Sarah et Omar, se retrouvent à la nuit tombée dans un grand magasin. Avec la complicité d’un vigile, ils entrent dans le bâtiment fermé au public. Pendant ce temps, la panique a envahi la ville et les politiques se perdent en conjectures. A part les excellents Vincent Rottiers et Finnegan Oldfield (Geronimo, Les Cowboys, Réparer les vivants), sans compter une très courte apparition d’Adèle Haenel, Bertrand Bonello a privilégié un casting composé de comédiens amateurs qui s’avèrent tous réellement bluffants pour leur première apparition au cinéma. Ce sont surtout les visages que l’on retient de Nocturama, ceux de ces jeunes hommes et femmes, dont le cinéaste parvient à restituer les contradictions, la passion, le mal-être, la solitude, la dépendance et la fragilité, ce qui a pu les conduire à commettre l’irréparable.

A l’instar de sa version d’YSL, Bonello ne signe pas un film sur des « personnes en train de créer », mais sur des individus qui tentent de vivre après être devenus des monstres. C’est ici que Nocturama se rapproche finalement du précédent film du cinéaste puisque si les attentats sont montrés dans la première partie du film après une longue et sensationnelle exposition dans le métro et dans les rues de Paris, Bonello montre ensuite l’attente, le spleen, l’ennui, la dissolution d’un « esprit créatif » une fois que toute la bande ait trouvé refuge dans un grand magasin (le tournage a eu lieu dans les locaux désaffectés de la Samaritaine) à la nuit tombée. Ou comment se réunir dans l’antre de ce qu’ils dénoncent ou pensaient dénoncer, Bonello filmant alors son groupe comme des candidats de Loft Story sous l’oeil des caméras de surveillance, filmant du vide dans le vide.

Ce qui a pu décontenancer une partie des spectateurs et d’une certaine partie de la critique, c’est de voir l’absence d’une réelle revendication de la part de cette jeunesse rebelle, nihiliste et anticapitaliste, issus de milieux sociaux différents, mais visiblement tous portés et réunis pour une même cause. Sans faire partie d’un groupe religieux ou même politique en particulier. Ensuite, Bertrand Bonello bouleverse la temporalité, sa narration, pour finir par faire des allers-retours lors du raid final du GIGN, symbolisé par le thème principal de la série Amicalement Vôtre composé par John Barry. Bonello croise les destins pour mieux se focaliser sur chacun des personnages, en faisant perdre ses repères aux spectateurs.

Suprêmement élégant, Nocturama est un film qui emporte l’adhésion ou qui entraîne un rejet total. Adhésion si le spectateur accepte ces partis pris et un rythme languissant, rejet si le spectateur espérait une analyse explicite sur ce qui a pu pousser ces jeunes à faire exploser simultanément plusieurs sites symboliques de la capitale : une banque, le ministère de l’Intérieur, plusieurs voitures devant la Bourse, la statue de Jeanne d’Arc située place des Pyramides. Nocturama est un film politique dans le geste et l’action, pas dans le discours. Bonello ne fait pas dans la psychologie, mais dans la sensation et l’abstraction. Si le parallèle avec les événements qui ont fait saigner Paris en 2015 est évident, Bertrand Bonello portait ce projet, intitulé alors Paris est une fête, depuis 2011. A la suite des attentats du 13 novembre 2015, le réalisateur a ensuite changé le titre de son film – le roman d’Hemingway étant devenu un symbole – et opté pour Nocturama, emprunté à celui d’un album de Nick Cave, avec l’autorisation de ce dernier. S’il pensait le mettre en scène après L’Apollonide : Souvenirs de la maison close, Saint Laurent aura remis à plus tard ce projet, finalement rattrapé par l’actualité.

Soutenu par une B.O. hypnotique signée Bertrand Bonello lui-même, Nocturama est un merveilleux et fulgurant objet de cinéma, un film – d’action contemporain selon le réalisateur – souvent fascinant, esthétique, fulgurant et onirique qui n’a pas fini d’envoûter les cinéphiles qui se laisseront volontiers porter.

LE DVD

Le test du DVD de Nocturama, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Aucune sortie en Blu-ray prévue pour ce titre, ce qui est absolument scandaleux surtout lorsque l’on voit des titres de fond de catalogue qui bénéficient d’un traitement HD de la part de l’éditeur ! Le menu principal est animé sur l’envoûtante musique de Bertrand Bonello. Le visuel reprend quant à lui celui de l’affiche du film.

Sans surprise, peu de bonus à l’horizon, si ce n’est une excellente et passionnante interview de Bertrand Bonello (20’) réalisée par Jean-François Rauger. Le réalisateur évoque la genèse du projet de Nocturama, qui s’intitulait encore Paris est une fête, ses intentions (revenir à un sujet plus contemporain), la structure du film, les thèmes, les personnages, le décor du grand magasin, les symboles, la mise en scène, la photographie, la musique, le casting, le montage, l’actualité qui a fini par rattraper l’histoire du film, la difficile et froide réception. Bertrand Bonello s’explique longuement, posément sur son dernier film. A ne pas manquer.

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour Nocturama donc et c’est bien dommage. Le DVD n’est pas parfait avec par exemple un gros fourmillement sur le plan aérien d’ouverture qui fait peur avec ses moirages, ses couleurs ternes et son manque de définition. Cela s’améliore un peu après heureusement. Nocturama est le premier film tourné en numérique de Bertrand Bonello, ce qui nous fait d’autant plus regretter l’absence d’édition HD. La première partie diurne est claire, la colorimétrie trouve un équilibre convenable, le relief des textures est palpable, les contrastes riches et le piqué acceptable. La seconde, durant laquelle les protagonistes sont retranchés dans le grand magasin, est évidemment moins précise avec une profondeur de champ limitée, un rendu des visages moins pointu, mais heureusement les noirs sont denses. La copie SD est donc d’honnête facture, mais la magnifique photo de Léo Hinstin (Taj Mahal, Aux yeux de tous) méritait bien meilleur traitement.

En dehors de la première partie composée d’extérieurs, Nocturama est essentiellement un huis clos qui réside essentiellement sur les dialogues. Le mixage DTS 5.1 distille quelques ambiances bienvenues et joliment rendues. Une nappe synthétique et des sons cristallins s’instaurent délicatement sur les latérales bien qu’elles distillent cette atmosphère avec une rare parcimonie. Les dialogues demeurent clairs et précis sur l’enceinte centrale, la balance frontale est intimiste, mais le tout s’anime sur la chanson My Way, l’excellente partition signée Bonello lui-même et le thème d’Amicalement Vôtre qui illustre le dernier acte et le générique de fin. Une piste stéréo est également au programme et se révèle limpide, riche et saisissante. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste en Audiodescription.

Crédits images : © Wild Bunch Distribution / Captures du DVD :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / L’Economie du couple, réalisé par Joachim Lafosse

L’ECONOMIE DU COUPLE réalisé par Joachim Lafosse, disponible en DVD le 14 décembre 2016 chez Le Pacte

Acteurs : Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Marthe Keller, Jade Soentjens, Margaux Soentjens, Philippe Jeusette

Scénario : Joachim Lafosse, Fanny Burdino, Mazarine Pingeot, Thomas Van Zuylen

Photographie : Jean-François Hensgens

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c’est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c’est lui qui l’a entièrement rénovée. A présent, ils sont obligés d’y cohabiter, Boris n’ayant pas les moyens de se reloger. A l’heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu’il juge avoir apporté.

Joachim Lafosse (A perdre la raison, Les Chevaliers blancs) est un réalisateur précieux et son dernier film L’Economie du couple est une nouvelle et grande réussite à inscrire à son palmarès. Sur un scénario coécrit avec Fanny Burdino, Mazarine Pingeot et Thomas van Zuylen, Joachim Lafosse explore des thèmes devenus récurrents au fil de sa filmographie, tels que l’amour et ses conséquences, la dette, le lien pervers, les dysfonctionnements familiaux, à travers l’histoire douloureuse d’un couple prêt (ou presque) à se séparer. Cet homme et cette femme sont merveilleusement interprétés par Bérénice Bejo, décidément étonnante depuis Le Passé d’Asghar Farhadi et Cédric Kahn, cinéaste devenu comédien un peu par hasard, qui devient ici un immense acteur à la présence impressionnante.

A l’instar de Mike Nichols pour Qui a peur de Virginia Woolf ?, référence avouée de Lafosse, le cinéaste happe le spectateur de la première à la dernière image au moyen de subtils plans-séquences, le prend à la gorge et resserre son étreinte au fur et à mesure, tout en le poussant à réfléchir et à accepter l’imminente rupture d’un homme et d’une femme, parents de deux petites jumelles. L’Economie du couple cherche à faire partager aux spectateurs la vie de personnage simples dans une situation complexe, ni jugés ni déresponsabilisés, dans un lieu quasi-unique, la maison, « personnage » à part entière, ancienne incarnation du rêve et du bonheur, devenue source et raison d’affrontements. Avec sa mise en scène au cordeau, sobre mais toujours juste et maîtrisée, qui évite le théâtre filmé, ses personnages filmés à hauteur d’homme sans fioritures, Joachim Lafosse suscite l’émotion et la réflexion sur la réalité économique sur laquelle repose un couple.

On en ressort épuisés et bouleversés, y compris quand la famille se trouve réunit quasiment pour la dernière fois autour d’une danse sur la chanson Bella de Maitre Gims. Qui aurait pu penser qu’une scène tournant autour d’un tube aussi gras que celui-là deviendrait une des séquences les plus émouvantes de l’année 2016 ? Entre conflits et accalmies, avec tension et délicatesse, nous observons un couple à vif, Marie et Boris, sur le champ-de-bataille, avec l’argent et les différences sociales en guise de munitions durant cette cohabitation forcée le temps qu’il retrouve un logement – elle est de bonne famille, lui d’un milieu ouvrier et n’a pas les moyens de se reloger – avant la concrétisation de la rupture et de l’éclatement de la cellule familiale.

A fleur de peau, intense, magistral, L’Economie du couple démontre une fois de plus quel grand cinéaste est devenu Joachim Lafosse.

LE DVD

Le DVD de L’Economie du couple, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.

Seul supplément de cette édition, un entretien avec Joachim Lafosse (17’). A l’origine, le réalisateur souhaitait adapter Bon petit soldat de Mazarine Pingeot, mais les droits avaient déjà été achetés. Après une tentative de transposer Britannicus de Racine, Joachim Lafosse et Mazarine Pingeot se sont finalement lancés dans l’écriture d’un film sur la fin d’un couple. Le metteur en scène évoque ensuite l’évolution du scénario, ses intentions, le casting, la préparation des comédiens. Les propos sont spontanés, toujours enrichissants et passionnants.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le Pacte prend soin du film de Joachim Lafosse et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques du chef opérateur Jean-François Hensgens (Tête de turc, Les Chevaliers blancs, A perdre la raison) sont respectés et la colorimétrie claire (avec de nombreuses touches de bleu) habilement restituée. La clarté est de mise, tout comme des contrastes fermes, un joli piqué et des détails appréciables, y compris sur les très présents gros plans des comédiens. Notons de sensibles pertes de la définition et des plans un peu flous, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master SD élégant.

L’éditeur joint une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure une spatialisation délicate, mais anecdotique. Les ambiances naturelles et les effets annexes sont plutôt rares et la scène acoustique reste essentiellement frontale, sauf sur la séquence de danse sur la chanson Bella de Maitre Gims. De ce point de vue il n’y a rien à redire, les enceintes avant assurent tout du long, les dialogues étant quant à eux exsudés avec force par la centrale. La Stéréo n’a souvent rien à envier à la DD 5.1. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également de la partie, ainsi qu’une piste en Audiodescription.

Crédits images : © Fabrizio Maltese / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr