Musique : Philippe Katerine, Bertrand Belin, Dominique A, Jeanne Cherhal, Etienne Daho & Sein
Durée : 2h01
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Un chanteur-compositeur en voie de clochardisation voit apparaître une « fille en bleu » sur le parvis de la gare Montparnasse. Frappé par ce qu’il prend pour une apparition mariale, il décide de partir à sa recherche et se rend à Lourdes en quête de la Sainte Vierge. Il y fait la rencontre d’une sexagénaire qui le prend pour son fils, disparu vingt ans auparavant aux États-Unis.
Tiens, revoilà les frères Larrieu ! Cela faisait six ans que nous n’avions plus de nouvelles d’Arnaud et Jean-Marie, depuis le succès honnête de 21 nuits avec Pattie en novembre 2015, sans nul doute l’une de leurs plus grandes réussites. Bien loin des ronflants, interminables et prétentieux Peindre ou faire l’amour (2005) et Les Derniers Jours du monde (2009), les deux frangins avaient déjà retrouvé une véritable énergie avec L’Amour est un crime parfait en 2014, et se souvenaient surtout d’un élément-clé au cinéma, les spectateurs. Pas étonnant que ce dernier ait été leur deuxième plus gros hit au box-office, comme l’a d’ailleurs été 21 nuits avec Pattie, porté par la tornade Karin Viard. C’est malheureusement une autre paire de manche avec Tralala, leur dernier opus en date, pour lequel ils retombent dans leurs travers qui plaisent tant à Télérama, aux Cahiers du Cinéma et aux Inrockuptibles. Du cinéma pour bobos, nombriliste, clinquant comme les néons d’un concept store dans le Marais, incarné par Mathieu Amalric (qui remplace Philippe Katerine, pour qui le rôle avait été écrit et qui a composé les chansons du personnage principal), pour la cinquième fois devant la caméra des Larrieu après le moyen-métrage La Brèche de Roland (2000), Un homme, un vrai (2003), Les Derniers Jours du monde et L’Amour est un crime parfait. Celui-ci écarquille les yeux à outrance derrière son masque anti-Covid (le tournage a eu lieu l’été 2020) et arbore une barbe pouilleuse, en pensant que cela fera rire Jean-Marc Lalanne qui a déjà fait sa critique dithyrambique du film, avant même de l’avoir vu. Mais non, rien n’y fait, Tralala est juste d’une neurasthénie confondante, une succession de séquences où le vide est rempli par des chansons qui feraient taire Eddy de Pretto (c’est pas bête si on y pense) de jalousie en voyant ces acteurs s’égosiller encore plus mal que lui. Bon, vous l’aurez compris, on a détesté. En voulant rendre hommage à Jacques Demy, les Larrieu ne livrent au final qu’une demi-éjac.
LA NUIT A DÉVORÉ LE MONDE réalisé par Dominique Rocher,disponible en DVD le 15 octobre 2018 chez Blaq Out
Acteurs : Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz, David Kammenos, Jean-Yves Cylly, Nancy Murillo, Lina-Rose Djedje, Victor Van Der Woerd
Scénario : Guillaume Lemans, Jérémie Guez, Dominique Rocher d’après le roman « La Nuit a dévoré le monde » de Pit Agarmen
Photographie : Jordane Chouzenoux
Musique : David Gubitsch
Durée : 1h30
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts-vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ?
Chaque année, le cinéma réserve son lot de révélations. 2018 a été un très bon cru pour le cinéma français. Aux côtés de Xavier Legrand pour Jusqu’à la garde, Dominique Rocher se fait une belle place avec son premier long métrage, La Nuit a dévoré le monde. Sublime titre repris du roman éponyme de Pit Agarmen (pseudonyme et anagramme de l’écrivain Martin Page), publié en 2012, dont il s’agit de l’adaptation. Ce serait cliché de dire « Oui, il existe un cinéma de genre en France », puisque même Méliès abordait déjà le fantastique dans ses œuvres en lorgnant même sur l’épouvante afin d’effrayer les spectateurs avec ses démonstrations filmées. La Nuit a dévoré le monde s’inscrit dans le genre des films de zombies, tout en conservant une identité bien française. Un film fantastique est un film d’auteur et ça depuis les débuts du cinéma, donc là aussi, pas besoin de différencier les deux. La Nuit a dévoré le monde s’inscrit dans le genre avec une grande réussite doublée d’une étonnante et rare maturité pour une première œuvre.
