Test Blu-ray / Voice from the stone, réalisé par Eric D. Howell

VOICE FROM THE STONE réalisé par Eric D. Howell, disponible en DVD et Blu-ray le 26 juillet 2017 chez Marco Polo Production

Acteurs : Emilia Clarke, Marton Csokas, Caterina Murino, Kate Linder, Remo Girone, Lisa Gastoni, Edward Dring…

Scénario : Silvio Raffo d’après son roman « La voce della pietra »

Photographie : Peter Simonite

Musique : Michael Wandmacher

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans un vieux manoir de Toscane, Verena, une infirmière, s’occupe d’un jeune garçon devenu muet suite à la mort soudaine de sa mère. Elle découvre que l’enfant est en réalité hanté par des forces malveillantes emprisonnées dans les murs de la bâtisse. Au fur et à mesure que le temps passe et que ses relations avec le père de l’enfant évoluent, Verena est, elle aussi, peu à peu ensorcelée. Si elle veut sauver le garçon et se libérer, elle doit affronter les mauvais esprits cachés dans la pierre…

Alors que la septième saison de Game of Thrones vient de démarrer, la comédienne Emilia Clarke commence à se faire plus présente au cinéma, histoire de préparer tranquillement sa transition une fois qu’elle aura rendu le costume (bien qu’elle s’en débarrasse souvent il est vrai) de Daenerys Targaryen. Après l’inénarrable Terminator: Genisys d’Alan Taylor dans lequel elle reprenait – ou essayait de reprendre plutôt – le rôle de Sarah Connor, puis le drame romantique Avant toi adapté du roman de Jojo Moyes où elle s’occupait et tombait amoureuse d’un jeune homme tétraplégique, Emilia Clarke porte sur ses épaules Voice from the stone, d’après le roman La Voce Della Pietra de Silvio Raffo. Si elle n’est pas l’actrice la plus fine et que son jeu laisse souvent à désirer, elle s’avère plutôt « convaincante » dans ce petit film dramatique teinté de fantastique.

Dans les années 50 en Toscane, Verena, une jeune infirmière, se rend jusqu’à un manoir isolé afin de guérir Jakob, un enfant devenu muet depuis le décès de sa mère. Mais lors de son séjour, Verena se retrouve plongée au cœur des secrets et mystères de ce lieu. Alors qu’elle tombe amoureuse du père du garçon, elle est la proie de mauvais esprits présents dans les murs de la bâtisse. Si l’histoire n’a rien d’original, le metteur en scène Eric D. Howell, dont il s’agit du premier long métrage réalisé en solo après From Heaven to Hell en 2002 (avec Lou Ferrigno, Burt Ward et Adam West) et quelques courts-métrages, soigne l’esthétique de son film et crée une ambiance intrigante du début à la fin. Ancien coordinateur de cascades (Un plan simple, A Serious Man), Eric D. Howell livre donc un film tout à fait honorable.

Coproduction italienne, Voice from the stone a été intégralement tourné sur la Botte, dans les studios de Cinecittà pour les scènes en intérieur et dans les magnifiques paysages du Lazio pour les quelques séquences en extérieur. L’occasion pour Emilia Clarke de nous montrer son excellent accent à travers quelques dialogues dans la langue de Dante. Le principal ennui, c’est que Voice from the stone abat ses cartes durant le premier quart d’heure. Le spectateur habitué aux codes du genre fantastique découvrira immédiatement où le réalisateur souhaite l’emmener avec cette vieille bâtisse perdue au bout d’un chemin embrumé entouré d’arbres centenaires. Du coup, l’audience a souvent un coup d’avance sur les personnages, jusqu’à la résolution finale, que l’on peut également largement anticiper et qui s’avère d’ailleurs bien trop expédiée. Mais Voice from the stone n’est pas un film désagréable, d’autant plus que la photographie de Peter Simonite (collaborateur de Terrence Malick sur Song to Song, À la merveille, The Tree of life – l’arbre de vie) ravit souvent les yeux et met les acteurs en valeur. Dans quelques scènes assez gratuites mais pour le grand plaisir de ses fans, Emilia Clarke nous gratifie de son corps nu filmé sous tous les angles, devant les yeux émoustillés d’un Marton Csokas (L’Arbre, Sin City: j’ai tué pour elle) toujours aussi talentueux et charismatique.

Finalement, on s’intéresse plus à la forme qu’au fond dans Voice from the stone. On ne croit guère en l’évolution du personnage de Verena auprès de l’enfant dont elle a la charge, d’autant plus que le jeu de sourcils, tantôt en accent grave, tantôt en accent aigu, d’Emilia Clarke, sans oublier ses yeux sans cesse écarquillés n’arrangent pas vraiment les choses. On regarde donc Voice from the stone – sorti directement en DVD en France, sans passer par la case cinéma – en mode automatique, le spectacle n’est pas déplaisant en soi, mais ne cesse de faire penser à Rebecca d’Alfred Hitchcock ou Les Autres d’Alejandro Amenábar et s’oublie rapidement après.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Voice from the stone, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette française fait la part belle à Emilia Clarke aux côtés de Caterina Murino (qui apparaît très peu dans le film), contrairement au visuel original qui faisait apparaître Marton Csokas. Aucun supplément, ni de chapitrage. L’Image et le son

Faites confiance à Marco Polo pour assurer la sortie dans les bacs de ce DTV. En effet, si le film d’ Eric D. Howell n’a pas connu de sorties dans nos salles, il bénéficie tout de même d’une édition Blu-ray (au format 1080p) élégante. Cependant, si les contrastes affichent une densité fort acceptable, le piqué n’est pas aussi ciselé sur les scènes sombres et certaines séquences apparaissent un peu douces avec des visages légèrement cireux. En dehors de cela, la profondeur de champ demeure fort appréciable, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, le cadre large est idéalement exploité et la colorimétrie est très bien rendue. Le codec AVC consolide l’ensemble.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up.

Crédits images : © Marco Polo Production / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Logan, réalisé par James Mangold

LOGAN réalisé par James Mangold, disponible en DVD, Blu-ray et Blu-ray 4K Ultra HD le 5 juillet 2017 chez 20th Century Fox

Acteurs : Hugh Jackman, Patrick Stewart, Dafne Keen, Boyd Holbrook, Stephen Merchant, Elizabeth Rodriguez, Richard E. Grant, Eriq La Salle…

Scénario : Scott Frank, James Mangold, Michael Green

Photographie : John Mathieson

Musique : Marco Beltrami

Durée : 2h17

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans un futur proche, un certain Logan, épuisé de fatigue, s’occupe d’un Professeur X souffrant, dans un lieu gardé secret à la frontière Mexicaine. Mais les tentatives de Logan pour se retrancher du monde et rompre avec son passé vont s’épuiser lorsqu’une jeune mutante traquée par de sombres individus va se retrouver soudainement face à lui.

Alors que Bryan Singer s’évertue à détruire une saga qu’il a lui-même engrangée en 2000, avec récemment l’affreux X-Men: Days of Future Past (201) et l’immonde X-Men : Apocalypse (2016), le mutant le plus charismatique, Wolverine, avait également du mal à convaincre de son côté avec ses spin-off. Après l’ignominie réalisée par Gavin Hood en 2009, X-Men Origins: Wolverine (2011), James Mangold avait réussi à relever le niveau deux ans plus tard avec Wolverine : Le Combat de l’immortel. Toutefois, si Wolverine reprenait du poil de la bête, la réussite était loin d’être totale et le film péchait par un manque de rythme et d’intérêt. Les fans du griffu commençaient sérieusement à perdre patience et l’espoir, quand James Mangold et Hugh Jackman se sont enfin décidés à leur offrir LE film qu’ils attendaient. Remarquable, sublime, intelligent, hallucinant, les qualificatifs ne manquent pas pour parler de Logan, film indépendant, classé R donc interdit aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis (aux moins de 12 ans avec avertissement en France), d’une violence inouïe (membres tranchés, décapitations, têtes transpercées), sombre, brutal et crépusculaire, qui fait fi des épisodes précédents, tout en jouant avec la mythologie du personnage principal.

2029. Désabusé et diminué, grisonnant, alcoolique, boitant d’une jambe, les yeux injectés de sang et ses griffes ayant même du mal à s’extraire, Logan veille sur le professeur Xavier dans un refuge isolé près de la frontière mexicaine. Le superhéros aux griffes d’acier veut à tout prix protéger le chef de X-Men. C’est alors qu’il croise le chemin de la petite Laura, qui a le même pouvoir que lui. En raison de son jeune âge, elle ne parvient pas à maîtriser son don. Logan décide de prendre Laura sous son aile. Donald Pierce, qui travaille pour le docteur Zander Rice, veut mettre la main sur l’enfant pour en faire un cobaye. En compagnie du professeur Xavier, Logan va devoir sortir de sa retraite et fuir leurs poursuivants. 17 ans après avoir créé le rôle de Wolverine dans le premier opus de la franchise et explosé aux yeux du monde, Hugh Jackman signe non seulement l’incarnation de Wolverine – la neuvième – telle que nous la rêvions tous, mais il signe également la plus grande prestation de toute sa carrière. S’il a maintes fois prouvé qu’il n’était pas seulement Wolverine à travers ses compositions chez Woody Allen (Scoop), Darren Aronofsky (The Fountain), Christopher Nolan (The Prestige), Baz Luhrmann (Australia) et dernièrement dans le génial Eddie the Eagle de Dexter Fletcher, Hugh Jackman livre une immense prestation dans Logan, qui devrait largement être saluée par une nomination aux prochains Oscars, ce qui serait largement justifié. Pour sa troisième collaboration avec James Mangold (Kate et Léopold en 2001 et le second Wolverine donc), le comédien tire sa révérence de façon magistrale.

Afin d’éviter la redondance auprès des spectateurs et afin de s’éloigner des standards actuels, tout comme des couleurs fluo et du spandex chers à Singer (et paf encore dans la tête), Logan a été pensé comme un opus qui se suffit à lui-même et qui s’adresse à un public adulte, non pas seulement avec ses séquences de violence très graphique à la John Rambo (si si), mais avec les thèmes qu’il explore. C’est ainsi que le personnage est mis face à ce qu’il redoute et ce qui l’effraie le plus au monde, l’amour, l’intimité et l’attachement. A la fois road-movie et récit initiatique, ce qui va souvent de paire, Logan s’avère un drame intimiste et bouleversant sur la transmission et la rédemption. Pensé comme un chaînon manquant entre L’Epreuve de force, Josey Wales hors-la-loi et Impitoyable de Clint Eastwood (Hugh Jackman ne lui a d’ailleurs jamais autant ressemblé physiquement), mâtiné de Little Miss Sunshine (dixit James Mangold) et L’Homme des vallées perdues de Georges Stevens (dont un extrait apparaît dans une scène centrale du film), Logan déjoue toutes les attentes tout en les comblant.

C’est ainsi que Logan se retrouve au milieu de nulle-part dans le désert californien, flanqué d’un professeur Xavier devenu dangereux car incapable de contenir des crises capables d’exterminer toutes les personnes autour de lui et qui ont sûrement (mais rien ne l’indique vraiment) tué les autres mutants. Confiné dans un réservoir délabré, sinistre et renversé qui rappelle furieusement le Cerebro, le professeur ne survit que grâce à Logan, obligé de le droguer. Tout irait presque pour le mieux quand apparaît soudain Laura, version miniature de Wolverine, qui s’avère – ce n’est pas vraiment un spoiler de le dévoiler – la « fille » de Logan, capable de se régénérer et également dotée de griffes rétractables aux mains et d’une autre au bout d’un de ses pieds. La jeune Dafne Keen crève l’écran dans le rôle de Laura et tient la dragée haute à Hugh Jackman. Même si elle ne décroche pas la mâchoire pendant 1h30, son charisme foudroie et sa prestation laisse pantois.

James Mangold avait déjà abordé le western à travers son excellent remake de 3h10 pour Yuma dix ans auparavant. Logan s’inscrit dans ce genre, entre autres, puisqu’il fait également penser aux thrillers des années 1970. Le sang se mélange à la poussière, les effets visuels sont limités et tout le film repose sur les personnages et l’histoire très ambitieuse. En prenant le contre-pied de tout ce qui a été fait jusque-là dans la franchise X-Men, avec un budget plus modeste, sans scène post-générique, sans caméo de Stan Lee, sans aucune surenchère visuelle, Logan s’impose comme l’un des plus grands films de super-héros jamais réalisé, dans lequel le personnage principal est au bout du rouleau, épuisé d’être Wolverine (d’ailleurs son corps se régénère beaucoup moins bien et très lentement) et fuit les responsabilités, les attentes et sa célébrité. Mangold et ses scénaristes, inspirés par le comics Old Man Logan créé par Mark Millar et Steve McNiven, jouent la carte méta en incluant des bandes dessinées X-Men inspirées des propres aventures de Wolverine et de ses camarades, que Logan rejette avec écoeurement. Outre son père spirituel et sa fille, Logan doit également faire face à son double, à une version de lui plus jeune et améliorée, un clone mutant X-23, qui représente le passé extrêmement violent du personnage, qu’il doit donc affronter, accepter, pour finalement partir en paix, tandis que les spectateurs pleurent toutes les larmes de leurs corps.

James Mangold et son chef opérateur John Mathieson (Gladiator, Hannibal) ont réussi à pousser encore plus loin cette expérience cinématographique en réalisant une version N&B de Logan, renforçant encore plus le nihilisme du film. Difficile après de s’en détacher et cette version monochrome s’inscrit instantanément dans les mémoires. Magnifique.

LE BLU-RAY

L’édition HD de Logan contient deux disques comprenant d’un côté la version cinéma et de l’autre la version Noir et Blanc. Ces galettes reposent dans un boîtier bleu classique. Le visuel déçoit quelque peu sur l’édition standard et l’on aurait aimé retrouver celui avec les mains de Logan et de Laura. Le boîtier repose dans un fourreau liseré noir, comme un brassard de deuil. Notons qu’il existe également une déclinaison limitée en Steelbook avec une illustration signée par Steve McNiven, dessinateur de comics (Civil War, Wolverine Old Man Logan). Sur les deux disques, les menus principaux sont identiques, animés et musicaux, en couleur sur le premier, en N&B sur le second.

Les deux Blu-ray contiennent tous les deux le commentaire audio (vostf) de James Mangold, enregistré un mois après la fin du tournage. Pendant 2h15, le réalisateur réalise une véritable leçon de cinéma et revient sur tous les aspects de son film. S’il se présente en disant qu’il faudra l’excuser si jamais il fait quelques pauses, celles-ci s’avèrent très rares et cela faisait un petit bout de temps que nous n’avions pas été en présence d’un aussi bon commentaire. Posément, James Mangold aborde la genèse de Logan, née du désir entre lui et Hugh Jackman d’amener le personnage en bout de course, tout en offrant enfin aux fans du personnage l’incarnation qu’ils désiraient depuis 17 ans. Il fallait pour cela presque reprendre Wolverine à zéro, en faisant fi des conventions liées aux blockbusters actuels (y compris les autres X-Men), en respectant sa mythologie et surtout s’adresser à un public adulte. L’écriture du scénario, l’investissement de Hugh Jackman, le casting, les partis pris, les effets visuels, les cascades, les décors, les personnages, la photographie, la musique, le montage, les intentions, tous ces sujets sont longuement abordés et de façon passionnante par un cinéaste arrivé au sommet de son art et qui a peut-être réalisé le film de sa vie. Nous ne saurons que trop vous conseiller de revoir Logan (une fois de plus, mais ça ne fait pas de mal) avec ce commentaire en tout point éclairant et passionnant.

La section des suppléments propose ensuite six scènes coupées (8’), également proposées avec les commentaires du même James Mangold en option (vostf). Ces séquences non montées essentiellement pour des raisons de rythme valent évidemment le coup d’oeil, notamment celle où le trio se fait arrêter par une femme flic pour vitesse excessive, ou bien encore celle du dîner alternatif durant laquelle Xavier évoque la femme décédée de Logan, une ancienne élève de son école qui s’appelait Jean Grey, que Logan « a assassiné ». Une autre séquence renforçait le côté méta avec un petit garçon mutant qui joue avec sa figurine Wolverine devant Logan, en lui demandant si Dents-de-Sabre a réellement existé.

On l’attendait, le voilà, le making of divisé en six chapitres, d’une durée totale et impressionnante d’1h16, qui propose de suivre le tournage du film dans l’ordre chronologique de l’histoire. Tous les comédiens, le réalisateur, les producteurs, le directeur de la photographie, le compositeur, le chef décorateur, les scénaristes interviennent à tour de rôle au fil de très nombreuses images du plateau, des répétitions, des concepts visuels et même de certains screentests dont celui de l’incroyable Dafne Keen. Un documentaire très bien réalisé et monté, dense, riche et une fois de plus indispensable pour celles et ceux qui ont comme nous succombé devant ce chef d’oeuvre. En plus, ce making of parvient à illustrer les propos de James Mangold dans son commentaire, sans tomber dans la redondance.

Outre trois bandes-annonces, dont une censurée, nous trouvons la version N&B de Logan, que James Mangold évoque dans son commentaire audio. Ruez-vous immédiatement sur cette option qui renforce encore plus les thèmes et les partis pris du film. D’une incroyable beauté, ce N&B (dont nous parlons dans la critique Image ci-dessous) brûle les rétines et il est fort probable que les spectateurs qui auront la chance de découvrir cette version ne jureront que par elle lors des prochains visionnages.

L’Image et le son

Version cinéma : Le master HD dépasse toutes les attentes et restitue merveilleusement les magnifiques partis pris esthétiques du directeur de la photographie John Mathieson (Gladiator, Hannibal, X-Men: Le commencement). Le piqué est constamment vif et acéré aux quatre coins du cadre large (jusque dans la barbe hirsute de Hugh Jackman), la colorimétrie scintillante (la terre sableuse et poussiéreuse s’oppose au bleu-blanc du ciel), les contrastes d’une rare densité, la compression solide comme un roc et la définition subjugue à chaque plan. Ajoutez à cela un grain sensible – tournage en Arri Alexa XT qui crée souvent une patine proche de l’argentique – qui flatte constamment la rétine, un relief impressionnant et une clarté aveuglante sur certains plans diurnes. Le rendu est optimal, y compris sur les séquences nocturnes avec des noirs denses et des détails aussi foisonnants. Un apport HD omniprésent !

Version Noir et Blanc : A l’instar de The Mist de Frank Darabont, qui avait tout d’abord imaginé son film en monochrome, version qui avait ensuite été disponible dans une version DVD limitée chez TF1 Vidéo, puis dans une moindre mesure celle récemment éditée de Mad Max: Fury Road de George Miller qui reprenait le même concept, Logan est donc proposé en N&B pour notre plus grand plaisir. Ce master HD se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué sur les nombreux gros plans, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés (la sueur sur les visages), de clarté et de relief. La copie est sidérante, la profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de James Mangold. Logan doit absolument être vu (et revu) ainsi car l’ensemble ravit les yeux et les sens du début à la fin. Quelle beauté ! Pour les cinéphiles, l’éditeur a même intégré l’ancien logo de la Fox et le panneau Cinemascope, renforçant ainsi l’illusion de se retrouver face à un western anachronique.

Passons rapidement sur ce qui nous empêche d’attribuer la note maximale à cette case : la version française. S’il n’est pas déshonorant et remplit parfaitement son office, le mixage DTS 5.1 ne peut rivaliser avec la piste anglaise DTS HD Master Audio 7.1. Cette dernière laisse pantois par son ardeur, son soutien systématique des latérales, ses basses percutantes. Véritablement explosive, la version originale s’impose comme une véritable acoustique de démonstration avec des dialogues remarquablement exsudés par la centrale, des frontales saisissantes, des effets et ambiances riches, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses, mis à rude épreuve, qui n’en finit pas de marteler les séquences les plus mouvementées à l’instar des crises du Professeur Xavier et des bastons Logan/X24. Un excellent spectacle phonique que l’on retrouve sur les deux versions du film.

Crédits images : © Twentieth Century Fox France / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / L’Embarras du choix, réalisé par Eric Lavaine

L’EMBARRAS DU CHOIX réalisé par Eric Lavaine, disponible en DVD et Blu-ray le 19 juillet 2017 chez Pathé

Acteurs : Alexandra Lamy, Arnaud Ducret, Jamie Bamber, Anne Marivin, Sabrina Ouazani, Jérôme Commandeur, Xavier Dumont…

Scénario : Laurent Turner, Laure Hennequart, Eric Lavaine

Photographie : François Hernandez

Musique : Fabien Cahen

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Frites ou salade ? Amis ou amants ? Gauche ou droite ? La vie est jalonnée de petites et de grandes décisions à prendre. Le problème de Juliette, c’est qu’elle est totalement incapable de se décider sur quoi que ce soit. Alors, même à 40 ans, elle demande encore à son père et à ses deux meilleures amies de tout choisir pour elle. Lorsque sa vie amoureuse croise la route de Paul, puis d’Etienne, aussi charmants et différents l’un que l’autre, forcément, le cœur de Juliette balance. Pour la première fois, personne ne pourra décider à sa place.

Mine de rien, le réalisateur Eric Lavaine a déjà attiré près de 7,5 millions de spectateurs en six longs métrages, dont près de 2,2 millions rien que pour Retour chez ma mère en 2016 ! Le metteur en scène – ou responsable c’est selon – de Poltergay, Incognito (de loin son meilleur film), Protéger et servir (son plus gros flop, malgré un score pas si déshonorant) et Barbecue remet le couvert un an après son plus grand succès avec L’Embarras du choix. Pour cette nouvelle comédie, il embarque à nouveau Alexandra Lamy et Jérôme Commandeur dans l’aventure, tout en leur joignant Arnaud Ducret, Jamie Bamber, Anne Marivin, Sabrina Ouazani et Lionnel Astier comme camarades de jeu. Habitué au succès dans les salles, Eric Lavaine a cependant connu un sacré revers avec seulement 440.000 entrées au compteur. Pourtant, L’Embarras du choix vaut bien mieux que Retour chez ma mère (difficile de faire pire c’est vrai), même si le scénario ne peut s’empêcher de tomber dans le nawak à mi-parcours, après une première partie pourtant encourageante.

Juliette, 40 ans, vient d’être quittée par Cédric, son fiancé, las de son indécision constante. Car faire un choix est au-dessus des forces de Juliette. Ses amies lui conseillent de se remettre en selle très vite. Juliette rencontre alors Etienne, un cuisinier talentueux, célibataire et charmant. Mais entretemps, elle a aussi croisé la route du beau Paul, un Ecossais. Juliette ne parvient pas à se décider entre ces deux hommes avec lesquels elle file le parfait amour. Les choses se compliquent quand chacun la demande en mariage. Juliette, incapable de trancher, s’enferme dans son mensonge. Voilà donc le pitch de L’Embarras du choix, qui part sur un postulat amusant et qui suffit parfois à emballer la majeure partie des productions du même acabit. Alexandra Lamy n’est pas une débutante et son jeu s’est affiné avec les années. Habituée des rom-com à la française (Au suivant !, On va s’aimer, Modern Love, Jamais le premier soir), la comédienne s’avère ici très pétillante et fait preuve d’une sobriété qui fait plaisir, elle qui est habituée à en faire un peu trop dans la comédie et qui a pourtant prouvé qu’elle pouvait être très bien quand elle est dirigée solidement dans le registre dramatique, à l’instar de ses prestations dans Ricky de François Ozon, Possessions d’Éric Guirado et J’enrage de son absence de Sandrine Bonnaire. Elle campe un ici un personnage atta-chiant dont le souci « hénaurme », pour ne pas dire le handicap, est de ne pas pouvoir faire de choix. A tel point que lorsque deux hommes lui déclarent leur amour et souhaite l’épouser, elle ne peut refuser les deux propositions.

Comme d’habitude, L’Embarras du choix se résume à deux ou trois lignes et repose uniquement sur un casting populaire et une écriture classique. Toutefois, même s’il manque sérieusement de rigueur et cumule les blagues faciles, L’Embarras du choix n’est justement pas si embarrassant que Retour chez ma mère dont l’auteur de ces mots ne s’est toujours pas remis de la scène du repas picard. Il n’y a aucune surprise ici, mais les acteurs font le job, en dépit de dialogues très pauvres. Comme souvent, Sabrina Ouazani emporte tous les suffrages dans le rôle de Sonia, dont le mode de vie est « d’essayer » tous les mecs qui se trouvent à sa portée, « un ouvrier », « un mec qui s’appelle Gilles », histoire de toucher à tout. Certes, ce n’est pas fin (euphémisme), mais ça fait sourire. Tout cela part bien et en mode automatique, mais c’était sans compter la mécanique qui commence à grincer sérieusement quand Juliette se retrouve entre ses deux mecs. A ce moment-là, les passages obligés s’accumulent en lorgnant sur Bridget Jones, certains personnages sont sacrifiés (Jérôme Commandeur passe le film à apprendre à son chat à taper dans la main, Arnaud Ducret devient subitement un gros beauf), la bande originale qui compile Keren Ann, REM, Coldplay et The Do s’emballe, l’émotion en préfabriqué reste coincé dans la gorge, tandis que le tournage se délocalise en Ecosse puisque le film précédent a permis de bénéficier d’un budget plus conséquent.

Au final, L’Embarras du choix est ce genre de film qui se laisse suivre sans prise de tête pendant qu’on établit son planning pour les vacances ou qu’on réalise sa liste de courses, puis qui s’oublie immédiatement comme après une rencontre avec les Men in Black.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de L’Embarras du choix, disponible chez Pathé, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette reprend le même visuel coloré que l’affiche du film. Le menu principal est dynamique et lumineux, animé et musical.

Contrairement à l’édition HD de Retour chez ma mère qui ne comprenait aucun supplément, Pathé ne vient pas les mains vides ici et fournit quelques bonus promotionnels. C’est le cas des interviews réalisées pour la sortie du film au cinéma : Alexandra Lamy et Eric Lavaine (7’), Sabrina Ouazani et Anne Marivin (6’), Arnaud Ducret (4’) et Jamie Bamber (5’). Les questions apparaissent sous la forme de cartons et s’avèrent les mêmes pour chaque intervenant, à savoir quel est le pitch du film, comment était l’ambiance sur le plateau, quel est votre personnage, etc. C’est basique, c’est efficace, c’est bourratif.

Un petit module de deux minutes compile quelques images glanées ici et là sur le tournage.

L’Image et le son

Si le rendu n’est pas optimal en raison d’une définition moins ciselée sur les scènes en intérieur, le master HD au format 1080p de L’Embarras du choix ne manque pas d’attraits… La clarté est de tous les instants, la colorimétrie chatoyante et estivale, et le piqué affûté sur toutes les séquences en extérieur. Le chef opérateur François Hernandez voit ses partis pris esthétiques savamment respectés via un Blu-ray qui frôle la perfection. Le cadre large fourmille de détails, les contrastes riches et léchés affichent une constante solidité et l’encodage AVC emballe l’ensemble avec brio.

L’Embarras du choix repose essentiellement sur les dialogues. La piste DTS-HD Master Audio 5.1 distille les voix des comédiens avec un beau ramdam, tandis que les latérales ont fort à faire avec la bande-originale juke-box pop. Une spatialisation suffisamment immersive avec un caisson de basses qui délivre ses effets avec efficacité et des ambiances solides sur les frontales. La piste Stéréo est tout aussi pointilleuse en ce qui concerne la restitution des dialogues mais nous y perdons du point de vue spatialisation musicale. Une version Audiovision ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Jean-Claude Lother Pathé Distribution/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Miss Sloane, réalisé par John Madden

MISS SLOANE réalisé par John Madden, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Rimini Editions

Acteurs : Jessica Chastain, Mark Strong, Sam Waterston, Gugu Mbatha-Raw, John Lithgow, Alison Pill, Michael Stuhlbarg, Jake Lacy…

Scénario : Jonathan Perera

Photographie : Sebastian Blenkov

Musique : Max Richter

Durée : 2h12

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Elizabeth Sloane est une femme d’influence brillante et sans scrupules qui opère dans les coulisses de Washington. Face au plus grand défi de sa carrière, elle va redoubler de manigances et manipulations pour atteindre une victoire qui pourrait s’avérer éclatante. Mais les méthodes dont elle use pour parvenir à ses fins menacent à la fois sa carrière et ses proches. Miss Sloane pourrait bien avoir enfin trouvé un adversaire à sa taille…

Peu d’actrices rivalisent aujourd’hui avec Jessica Chastain. Depuis son explosion en 2011 avec Take Shelter de Jeff Nichols, The Tree of Life de Terrence Malick, Killing Fields d’Ami Canaan Mann et La Couleur des sentiments de Tate Taylor, la flamboyante comédienne n’a eu de cesse de surprendre en passant d’un genre à l’autre, de Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, des Hommes sans loi de John Hillcoat, à Mama d’Andrés Muschietti, Interstellar de Christopher Nolan ou bien encore Crimson Peak de Guillermo del Toro. Mais avant tous ces films et d’être reconnue, Jessica Chastain avait tourné L’Affaire Rachel SingerThe Debt, film d’espionnage coécrit par Matthew Vaughn et sous la direction de John Madden, réalisateur de Shakespeare in love et Capitaine Corelli. Sept ans après, ce dernier retrouve l’actrice rousse incendiaire pour Miss Sloane, savoureux thriller politique, dans lequel Jessica Chastain crève l’écran une fois de plus et dont l’absence à la dernière cérémonie des Oscar demeure incompréhensible.

A Washington, Elizabeth Sloane est la lobbyiste du moment, celle qu’il faut connaître et qui connaît tout le monde, celle qui orchestre avec rigueur un système de corruption pour lui donner des airs de campagne de com’. Elle est ainsi capable de sauver ses riches clients des lois qui veulent prévenir la déforestation ou l’obésité. La défense des armes à feu, en revanche, sera la mission de trop. Étonnamment, Miss Sloane semble avoir des principes. Elle va donc passer dans le camp d’en face, celui des idéalistes, sans pour autant abandonner ses habitudes. Miss Sloane rappelle les grands films d’investigation et de procès des années 1990, La Firme, L’Affaire Pélican, Le Droit de tuer ?, qui avaient tous comme dénominateur commun d’être l’adaptation d’un roman de John Grisham. Il n’est donc pas étonnant de retrouver Elizabeth Sloane étendue sur son canapé en train de lire un des romans de l’écrivain ! Dense, le film dure près de 2h15 et ne laisse aucun répit aux spectateurs.

Jessica Chastain livre une prestation exceptionnelle. Quasiment de tous les plans, véritable tornade humaine montée sur des talons de quinze centimètres et vêtue chez les plus grands couturiers, l’actrice campe un personnage aussi fascinant que détestable, glaciale et implacable, n’hésitant pas à sacrifier ses soutiens et partenaires pour aller jusqu’au bout de son combat. Sans enfants, retrouvant un escort-boy de temps en temps dans sa chambre, marchant à la benzédrine afin de ne pas dormir et de bénéficier ainsi de plus de temps que ses adversaires, Elizabeth Sloane agit dans son milieu comme un véritable et impitoyable rouleau compresseur, tout en ayant parfois recours à des méthodes répréhensibles comme l’espionnage audiovisuel grâce à d’anciens membres de la National Security Agency.

Si Miss Sloane est un film très bavard, au point que certaines répliques peuvent souvent nous échapper tant elles se chevauchent sur un rythme effréné, le scénario de Jonathan Perera, ancien avocat, ne perd jamais le spectateur et parvient toujours à le remettre sur le circuit. Le monde des lobbyistes est rare dans le cinéma, on se souvient du sympathique Thank You for Smoking de Jason Reitman, mais le sujet du film, le soutien d’une loi limitant le port d’armes à feu aux Etats-Unis et donc la remise en question du deuxième amendement de la Constitution l’est encore plus. Miss Sloane a entraîné beaucoup de débats sur le sol de l’Oncle Sam, ainsi qu’une riposte virulente de la toute-puissante NRA, ce qui a probablement causé en grande partie le grave échec commercial du film et entraîné une distribution médiocre dans le reste du monde. Pourtant, Miss Sloane est une grande réussite.

Aux côtés de l’impériale Jessica Chastain, nommée pour le Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique, on retrouve également l’excellent Mark Strong et toute une bande d’acteurs aussi talentueux que charismatiques, Gugu Mbatha-Raw, Michael Stuhlbarg, Alison Pill, John Lithgow, Sam Waterston, un casting de luxe qui n’est pas là pour servir la soupe à la comédienne principale, mais qui ont tous leur partition à jouer dans cette chorale sociale et politique menée de main de maître par un John Badden en très grande forme. Filmé comme un vrai film de guerre, Miss Sloane parvient à divertir et à captiver malgré ses sujets casse-gueules (trafic d’influence et tractations politiques dans les coulisses de Washington) et qui peuvent tout d’abord laisser perplexes, mais c’était sans compter sur l’intelligence d’un scénario qui ne prend pas les spectateurs de haut, sans oublier un montage percutant, une mise en scène au cordeau et l’éminence de ses interprètes.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Miss Sloane, disponible chez EuropaCorp, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Après son passage éclair dans les salles, l’éditeur a préféré miser sur un nouveau visuel, assez sombre, plutôt que de reprendre celui de l’affiche. Le menu principal est sobre, animé et musical.

EuropaCorp joint un petit making of de 11 minutes, classique, composé d’entretiens intéressants avec l’équipe (réalisateur, acteurs, scénariste, producteur), d’images de tournage et des coulisses. Les intervenants s’expriment sur les thèmes et les conditions de prises de vue.

Le deuxième et déjà dernier supplément est un module de 2 minutes constitué d’images de la présentation de Miss Sloane par le réalisateur John Madden et de la comédienne Jessica Chastain (la spécialiste des selfies avec ses fans) à l’UGC Normandie, le 2 mars 2018.

L’Image et le son

Si l’on excepte deux ou trois plans plus doux et des séquences sombres moins définies, la copie HD du film de John Madden se révèle irréprochable. Que l’histoire se déroule en extérieur ou bien dans des bureaux froids et aseptisés, le master restitue brillamment la belle photographie du chef opérateur Sebastian Blenkov (Les Bouchers verts, The Riot Club). Le relief est omniprésent, la colorimétrie est vive, le piqué aiguisé comme une lame de rasoir, la clarté de mise et les contrastes d’une densité indiscutable. Le cadre large est magnifiquement exploité, les détails sont légion et la profondeur de champ impressionnante.

Le film profite à fond de l’apport HD pour en mettre plein les oreilles grâce à deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1 spectaculaire. Le score très présent de Max Richter (Valse avec Bachir, Perfect Sense) est délivré par l’ensemble des enceintes, les basses sont sollicitées, tout comme les latérales qui créent un environnement acoustique percutant. Les dialogues sont dynamiques et solidement délivrés par la centrale, jamais noyés par les effets sonores et la musique. L’éditeur joint également une piste Audiosdescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © KERRY HAYES / 2016 EUROPACORP – FRANCE 2 CINÉMA – TOUS DROITS RÉSERVÉS / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Lost City of Z, réalisé par James Gray

THE LOST CITY OF Z réalisé par James Gray, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Charlie Hunnam, Sienna Miller, Tom Holland, Robert Pattinson, Angus Macfadyen, Edward Ashley…

Scénario : James Gray, d’après le livre de David Grann « La Cité perdue de Z : une expédition légendaire au cœur de l’Amazonie » (« The Lost City of Z: A Tale of Deadly Obsession in the Amazon« )

Photographie : Darius Khondji

Musique : Christopher Spelman

Durée : 2h15

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

L’histoire vraie de Percival Harrison Fawcett, un des plus grands explorateurs du XXe siècle. Percy Fawcett est un colonel britannique reconnu et un mari aimant. En 1906, alors qu’il s’apprête à devenir père, la Société géographique royale d’Angleterre lui propose de partir en Amazonie afin de cartographier les frontières entre le Brésil et la Bolivie. Sur place, l’homme se prend de passion pour l’exploration et découvre des traces de ce qu’il pense être une cité perdue très ancienne. De retour en Angleterre, Fawcett n’a de cesse de penser à cette mystérieuse civilisation, tiraillé entre son amour pour sa famille et sa soif d’exploration et de gloire…

En cinq longs métrages seulement, James Gray est devenu l’un des cinéastes les plus prisés de la critique française, tout en bénéficiant également de la faveur des spectateurs. De Little Odessa son premier film (1994), puis The Yards (2000), La Nuit nous appartient (2007) son plus grand succès en France, suivi de près par Two Lovers (2008) puis The Immigrant avec notre Marion Cotillard nationale, le metteur en scène américain, très influencé par le cinéma européen, a su très vite se faire une place dans le coeur des cinéphiles. Son sixième long métrage, The Lost City of Z, est l’adaptation du roman La Cité perdue de Z, écrit par David Grann et publié en 2009. Depuis sa découverte du livre, James Gray cherchait à le transposer à l’écran, sans obtenir les financements nécessaires (30 millions de dollars, son plus gros budget à ce jour) afin de pouvoir tourner dans la forêt tropicale colombienne. Ceci pour mieux coller aux véritables aventures du célèbre explorateur britannique Percy Fawcett, né en 1867 et probablement décédé en 1925, qui a mystérieusement disparu sans laisser de trace dans la jungle brésilienne en cherchant une cité perdue datant de l’Atlantide, ainsi que son ancienne civilisation amazonienne.

A l’instar de Werner Herzog et de ses chefs d’oeuvre absolu Fitzcarraldo et Aguirre, la colère de Dieu, James Gray souhaite ici retranscrire la soif de découverte de son personnage principal, prêt à tout pour aller au bout son rêve (y compris pour s’élever socialement), quitte à délaisser sa famille et à plonger toujours plus profondément, jusqu’à se perdre dans un mirage. Percival Harrison Fawcett sait que la résolution est proche, même si le but ultime semble chaque fois inaccessible. Prêt à affronter le scepticisme de la communauté scientifique et l’armée britannique, il ne renoncera jamais, quitte à endurer les trahisons de ceux qu’il croyait être ses proches, sans oublier les épreuves les plus inimaginables comme renoncer à voir grandir ses enfants. Malgré les défections de Brad Pitt (qui reste néanmoins producteur délégué) et de Benedict Cumberbact qui auraient pu le décourager, James Gray, comme son personnage principal, n’a jamais renoncé à The Lost City of Z. C’est finalement Charlie Hunnam (Sons of Anarchy, Pacific Rim et Crimson Peak de Guillermo del Toro) qui hérite du rôle principal, tâche dont il s’acquitte admirablement. Des tranchées de la Somme (Fawcett était militaire de carrière) au fin fond de la jungle amazonienne, le comédien campe un Percy Fawcett magnifiquement ambigu et charismatique, attachant et parfois agaçant, en contradiction avec lui-même, toujours animé par son rêve qui a conduit sa vie, ainsi que celle de sa famille.

Comme d’habitude, James Gray a constitué un casting exceptionnel. Aux côtés de Charlie Hunnam, Robert Pattinson est tout aussi investi. Après ses incursions chez David Cronenberg et The Rover de David Michôd, il démontre une fois de plus que la période Twilight est déjà loin. The Lost City of Z confirme également que Sienna Miller est bel et bien devenue l’une des meilleures et précieuses comédiennes aujourd’hui. A l’instar de ses dernières compositions dans Foxcatcher de Bennett Miller, American Sniper de Clint Eastwood et Live by Night de Ben Affleck, elle démontre son art de la transformation, tout comme son immense talent pour passer d’un univers à l’autre et camper des personnages diamétralement opposés. Elle y est sensationnelle. Tom Holland, révélation en 2012 de The Impossible de Juan Antonio Bayona et désormais nouveau Peter Parker / Spider-Man, prouve tout le bien que l’on pense de lui dans le rôle de Jack, le fils de Percy, qui a grandi sans voir son père et qui décide pourtant se joindre à lui pour son ultime expédition.

Même si pour la première fois l’un de ses films ne se déroule pas à New York, la mélancolie propre au cinéaste imprègne The Lost City of Z du début à la fin, tout comme il y aborde une fois de plus ses thèmes de prédilection, la lutte des classes sociales, la place de l’individu dans la société et la cellule familiale. Ou comment allier le grandiose avec cette obsession d’une cité perdue, pour finalement se diriger vers l’intime et l’apaisement avec cet amour enfin trouvé entre un père et son jeune fils dans un épilogue bouleversant et foudroyant de beauté, à la lisière du fantastique.

Véritable séance d’hypnose, impression renforcée par la photo ambrée, émeraude et éthérée réalisée en 35mm par l’immense chef opérateur Darius Khondji, The Lost City of Z est ni plus ni moins la plus grande expérience cinématographique de l’année 2017, un chef d’oeuvre instantané dont on aimerait découvrir un jour la première version d’une durée dingue de 4h15. Une fresque foisonnante, épique, immersive, vertigineuse et époustouflante, dont l’anachronisme dans le monde cinématographique contemporain décuple la rareté.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Lost City of Z, disponible chez StudioCanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Le premier module de trois minutes (!) donne la parole à l’auteur David Grann, aux comédiens Charlie Hunnam et Sienna Miller, ainsi qu’au réalisateur James Gray, qui reviennent sur l’histoire, les personnages et le financement chaotique du film (« des difficultés qui ont décuplé mon envie de faire The Lost City of Z » dixit James Gray), lors de sa promotion. Quelques rapides images dévoilent l’envers du décor et les conditions de tournage. Dommage que ce document soit si court !

L’éditeur joint encore deux interviews promotionnelles, celle de James Gray (6’) et de Sienna Miller (4’). Les questions apparaissent sous forme de carton. Si Sienna Miller apparaît plus à l’aise dans l’exercice, on sent James Gray se forcer à répondre à quelques questions « classiques », du style « Pourquoi avez-vous eu envie de faire ce film ? », tout en évoquant le livre de David Grann et en indiquant que « c’était un tournage amusant ». De son côté, la ravissante Sienna Miller revient sur son personnage, sa préparation, le tournage en Irlande du Nord et indique qu’elle s’était engagée sur ce film sept ans auparavant.

Un segment de cinq minutes revient sur la figure de Percival Harrison Fawcett, à travers des propos de l’écrivain David Grann, du journaliste et écrivain Dan Snow et du sociologue Mark Greaves.

Mais le plus gros de cette interactivité s’avère la masterclass de James Gray (39’) réalisée à la Cinémathèque française le 6 mars 2017 après la projection de The Lost City of Z. Animée par le journaliste Frédéric Bonnaud, également directeur de la Cinémathèque française, cette discussion est évidemment indispensable pour tous les passionnés du cinéma de James Gray, même si celui-ci aime parfois brouiller les pistes et ne pas dévoiler toutes les clés de ses œuvres. Le réalisateur évoque la longue gestation de son sixième long métrage (presque dix ans pour trouver les financements), les thèmes, les personnages, mais parle également de l’industrie hollywoodienne, de la production indépendante, de ses influences (le cinéma européen), son rapport avec les spectateurs (« satisfaire, mais pas exploiter l’audience »), les conditions de tournage et la photographie 35mm de Darius Khondji.

L’Image et le son

Studiocanal se devait d’offrir un service après-vente remarquable pour la sortie dans les bacs du plus beau film de l’année 2017. L’éditeur prend donc soin du chef d’oeuvre de James Gray et livre un master HD irréprochable au transfert immaculé. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par Darius Khondji, qui avait précédemment signé la photographie de The Immigrant, la copie de The Lost City of Z se révèle un petit bijou technique avec des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres jaunes pour résumer), un grain argentique palpable (tournage réalisé en 35mm), le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Le Blu-ray était l’écrin tout désigné pour revoir cette œuvre majestueuse.

Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio anglais et français pour vous plonger dans l’atmosphère du film, bien que l’action demeure souvent réduite. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques ambiances naturelles. Le caisson de basses se mêle également à la partie avec quelques montées bienvenues. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour les spectateurs aveugles et malvoyants. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Aidan Monaghan / StudioCanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Aftermath, réalisé par Elliott Lester

AFTERMATH réalisé par Elliott Lester, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Arnold Schwarzenegger, Maggie Grace, Scoot McNairy, Kevin Zegers, Hannah Ware, Mariana Klaveno, Glenn Morshower, Martin Donovan…

Scénario : Javier Gullón

Photographie : Pieter Vermeer

Musique : Mark D. Todd

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

A la suite d’un crash aérien qui a coûté la vie à sa famille, un homme refuse la thèse officielle de l’accident et décide de rétablir la justice. Son attention se porte sur le contrôleur aérien en poste lors de la catastrophe.

C’est avec un gros pincement au coeur que nous découvrons Aftermath, le premier Direct to video avec Arnold Schwarzenegger. Alors que le très bon Maggie, le drame fantastique de Henry Hobson avait connu une sortie dans les salles et obtenu une critique très correcte, Aftermath a dû se contenter d’une exploitation en DVD et Blu-ray en France. Ce qui est bien dommage, car ce drame intimiste s’avère une belle et franche réussite, offrant à Arnold Schwarzenegger un de ses plus beaux rôles. Dans la continuité de Maggie, le chêne autrichien, également producteur sur les deux films, livre une de ses meilleures prestations et malgré son dernier baroud d’honneur (on l’espère) dans Terminator Genisys, le comédien ne cache évidemment plus son âge (70 ans en juillet 2017) en jouant désormais de ses rides creusées.

Aftermath s’inspire de l’histoire de Vitaly Kaloyev et celle de l’accident aérien d’Überlingen survenu le 1er juillet 2002, tuant tous les passagers à bord de deux appareils. Alors qu’il pensait enfin pouvoir accueillir sa femme et sa fille aux Etats Unis, Roman un immigré russe va voir sa vie s’écrouler en apprenant que leur avion a été victime d’une collision en plein vol qui n’a laissé aucun rescapé. Dans sa tour de contrôle, Jack, aiguilleur aérien, était seul au moment du drame à devoir gérer des problèmes techniques qui ne lui ont pas permis de voir à temps venir l’accident. Désormais la vie de ces deux hommes est brisée. Est-il possible de se remettre un jour d’un pareil événement ? Dévasté, Roman cherche rapidement à en savoir plus et se met en tête de retrouver l’homme qu’il estime responsable de la tragédie.

Sur un scénario subtil et intelligent écrit par Javier Gullón (Enemy de Denis Villeneuve), le réalisateur Elliott Lester (Blitz avec Jason Statham) signe un film prenant et viscéral, qui étonne par sa sobriété et l’investissement de ses acteurs, Arnold Schwarzenegger donc, mais aussi l’impressionnant Scoot McNairy, second rôle qui a su marquer les spectateurs dans des œuvres aussi variées que Monsters, Argo, Batman v Superman: L’aube de la justice, Gone Girl, The Rover et 12 Years a Slave. Aftermath suit ces deux personnages en parallèle, qui comme ces deux avions n’auraient jamais se rencontrer. D’un côté Roman, essaye de survivre après cet accident dans lequel sa fille de 25 ans et sa femme enceinte ont péri avec plus de 270 autres passagers, et de l’autre Jake, contrôleur aérien, qui se sent responsable de cette collision et qui tente également de continuer à vivre. Mais un an après les faits, Roman, qui n’a obtenu aucune excuse de la part de la compagnie aérienne qui lui propose en contrepartie une somme d’argent conséquente – qu’il refuse – pour espérer éviter un procès, essaye d’obtenir la nouvelle identité et la nouvelle adresse de Jake.

Délicat et tout en colère rentrée, Aftermath étonne par son approche, avec une économie de dialogues, sans pathos, sur un rythme lent mais maîtrisé et ne juge jamais l’acte de son personnage principal, préférant laisser au spectateur le choix de se faire sa propre opinion. Si l’on pense parfois à Dommage Collatéral d’Andrew Davis et surtout à La Fin des temps, film sous-estimé de Peter Hyams, dans lesquels Arnold Schwarzenegger interprétait déjà un père et mari en deuil, Aftermath parvient à tirer profit de la maturité du comédien, tandis que la très belle photo du chef opérateur Pieter Vermeer (Nightingale) sublime son charisme, par ailleurs toujours intact.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Aftermath, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment sobre, lumineux, fixe et musical. Les langues, les chapitres (trois !) et les suppléments sont affichés sur la même page.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent malheureusement en guise de bonus. Il faudra se contenter d’une mini-featurette de 7 minutes, composée d’interviews croisées du réalisateur Elliott Lester et du directeur de la photographie Pieter Vermeer, qui reviennent sur le travail du scénariste Javier Gullón, les thèmes abordés dans Aftermath et l’interprétation.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Metropolitan Vidéo livre un très beau Blu-ray d’Aftermath. D’entrée de jeu, les couleurs sensiblement désaturées et un léger grain sont magnifiquement restitués. Les décors fourmillent de détails (merci au cadre large), la profondeur de champ est toujours appréciable, les contrastes sont denses et les séquences sombres très élégantes. Si le film se déroule essentiellement en intérieur, aux teintes grisâtres, froides et métalliques, les séquences tournées en extérieur demeurent lumineuses, avec un piqué ciselé. Le nombreux gros plans sur les visages des deux principaux protagonistes ne manquent pas de précisions. Le codec AVC consolide l’ensemble avec brio, le relief est constamment palpable. Une édition HD française de très haut niveau, qui permet d’apprécier le film d’Elliott Lester dans les meilleures conditions.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, si les dialogues s’avèrent plus discrets, la centrale parvient à leur donner un relief en adéquation avec les sentiments des personnages. Le doublage français est réussi, l’excellent Daniel Beretta prêtant heureusement sa voix à Arnold Schwarzenegger. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas, tout comme les interventions étonnantes du caisson de basses.

Crédits images : © Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / À ceux qui nous ont offensés, réalisé par Adam Smith

À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS (Trespass Against Us) réalisé par Adam Smith, disponible en DVD et Blu-ray le 5 juillet 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Michael Fassbender, Brendan Gleeson, Lyndsey Marshal, Georgie Smith, Rory Kinnear, Killian Scott, Sean Harris…

Scénario : Alastair Siddons

Photographie : Eduard Grau

Musique : The Chemical Brothers

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Les Cutler vivent comme des hors-la-loi depuis toujours dans une des plus riches campagnes anglaises, braconnant, cambriolant les résidences secondaires et narguant la police. Luttant pour faire perdurer leur mode de vie, Chad est tiraillé entre les principes archaïques de son père et la volonté de faire le nécessaire pour ses enfants. Mais la police, les traquant sans relâche, l’obligera peut-être à choisir entre sa culture et le bonheur des siens…

Depuis dix ans et sa révélation au grand public dans Angel de François Ozon, Michael Fassbdender est devenu l’un des acteurs les plus demandés du cinéma. Il faut dire que le comédien germano-irlandais a su très vite montrer l’étendue de son talent et de son registre, en étant capable de passer du blockbuster (300, Inglourious Basterds, Jonah Hex, les derniers X-Men, Prometheus, Assassin’s Creed, Alien : Covenant) au petit film d’auteur (Hunger, Shame, Fish Tank, Jane Eyre, Frank) avec une incroyable aisance. Entre deux grandes machines hollywoodiennes, il est la vedette d’À ceux qui nous ont offensésTrespass Against Us, premier long métrage d’Adam Smith, réalisateur venu de la télévision (Skins, Little Dorrit, Doctor Who) et auteur d’un documentaire- concert filmé des Chemical Brothers, Don’t Think (2012).

À ceux qui nous ont offensés est l’histoire de Chad Cutler (Michael Fassbender), père d’un petit garçon et d’une fille, issu de la deuxième génération de gens du voyage à vivre dans l’ouest du Royaume-Uni. Colby (Brendan Gleeson), son père, adore raconter des histoires à dormir debout autour du feu de camp et encourage ses petits-enfants à se méfier de ce qu’ils apprennent à l’école. Chad, qui ne sait ni lire ni écrire, et son épouse Kelly (Lyndsey Marshal) ne sont pas d’accord avec lui et veulent un meilleur avenir pour leurs enfants. Quand une série de vols se produit dans la région, la police suspecte immédiatement cette communauté. Chad, coupable idéal en raison de son passé de cambrioleur, est harcelé par les autorités. Soyons honnêtes, À ceux qui nous ont offensés passerait inaperçu s’il ne bénéficiait pas d’un tel casting. Ecrit par Alastair Siddons, le scénario voudrait inscrire le film dans une réalité sociale propre aux familles de nomades, mais s’en éloigne en narrant une intrigue parallèle faite de larcins et d’hommes traqués par la police, afin de rendre le film divertissant. Le film est certes bancal et peu réaliste, mais plaisant à suivre, grâce à l’investissement des acteurs.

Le duel amour-haine entre un père et son fils interprétés par Brandan Gleeson et Michael Fassbdender – également père et fils dans Assassin’s Creed de Justin Kurzel – emporte tous les suffrages. Ces monstres de charisme sont également bien épaulés par les excellents Lyndsey Marshal (vue dans la série Rome et Au-delà de Clint Eastwood), Rory Kinnear et Sean Harris. À ceux qui nous ont offensés est la chronique d’une famille où les générations s’affrontent. Le grand-père est fier d’avoir élevé son fils lui-même, loin des institutions, envers et contre tous, tandis que le fils, illettré comme son père (qui est fier de l’être), désire s’en affranchir et surtout que ses propres enfants aillent à l’école pour recevoir une éducation qu’il n’a pas eue. De ce point de vue, le film d’Adam Smith est très réussi. Inspiré par Chat noir, chat blanc d’Emir Kusturica, le réalisateur parvient à restituer les conditions de vie de cette communauté, sans tomber dans la caricature gratuite, sans pathos, sans non plus chercher l’empathie gratuite. Le film pèche avec cette pseudo-histoire faite de cambriolages et de vols commis dans les manoirs du comté par une bande de gitans hors-la-loi qui parviennent à échapper à la police grâce aux talents de Chad au volant. Le cocktail a du mal à prendre, même si encore une fois les acteurs sont parfaits et la mise en scène plutôt soignée (la course-poursuite nocturne est même très bien), tout comme la composition de Tom Rowlands des Chemical Brothers.

À ceux qui nous ont offensés est un joli film, même s’il finit par s’éloigner de tout réalisme documentaire, ce que le metteur en scène souhaitait au départ, au profit de l’entertainment et de l’émotion avec un final plutôt étonnant. Si on aurait préféré que tous ces ingrédients se mélangent mieux, il serait dommage de passer à côté de cette histoire qui contient quand même plus de qualités que de défauts.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’À ceux qui nous ont offensés, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Aux côtés de la bande-annonce du film, l’éditeur joint un entretien avec Michael Fassbender (16’) réalisé sur le plateau. Visiblement très investi sur ce petit film, le comédien répond aux questions (qui apparaissent sous forme de carton) et défend le premier long métrage d’Adam Smith en détaillant les personnages et les thèmes. Le scénario est passé au peigne fin, tout comme le travail avec les très jeunes acteurs et le reste du casting, qu’on aurait également voulu entendre.

L’Image et le son

Etonnant qu’avec ses 20.000 entrées au compteur, le film d’Adam Smith bénéficie d’une édition HD alors que nous disions dernièrement que La Confession (plus de 200.000 spectateurs) devait se contenter d’une simple édition DVD. Mais ne faisons pas la fine bouche. La photo signée Eduard Gray (A Single Man, Buried, Suite française) est habilement restituée, notamment les partis pris esthétiques, la colorimétrie vive et saturée sur les séquences diurnes, et un piqué joliment acéré. Les détails sont abondants sur le cadre large, la luminosité omniprésente. Là où le bât blesse, c’est que ce master apparaît beaucoup trop lisse, agressif, laqué et manque de patine.

Quatre mixages au programme ! Nous n’avons pas à nous plaindre des mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 qui répartissent les répliques, la musique et les effets avec une belle fulgurance. Il est évidemment nécessaire de visionner À ceux qui nous ont offensés en version originale, même si la piste française s’en sort aussi bien, techniquement parlant. La séquence de poursuite jouit d’une belle ouverture de l’ensemble des enceintes, les ambiances fusant de toutes parts. Le caisson de basses intervient aux moments opportuns et souligne les vrombissements des moteurs dès la scène d’ouverture. Les pistes Stéréo instaurent un confort acoustique riche et très plaisant.

Crédits images : © The Jokers / Le Pacte / SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Grave, réalisé par Julia Ducournau

GRAVE réalisé par Julia Ducournau, disponible en DVD et Blu-ray le 26 juillet 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Joana Preiss, Laurent Lucas, Bouli Lanners…

ScénarioJulia Ducournau

Photographie : Ruben Impens

Musique : Jim Williams

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature et comprend très vite qu’elle ne peut plus s’en passer. Surtout saignante. Et un campus ne manque pas de chair fraîche !

Avant Grave, son premier long métrage pour le cinéma, Julia Ducournau, ancienne élève de la Fémis, est la réalisatrice d’un court-métrage, Junior (2011) puis d’un téléfilm pour Canal+ mis en scène avec Virgile Bramly, Mange (2012), interdit aux moins de 16 ans. Pour ses débuts au cinéma, Julia Ducournau retrouve Garance Marillier, qu’elle avait dirigée dans Junior. C’est une double révélation et pour une fois le mot n’est pas usurpé. De par son sujet aussi singulier que dérangeant, et par son impressionnante maîtrise formelle, ce premier film multi-récompensé – par le Grand Prix à Gérardmer et le Prix de la critique internationale à la Semaine de la critique à Cannes – est un choc dans le cinéma français et a su créer l’événement dans les festivals du monde entier où certains spectateurs se seraient même évanouis devant les scènes de cannibalisme.

Justine, comme le reste de sa famille, est végétarienne. A 16 ans, la jeune femme, précoce, est reçue dans l’école vétérinaire où sa soeur aînée, Alexia, est déjà élève. Mais l’intégration est brutale : le bizutage commence en effet tout de suite pour Justine, qui ne peut pas compter sur le soutien de sa soeur et se retrouve forcée d’ingérer un morceau de viande crue, un rein de lapin. Cette expérience douloureuse n’est pas sans conséquences sur l’étudiante qui commence à développer un étrange comportement. Le point commun des trois mises en scène de Julia Ducournau, alors grande admiratrice du cinéaste canadien David Cronenberg, est le sujet de la métamorphose physique. On retrouve dans Grave ce rapport au corps et cette approche clinique qui a fait la marque de fabrique et le succès de l’auteur de La Mouche. Outre quelques références notables, à l’instar de Carrie de Brian de Palma, la réalisatrice a su digérer ses modèles et influences pour planter son film dans un réalisme morbide.

Si l’on craint tout d’abord de manquer d’empathie pour le personnage principal, l’incroyable Garance Marillier emporte tous les suffrages. Avec son visage doux et à la fois inquiétant qui rappelle étonnamment Dominique Blanc, elle signe une véritable, charismatique et ébouriffante prestation. Un sacré défi qu’un César devrait normalement récompenser en 2018, puisque la caméra ne la quitte quasiment pas du début à la fin, s’attachant à capter les moindres nuances de la transformation du personnage (qui change littéralement de peau), comme la mutation « reptilienne » d’une ado tomboy en jeune fille dans Junior. Certes, on retrouve le côté punk-sexe de Mange, mais Grave s’inscrit dans la continuité du court-métrage, d’autant plus que l’héroïne s’appelle Justine – en référence au livre du Marquis de Sade, Justine ou les malheurs de la vertu – dans les deux films et qu’il s’agit de la même comédienne.

Drame et récit d’émancipation, le spectateur suit cette jeune étudiante, qui apparaît d’abord sûre d’elle-même en arrivant à l’école vétérinaire, avant de se rendre compte très vite de la violence et de la brutalité de l’entrée dans le monde adulte. Après quelques mises à l’épreuve, Justine va se révéler à elle-même et laisser sa véritable nature prendre le dessus, en se laissant aller à ses pulsions, ses envies (sexuelles et gustatives), après une longue opposition entre l’esprit qui voudrait rester rationnel et les désirs physiques avec un corps voulant jouir et s’épanouir, pour enfin s’affirmer et accepter sa différence.

Frontal, graphique, organique et clinique (superbe photo teintée de giallo du chef opérateur Ruben Impens), mais pourtant sensuel et jamais glauque, Grave est un film burné qui n’a pas peur de foncer dans le tas, de déplaire et de provoquer le malaise – la musique de Jim Williams et la b.o hystérique participent également à l’ambiance – auprès d’une audience qui a oublié ce que voulait dire être secoué dans les salles. C’est cette franchise qui rappelle le formidable Dans ma peau de Marina de Van, cette envie de cinéma, cette audace de sortir des sentiers battus qui font de Grave, malgré un dénouement largement prévisible en raison de la présence de Laurent Lucas au générique, une grande et radicale réussite.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Grave, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le Blu-ray est proposé avec le DVD en combo. Le menu principal est coloré, animé et musical.

Point de making of à l’horizon, c’est la grande déception de cette édition. En revanche, l’éditeur charge la section des suppléments avec deux très (trop ?) longues interviews de la réalisatrice Julia Ducournau (47’) et de la comédienne Garance Marillier (48’), toutes deux animées par Fausto Fasulo, rédacteur en chef du magazine Mad Movies.

Durant le premier entretien, Julia Ducournau revient sur son parcours, sur Junior et Mange, l’écriture et l’évolution du scénario de Grave, la psychologie du personnage de Justine, l’importance du son, les partis pris, la structure du film, les scènes coupées au montage, ses influences, le casting et bien d’autres éléments. Dommage que cet échange soit foutraque, parfois hésitant et maladroit. L’éditeur aurait gagné à tailler dans le gras afin d’insuffler un rythme qui fait cruellement défaut à cette interview qu’on aurait aimée plus dense et intéressante.

En revanche, la rencontre avec Garance Marillier s’avère plus sympathique, même si cette fois encore l’interview n’a aucune structure et passe du coq à l’âne. La jeunesse et la spontanéité de la jeune actrice font le charme de ce rendez-vous durant lequel elle évoque son intérêt pour le jeu, sa formation (musicale), sa rencontre, son travail et son amitié fusionnelle avec Julia Ducournau, sa passion pour David Lynch et Wong Kar-wai, son premier choc cinématographique (Vertigo d’Alfred Hitchcock), sa préparation pour le rôle, le défi des scènes physiques, ses impressions de tournage, la réception du film et son avis sur les critiques négatives.

L’éditeur a pu mettre la main sur deux scènes coupées (alors qu’il y en avait bien plus), Oracle (2’) et Gravité (3’). Complètement anecdotiques mais sympas, ces séquences non montées valent le coup d’oeil et prolongent entre autres un cours réalisé par un professeur singulier avec comme sujet l’utérus d’une vache.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits du disque.

L’Image et le son

Saturation des couleurs primaires, luminosité aveuglante, piqué chirurgical, détails au scalpel aux quatre coins du cadre large, contrastes fabuleux, c’est sublime ! La profondeur de champ est sidérante et chaque parti pris inspiré de la photo du chef opérateur Ruben Impens (Alabama Monroe, Les Herbes folles, La Merditude des choses), est magnifiquement restitué à travers cette édition HD absolument indispensable. Le Blu-ray démo du mois de juillet 2017.

La piste unique DTS-HD Master Audio 5.1 instaure un confort acoustique total avec une redoutable homogénéité des voix et des effets annexes. Le pouvoir immersif du mixage est fort plaisant dès la première scène. Toutes les enceintes sont intelligemment mises à contribution, les effets souvent percutants. La balance frontale et latérale est constante et riche, le caisson de basses souligne efficacement les séquences du film les plus agitées (ça vibre même de partout durant les fiestas et le bizutage) et l’imposante bande-son, tandis que les dialogues et commentaires restent fluides et solides. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Wild Bunch Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Dixième victime, réalisé par Elio Petri

LA DIXIÈME VICTIME (La Decima vittima) réalisé par Elio Petri, disponible en DVD et Blu-ray le 12 juillet 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : Marcello Mastroianni, Ursula Andress, Elsa Martinelli, Salvo Randone, Massimo Serato, Milo Quesada

Scénario : Elio Petri, Giorgio Salvioni, Tonino Guerra, Ennio Flaiano d’après la nouvelle « The Seventh Victim » de Robert Sheckley

Photographie : Gianni Di Venanzo

Musique : Piero Piccioni

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Dans un futur proche, les gouvernements en place ont instauré un nouveau jeu mondial, appelé la Grande Chasse. Le principe : un chasseur et une victime, désignés au hasard, doivent s’entre-tuer. La règle n°1 : le chasseur connaît l’identité de sa victime, mais la victime ignore tout de lui. C’est au cours d’une de ces manches que l’Américaine Caroline Meredith, en passe de remporter sa dixième victoire consécutive, rencontre sa victime, l’Italien Marcello Poletti. Un jeu de séduction s’installe bientôt entre eux. Mais leur attirance est-elle réelle ou calculée ?

Malgré une Palme d’or remportée en 1972 pour La Classe ouvrière va au paradis, le prix FIPRESCI et le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1970 pour Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, le réalisateur italien Elio Petri (1929-1982) semble avoir été oublié dans le paysage cinématographique, notamment dans son pays. Ce cinéaste brillant, autodidacte, engagé et passionné a d’abord fait ses classes en tant que scénariste avant de se tourner vers le documentaire dans les années 50, puis de se lancer dans la fiction en 1961 avec son premier long métrage L’Assassin, coécrit avec le fidèle Tonino Guerra. Cinquième long métrage d’Elio Petri, La Dixième victimeLa Decima vittima, produit par Carlo Ponti, est un film prophétique et politique sur les dérives des gouvernements et de la télévision qui s’inspire d’une courte nouvelle écrite par l’auteur de science-fiction américain Robert Sheckley (1928-2005), The Seventh Victim, publiée en 1953 dans la revue Galaxy Science Fiction. Fable et satire sociale du devenir de l’humanité, cette dystopie centrée sur une chasse à l’homme autorisée, télévisée et favorisée par les autorités s’accorde avec les sujets de prédilection d’Elio Petri.

En l’absence de guerre, la population mondiale manque cruellement de distraction. Aussi a-t-on remis la chasse à l’homme au goût du jour. Les meurtres sont autorisés – y compris dans la rue au milieu des passants, qui d’ailleurs y prêtent à peine attention – et organisés par le ministère de la Grande chasse, afin de canaliser l’agressivité et la violence des êtres humains. Les joueurs sont des volontaires qui sont, selon le bon vouloir d’un ordinateur, tour à tour chasseurs ou gibiers. Est déclaré vainqueur celui qui aura triomphé successivement de dix adversaires. L’habile Caroline Meredith vient ainsi d’abattre – à l’aide de son soutien-gorge mitrailleur, coucou Austin Powers ! – son poursuivant au cours de sa neuvième chasse, quelque part à New York (séquence d’ouverture réellement tournée sur place), tandis que le brillant Marcello, qui concourt à Rome, a remporté sa sixième chasse. L’ordinateur qui préside au jeu décide que Caroline traquera désormais Marcello à Rome. Les deux décident de passer un contrat publicitaire, afin de maximiser leurs gains au moment où ils abattront leur adversaire devant des millions de téléspectateurs.

Les règles du jeu sont simples. 1) Chaque membre doit participer à 10 chasses, 5 comme chasseur et 5 comme victime, en alternance. Chaque couple chasseur-victime est sélectionné par un ordinateur situé à Genève. 2) Le chasseur sait tout de sa victime, son nom, son adresse, ses habitudes. 3) La victime ignore l’identité de son chasseur. Elle doit l’identifier et le tuer. 4) Le vainqueur de chaque chasse a droit à une récompense. Celui qui sera encore en vie après sa dixième chasse sera proclamé Décaton et recevra les honneurs, ainsi qu’un million de dollars. Il sera également exempté d’impôts et bénéficiera de la gratuité des transports et d’un véhicule diplomatique mis à sa disposition jusqu’à la fin de sa vie.

Dès son premier long métrage, Elio Petri critiquait ouvertement et de manière acerbe l’autorité de son pays à l’aube des années ‘60. Dans La Dixième victime, les personnes âgées doivent être « livrées » au gouvernement, la grande littérature se résume aux fumetti. Cinéaste engagé, Elio Petri n’aura de cesse de dénoncer et de provoquer le débat. Ici, les médias et les gouvernements sont violemment pris à partie. Petri fustige l’absence de déontologie puisque les chaînes de télévision commençaient à rivaliser de bêtise dans le seul but de faire de l’audience. 35 ans avant l’arrivée de Loft Story sur les écrans de télé français, Elio Petri interpellait les spectateurs sur le devenir de la petite lucarne, l’abrutissement de la populace et la déchéance de la société. L’empathie est donc difficile dans La Dixième victime, d’autant plus que le cinéaste cible un personnage merveilleusement ambigu à qui Marcello Mastroianni (teint en blond) prête toute son ironie mordante et son regard désabusé face à une Ursula Andress à se damner, tout aussi manipulatrice que son rival. Mais derrière cette rivalité ambigüe, s’instaure un jeu du chat de la souris, tandis que les sentiments amoureux viennent s’en mêler.

Si le rythme se révèle inégal, notamment durant une deuxième partie longue, bavarde et parfois poussive, le propos n’a rien perdu de sa verve et de sa causticité. A ceci s’ajoutent la photo brûlante de Gianni Di Venanzo et la mise en scène inventive de Petri. L’esthétique vintage-pop donne aujourd’hui à La Dixième victime un cachet suranné mais décalé avec la noirceur du propos, notamment au niveau des décors psychédéliques et des costumes bariolés. Le film demeure toujours d’actualité puisque les chaines se sont multipliées et n’ont de cesse de pondre des programmes de plus en plus décérébrés, vulgaires et violents, manipulant sans cesse le spectateur quant à la supposée « réalité » qui leur est proposé.

A l’instar du pessimiste Fahrenheit 451 de François Truffaut qui sera réalisé l’année suivante, La Dixième victime reste une oeuvre d’anticipation forte, hautement recommandable, passionnante et curieuse, parfois déroutante, mais virulente et marquée par un humour noir très appréciable qui fait glisser le film vers la comédie et même le burlesque dans son dernier acte, qui le rapproche du Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard. L’oeuvre de Robert Sheckley n’aura de cesse d’inspirer certains réalisateurs par la suite, comme Yves Boisset avec son Prix du danger, Paul Michael Glaser avec Running Man (à partir d’un roman de Richard – Stephen King – Bachman inspiré de Sheckley) ou bien encore dernièrement avec la saga Hunger Games et la trilogie American Nightmare.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de La Dixième victime, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical. Le gros bémol de ce Blu-ray est de ne trouver que la bande-annonce en guise de suppléments. Rien de plus. Avec ce titre, Carlotta Films annonce la première partie de sa « Collection Cinéma Italien ».

L’Image et le son

La Dixième victime a été restauré à partir des négatifs d’origine conservés par l’ayant-droit Surf Film. Le négatif image a été scanné à 2K et restauré numériquement. L’étalonnage a été réalisé à partir d’une copie positive d’origine conservée aux archives de la Cineteca di Bologna. La restauration a quant à elle été effectuée en 2012 par les laboratoires de L’immagine ritrovata. Le Blu-ray de La Dixième victime bénéficie d’un rendu méticuleux de la photo d’origine avec de superbes teintes vives et chatoyantes. La propreté de la copie est une fois de plus miraculeuse et flamboyante, tout comme la stabilité, les contrastes profonds et le relief probant surtout sur les séquences tournées en extérieur. Cette restauration définitive permet de (re)découvrir le film d’Elio Petri dans les plus belles conditions techniques, le spectateur pouvant désormais contempler tous les éléments disséminés aux quatre coins de l’écran par le cinéaste pour élaborer son monde futuriste. La définition n’est jamais ou très rarement prise en défaut, les noirs sont denses, la profondeur de champ estimable (merci à la compression AVC), le grain bien géré, la clarté renforce le piqué notamment au niveau des gros plans des comédiens, et la colorimétrie est à l’avenant. La Dixième victime avait été édité en DVD en 2004 chez Studiocanal, avant de renaître ici de ses cendres.

La piste italienne DTS HD Master Audio mono 1.0 se révèle particulièrement efficace. Limpide et fluide, jamais parasitée par un souffle intempestif, la version originale distille ses dialogues avec ardeur, tout comme ses effets sonores. La composition de Piero Piccioni est joliment délivrée et participe à la singularité du film d’Elio Petri. L’éditeur propose également une version italienne PCM 1.0 moins dynamique et aux dialogues qui percent parfois les tympans.

Crédits images : © Surf Film / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Seuls, réalisé par David Moreau

SEULS réalisé par David Moreau, disponible en DVD et Blu-ray le 13 juin 2017 chez Studiocanal

Acteurs : Sofia Lesaffre, Stéphane Bak, Jean-Stan Du Pac, Paul Scarfoglio, Kim Lockhart, Thomas Doret, Renan Madelpuech, Renan Prévot, Inès Spiridonov, Jeanne Guittet, Kamel Isker

Scénario : David Moreau, Guillaume Moulin d’après la bande dessinée de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann

Photographie : Nicolas Loir

Musique : Rob

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Leïla, 16 ans, se réveille en retard comme tous les matins. Sauf qu’aujourd’hui, il n’y a personne pour la presser. Où sont ses parents ? Elle prend son vélo et traverse son quartier, vide. Tout le monde a disparu. Se pensant l’unique survivante d’une catastrophe inexpliquée, elle finit par croiser quatre autres jeunes : Dodji, Yvan, Camille et Terry. Ensemble, ils vont tenter de comprendre ce qui est arrivé, apprendre à survivre dans leur monde devenu hostile… Mais sont-ils vraiment seuls ?

Découvert avec ses films d’horreur Ils et The Eye coréalisés avec Xavier Palud, le cinéaste David Moreau a ensuite connu en 2013 un beau succès public et critique avec 20 ans d’écart, pétillante comédie-romantique avec Pierre Niney et Virginie Efira. Avec Seuls, David Moreau revient au film de genre en suivant le schéma tracé par les américains et leurs franchises destinées au public adolescent, Hunger Games, Divergente ou Le Labyrinthe. Un temps envisagé par Jaco van Dormael, qui imaginait même une trilogie, c’est finalement David Moreau qui adapte ici les cinq premiers tomes de la bande dessinée franco-belge homonyme de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann, publiée depuis 2005 dans le magazine Spirou.

Un matin, Leïla se réveille et se prépare pour aller au lycée. Elle ne sait pas qu’elle sort de ses rêves pour entrer dans un cauchemar. Non seulement l’appartement familial est vide, mais elle se rend compte bien vite que c’est toute la ville qui est déserte. Aucune trace de ses parents ? Où sont passés les habitants ? Apparemment, il n’y a plus âme qui vive… Mais bientôt, Leïla découvre d’autres ados aussi déboussolés qu’elle. Cette poignée de survivants composée de personnalités très contrastées va s’unir pour faire face à cette catastrophe inexpliquée. Un nouveau danger les guette, visiblement, ils ne sont pas aussi « seuls » qu’ils le croyaient. Le Maître des couteaux vient d’arriver et il en a visiblement après eux. En plus, un épais brouillard destructeur entoure la ville (imaginaire) et menace de les engloutir.

Difficile pour David Moreau de transposer à l’écran une série d’albums en cours (une vingtaine est prévue et dix ont déjà été publiés), puisqu’il lui faut à la fois contenter les fans de la bande dessinée originale et attirer des spectateurs qui n’en auraient jamais entendu parler. Si le manque de moyens (6 millions d’euros de budget) a freiné les ambitions du réalisateur et si le film comporte quelques défauts et maladresses, Seuls ne manque pas d’intérêt et s’avère encourageant. Du point de vue technique, David Moreau soigne le cadre, la photographie de Nicolas Loir apporte un plus non négligeable, les décors sont inspirés, tout comme la partition musicale de Rob. Cela fonctionne au premier coup d’oeil. Seuls pèche en revanche par son scénario hésitant, ses dialogues peu inspirés et son interprétation qui frôle parfois l’amateurisme.

Ces points faibles n’empêchent pas le film et les personnages – plus âgés que dans la bande dessinée – d’être attachants et complémentaires : Dodji (Stéphane Bak, vu dans Elle de Paul Verhoeven), un orphelin solitaire, Yvan, un artiste intello, la studieuse et timide Camille, Terry, le plus jeune de la bande et Leïla (Sofia Lesaffre, découverte des Trois frères, le retour) qui s’impose dans le rôle de la leadeuse, bien que la bande dessinée était plus centrée sur Dodji. Ce choix de David Moreau découle de son amour pour les personnages féminins d’action. Si le rythme est en dents de scie, David Moreau est suffisamment malin pour relancer la mécanique chaque fois qu’elle commence à s’enrayer. Les rebondissements ne manquent pas et on sent le metteur en scène à son affaire, fan de cinéma fantastique et d’épouvante, qui donne une véritable identité à son film.

Entre frissons et humour du style buddy-movie, tout était réuni pour faire de Seuls un vrai film de genre, destiné à rencontrer un large public. Malheureusement, le cinéaste a dû faire avec le peu d’argent mis à sa disposition en raison de la frilosité des producteurs français. Avec près de 360.000 entrées, score tout à fait honorable pour un film fantastique hexagonal avec uniquement des jeunes acteurs inconnus au générique, la suite (ou les suites), annoncée dans l’épilogue, paraît compromis. Dommage. Mais sait-on jamais, car Seuls peut connaître une brillante carrière en DVD et Blu-ray, ce qu’on lui souhaite, et peut-être verrons-nous le retour de Leïla et de sa bande.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Seuls, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé, musical et reprend le visuel de l’affiche du film, tout comme la jaquette.

Dissimulé dans le sous-menu des langues, nous trouvons le commentaire audio du réalisateur David Moreau. Si le début est un peu décousu et maladroit, le cinéaste s’avère très prolixe et ne marque aucun temps d’arrêt durant l’exercice. Largement conseillé car très sympa, ce commentaire aborde l’adaptation de la bande -dessinée et les partis pris, les personnages, le casting, plus longuement la création et l’utilisation des effets spéciaux (plus de 400 plans), ainsi que le manque de budget lié à la difficulté de vendre un projet ambitieux mais sombre et sans avoir de stars au générique. S’il se dit content du film, David Moreau ne cache pas son amertume d’avoir revu ses ambitions à la baisse – il avait entre autres écrit une version du film beaucoup plus fidèle à la bande dessinée – en fonction des moyens qui lui étaient alloués. Il avoue également qu’il espérait un score plus élevé au box-office. Les anecdotes de tournage s’enchaînent durant plus d’1h30.

La section des suppléments dispose également d’un making of (28’) traditionnel, composé de nombreuses images de tournage et des propos des comédiens. Cette fois, David Moreau n’intervient pas directement, mais le réalisateur est montré à l’oeuvre avec ses jeunes acteurs sur le plateau. Ces derniers présentent leurs personnages et les enjeux du film. Invités par la production, les créateurs de la bande dessinée Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann s’expriment sur l’adaptation.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Studiocanal frôle la perfection avec ce master HD. Si les contrastes affichent une densité impressionnante, le piqué n’est pas aussi ciselé sur les scènes sombres et certaines séquences apparaissent un peu douces, notamment durant la première partie du film, où les visages des comédiens apparaissent un peu cireux. En dehors de cela, la profondeur de champ est éloquente, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, le cadre est idéalement exploité et la colorimétrie bleutée-froide retravaillée à l’étalonnage est idéalement retranscrite. La mise en scène brute de David Moreau entraîne quelques pertes inévitables de la définition, mais l’ensemble demeure la plupart du temps estomaquant de beauté, le tout étant conforté par un encodage AVC solide comme un roc.

La piste DTS-HD Master Audio 5.1 assure le spectacle acoustique avec brio. Dynamique et riche, l’écoute demeure immersive tout du long avec quelques pics particulièrement bluffants. C’est le cas des séquences à la fête foraine, de l’ouverture avec la caméra embarquée dans le casque, du brouillard dévastateur et surtout du passage de la bande de l’autre côté de la matière vaporeuse. La balance frontale est percutante, sans oublier l’usage probant des ambiances latérales et du caisson de basses. La musique profite également d’une belle délivrance, mettant toutes les enceintes à contribution, même à volume peu élevé. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont disponibles, ainsi qu’une piste en Audiodescription et une piste Stéréo de fort bon acabit.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr