GERONIMO (Geronimo: An American Legend) réalisé par Walter Hill, disponible en Blu-ray et DVD le 21 septembre 2016 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Jason Patric, Robert Duvall, Gene Hackman, Wes Studi, Matt Damon, Rodney A. Grant, Kevin Tighe…
Scénario : John Milius, Larry Gross
Photographie : Lloyd Ahern II
Musique : Ry Cooder
Durée : 1h55
Date de sortie initiale : 1993
LE FILM
1885. Une seule tribu tient encore tête à l’armée et aux colons, celle des Apaches Chiricahuas. Le lieutenant Gatewood est chargé de prendre contact avec leur chef, Geronimo. Ce dernier se rend au général Crook mais Geronimo et son peuple sont parqués dans une réserve trop petite pour eux, Turkey Creek. Geronimo repart alors en guerre et refuse de croire le général Crook…
En 1968, Walter Hill (né en 1942) commence sa carrière en tant que réalisateur de seconde équipe sur L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison puis sur le non moins mythique Bullitt de Peter Yates. Quatre ans plus tard, il signe le scénario de Guet-Apens de Sam Peckinpah, d’après le roman de Jim Thompson, qui témoigne de son attrait pour la représentation de la violence sans fioritures. Il passe enfin derrière la caméra en 1975 avec Le Bagarreur, dans lequel il dirige Charles Bronson et James Coburn. Suivront les formidables Driver et Les Guerriers de la nuit. Son quatrième long métrage, Le Gang des frères James, lui permet d’aborder un nouveau genre, celui du western, à travers l’histoire du gang James-Younger et leurs célèbres attaques de trains et de banques. Les années 1980 sont marquées par d’importants succès au box-office, notamment 48 heures (1982) avec Nick Nolte et Eddie Murphy, qui reste le plus grand triomphe commercial de Walter Hill. En 1985, il revient à la comédie avec Comment claquer un million de dollars par jour, film culte avec Richard Pryor et John Candy. Trois plus tard, il forme le duo Arnold Schwarzenegger / James Belushi dans Double Détente, buddy movie par excellence. Les années 1990 arrivent, ainsi que la suite de 48 heures, sobrement intitulées 48 heures de plus. Si la critique est cette fois très mauvaise, cela n’empêche pas le film de cartonner. Nous arrivons donc en 1993 et Walter Hill décide de revenir au western, genre alors quasi-abandonné, avec Geronimo.
Deux ans après le triomphe de Danse avec les loups de Kevin Costner et celui d’Impitoyable de Clint Eastwood en 1992, le réalisateur confie le scénario de Geronimo à John Milius, réalisateur de Conan le Barbare et de L’Aube rouge, mais également scénariste de Jeremiah Johnson de Sydney Pollack et Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Les deux hommes avaient déjà collaboré en 1987 sur Extrême préjudice. Geronimo est également coécrit par Larry Gross, fidèle à Walter Hill depuis 48 heures. Remarquable nouvelle lecture du mythe Geronimo (1829-1909), un des protagonistes principaux des guerres apaches ayant combattu le Mexique et les États-Unis pour les droits des amérindiens, Geronimo : An American Legend est un sommet de la carrière de Walter Hill. Malgré les stars et têtes d’affiches telles que Gene Hackman dans le rôle du Général George Crook et Robert Duvall dans celui du chasseur d’indiens Al Sieber, sans compter les jeunes acteurs prometteurs, Jason Patric et Matt Damon, Geronimo est le vrai et principal protagoniste de cette histoire. Découvert dans Danse avec les loups et Le Dernier des Mohicans de Michael Mann, le comédien Wes Studi incarne brillamment le chaman guerrier reconnu et respecté. Le film évoque le meurtre de sa mère, de sa femme et de ses trois enfants par l’armée mexicaine près d’un village. Son désir de vengeance, les guerres qu’il a menées en représailles, ses visions prémonitoires, mais aussi l’accord de paix négocié en 1871 après plusieurs années de guerre contre les États-Unis, avec les Apaches Chiricahuas (dirigés par Cochise) sur les conseils de Tom Jeffords sont aussi narrées. Les Apaches obtiennent la création d’une réserve sur leurs terres. Peu de temps après, la réserve Chiricahua est fermée par les autorités américaines. C’est ce point en particulier que Walter Hill et ses scénaristes ont voulu mettre en avant dans Geronimo, le non-respect du Gouvernement américain et les promesses non tenues.
