Test DVD / Robe de sang (I’m Dangerous Tonight), réalisé par Tobe Hooper

ROBE DE SANG (I’m Dangerous Tonight /  Red Evil Terror) réalisé par Tobe Hooper, disponible en DVD le 27 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  Mädchen Amick, Corey Parker, Dee Wallace, Anthony Perkins, Daisy Hall, R. Lee Ermey, Natalie Schafer, Jason Brooks, William Berger…

ScénarioBruce Lansbury, Philip John Taylor d’après une nouvelle de Cornell Woolrich

Photographie : Levie Isaacks

Musique : Nicholas Pike

Durée : 1h28

Année de sortie : 1990

LE FILM

En transformant une cape rouge découverte dans une malle en une superbe robe de soirée, une belle étudiante tombe sous le coup d’une malédiction plusieurs fois centenaire. Diaboliquement séduisante, elle se métamorphose sous son influence maléfique en une dangereuse prédatrice.

Après le phénomène Massacre à la tronçonneuse (1974), son second long métrage, Tobe Hooper enchaîne avec Le Crocodile de la mort, un nouveau film d’horreur gore avec Marilyn Burns, Mel Ferrer et William Finley, récompensé dans de nombreux festivals. Le cinéaste a alors le vent en poupe. Pour la télévision, il adapte Salem, le chef d’oeuvre et best-seller de Stephen King, dans un téléfilm de trois heures. En 1981, il fait son retour au cinéma avec Massacres dans le train fantôme, qui sera un échec à sa sortie. Heureusement, le carton mondial de Poltergeist va le remettre momentanément sur le devant de la scène. Mais cela est de courte durée. Le réalisateur signe un contrat avec la célèbre Cannon, pour laquelle il met en scène Lifeforce (1985), L’Invasion vient de Mars (1986) et Massacre à la tronçonneuse 2 (1986). Deux échecs conséquents et un succès d’estime.

A la fin des années 1980, la position de Tobe Hooper au sein de l’industrie cinématographique est menacée. Il se tourne alors vers la télévision et réalise l’épisode pilote de la série Freddy, le cauchemar de vos nuits (Freddy’s Nightmares), ainsi qu’un épisode pour celle des Contes de la crypte. Il accepte également la proposition du producteur et scénariste Bruce Lansbury, grand manitou des séries Les Mystères de l’Ouest, Mission impossible, Wonder Woman, Buck Rogers, Tonnerre mécanique, K 2000. Un C.V. plutôt conséquent. Bruce Lansbury offre à Tobe Hooper l’opportunité de revenir au genre fantastique avec I’m Dangerous Tonight, également connu sous le titre Red Evil Terror, ou bien encore Robe de sang pour son exploitation française. Si le récit est somme toute classique, ce téléfilm reste très efficace et permet surtout d’admirer la ravissante Mädchen Amick, tout juste révélée par la série Twin Peaks.

Un anthropologue reçoit un sarcophage aztèque, naguère utilisé comme autel pour des sacrifices humains. A l’intérieur se trouve un cadavre vêtu d’une cape rouge, celle des bourreaux aztèques. Notre scientifique voit dans ce bout de tissu le moyen de prouver sa théorie animiste, selon laquelle certains objets sont dotés d’une âme. Il n’a pas tort : à peine a-t-il mis la cape sur ses épaules qu’il assassine le gardien de son musée, puis retourne chez lui où il tue sa femme et met ensuite fin à ses jours. Là-dessus, une étudiante nommée Amy entre en possession de la cape et décide d’en faire une robe. Mais une malédiction pèse sur cette étoffe rouge et quiconque la portera désormais sera sous son envoûtement.

Dire que le scénario de Robe de sang est cousu de fil blanc serait trop simple. Disons que cette adaptation d’une nouvelle de Cornell Woolrich (L’Homme-léopard, Fenêtre sur cour, La Mariée était en noir) possède ce côté rétro-vintage qui ne manque pas de charme et qui fonctionne encore bien près de trente ans après. Evidemment, Robe de sang, production réalisée pour la télévision, ne permet pas à Tobe Hooper de se lâcher complètement. Rares sont les giclées de sang dans I’m Dangerous Tonight, même si l’on pourra s’étonner du meurtre plutôt brutal sous la douche où une jeune femme, sous l’emprise de la robe maudite, étrangle son boyfriend sportif avec un rire pervers, avant de l’émasculer avec une lame de rasoir ! La confrontation d’Amy avec sa grand-mère est également un grand moment et du pur Hooper.

Du point de vue technique, Robe de sang n’a souvent rien à envier aux productions du genre qui fleurissent aujourd’hui dans les salles. Bien au contraire. Tobe Hooper joue surtout avec les couleurs, privilégie la teinte rouge de la robe envoûtée (voir l’apparition d’Amy au bal, comme dans Cendrillon) en lui opposant la couleur bleue, omniprésente dans le reste du décor. Si la première partie centrée sur le personnage d’Amy qui lutte contre le pouvoir de la robe (on pense ainsi au Spider-man noir du troisième opus de Sam Raimi) est plus intéressante que la seconde avec cette enquête policière sur des meurtres commis par une autre femme arborant le vêtement ensorcelé, Robe de sang est toujours aussi divertissant.

Le charme et la fragilité de Mädchen Amick agissent comme au premier jour. A ses côtés, R. Lee Ermey (le sergent Hartman de Full Metal Jacket), qui vient tout juste de nous quitter, s’amuse à jouer un flic bourru, cigare dégueu à la bouche qui empeste son entourage, tandis qu’Anthony Perkins, dans un de ses derniers rôles, campe un professeur d’université qui semble très attiré par les capacités du tissu diabolique. Robe de sang reste méconnu dans l’oeuvre de Tobe Hooper. Sa sortie inattendue en DVD sous la houlette de Movinside devrait attirer et faire le bonheur de ses aficionados.

LE DVD

Le DVD de Robe de sang, disponible chez Movinside, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante et attractive. Cette collection « Trésors du fantastique », est dirigée par Marc Toullec et Jean-François Davy. Le menu principal est quant à lui animé et musical.

Nous retrouvons justement Marc Toullec pour une présentation de Robe de sang (9’). Visiblement, l’intéressé a su prendre en compte les quelques critiques publiées ces derniers mois sur ses interventions puisque, même si le journaliste lit une fois de plus un travail préparé en amont, Marc Toullec se montre non seulement plus à l’aise devant la caméra, mais sa présentation paraît également plus naturelle. Le boulot est bien fait, nous en apprenons sur la mise en route de Robe de sang, replacé dans la carrière de Tobe Hooper, sans oublier le casting alors passé en revue.

L’Image et le son

Robe de sang est un téléfilm. Néanmoins, le master proposé par Movinside est de bon acabit avec des contrastes corrects, des couleurs soignées et une évidente clarté sur les séquences diurnes. Si les noirs paraissent bouchés et que diverses poussières ont réussi à passer à travers les mailles de la restauration, la copie est propre, stable et ne manque pas d’attraits.

Nous ne trouvons pas de version française sur cette édition DVD. Le mixage anglais Dolby Digital 2.0 instaure un bon confort acoustique avec des dialogues délivrés avec efficacité et clarté. La propreté est de mise, sans aucun souffle et les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1990, MTE Inc. All Rights Reserved / Universal Studios / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Detroit, réalisé par Kathryn Bigelow

DETROIT réalisé par Kathryn Bigelow, disponible en DVD et Blu-ray le 20 février 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, Jacob Latimore, Jason Mitchell, Hannah Murray, Jack Reynor…

ScénarioMark Boal

Photographie : Barry Ackroyd

Musique : James Newton Howard

Durée : 2h23

Année de sortie : 2017

LE FILM

Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. À Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd : trois hommes, non armés, seront abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés…

La grande, l’immense réalisatrice Kathryn Bigelow est de retour au cinéma avec un film choc, coup de poing, un uppercut, un fantastique drame historique qui revient sur les émeutes survenues à Détroit en 1967, avec comme point d’orgue les tristes événements de l’Algiers Motel. Dixième long métrage et presque autant de claques depuis The loveless, son premier film en 1982 coréalisé avec Monty Montgomery, Detroit démontre une fois de plus que Kathryn Bigelow, à ce jour la seule femme récompensée aux Oscar (pour Démineurs en 2009, 6 statuettes), possède non seulement une place particulière au sein de l’industrie hollywoodienne, mais qu’elle demeure l’une des plus importantes cinéastes contemporaines. D’une brûlante actualité, passionnant, viscéral, sans concessions et frontal, Detroit est un nouveau chef d’oeuvre à inscrire à son palmarès.

Dans la nuit du 25 au 26 juillet 1967, d’importantes émeutes ont lieu à Détroit dans le Michigan, pour protester contre la ségrégation raciale aux États-Unis et la guerre du Viêt Nam. L’armée vient prêter main-forte à la police, qui reçoit des plaintes à propos de pillages, d’incendies et de tirs d’armes à feu. 8000 gardes nationaux, 4700 soldats, 360 policiers sont mobilisés. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir des détonations. Dans ce chaos, Melvin Dismukes, un agent de sécurité privé afro-américain, tente de survivre tout en protégeant ses semblables. Malheureusement, trois adolescents noirs sont battus et tués par des policiers. Neuf autres personnes, deux jeunes femmes blanches et sept hommes noirs, sont sévèrement battus puis humiliés. Des plaintes pour agressions criminelles, conspirations, meurtres et conspirations d’abus de droits civils ont été déposées contre trois policiers et un gardien de sécurité. Après un procès, tous les inculpés ont été déclarés non coupables.

Kathryn Bigelow réunit des comédiens exceptionnels, parmi lesquels se distinguent John Boyega (la nouvelle trilogie Star Wars), John Krasinski et Anthony Mackie. Mais celui qui s’impose une fois de plus, dans le rôle de l’ogre, du monstre suintant, est sans conteste le jeune Will Poulter. Apparu au cinéma en 2010 dans Le Monde de Narnia : L’Odyssée du Passeur d’Aurore de Michael Apted, il explose trois ans plus tard dans Les Miller, une famille en herbe de Rawson Marshall Thurber dans le rôle du naïf Kenny qui se faisait mordre par une tarentule à un endroit sensible de l’anatomie. Le comédien de 25 ans fait ensuite partie de la trilogie Le Labyrinthe. Très courtisé par les cinéastes, Will Poulter passe ensuite devant la caméra d’Alejandro G. Iñárritu pour The Revenant et celle de David Michôd pour War Machine, exclusivité Netflix. Mais son rôle de Philip Krauss dans Detroit le propulse encore plus loin. Avec ses traits uniques, il est incontestablement LE monstre raciste, sadique et terrifiant de Detroit, le personnage qu’on n’oublie pas et celui à travers lequel se cristallise tout le récit. Toute cette longue séquence d’horreur et de huis clos dans le motel mettra mal à l’aise même le spectateur le plus préparé.

Pendant le tournage, Detroit commençait à susciter la controverse, notamment concernant la légitimité de Kathryn Bigelow à traiter de ce sujet central dans l’histoire afro-américaine. La cinéaste et son fidèle scénariste Mark Boal (Démineurs, Zero Dark Thirty) ont donc usé de leur talent d’écriture et de metteur en scène comme d’une arme pour raconter et rappeler au monde entier l’exactitude des faits, ainsi que la répression sanglante survenus cinquante ans auparavant et leurs conséquences (43 morts, 1189 blessés, 7231 arrestations), qui trouvent encore aujourd’hui une troublante résonance dans l’actualité.

On reste également ébahis par la perfection stylistique, cette énergie insufflée à chaque plan, Kathryn Bigelow n’hésitant pas à avoir recours à 3 ou 4 caméras tournant simultanément autour des comédiens pour pouvoir capter l’effervescence de la situation, le chaos intérieur et extérieur, les regards, les larmes et l’angoisse des personnages, parfois à la frontière du documentaire avec l’utilisation d’images d’archives. On ressort exténués de Detroit, véritable, terrible, indispensable, immense expérience cinématographique et sensorielle, doublée d’une glaçante et essentielle réflexion politique.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Detroit, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier classique de couleur bleue glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est légèrement animé et musical.

Le gros point faible de cette édition provient de son interactivité. 12 minutes de bonus divisées en huit featurettes promotionnelles ! Autant dire que nous n’apprenons pas grand-chose, mais c’est ici l’occasion de voir les véritables témoins et rescapés des événements racontés dans le film. Leurs témoignages sont croisés avec ceux des comédiens, de journalistes, de la réalisatrice et de son scénariste.

L’Image et le son

Pour la superbe photo de son film, Kathryn Bigelow s’est octroyé les talents du grand chef-opérateur Barry Ackroyd (Capitaine Phillips, Démineurs, Vol 93). Comme le directeur de la photographie plonge les personnages dans une pénombre angoissante, nous vous conseillons de visionner Detroit dans une pièce très sombre afin de jouir des volontés artistiques originales et surtout afin de mieux plonger dans l’ambiance des séquences nocturnes. Le Blu-ray immaculé édité par Studiocanal restitue habilement la profondeur des contrastes et les éclairages, en profitant à fond de la HD. La copie est d’une stabilité à toutes épreuves, le léger grain flatte les rétines et la mise en scène souvent agitée de la réalisatrice n’occasionne jamais de pertes de la définition. Ce Blu-ray (1080p) est superbe.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 restituent merveilleusement les dialogues, les affrontements et les ambiances. La balance frontale est joliment équilibrée, les latérales interviennent évidemment sur toutes les séquences en extérieur, tandis que le caisson de basses ne se gêne pas pour souligner chaque séquence agitée. Le confort acoustique est assuré. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste en Audiodescription.

Crédits images : © Mars Films / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Carbone, réalisé par Olivier Marchal

CARBONE réalisé par Olivier Marchal, disponible en DVD et Blu-ray le 7 mars 2018 chez EuropaCorp

Acteurs :  Benoît Magimel, Gringe, Idir Chender, Laura Smet, Michaël Youn, Dani, Patrick Catalifo, Gérard Depardieu, Moussa Maaskri, Catherine Arditi…

ScénarioOlivier Marchal, Emmanuel Naccache

Photographie : Antony Diaz

Musique : Erwann Kermorvant

Durée : 1h44

Année de sortie : 2017

LE FILM

Menacé de perdre son entreprise, Antoine Roca, un homme ordinaire, met au point une arnaque qui deviendra le casse du siècle. Rattrapé par le grand banditisme, il lui faudra faire face aux trahisons, meurtres et règlements de compte.

Qui l’eût cru ? Olivier Marchal a réalisé un bon film, un très bon film même. En s’inspirant de la fraude à la TVA sur les quotas de carbone qui a coûté plus de 6 milliards d’euros à l’Union Européenne dont près de deux milliards à la France entre 2008 et 2009, l’auteur et metteur en scène de Gangsters, 36 quai des Orfèvres, MR 73 et Les Lyonnais a mis tous ses tics de côté pour se concentrer sur un scénario en béton. Résultat, la sobriété lui sied à ravir et Carbone est non seulement prenant, mais aussi un film qui a de la gueule et solidement interprété, notamment par un Benoît Magimel magnétique, quasiment de tous les plans.

Antoine Roca (Benoît Magimel) est menacé de perdre l’entreprise familiale de transport routier. Après avoir parlé à son expert-comptable et ami Laurent Melki (Michaël Youn), il a l’idée d’une fraude à la TVA sur les quotas de carbone dans l’Union européenne. Pour cela, il contacte deux connaissances de soirées poker plus habituées aux fraudes, les frères Éric (Idir Chender) et Simon Wizman (Gringe) ainsi que leur mère, Dolly (Dani). Pour se lancer dans leurs combines, cette petite bande a cependant besoin de fonds. Étant donné qu’Antoine est grillé dans la communauté juive à cause de son richissime beau-père, Aron Goldstein (Gérard Depardieu), ils doivent emprunter à une figure du grand banditisme, Kamel Dafri (Moussa Maaskri).

S’il ne peut s’empêcher d’avoir recours à un certain langage fleuri (« des couilles, des couilles, des couilles » pour la réplique la moins inspirée) et à quelques morceaux de rap pour donner un cachet « djeuns », Olivier Marchal signe son meilleur film, ni plus ni moins. Peut-être parce-qu’il n’en est pas le premier auteur. Le scénario concocté par Emmanuel Naccache (réalisateur de Kidon) ne s’encombre pas de propos ou d’explications hermétiques et se sert surtout de cette arnaque pour se focaliser sur ses répercussions sur ceux-là même qui l’ont mise en place. D’ailleurs, de l’aveu même de Marchal, ce n’est pas le détournement d’argent qui l’intéresse, mais plutôt ce qui a pu motiver ces individus à passer à l’acte, sans toutefois leur trouver des excuses et aller dans leur sens.

Si tout cela va un peu trop vite en besogne, il n’y a pas de gras dans Carbone, qui reste pied au plancher du début à la fin, en s’attachant au personnage principal. Si Scarface est et demeure l’une des inspirations d’Olivier Marchal, sa grande référence est étonnamment A Most Violent Year de J.C. Chandor. La tempête couve sous le calme apparent d’Antoine, et Carbone est curieusement dans une retenue permanente. Et c’est justement là la grande surprise du film puisque Olivier Marchal lui-même met la pédale douce sur la violence, qu’elle soit physique ou verbale, mais également dans sa mise en scène, sèche et maîtrisée.