Sur un rythme lent mais maîtrisé, Dominique Rocher, découvert entre autres avec son magnifique court-métrage La Vitesse du passé, démontre un talent fou de storyteller. Faisant la part belle au ressenti avec un énorme travail sur le son, le cadre, le montage, la photo, le cinéaste s’approprie les codes du film de genre pour livrer un film personnel, organique, passionnant, troublant. Cette transposition co-signée par le réalisateur avec les solides Jérémie Guez (Lukas avec Jean-Claude Van Damme, Carnivores des frères Rénier) et Guillaume Lemans (Pour elle de Fred Cavayé, Burn-Out de Yann Gozlan – autre nom à retenir de 2018 – et Dans la brume de Daniel Roby) est marquée par une grande et réelle envie de cinéma, d’allier le divertissement et la réflexion.
La Nuit a dévoré le monde est autant un film fantastique qu’un drame psychologique puisque le personnage principal apparaît déprimé au début du film des suites de sa séparation avec sa compagne et traverse lui-même l’appartement rempli de fêtards comme un être invisible. L’idée de génie de Dominique Rocher est d’avoir confié le rôle de Sam au magnétique comédien danois Anders Danielsen Lie, découvert en 2011 dans Oslo, 31 août de Joachim Trier et vu ensuite dans l’enivrant Fidelio, l’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau, Ce sentiment de l’été de Mikhaël Hers et l’interprète de Rainer Maria Rilke dans Rodin de Jacques Doillon. Comme il l’a déjà démontré dans ses films précédents, l’acteur est parfait pour restituer les tourments qui agitent son personnage, visiblement solitaire. Alors que Sam connaît une période noire de sa vie et paraissait même déconnecté de ce qui passait autour de lui, il va devoir réapprendre à s’adapter dans un monde qui a changé en une seule nuit, sans transition, entouré de zombies avides de chair humaine et visiblement attirés par la cacophonie.
Le récit se déroule sur une année. Le spectateur suit Sam au fil des saisons, marquées par les vêtements du personnage, sa transformation physique (amaigri, les cheveux clairsemés et grisonnants) et le traitement des couleurs – de la directrice de la photographie Jordane Chouzenoux – qui deviennent de plus en plus froides. La survie passe par la mise en sécurité dans un appartement d’un immeuble haussmannien indépendant (Sam ne peut donc pas passer d’un bâtiment à l’autre), après que Sam ait constaté qu’il était bien le seul non contaminé dans les habitations voisines. N’attendez pas des attaques frontales, effets d’hémoglobine ou de tripes arrachées puis mangées. Ce qui importe ici, c’est le cheminement intérieur de Sam, qui sort peu à peu de sa dépression pour regarder la réalité en face. En tant que musicien, il trouve tout d’abord un peu de réconfort et de calme en écoutant un MP3 trouvé par hasard, avant de se constituer quelques instruments à l’aide d’ustensiles de cuisine. Jusqu’à ce qu’il mette la main sur une batterie sur laquelle passer ses nerfs, alors que les zombies, attirés par ce vacarme, s’agglutinent en bas de l’immeuble avec la bave aux lèvres.
La Nuit a dévoré le monde prend le genre au sérieux et l’aborde par un moyen détourné, à travers le récit initiatique d’un trentenaire alors au bout du rouleau, mis au pied du mur pour revenir à la vie et pour pouvoir survivre au quotidien, comme Robinson Crusoé sur son île déserte. D’ailleurs, le zombie coincé dans l’ascenseur interprété par Denis Lavant, auquel se confie Alex peut très bien se voir comme le célèbre Wilson du Seul au monde de Robert Zemeckis. Enfin, l’expérience ne serait pas complète sans l’hypnotique musique de David Gubitsch, qui instaure angoisse et suspense du début à la fin. S’il partage quelques points communs avec Dans la brume, écrit par le même scénariste Guillaume Lemans, La Nuit a dévoré le monde est pourtant complètement différent et se place définitivement dans le top des grandes découvertes de l’année.
LE DVD
Point d’édition Blu-ray pour La Nuit a dévoré le monde et c’est bien dommage. Toutefois, Blaq Out concocte un très bel objet pour la sortie en DVD du film de Dominique Rocher. Le slim Digipack est très beau, mais l’éditeur a préféré changer la couleur bleue originale de l’affiche pour la passer en couleur rouge sang, sans doute pour espérer attirer de nouveaux spectateurs. Le menu principal est fixe et musical.
Trois interviews réalisées sur le plateau se succèdent. Le réalisateur Dominique Rocher (6’), le co-scénariste Guillaume Lemans (6’30) et le responsable des maquillages Olivier Alfonso (5’30). Denses et pertinents, ces entretiens en disent long sur la genèse du projet, sur la psychologie du personnage principal, sur les partis et les intentions du metteur en scène. Dominique Rochet revient également sur les thèmes qu’il affectionne (l’isolement) et sur le casting. De son côté, Guillaume Lemans aborde le genre traité « à la française » et indique travailler avec Dominique Rocher sur un autre projet. Enfin, ce petit tour dans les ateliers de fabrication des maquillages de zombie est très intéressant.
Blaq Out a toujours défendu le format court-métrage. Et quel plaisir de découvrir le magnifique film de Dominique Rocher, La Vitesse du passé (2011-17’). Drame de science fiction ambitieux avec Mélanie Thierry, Nicolas Giraud et Alban Lenoir, ce court-métrage a été diffusé notamment sur Canal+ et dans les cinémas du réseau MK2 en avant-programme, ainsi que dans certains des plus grands festivals internationaux (Cannes, Toronto, Bermudes…). Lauréat du prix du meilleur film étranger au festival de Santa Monica, La Vitesse du passé a permis à Dominique Rocher de se faire remarquer et de se faire produire son premier long métrage. Margot et Joseph partent vivre loin de la ville, éloignés de tout, et retapent une vieille maison dans laquelle ils s’installent à peine. Un jour, la terre se met à trembler et le temps s’arrête, figeant Joseph dans sa chute depuis le toit de la maison. Il reste figé dans l’espace et le temps, mais continue malgré tout de descendre lentement vers le sol. Margot, elle, ne semble pas subir ce moment et continue de vivre, espérant que Joseph se remette à bouger à vitesse normale.
En guise de conclusion, l’éditeur permet d’écouter la superbe bande-originale de David Gubitsch.
L’Image et le son
Dommage de ne pas bénéficier de La Nuit a dévoré le monde en Haute-Définition. Malgré tout, cette édition SD en met souvent plein la vue. Blaq Out prend soin du film de Dominique Rocher et restitue les partis pris avec minutie, notamment le travail sur les couleurs qui indique le changement de saison et donc le temps qui s’écoule doucement pour Alex. Les détails sont précis, le piqué incisif, la clarté de mise sur les plans extérieurs. Un très beau master.
La piste Dolby Digital 5.1 permet à la composition de David Gubitsch de s’étendre (voir également la fête au début du film) et de créer une aura particulière qui berce doucement les spectateurs et qui s’agite durant le crescendo final. Les effets sont essentiellement frontaux. Vous pouvez donc sélectionner la Stéréo, qui s’en tire également très bien, avec une bonne dynamique et des effets percutants à l’instar des coups de fusil. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.