Contre toute attente, même si le film demeure marqué par quelques séquences particulièrement brutales et des affrontements percutants, Geronimo est un film triste, lent, mélancolique, qui montre l’anéantissement d’un peuple et de ses derniers représentants par la suprématie politique et militaire. Un monde disparaît pour laisser la place nette à un autre. L’Amérique doit aborder le XXe siècle en se débarrassant de ce qui « gêne ». Epaulé par la magnifique photographie de Lloyd Ahern II, qui retravaillera ensuite avec Walter Hill jusqu’à dernièrement dans Du plomb dans la tête avec Sylvester Stallone, mais aussi par la musique du fidèle Ry Cooder, le réalisateur est en pleine possession de son art pour faire passer son message, les Etats-Unis sont les seuls responsables de ce véritable génocide. Tourné dans les magnifiques décors naturels de l’Utah et de l’Arizona, Geronimo est un western très violent, autant dans les séquences de guerre que dans les mots prononcés, bourrés de non-dits et de sous-entendus. A ce titre, Jason Patric, découvert dans Génération perdue de Joel Schumacher en 1987, trouve ici son plus grand rôle. Le comédien incarne le Premier lieutenant Charles B. Gatewood, tout d’abord rempli d’espoir quant au sort réservé à Geronimo et à son peuple. Mais il devra se rendre à l’évidence, les Etats-Unis ne comptent pas tenir leurs promesses. Ces désillusions apparaissent également à travers le personnage de Matt Damon, qui tient compte de ses débuts dans l’armée américaine. Tout d’abord impressionné et fier de la mission qui lui est confiée, celle d’escorter Geronimo lors de sa reddition au Général George Crook en 1883, il sera également écoeuré par les principes bafoués d’une nation pour laquelle il était alors prêt à donner sa vie. Il plane donc un vrai spleen sur le film de Walter Hill. La fin est proche en dépit des négociations. Il n’y a plus qu’à l’attendre. L’Enfer, caractérisé par une photo orangée et parfois rouge-sang qui imprègne les décors à mesure que l’issue approche, s’installe sur Terre et le XXe siècle se bâtit sur des faux-semblants et des paysages vidés de leur véritable mémoire.
S’il n’atteint pas le lyrisme de Danse avec les loups et le nihilisme d’Impitoyable, Geronimo est sans doute le troisième western le plus important des années 1990 et mérite d’être sérieusement reconsidéré.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Geronimo, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Au menu des bonus, l’incontournable Bertrand Tavernier est le premier à présenter Geronimo de Walter Hill (35′). Le réalisateur et historien du cinéma indique qu’il s’agit pour lui d’un des grands films du cinéaste. Tavernier retrace son parcours en tant que scénariste et metteur en scène et en vient à la collaboration Walter Hill / John Milius sur Geronimo, également écrit par Larry Gross. L’évolution du scénario, les partis pris et les intentions du cinéaste, l’originalité du traitement, les figures historiques, la mise en scène, les scènes d’action, la musique, la photo, les dialogues, le rythme, le casting, les personnages, les lieux de tournage, tout cela est abordé avec une passion vraiment contagieuse, qui montre que Bertrand Tavernier est toujours aussi épris par son art même après avoir visionné des milliers de films.
Patrick Brion a finalement peu de choses à dire après son confrère. En à peine un quart d’heure, le critique et historien du cinéma dévoile l’origine du nom de Geronimo, avant de faire un rapide tour d’horizon du western au début des années 1990. Brion expose brièvement les carrières respectives de John Milius et de Walter Hill, en indiquant qu’il serait très heureux de présenter un jour Les Guerriers de la nuit qu’il adore tout particulièrement. Il se contente après de citer les propos de Walter Hill recueillis dans un entretien, où le réalisateur s’exprime sur Geronimo.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos/affiches et la bande-annonce.
L’Image et le son
Geronimo est le film le plus récent édité par Sidonis puisqu’il date de 1993. Il n’est donc pas étonnant de se retrouver face à un master HD (1080p, AVC) restauré de fort bonne qualité, propre, stable et qui restitue merveilleusement les partis-pris esthétiques du chef opérateur Lloyd Ahern II. Le piqué n’est sans doute pas aussi ciselé qu’on pouvait l’espérer, mais la colorimétrie est riche, les contrastes élégants, la compression solide comme un roc et la définition subjugue à de nombreuses reprises, à l’exception des scènes sombres où le master montre quelques limites. Ajoutez à cela un grain sensible qui flatte constamment la rétine, un relief impressionnant sur les plans larges. De quoi contenter les amateurs à la fois du genre mais aussi de belles images.
Montez le volume, car le spectacle est garanti sur les scènes de batailles ! Le (re)mixage anglais DTS-HD Master Audio 5.1 se révèle particulièrement ardent. Les frontales et les latérales sont dynamiques, la musique de Ry Cooder exsudée avec force, la spatialisation est fort appréciable et le caisson de basses participe parfois à ce spectacle. Pas de souffle constaté. La version originale est également disponible en Stéréo, de fort bon acabit. La piste française disponible en DTS Master Audio Stéréo 2.0 est évidemment plus « plate », mais s’en sort avec les honneurs avec notamment un excellent doublage. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale, et le changement de langue impossible à la volée.
Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures DVD : Franck Brissard