Carbone est un film élégant et toutes les scènes nocturnes sont excellemment photographiées par le chef opérateur Antony Diaz, ancien assistant sur MR73, Braquo et Les Lyonnais, qui donne au récit une atmosphère sensuelle. Le casting est au diapason. Aux côtés de Benoît Magimel, impérial et qui n’a jamais été aussi empathique depuis qu’il a pris de « l’épaisseur », Michaël Youn, charismatique et même épatant, se taille la part du lion dans un rôle loin de ceux qui l’ont fait connaître. Laura Smet (dans une scène très difficile), Idir Chender, Guillaume Tranchant (aka Gringe), le flippant Moussa Maaskri, sans oublier les vétérans Dani et Gérard Depardieu (sublime) ont tous leur partition à jouer dans cette symphonie conduite par un Olivier Marchal très inspiré.

On espère que ce dernier continuera dans cette voie et qu’il saura s’éloigner toujours plus de ses précédents thrillers vulgaires, laids, prétentieux et nauséabonds. On a confiance !

LE DVD

Le test du DVD de Carbone, disponible chez EuropaCorp, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur propose tout d’abord un mini making-of (3’) constitué de rapides images de tournage et d’interviews de l’équipe. Pas grand-chose à signaler, les propos se contentent de présenter l’histoire et les personnages.

Dans son entretien suivant, Olivier Marchal revient plus en détails sur la genèse de Carbone, les partis pris, ses intentions et son travail avec les comédiens (13’30). Le réalisateur se penche sur la mise en scène, qu’il voulait élégante, mais aussi sur sa collaboration avec le jeune directeur de la photographie Antony Diaz. Enfin, il ne tarit pas d’éloges sur Benoît Magimel, qu’il compare à Philippe Léotard et Patrick Dewaere.

L’Image et le son

Le master SD restitue habilement les volontés artistiques du chef opérateur Antony Diaz en conservant un très léger grain cinéma, des couleurs à la fois chaudes et froides, des contrastes léchés ainsi qu’un relief constamment palpable. Ces volontés artistiques entraînent certes une image parfois plus douce, une légère perte de la définition sur les très nombreuses séquences nocturnes, mais ce serait vraiment chipoter car la compression est solide, les détails sont légion sur le cadre large et les visages des comédiens, le piqué est aiguisé, les noirs denses et la copie éclatante.

Le confort acoustique est plaisant grâce à la piste française Dolby Digital 5.1. Les voix sont claires et limpides sur la centrale, la spatialisation musicale est systématique, les basses énergiques pour les séquences en nightclub et la balance frontale dynamique. Les latérales assurent avec quelques ambiances naturelles et savent se faire entendre aux moments opportuns. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Copyright Mika Cotellon / 2016 – LES FILMS MANUEL MUNZ – EUROPACORP – NEXUS FACTORY – UMEDIA / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / D’après une histoire vraie, réalisé par Roman Polanski

D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE réalisé par Roman Polanski, disponible en DVD et Blu-ray le 6 mars 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Emmanuelle Seigner, Eva Green, Vincent Perez, Camille Chamoux, Dominique Pinon, Josée Dayan…

ScénarioOlivier Assayas, Roman Polanski d’après le roman « D’après une histoire vraie » de Delphine De Vigan

Photographie : Pawel Edelman

Musique : Alexandre Desplat

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Delphine est l’auteur d’un roman intime et consacré à sa mère devenu best-seller. Déjà éreintée par les sollicitations multiples et fragilisée par le souvenir, Delphine est bientôt tourmentée par des lettres anonymes l’accusant d’avoir livré sa famille en pâture au public. La romancière est en panne, tétanisée à l’idée de devoir se remettre à écrire. Son chemin croise alors celui de Elle. La jeune femme est séduisante, intelligente, intuitive. Elle comprend Delphine mieux que personne. Delphine s’attache à Elle, se confie, s’abandonne. Alors qu’Elle s’installe à demeure chez la romancière, leur amitié prend une tournure inquiétante. Est-elle venue combler un vide ou lui voler sa vie ?

Mais qu’est-il arrivé à Roman Polanski ? Nous ne parlons pas des histoires dans lesquelles il est impliqué, mais bel et bien de son dernier opus, D’après une histoire vraie, adapté du roman éponyme de Delphine de Vigan, Prix Renaudot et du prix Goncourt des lycéens en 2015. Soyons honnêtes, depuis l’incroyable The Ghost Writer en 2010, le cinéaste n’a jamais su retrouver l’étincelle, l’inspiration et sa virtuosité. Carnage (2011) et La Vénus à la fourrure (2013) ont laissé un piètre souvenir et ont plus agacé que réellement convaincu. Mais alors là, nous étions loin de penser que Roman Polanski tomberait aussi bas.

Ce thriller s’apparente à un téléfilm fauché, réalisé pour être diffusé sur France 3 un samedi soir. Si Emmanuelle Seigner parvient à tirer son épingle du jeu, sa partenaire Eva Green porte le film jusqu’aux confins du nanar en livrant sa plus mauvaise interprétation à ce jour. A croire que la langue française ne lui porte pas bonheur. De son côté, Roman Polanski évoque une fois de plus la panne d’inspiration et le processus créatif, dans une variation féminine de The Ghost Writer, mais mâtiné ici de Misery puisque la romancière à succès est confrontée à une admiratrice envahissante.

Une association au scénario de Roman Polanski avec Olivier Assayas pouvait laisser espérer une intrigue solide. C’est dire si le résultat final étonne par son amateurisme, tant sur le fond que sur la forme. Par ailleurs, le réalisateur manque la première apparition du personnage d’Elle, en dévoilant sa véritable nature. S’ensuivent des séquences sans intérêt et surtout très mal jouées par Eva Green que nous étions loin d’imaginer aussi mauvaise il faut bien l’avouer. C’est bien simple, aucune de ses répliques ne tombe juste et son jeu se résume à des froncements de sourcils permanents, une bouche pincée, tandis que la comédienne enchaîne ses dialogues de façon monocorde. Même son éternel sex-appeal semble éteint en raison d’une photographie laide et froide signée Pawel Edelman.

Bien que certaines séquences aient été tournées en extérieur, à Paris notamment, D’après une histoire vraie est étouffant. Non pas dans le sens où le thriller voudrait nous emmener en voulant instaurer un suspense, qui ne fonctionne d’ailleurs jamais, mais en raison de la platitude de la mise en scène qui comme ses personnages reste figée, lourde, en léthargie. Aux pauvres décors s’ajoutent un montage approximatif, qui non seulement ne parvient jamais à instaurer de rythme, mais qui semble aller à vau-l’eau à mesure que le métrage avance péniblement. Dès le début, on reste éberlué par cette succession de plans sans âme. Si l’on est tout d’abord convaincu de se retrouver face à un navet, on ne peut s’empêcher de jubiler (malgré-nous) en voyant jusqu’où la catastrophe peut aller.

S’il y a une chose à sauver, une seule, c’est pourtant la musique d’Alexandre Desplat, qui parvient à donner au film une certaine ironie, comme si le compositeur se rendait compte de l’ineptie qu’il devait illustrer à l’écran. Pourtant, du beau monde défile  avec successivement Vincent Perez (dans le rôle de …François Busnel), Brigitte Roüan, Noémie Lvovsky, Dominique Pinon, Camille Chamoux, comme si ces derniers avaient tout fait pour apparaître au générique d’un Polanski. Ils n’ont malheureusement rien à défendre, si ce n’est combler les nombreux trous d’air du récit.

Présenté hors-compétition au Festival de Cannes en 2017, D’après une histoire vraie aura plus fait parler de lui lors du photocall en raison du baiser échangé entre les deux têtes d’affiche. Les huées et les critiques négatives ont très vite suivi, ainsi que l’énorme échec commercial du film dans les salles quelques mois après, présenté dans une nouvelle mouture amputée de dix minutes. On ne sait pas si Roman Polanski parviendra à faire aboutir son projet sur l’affaire Dreyfus, mais on espère sincèrement que son prochain long métrage fera oublier cet immense faux-pas et thriller psychologique de pacotille. Si vous voulez revoir du bon Roman Polanski, redonnez une chance au Mother! de Darren Aronofsky, bien plus polanskien que cette soupe indigeste et gênante.

LE DVD

Pour sa sortie dans les bacs, l’éditeur a changé le visuel de l’affiche originale du film de Roman Polanski, en se focalisant cette fois sur les deux comédiennes principales. Mais tout cela est un peu triste. Comme le menu principal, fixe et musical.

Aucun supplément sur le DVD.

L’Image et le son

Roman Polanski et son chef opérateur Pawel Edelman (Le Pianiste, The Ghost Writer, Ray) ont opté pour des prises de vue réalisées grâce à la caméra numérique Arri Alexa XT. Si nous n’avons pas pu avoir le Blu-ray entre les mains, le master SD se révèle impeccable et révèle une gestion solide des contrastes. Certes, quelques sensibles fourmillements s’invitent sur les scènes sombres ou tamisées et le piqué manque parfois de mordant, mais la réussite technique est au rendez-vous, la colorimétrie est froide et les détails appréciables sur le cadre large.

Le seul élément que l’on retient de D’après une histoire vraie, c’est la belle musique d’Alexandre Desplat. Autant dire que nous ne sommes pas déçus par le mixage Dolby Digital 5.1 qui crée une remarquable spatialisation, d’autant plus que la musique est quasiment omniprésente. Les dialogues ne sont jamais noyés par les ambiances et les effets annexes, la balance frontale est riche et les latérales ne sont pas en reste. L’éditeur joint également une piste Stéréo très dynamique, une version Audiodescription, ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Carole Bethuel / Studiocanal / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Oeil du témoin, réalisé par Peter Yates

L’OEIL DU TÉMOIN (Eyewitness) réalisé par Peter Yates, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  William Hurt, Sigourney Weaver, Christopher Plummer, James Woods, Irene Worth, Kenneth McMillan, Pamela Reed, Albert Paulsen, Steven Hill, Morgan Freeman…

Scénario :  Steve Tesich

Photographie : Matthew F. Leonetti

Musique : Stanley Silverman

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Le corps d’un notable vietnamien est retrouvé sans vie dans un immeuble de Manhattan. Gardien de nuit dans le même immeuble, Daryll prétend connaître l’identité du tueur, mais il n’est en fait qu’intéressé par la séduisante journaliste Tony Sokolow, qui mène l’enquête et qu’il espère séduire avec ses prétendues informations. Dans l’ombre, le véritable tueur guette toujours.

Pour les cinéphiles, Peter Yates (1929-2011) est avant tout le réalisateur du mythique Bullitt (1968) avec Steve McQueen, et des Grands fonds (1977) dans lequel Jacqueline Bisset aura marqué de nombreux spectateurs avec son célèbre t-shirt mouillé. Bien qu’il ait travaillé avec les plus grands, Dustin Hoffman, Mia Farrow, Peter O’Toole, Robert Redord, George Segal, Robert Mitchum, le reste de la filmographie de Peter Yates reste étonnamment peu connu. C’est le cas de L’Oeil du témoinEyewitness, réalisé en 1981, qui détonne avec œuvres précédentes puisque le cinéaste y dirige une nouvelle génération de comédiens, William Hurt, Sigourney Weaver et James Woods, tout juste âgés de trente ans. Ni tout à fait un polar, ni tout à fait un drame ou un thriller, L’Oeil du témoin est un film étrange, constamment entre deux eaux, qui peine à trouver un équilibre et à éveiller l’intérêt.

Vétéran du Viêt Nam, Daryll Deever (William Hurt) est aujourd’hui gardien de nuit dans un immeuble de Manhattan. Une nuit, Long, un homme d’affaires douteux d’origine vietnamienne, est assassiné dans son bureau. Daryll, qui a découvert le corps, soupçonne son ami Aldo (James Woods), récemment mis à la porte par la victime, d’être le meurtrier. Soupçons confortés par le regain de fortune dont Aldo profite depuis peu. Dehors, les journalistes sont déjà là, avides de révélations. Pour séduire la belle et brillante Tony Sokolow (Sigourney Weaver), dont il est secrètement amoureux, Daryll lui fait croire qu’il en sait plus qu’il ne le dit. Alors qu’une enquête est entamée par les autorités, la police le porte sur sa liste des suspects…

L’Oeil du témoin donne cette impression d’être balancé entre divers courants. A la fois old-school dans son traitement, teinté de Nouvel Hollywood et ouvrant les années 1980, le film de Peter Yates peine à convaincre et ce malgré de nombreux points positifs. Tout d’abord le casting. Eyewitness n’est que la seconde apparition au cinéma de William Hurt après Au-delà du réel de Ken Russell, sorti l’année précédente. Et il y est déjà très bien dans la peau de ce personnage qu’on imagine triste et paumé. La femme dont il est épris, et on le comprend, est interprétée par la grande Sigourney Weaver qui venait de faire ses débuts fracassants au cinéma, en apparaissant tout d’abord dans Annie Hall de Woody Allen en 1977, avant d’enchaîner avec Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979) qui a fait d’elle une star planétaire. L’Oeil du témoin marquait alors son retour sur le grand écran, deux ans après avoir affronté la créature du Nostromo. A leurs côtés, James Woods, Christopher Plummer, Morgan Freeman et Pamela Reed sont également de la partie.

Autre réussite, l’atmosphère trouble que le réalisateur britannique parvient à instaurer, comme si l’on ne pouvait situer L’Oeil du témoin dans le temps. Peter Yates filme ses personnages comme s’ils étaient perdus, sans repères, en particulier Daryll, ancien du Viêt Nam, qui vit depuis toujours dans un appartement exigu avec son chien et qui parvient chichement à joindre les deux bouts en faisant le ménage et en vidant les poubelles d’un immeuble, la nuit, après que les hommes d’affaires soient rentrés chez eux. Il y a un attachement de Peter Yates pour son protagoniste, solitaire, qui a visiblement eu du mal à se réinsérer après son retour chez l’Oncle Sam. Rien n’est expliqué, juste suggéré. Le personnage le plus ambigu reste celui campé par Sigourney Weaver, que l’on imagine alléchée par une promesse de scoop et qui en même temps se prend d’affection (ou plus) pour l’homme étrange qu’est Daryll.

Finalement, on se soucie beaucoup moins de cette histoire de meurtre, qui passe quasiment au second plan, tout comme le thème de l’émigration de juifs soviétiques aux Etats-Unis. D’ailleurs, les révélations et les motivations de cet assassinat déçoivent. L’Oeil du témoin manque également de rythme, mais cette fois encore cela fait partie de l’ambiance distillée par le réalisateur. Le film est lent, un peu mou, mais on ne s’y ennuie pas grâce au jeu impliqué des acteurs, que l’on a de cesse d’admirer. Et le final au milieu des chevaux reste aussi original que marquant.

LE BLU-RAY

L’Oeil du témoin est disponible en Haute-Définition chez Movinside. Il intègre la collection de l’éditeur « Suspense-Polar ». La jaquette élégante est glissée dans un boîtier classique de couleur noire. C’est la première fois que le film de Peter Yates est disponible dans nos contrées en DVD et Blu-ray. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément.

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré est propre et stable. Point de poussières à l’horizon, ni de points ou de griffures. En revanche, les noirs paraissent tantôt concis tantôt poreux, manquent d’équilibre et dénaturent quelque peu le piqué. Cela est d’autant plus visible, parfois gênant, sur les nombreuses séquences qui se déroulent dans l’appartement terne de Daryll ou dans le sous-sol où il travaille. Pas de profondeur de champ. Mais s’il est vrai que le film a déjà plus de 35 ans, cette copie HD s’en sort plutôt bien et l’apport de la Haute Définition demeure flagrant au niveau des plans rapprochés ainsi que de la palette chromatique des séquences diurnes. Un grain cinéma, parfois un peu hasardeux c’est vrai, est heureusement conservé donnant une texture non déplaisante à l’image. Certes ce master ne rivalise pas avec les standards HD actuels mais offre au film de Peter Yates un écrin inédit et finalement idéal pour être redécouvert.

Les version originale et française sont proposées en DTS HD Master Audio 2.0. La première est plus naturelle, plus immersive avec de très belles ambiances intimistes bien que les voix des comédiens auraient pu être un poil plus ardentes. La partition de Stanley Silverman est dynamique et l’ensemble est bien plus fluide, riche et équilibrée qu’en version française. Celle-ci jouit d’un excellent doublage avec Richard Darbois (pour William Hurt), Evelyn Selena (pour Sigourney Weaver) et Dominique Collignon-Maurin (pour James Woods). Cette piste est de bon acabit. Cependant, bien que le niveau des dialogues demeure vif, l’aspect feutré reste moins convaincant. La version anglaise s’impose également par une homogénéité plus évidente.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Home Entrertainment LLC. All rights reserved Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Acts of Vengeance, réalisé par Isaac Florentine

ACTS OF VENGEANCE réalisé par Isaac Florentine, disponible en DVD et Blu-ray le 14 mars 2018 chez AB Vidéo

Acteurs :  Antonio Banderas, Cristina Serafini, Atanas Srebrev, Karl Urban, Paz Vega, Robert Forster, Lillian Blankenship…

Scénario :  Matt Venne

Photographie : Yaron Scharf

Musique : Frederik Wiedmann

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Fou de douleur après le meurtre de sa femme et de sa fille, un avocat à la langue bien pendue fait vœu de silence et s’entraîne méthodiquement pour réussir à les venger.

Le nouveau Direct To Video d’Antonio Banderas est arrivé. Et c’est encore de la bonne came. Après le fort sympathique Security d’Alain Desrochers, le comédien espagnol est déjà de retour et il est en très grande forme. Voici donc Acts of Vengeance, réalisé par Isaac Florentine, qui a fait ses classes sur les diverses séries télévisées Power Rangers, avant de signer pour le cinéma Ninja (2009) et Ninja 2: Shadow of a Tear (2012) avec Scott Adkins. D’après un scénario de Matt Venne, habituellement cantonné aux suites destinées à la vidéo (La Voix des morts 2, Mirrors 2, Fright Night 2), Isaac Florentine emballe très efficacement cette pure série B, à l’intrigue classique, à mi-chemin entre Taken et John Wick, sans oublier une larmichette de Daredevil. Pour résumer, le récit est prétexte à montrer le sieur Banderas distribuer des bourre-pifs, domaine dans lequel il excelle tout particulièrement.

Après le meurtre inexpliqué de sa fille et de sa femme, un avocat spécialisé dans la défense d’individus douteux, décide de trouver lui-même les assassins suite au gel de l’enquête de police par manque d’informations. Entre quête de rédemption et vengeance personnelle, Il n’aura d’autre choix qu’un déchainement de violence pour arriver à ses fins.

Rien de bien nouveau donc, mais pourtant Acts of Vengeance remplit son contrat et n’est en aucun cas un nanar, ni un navet. D’une part parce que la mise en scène est étonnamment sobre et bien tenue, d’autre part parce que les séquences d’action s’avèrent particulièrement convaincantes, brutales, avec des coups qui font mal. Et de ce point de vue-là, Antonio Banderas assure le spectacle du début à la fin, même si on ne peut échapper à la scène incontournable de la découverte des corps, suivie du cri du mari et père de famille comme Sean Penn dans Mystic River de Clint Eastwood. Après le drame, le personnage arbore des lunettes noires, s’engueule avec la police en les traitant d’incompétents quant à l’enquête qui piétine sur l’assassin de sa famille. Ensuite, mister Banderas se bourre la gueule et cherche à en prendre plein la tronche dans des combats amateurs et illégaux, avant de se rendre compte que ce n’est pas en tentant de clamser sur le bitume qu’il retrouvera l’auteur des crimes. Alors il se rend au Décathlon du coin et achète quelques poids et haltères, ainsi qu’un ban de muscu pour se tailler les abdos. Un montage rigolo à la Steven Seagal dans Echec et mort de Bruce Malmuth montre ses progrès et ses performances en arts martiaux, jusqu’à ce qu’il parvienne à mettre son master à terre, par ailleurs interprété par Isaac Florentine lui-même. Il est prêt. La vengeance peut commencer.

Mais avant cela, alors qu’il vient de subir une agression, il panse sa blessure avec un livre qui traînait là, Pensées pour moi-même de Marc Aurèle, philosophe stoïcien. En lisant l’ouvrage, Frank, puisque c’est son nom, décide de faire vœu de silence, tant que sa femme et sa fille ne seront pas vengées. C’est bon cette fois ? Attention à ceux qui croiseront sa route et qui lui chercheront des noises, d’autant plus qu’en ne disant plus un mot, cela a fini par développer son ouïe comme le héros aveugle de Marvel. Pratique quand un mec mal attentionné sort une lame pour lui planter dans le dos.

Acts of Vengeance déroule son récit standard sur un montage réussi. Le rythme est soutenu et le vigilante repose sur la performance et le charisme d’Antonio Banderas. C’est sec, divertissant, bad-ass et l’acteur principal est bien épaulé par Karl Urban, Robert Forster (dans une petite, mais marquante apparition) et Paz Vega, que l’on a bien du mal à reconnaître. Tout cela pour dire qu’à l’instar de Security, Acts of Vengeance est largement recommandable et saura trouver son public.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Acts of Vengeance est disponible chez AB Vidéo. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est sobre, animé et musical.

L’éditeur ne propose que la bande-annonce (vostf) comme supplément.

L’Image et le son

Même si le Blu-ray est au format 1080i, AB Vidéo prend soin de ce titre qui sort directement dans les bacs chez nous. Ce master HD français (les credits sont dans la langue de Molière) est soigné et le transfert solide. Respectueuse des volontés artistiques originales la copie d’Acts of Vengeance se révèle propre et tire agréablement partie de la HD avec des teintes froides et une palette chromatique spécifique, le tout soutenu par un solide encodage. Le piqué, tout comme les contrastes, sont souvent tranchants, les arrière-plans sont détaillés, le relief plaisant, les noirs denses et les détails foisonnants. Hormis quelques légers fléchissements de la définition sur les scènes sombres, cette édition Blu-ray permet de découvrir Acts of Vengeance dans de bonnes conditions techniques.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up. Deux pistes Stéréo sont également disponibles.

Crédits images : © Stoic Productions, Inc / AB Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Foreigner, réalisé par Martin Campbell

THE FOREIGNER réalisé par Martin Campbell, disponible en DVD et Blu-ray le 8 mars 2018 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs :  Jackie Chan, Pierce Brosnan, Orla Brady, Ray Fearon, Rory Fleck-Byrne, Michael McElhatton, Charlie Murphy, Stephen Hogan, Katie Leung…

ScénarioDavid Marconi

Photographie : David Tattersall

Musique : Cliff Martinez

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Modeste propriétaire d’un restaurant londonien, Quan perd sa fille dans un attentat terroriste politique. Prêt à tout pour retrouver les responsables et venger sa mort, il se tourne vers un membre du gouvernement irlandais haut placé, Liam Hennessy, qui a, tout comme lui, un passé trouble… Alors que Quan s’engage dans un chassé-croisé de plus en plus tendu avec Hennessy, il va voir ressurgir ce qu’il croyait avoir enfoui en lui de plus sombre…

Âgé aujourd’hui de plus de 60 ans, Jackie Chan se trouve encore obligé de démontrer qu’il est avant tout comédien et pas seulement une star du film d’action. Fatigué qu’on lui propose toujours le même type de rôle, à savoir « le flic de Hong Kong qui débarque aux Etats-Unis où il doit faire équipe avec un de ses confrères américain », l’acteur chinois semblait perdre espoir. Vingt ans après Rush Hour et Shanghai Kid, la carrière américaine de Jackie Chan faisait peine à voir avec Le Smoking, Le Médaillon, une voix récurrente dans la trilogie Kung Fu Panda, un remake de Karate Kid (énorme succès), Kung Fu Nanny. Heureusement, de retour dans son pays, le comédien aura retrouvé ses galons avec New Police Story, Chinese Zodiac, Kung Fu Yoga et Shinjuku Incident – Guerre de gangs à Tokyo. A croire que même les distributeurs manquent d’imagination en associant le kung-fu au nom de l’acteur. C’est donc avec un très grand plaisir que l’on retrouve Jackie Chan en haut de l’affiche du dernier long métrage du néo-zélandais Martin Campbell. Le réalisateur de GoldenEye (1995), Le Masque de Zorro (1998), Casino Royale (2006) et Hors de contrôle (2010) signe son grand retour derrière la caméra, six ans après la débâcle Green Lantern, conspué par la critique et échec commercial. Après un détour par la télévision, Martin Campbell prouve avec The Foreigner qu’il en a encore sous le capot à 74 ans. Non seulement ça, il offre enfin à Jackie Chan un de ses meilleurs rôles à ce jour. C’est aussi l’occasion pour Martin Campbell de diriger à nouveau Pierce Brosnan, 23 ans après GoldenEye, au top de son charisme et que l’on a également plaisir à retrouver.

Ngoc Minh Quan (Jackie Chan donc) est un restaurateur britannique d’origine asiatique vit paisiblement à Londres où il s’occupe de sa fille unique, Fan. Un jour, une bombe éclate au coeur de Londres, tuant Fan sur le coup et devant les yeux de Quan. L’attentat est revendiqué par un groupe qui se nomme « IRA authentique ». Quan, malgré son chagrin, cherche à savoir qui a tué sa fille. Il apprend que Liam Hennessy (Pierce Brosnan), vice-Premier ministre de l’Irlande du Nord en poste à Belfast, reconnaît son engagement dans de très anciennes opérations de l’IRA, mais qu’il milite dorénavant pour la sauvegarde des accords de paix. Hennessy affirme ignorer qui a orchestré l’attentat, mais Quan en doute. Hennessy négocie avec une importante femme politique britannique et lui promet des résultats concrets en échange de la grâce d’anciens membres de l’IRA. Il rencontre ensuite d’influents membres de l’IRA et exige qu’ils procèdent au décompte des armes et des explosifs dans toutes les caches de l’organisation. De son côté, Quan débarque à Belfast, bien décidé à aller jusqu’au bout de sa vengeance.

Méfiez-vous des modestes propriétaires de restaurants de Chinatown, il se peut qu’il soit un ancien membre des Forces Spéciales ! Adapté du roman britannique The Chinaman de Stephen Leather (1992), The Foreigner est un thriller carré, propre et excellemment mis en scène, qui n’est pas sans rappeler Hors de contrôle du même metteur en scène, dans lequel Mel Gibson jouait un inspecteur de police qui se mettait à la recherche des assassins de sa fille. Si l’ensemble manque parfois de rythme sur près de deux heures et que le film est étonnamment avare en scènes d’action, cette association Campbell-Chan-Brosnan se laisse suivre très agréablement grâce au charisme et au talent des comédiens, à la mise en scène très inspirée du réalisateur, à la photo glacée de David Tattersall (La Ligne verte, Speed Racer, la prélogie Star Wars) et à la sécheresse étonnante du récit sur fond d’actes terroristes.

Certes, Jackie Chan a quelques occasions de montrer qu’il tient toujours la forme, mais ses scènes « physiques » sont restreintes et l’acteur signe avant tout une vraie performance. Visage fermé et marqué (l’acteur a été vieilli grâce au maquillage), dos voûté et démarche lente, regard éteint, froid, avec très peu de dialogues, Jachie Chan impressionne à chaque apparition. Même chose pour Pierce Brosnan, qui retrouve de sa superbe après s’être égaré dans quelques DTV plus ou moins recommandables. Les deux têtes d’affiche ont finalement très peu de scènes en commun, mais la confrontation fonctionne et les personnages sont aussi ambigus que passionnants à suivre dans leur quête respective. Heureux de voir que tous ces vétérans du film d’action ne sont pas prêts à raccrocher les gants.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Foreigner, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé, sobre et musical.

On pouvait s’attendre à plus qu’un tout petit making of de 7’30 ! Par ailleurs, les images de tournage sont rares et ce module compile essentiellement les propos de Jackie Chan, Martin Campbell et Pierce Brosnan. Le premier tacle gentiment Hollywood qui ne lui « propose jamais de bons rôles » et déclare que The Foreigner lui permet enfin de changer de registre, loin des comédies d’action qu’on lui offre continuellement. Le réalisateur se penche sur le travail avec les deux comédiens, tandis que Pierce Brosnan ne tarit pas d’éloges sur son partenaire et celui a contribué à faire de lui le successeur de Timothy Dalton dans le costume de James Bond.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

L’éditeur soigne son master HD, absolument exemplaire. Les contrastes sont d’une densité jamais démentie, y compris sur les séquences sombres où l’image est tout aussi affûtée. La clarté demeure frappante, les noirs sont profonds, le piqué aiguisé, les gros plans détaillés et la colorimétrie reste vive et froide. Les détails sont légion aux quatre coins du cadre large. Ce Blu-ray offre d’excellentes conditions pour revoir le film de Martin Campbell et profiter de la photographie signée David Tattersall. L’apport HD sur ce titre est évidemment indispensable.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais, autant dans les scènes d’affrontements secs que dans les séquences plus calmes. Les quelques pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec les balles qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont très présents et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

Test DVD / Frightmare, réalisé par Pete Walker

FRIGHTMARE réalisé par Pete Walker, disponible en DVD chez Uncut Movies le 3 avril 2017

Avec :  Sheila Keith, Rupert Davies, Deborah Fairfax, Kim Butcher, Paul Greenwood, Fiona Curzon…

Scénario : Pete Walker, David McGillivray

Photographie : Peter Jessop

Musique : Stanley Myers

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Quinze ans après avoir été emprisonné pour avoir commis les crimes les plus horribles et les plus violents, Dorothy et Edmund Yates sont libérés dans la collectivité. Mais malgré les efforts déployés d’Edmund, Dorothy retrouve ses tendances cannibales et elle est bientôt encore rendue à commettre des meurtres horribles. Pendant ce temps, leur fille et belle-fille Debbie et Jackie commencent à être tirées dans leur étrange spirale de violence, et l’une d’elles pourrait même avoir hérité du goût de la chair humaine de Dorothy…

La même année que FlagellationsHouse of Whipcord, le réalisateur Pete Walker et le scénariste David McGillivray remettent le couvert avec ce qui reste aujourd’hui leur collaboration la plus célèbre, Frightmare. Né en 1939, Pete Walker débute par des courts-métrages dénudés (Soho Striptease, The Girl That Boys Dream About, Please Do Not Touch) qu’il produit lui-même et revend sous le manteau, avant de passer au long-métrage en 1968 avec The Big Switch. Suivront alors des œuvres aux titres explicites L’Ecole du sexe, Der Porno-Graf von Schweden, Four Dimensions of Greta en relief !. Puis, il change de registre en abordant l’épouvante avec Meurs en hurlant, Marianne et Le Rideau de la mort. Si pour les aficionados, les cinéphiles et les amateurs de films de genre, Flagellations reste leur film de prédilection, Frightmare est unanimement salué comme étant son œuvre la plus ambitieuse et la plus réussie, à tel point que certains en viennent à préférer ce film au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, sorti la même année et avec lequel il partage quelques points communs.

Dorothy Yates vit avec son mari Edmund dans une petite ferme isolée à l’abri des regards indiscrets. La vieille femme dissimule en réalité un terrible passé puisqu’elle fut internée pendant de nombreuses années aux côtés de son époux pour avoir commis une série de meurtres brutaux sur fond de cannibalisme. Aujourd’hui libérée et réintégrée dans la société Dorothy mène une vie tranquille sous l’œil bienveillant de son mari hier complice par amour des crimes de son épouse. En réalité la vieille femme n’a rien perdu de sa démence et va de nouveau céder à l’appel de la chair humaine dont elle se révèle après toutes ces années de psychanalyse toujours aussi friande ! Dorothy attire ainsi secrètement chez elle ses victimes pour leur tirer les cartes avant de les massacrer avec sauvagerie et de se repaitre de leur cervelle encore tiède. Seule Jackie, la fille d’Edmund, semble prendre conscience de la nouvelle dérive meurtrière de sa belle-mère. Parviendra-t-elle à mettre un terme à ce carnage qui ensanglante de nouveau la campagne anglaise ?

Avec Flagellations (1974), Frightmare (1974) et Mortelles confessions (1976), le cinéaste Pete Walker mérite largement d’être réévalué, reconnu et réhabilité. Sur un sujet scabreux et à ne pas mettre devant tous les yeux, le réalisateur britannique fait preuve d’une incroyable virtuosité et instaure progressivement une peur, une angoisse sourde avec pourtant une économie d’effets frontaux. Particulièrement dérangeant, Frightmare happe d’emblée le spectateur avec un prologue en N&B, qui se déroule en 1957 dans le décor d’une fête foraine désertée. S’ensuit le meurtre hors-champ d’un homme, puis le procès d’un couple reconnu comme étant les assassins. En entendant la sentence, cet homme et cette femme, dont nous ne voyons pas les visages, se prennent la main. Retour à la couleur, place au sang, quinze ans plus tard. Pete Walker aborde le cannibalisme dans une famille dégénérée, où le goût du sang et des viscères se transmet génétiquement.

La photographie de Peter Jessop appuie la crasse environnante, désormais théâtre des histoires de monstres à visages humains. Si le casting est comme d’habitude soigné, la comédienne Sheila Keith tire une fois de plus son épingle du jeu dans le rôle de Dorothy Yates, celle par qui le mal arrive dans la famille. Comme dans Flagellations et avant Mortelles confessions, l’actrice se délecte d’un rôle difficile qui lui permet de créer un personnage repoussant, tout en lui insufflant une évidente humanité. Pete Walker joue avec l’empathie du spectateur puisqu’il démontre une fois de plus que les institutions sont incapables de prendre en charge et de soigner un tel cas pathologique et schizophrénique. Quelques années après avoir été enfermée avec son époux Edmund, complice de ses meurtres, Dorothy Yates ressort d’un institut psychiatrique après avoir été jugée apte à être réinsérée dans la société. Seulement voilà, sitôt remise en liberté, Dorothy replonge immédiatement, avec le soutien de son époux, amoureux transi, et de sa belle-fille Debbie (excellente Deborah Fairfax) qui essaye de déjouer l’appétit déviant de sa belle-mère. Mais c’était sans compter le mal qui s’est transmis à la fille de Dorothy et d’Edmund.

Véritable film d’horreur moderne et thriller psychologique produit en totale indépendance, Frightmare n’a rien à envier à Texas Chain Saw Massacre avec son ambiance oppressante. Son final très sombre n’a pas fini de triturer les méninges.

LE DVD

Uncut Movies frappe fort avec cette édition DVD Collector limitée et numérotée à 1000 exemplaires de Frightmare ! Le disque repose dans un sublime Digipack constitué d’un livret de 28 pages merveilleusement illustré, avec en introduction un mot de l’éditeur et la présentation du label Uncut Movies, puis un petit focus sur les maîtres de l’horreur britannique et une analyse de quelques-uns des films les plus célèbres de Pete Walker. Sans oublier un petit poster collector du film tiré de son exploitation italienne. Le menu principal est animé et musical. Un très bel objet de collection.

Cette édition de Frightmare s’accompagne d’une galerie de photos, du trailer original du film, de bandes-annonces Uncut Movies et surtout d’une large présentation de l’oeuvre de Pete Walker qui nous intéresse ici, par l’expert, monsieur David Didelot. 1H17 en compagnie de ce dernier, cela ne se refuse pas. Le co-fondateur du fanzine Vidéotopsie revient armé jusqu’aux dents de VHS, d’ouvrages et de DVD pour illustrer ses propos toujours aussi passionnants et qui donnent furieusement envie de se jeter sur tous les titres Bis évoqués. Pas un seul moment de répit pour David Didelot qui dresse un fabuleux portrait du réalisateur Pete Walker. Ses débuts au cinéma, ses films, ses partis pris, ses intentions, sa rencontre déterminante avec le scénariste David McGillivray, mais également son ambiguïté sont passés au crible. Ne tarissant pas d’éloges sur ce réalisateur indépendant qu’il affectionne tout particulièrement, David Didelot déclare que Pete Walker mériterait d’être reconsidéré à sa juste valeur. Au bout de 50 minutes, Frightmare est analysé – dans le fond comme dans la forme – par notre spécialiste du Bis, évoquant également le casting, l’accueil critique, la sortie du film et les divers titres d’exploitation.

L’Image et le son

Ce DVD permet de (re)découvrir le film de Pete Walker dans de très bonnes conditions techniques. Souvent nette et précise, la copie est bien restaurée avec des contrastes appréciables, une image propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. Le prologue en N&B est plus altéré avec des points, poussières et autres scories visibles. Cela s’améliore dès le passage à la couleur. La photo hivernale, grisâtre, sombre du chef opérateur Peter Jessop (Schizo, Mortelles confessions) est élégamment restituée avec ses teintes fanées. N’oublions pas la stabilité d’ensemble.

Point de version française ici. Le mixage anglais aux sous-titres français (non imposés) instaure une écoute propre avec parfois quelques sensibles chuintements dans les aigus, mais rien de bien méchant.

Crédits images : © Uncut Movies / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

Test DVD / L’Homme à l’affût, réalisé par Edward Dmytryk

L’HOMME À L’AFFÛT (The Sniper) réalisé par Edward Dmytryk, disponible en DVD chez Sidonis Calysta  le 6 mars 2018

Avec :  Arthur Franz, Adolphe Menjou, Gerald Mohr, Marie Windsor, Frank Faylen, Richard Kiley, Mabel Paige, Marlo Dwyer…

Scénario : Harry Brown

Photographie : Burnett Guffey

Musique : George Antheil

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

Depuis toujours, Eddie Miller, chauffeur-livreur à San Francisco, est rejeté par les femmes qu’il rencontre. Solitaire, en proie à de violentes pulsions qu’il a du mal à réprimer, il tue des femmes au hasard avec un fusil à lunette. La police n’arrive pas à comprendre la manière de procéder ni les mobiles du tueur. C’est un psychologue qui va les aider et leur faire comprendre que leur proie est un homme malade.

Edward Dmytryk (1908-1999), sympathisant de la gauche politique américaine, adhérant au parti communiste américain, figure parmi les célèbres Dix d’Hollywood. Convoqué par la Commission des Activités Anti-Américaines, il est condamné à six mois de prison, 500 dollars d’amende, puis s’exile en Grande-Bretagne à la fin des années 1940. Il revient peu de temps après aux USA et à l’instar d’Elia Kazan dénonce finalement certains acteurs, réalisateurs et scénaristes afin de s’affranchir des soupçons qui pèsent sur lui. C’est un scandale, sa carrière ne s’en remettra jamais totalement. Néanmoins, le cinéaste n’aura jamais arrêté de tourner jusqu’à la fin des années 1970. Pour la plupart des cinéphiles et de la critique, L’Homme à l’affûtThe Sniper, réalisé en 1952, est le chef d’oeuvre du cinéaste. Film précurseur, drame psychologique et thriller, L’Homme à l’affût est également l’un des premiers longs métrages centré sur les méfaits d’un serial killer.

Chauffeur dans une entreprise de teinturerie de San Francisco, Eddie Miller lutte quotidiennement contre les violentes pulsions qui le torturent. Il est hanté par une haine des femmes, avec lesquelles il est incapable d’avoir de relations, et jalouse tous les couples qu’il croise. Lorsque ses pulsions se font trop fortes, il s’arme d’un fusil à lunette et tue des femmes au hasard. Conscient de la gravité de son état, il a tenté de prévenir des médecins, mais ceux-ci étaient trop occupés pour lui prêter attention. Il se décide à écrire des lettres anonymes à la police. L’inspecteur Kafka mène l’enquête, aidé par un psychologue qui cherche à convaincre les autorités que Miller a surtout besoin d’aide.

Véritable film noir, L’Homme à l’affût marque le retour d’Edward Dmytryk à Hollywood après son incarcération. L’ironie du sort fait que le réalisateur dirige le comédien Adolphe Menjou, alors connu pour être l’un des artistes les plus anti-communistes, par ailleurs membre de la Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals. Tout un programme. Le film s’ouvre sur le carton suivant « A propos du film que vous allez voir : les crimes sexuels sont parmi les grands problèmes de la police. 31175 femmes en ont été victimes rien que l’an dernier. Il n’existe aucune loi satisfaisante. Les forces de l’ordre sont démunies. Voici l’histoire d’un homme pour qui les femmes sont des ennemies ». Sur un scénario d’Harry Brown (Une place au soleil, Iwo Jima, L’Orchidée blanche), Edward Dmytryk livre le portrait d’un homme solitaire, sexuellement frustré, qui s’en prend aux femmes épanouies, libres et heureuses.

Le récit n’élude pas la violence sèche, notamment les impacts de balles sur les victimes. Toutefois, le personnage n’est pas montré comme un monstre terrifiant, mais comme un homme perturbé, psychologiquement instable et luttant contre ses propres démons. On le voit ainsi mettre volontairement sa main sur une plaque électrique pour se mutiler, puis avertir le médecin qui le prend en charge qu’il souhaiterait être hospitalisé. Par petites touches, Edward Dmytryk indique qu’Edward Miller, impeccablement interprété par Arthur Franz, a vraisemblablement grandi dans un environnement violent. Quand il voit une mère gifler sa petite fille, Miller se touche immédiatement la joue, comme si cet événement le renvoyait à un douloureux passé. Dépassé par ses pulsions, cet homme de tous les jours devient un assassin et use de son fusil à lunette pour se débarrasser de celles qui ont croisé sa route ou qui ont pu le blesser sans le vouloir.

Magnifiquement photographiée par l’immense chef opérateur Burnett Guffey (Tant qu’il y aura des hommes, Bonnie & Clyde, Plus dure sera la chute), The Sniper est une œuvre concise et resserrée (1h24 montre en main), directe, frontale, complexe, qui certes ne cherche pas l’empathie du spectateur avec le personnage principal, mais qui s’intéresse à ce qui a pu conduire un individu à franchir le point de non-retour. Au détour d’un dialogue qui n’est pas sans évoquer l’épilogue de Psychose d’Alfred Hitchcock, qui sera réalisé deux ans plus tard, un expert en psychiatrie évoque la maladie mentale dont souffre le tueur en série et sur la nécessité de prendre en charge médicalement ce genre d’individu, plutôt que de les emprisonner pour ensuite les relâcher, en attendant qu’ils récidivent à leur sortie. Un sujet épineux, un discours furieusement contemporain.

6 ans avant La Ronde du crimeThe Lineup et 18 ans avant L’Inspecteur Harry, deux chefs d’oeuvre signés Don Siegel, L’Homme à l’affût, produit par Stanley Kramer, prend comme cadre les rues de San Francisco, terrain de jeu en montées ou en pentes brutales, qui reflètent les méandres d’un esprit malade, qui appelle à l’aide, qui tente de se réfréner, mais qui ne peut que céder face à la tentation. The Sniper est un très grand film et sans aucun doute le chef d’oeuvre d’Edward Dmytryk.

LE DVD

Le test du DVD de L’Homme à l’affût, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Pas une, pas deux, pas trois, mais QUATRE présentations de L’Homme à l’affût sont ici disponibles. Tour à tour, Bertrand Tavernier (25’), Olivier Père (30’30), Patrick Brion (9’) et François Guérif (8’30) se penchent sur le film d’Edward Dmytryk, qu’ils considèrent tous comme étant son chef d’oeuvre. Bien évidemment, les présentations étant enregistrées individuellement, certains arguments et d’autres analyses n’évitent pas la redite. Néanmoins, les propos tenus se complètent bien, d’autant plus que chacun possède un style qui lui est propre. Fidèles à Sidonis Calysta, Bertrand Tavernier (grand admirateur du film), Patrick Brion et François Guérif assurent comme à leur habitude, mais l’éditeur laisse plus de place à Olivier Père, nouveau venu qu’on espère revoir sur d’autres titres de la collection. D’un côté comme de l’autre, on y évoque l’histoire des Dix d’Hollywood, la carrière d’Edward Dmytryk, le scénario, le casting, les partis pris. Le fond et la forme se croisent habilement.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La restauration du film est indéniable, toutes les scories, tâches, poussières et rayures verticales ont été purement et simplement éradiquées. Si le piqué manque parfois de mordant, la gestion du grain original demeure solide et bien gérée. Le N&B est de très belle tenue avec des noirs suffisamment denses, des blancs lumineux et des contrastes solides. Mention spéciale à certains gros plans, nets et précis, bien détaillés. La copie 1.33 (16/9 compatible 4/3) affiche une remarquable stabilité.

Seule la version originale aux sous-titres français imposés est disponible sur cette édition. La restauration est également fort satisfaisante, aucun souffle à déplorer, l’écoute est frontale, riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont conséquents et le confort acoustique assuré. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

Crédits images : © Columbia Pictures / Sidonis Calysta / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

 

Test Blu-ray (édition Bildstörung) / Laurin, réalisé par Robert Sigl

LAURIN réalisé par Robert Sigl, disponible en Blu-ray chez Bildstörung

Avec :  Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes, Hédi Temessy, Barnabás, Kati Sir, Endre Kátay, János Derzsi…

Scénario : Ádám Rozgonyi, Robert Sigl

Photographie : Nyika Jancsó

Musique : Hans Jansen, Jacques Zwart

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1989

LE FILM

Quelle immense découverte ! Quelle beauté ! Chef d’oeuvre dissimulé du cinéma allemand, Laurin, est le premier long métrage (à ce jour le seul pour le cinéma) réalisé en 1989 par Robert Sigl, après deux courts-métrages, Die Hütte et Der Weihnachtsbaum. Né en 1962, le cinéaste, également comédien, signe un film exceptionnel, à la frontière de plusieurs genres, qui s’inscrit dans la droite lignée de L’Esprit de la ruche (1973) de Victor Erice. Film fantastique, drame sur le deuil, thriller teinté de giallo avec certains éclairages baroques qui rappellent le cinéma de Dario Argento et de Mario Bava, Laurin laisse pantois le spectateur par sa beauté plastique et se révèle par strates jusqu’à un final bouleversant.

Au début du siècle dernier dans un petit village portuaire, la petite Laurin subit les aléas de son père entre ses activités de pêcheur et ses retours, trop brefs, au foyer familial. Désespérée des départs de son mari, la mère de Laurin se perd dans la nuit noire et se retrouve alertée par des cris d’enfants déchirant la forêt environnante ; quant à sa fille, elle aperçoit le visage d’un petit garçon hurlant à la mort à travers la fenêtre de sa chambre, avant de voir une ombre l’emporter…à tout jamais. Cette même nuit, la mère de Laurin décède dans de mystérieuses circonstances…

Dès le générique avec la splendide composition de Hans Jansen et Jacques Zwart, Laurin happe le spectateur pour ne plus le lâcher durant 83 minutes. Les séquences photographiées comme des œuvres du Caravage, Rembrandt et Vermeer instaurent une atmosphère trouble et troublante. Tel un peintre, Robert Sigl compose des plans à la beauté foudroyante matinée de gothique, au milieu de somptueux décors naturels hongrois. Les spectateurs et cinéphiles français qui découvriront Laurin le verront comme un véritable cadeau, à l’instar d’un dialogue intimiste qui s’instaure directement avec le cinéaste.

A la fin des années 1980, Laurin est quasi-anachronique. Si l’oeuvre mystérieuse de Robert Sigl n’est pas explicite, elle n’est en aucun cas hermétique et parlera différemment au spectateur selon son vécu. La forme s’apparente à un enchaînement de rêves, parfois de cauchemars. Récit initiatique, Laurin suit le processus de deuil d’une petite fille de 10 ans, qui vient de perdre sa mère, tandis qu’elle découvre également la brutalité du monde qui l’entoure. Film sur la perte de l’innocence, Laurin parvient à rendre palpable la crasse derrière une esthétique hyper-léchée, appuyant ainsi le fait que la beauté du monde dissimule en réalité des actes morbides. Dóra Szinetár, la jeune comédienne qui interprète le rôle-titre, cloue le spectateur de son regard sombre qui n’est pas sans rappeler celui d’Ana Torrent dans L’Esprit de la ruche comme nous l’indiquions, mais également dans Cría cuervos de Carlos Saura (1976), deux films évidemment très liés. Le spectre de La Nuit du Chasseur de Charles Laughton plane également sur cette histoire.

Tour à tour inquiétant et envoûtant, mélancolique et ambigu, Laurin, récompensé par le Prix du Film Bavarois est un thriller horrifique complexe, mais absolument passionnant, qui ravit autant le coeur et l’esprit, qui flatte les sens du début à la fin. Difficile d’évoquer plus en détails ce « conte de fées pour adulte narré du point de vue d’un enfant » de Robert Sigl sans en révéler davantage, ce qui dénaturerait l’expérience à part entière de Laurin, magnifique trésor du cinéma de genre à réhabiliter de toute urgence.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray chroniqué ici est disponible en import et bénéficie d’une piste de sous-titres français. Vous n’avez donc aucune excuse pour passer à côté de cette merveilleuse édition concoctée par Bildstörung. Deux disques sont présents dans le boitier, glissé dans un surétui cartonné très élégant. Le premier Blu-ray comprend évidemment le film avec le commentaire audio du réalisateur Robert Sigl (non sous-titré). Tout le reste des suppléments est placé sur un second disque. Le menu principal du disque 1 est animé sur la superbe musique du film, celui du second est fixe et musical.

Seul le film dispose de sous-titres français, ce qui est déjà énorme et inespéré. En plus du commentaire audio de Robert Sigl évoqué, l’éditeur propose moult suppléments :

– « Robert Sigl erzählt… » (interview du réalisateur, 28’)


– « 
Der Weihnachtsbaum » (court-métrage de Robert Sigl, 19’) + galerie photos


– Interviews de l’actrice Dóra Szinetár
(17’30), de l’acteur Barnabás Tóth (9’30) et du caméraman Nyika Jancsó (15’), disponibles en anglais, sous-titrées en allemand

– Interview croisée des historiens de cinéma Jonathan Rigby (31’) & Olaf Möller (17’30)
– Making of
(9’30)

– Scènes coupées agrémentées du commentaire de Robert Sigl (19’)
– Aufnahmen von der Verleihung des Bayrischen Filmpreis
(2’30)
– Galerie Photos
Livret de 20 pages

Merci à monsieur Patrick Lang de m’avoir mis ce Blu-ray à disposition !

L’Image et le son

Le master HD (1080p) de Laurin provient d’une restauration 2K réalisée à partir du négatif original 35mm. La beauté de la copie participe évidemment à la découverte du film de Robert Sigl. Quelques-uns rechigneront devant le piqué parfois émoussé, divers flous sporadiques ou la gestion aléatoire des noirs, tantôt denses, tantôt bouchés, mais force est de constater que Bildstörung propose un vrai confort de visionnage. Le grain est quasi-omniprésent, mais que serait l’incroyable photo signée Nyika Jancsó, chef opérateur hongrois, sans cette texture argentique qui ne cesse de ravir les yeux ! Certains plans sortent particulièrement du lot avec des détails riches et précis sur les décors naturel, mais également sur les visages des comédiens et les étoffes. Les contrastes (surtout sur les séquences sombres) apparaissent en parfait accord avec les volontés artistiques originales qui rendent largement indispensable l’élévation du film en Haute Définition, d’autant plus que la copie affiche une remarquable propreté et délivre des clairs-obscurs réellement saisissants.

Cette édition comporte les versions allemande et anglaise. Laurin a été tourné en anglais, mais les sous-titres français traduisent le doublage allemand. Toutefois, nous préférerons visionner Laurin en anglais, qui se suit très bien avec les sous-titres français. Les deux versions disponibles sur le Blu-ray jouissent d’un écrin DTS-HD Master Audio de très bonne qualité. Du point de vue dynamique, la version anglaise l’emporte sur son homologue. Dans les deux cas, la musique est joliment restituée et les saturations évitées.

Crédits images : © Bildstörung / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr