Test Blu-ray / Dark Murders, réalisé par Alexandros Avranas

DARK MURDERS (Dark Crimes) réalisé par Alexandros Avranas, disponible le 2 mai 2019 en DVD et Blu-ray chez Condor Entertainment

Acteurs : Jim Carrey, Marton Csokas, Charlotte Gainsbourg, Kati Outinen, Vlad Ivanov, Robert Wieckiewicz, Agata Kulesza, Piotr Glowacki…

Scénario : Jeremy Brock d’après l’article de David Grann

Photographie : Michal Englert

Musique : Richard Patrick

Durée : 1h32

Année de sortie : 2016

LE FILM

Un puissant homme d’affaires est retrouvé sauvagement assassiné. L’enquête est confiée à Tadek, flic intègre et désabusé, en quête de réhabilitation suite à une précédente affaire qui a mal tourné. Très vite, ses soupçons se portent sur un auteur de polar, dont le dernier roman décrit les moindres détails du meurtre, pourtant gardés confidentiels. Peu à peu, l’enquête plonge Tadek dans un monde souterrain pervers et terrifiant, où cohabitent sexe et corruption. Obsédé par cette affaire dont les enjeux le dépassent, saura-t-il affronter ses propres secrets les plus sombres afin de découvrir la terrifiante vérité ?

Le dernier triomphe de Jim Carrey, Bruce tout-puissant, remonte déjà à 2003. Il y a plus de quinze ans que le comédien, qui fut un temps le mieux payé de l’histoire du cinéma et l’un des plus rentables des années 1990, remplissait les salles sur son seul nom. Malgré l’instantané culte Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry en 2004 et les succès relatifs des Désastreuses aventures des orphelins Beaudelaire, Braqueurs amateurs, Le Nombre 23, Yes Man, Le Drôle de Noël de Scrooge, les années 2010 ont été quelque peu houleuses pour Jim Carrey. Si I Love You Phillip Morris de Glenn Ficarra et John Requa était on ne peut plus sympathique, M. Popper et ses pingouins et Dumb & Dumber De ont été des déceptions. Demeurent ses participations frappadingues à The Incredible Burt Wonderstone et Kick-Ass 2…Beaucoup plus rare sur les écrans, si l’on excepte The Bad Batch d’Ana Lily Amirpour et Jim et Andy (exceptionnel documentaire sur le tournage de Man on the Moon de Milos Forman) diffusés sur la plateforme Netflix, ainsi que la série Kidding réalisée par Michel Gondry et diffusée sur Showtime, Jim Carrey préfère désormais se consacrer à la peinture. Autant dire que l’on accueillait à bras ouverts le thriller Dark Crimes rebaptisé Dark Murders (!) dans nos contrées. Un thriller qui lorgnait apparemment sur le 8 millimètres de Joel Schumacher. Malheureusement, ce film glacial et neurasthénique est un impressionnant échec artistique où les comédiens arborent un masque figé du début à la fin dans des décors monochromes. Lame de rasoir vendue séparément.

Tadek, un policier polonais, enquête sur le meurtre d’un homme d’affaires non résolu. Il découvre que son assassinat est semblable à celui décrit dans un roman de l’écrivain Krystov Koslow. Obsédé par ce crime, Tadek rencontre la petite amie de ce dernier, Kasia, qui va le faire plonger dans un monde souterrain pervers, où règnent la corruption et le sexe.

On se réjouissait de la confrontation Jim Carrey-Charlotte Gainsbourg. Hélas, Dark Murders n’est qu’une succession de vignettes filmées en plan fixe, éclairées à la lampe torche, dont le rythme n’a rien à envier à celui d’un épisode de Louis la brocante. Limite caricatural, le film se complaît dans les scènes froides et glauques, à mi-chemin entre les films Millénium adaptés de l’oeuvre de Stieg Larsson et la première saison de Top of the Lake de Jane Campion, sans jamais rendre son personnage principal attachant ou intéressant. Production américano-polonaise inspirée par un fait divers relaté en 2008 dans un article de David Grann publié dans New Yorker, Dark Murders a été tourné en Pologne, avec des comédiens du cru, ce qui nous vaut quelques sourires quand les personnages, supposés être polonais, s’expriment dans la langue de Shakespeare avec un accent à couper au couteau (dans l’eau).

Jim Carrey se projette pourtant avec conviction dans ce personnage torturé, quasi-mutique, qui délaisse sa femme et sa fille au profit de son enquête. Animé par le sens de la justice, il va devoir batailler pour prouver la culpabilité du dénommé Krystov Kozlow (minéral Marton Csokas) que tout semble accuser. Charlotte Gainsbourg donne également de sa personne et n’hésite pas à se désaper face caméra dans une atmosphère crade et souvent repoussante. Le dénouement (si vous arrivez jusque-là) et le casting sont bien les seules choses à sauver de cette entreprise signée pourtant par Alexandros Avranas, Lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise en 2013 pour Miss Violence.

Avec son visage taillé à la serpe, ses rides creusées et son regard usé, Jim Carrey n’a jamais été aussi charismatique et il serait temps que de grands cinéastes profitent de cet immense talent gâché laissé sur le banc de touche. Et ce n’est pas le film Sonic the Hedgehog adapté du jeu Sega qui va arranger les choses…

LE BLU-RAY

Dark Murders date de 2016 et aura eu du mal à arriver dans les bacs français. C’est désormais chose faite grâce à l’éditeur Condor Entertainment. Le Blu-ray est disposé dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. En revanche, l’éditeur aurait pu choisir une autre photo de Charlotte Gainsbourg, plutôt que ce cliché où la comédienne semble s’être levée du lit quelques secondes auparavant. Le menu principal est animé et musical.

Aucun bonus.

L’Image et le son

Les partis pris sont à l’image du film, froids, glacials, sans aucune aspérité. A côté de ça, la clarté est de mise, le piqué quasi-chirurgical (mention spéciale à la barbe de Jim Carrey), les contrastes denses et le relief omniprésent.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, les dialogues auraient néanmoins mérité d’être un peu plus relevés sur la centrale, mais nous vous conseillons d’éviter l’horrible doublage français. D’ailleurs, Emmanuel Curtil ne prête pas sa voix à Jim Carrey. Dans les deux cas, la spatialisation musicale est présente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas.


Crédits images : © LAMF TC LTD / Condor Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / M le Maudit, réalisé par Fritz Lang

M LE MAUDIT (M) réalisé par Fritz Lang, disponible le 16 avril 2019 en combo DVD/Blu-ray chez Tamasa Diffusion

Acteurs : Peter Lorre, Otto Wernicke, Gustaf Gründgens, Inge Landgut, Ellen Widmann, Theodor Loos…

Scénario : Fritz Lang, Thea von Harbou d’après un article d’Egon Jacobson

Photographie : Fritz Arno Wagner

Musique : Edvard Grieg

Durée : 1h51

Année de sortie : 1931

LE FILM

Toute la presse ne parle que de ça : le maniaque tueur d’enfants, qui terrorise la ville depuis huit mois vient de faire une nouvelle victime. Chargé de l’enquête, le commissaire Lohmann multiplie les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation la pègre décide de retrouver elle-même le criminel.

Une sombre comptine chantée par des enfants qui s’amusent dans une cour. Des parents qui s’inquiètent de la disparition d’une dizaine de fillettes. C’est l’heure de la sortie de l’école, une mère de famille s’affaire à ses tâches quotidiennes, tout en préparant la table. Elle attend le retour d’Elsie, sa fille. De son côté, un agent de la circulation l’aide à traverser la route, quand une ombre l’aborde. Un sifflement reconnaissable, un leitmotiv (sifflé par Fritz Lang lui-même d’ailleurs), celui de Dans l’antre du roi de la montagne de Peer Gynt. En cinq minutes, le cadre, exceptionnel est posé par Fritz Lang. M le Maudit, ou tout simplement M en version originale est déjà le quinzième long métrage du réalisateur, ainsi que son premier film parlant. Immense chef d’oeuvre absolu de tous les temps, référence incontournable du genre policier, considéré d’ailleurs comme le premier thriller moderne, M le Maudit conserve son aura et son pouvoir d’attraction hypnotique. Près de 90 ans après sa sortie, ce drame anxiogène prend toujours aux tripes et l’on reste abasourdi par son audace scénaristique, sa beauté plastique, l’interprétation habitée de Peter Lorre et sa maîtrise formelle.

Après cette mise en place dans une cité ouvrière, le cadavre de la petite est découvert. La police intensifie ses efforts de recherche, en vain. Les habitants en viennent à se soupçonner les uns les autres. Les dénonciations anonymes font croître la tension et les policiers sont à bout de forces. Cependant, les rafles et les contrôles incessants dérangent les bandes criminelles dans leurs « affaires ». Aussi la pègre décide-t-elle, sous la direction de Schränker, de chercher elle-même le meurtrier et utilise dans ce but le réseau des mendiants. Alors que la police a identifié le meurtrier, celui-ci est reconnu par un vendeur de ballons aveugle grâce à la chanson que le tueur siffle. Un de ses « collègues » marque alors un « M » à la craie sur le manteau du meurtrier qui s’enfuit dans un bâtiment de bureaux cerné par les les bandes diverses. En se servant de leur attirail de cambriolage, ils fouillent l’immeuble, attrapent le meurtrier d’enfants et l’emmènent dans une distillerie abandonnée. Là, toute la pègre rassemblée lui fait un procès macabre.

Peter Lorre, dans son premier rôle au cinéma, entame alors l’une des plus grandes séquences de l’histoire du cinéma, quand son personnage, les yeux exorbités, le visage en sueur, la respiration saccadée, tente d’exprimer, de façon désespérée, son aliénation et son dédoublement intérieur. « Toujours, je dois aller par les rues, et toujours je sens qu’il y a quelqu’un derrière moi. Et c’est moi-même ! […] Quelquefois c’est pour moi comme si je courais moi-même derrière moi ! Je veux me fuir moi-même mais je n’y arrive pas ! Je ne peux pas m’échapper ! […] Quand je fais ça, je ne sais plus rien… Ensuite je me retrouve devant une affiche et je lis ce que j’ai fait, alors je me questionne : J’ai fait cela ? ». Fritz Lang met en parallèle les actions simultanées de la police quasi-impuissante, représentée par le commissaire Lohmann (qui reviendra dans Le Testament du Docteur Mabuse) et la pègre qui a alors une longueur d’avance sur les autorités. Tandis que les criminels se préparent à lyncher le meurtrier au cours d’une parodie de justice où un « avocat » de la défense tente d’expliquer que le tueur de fillettes doit être remis à la police, Lohmann apprend ce qui est sur le point d’arriver.

Tout subjugue dans M le Maudit. Le travail sur le son et le silence. Fritz Lang joue avec la nouvelle technologie mise à sa disposition. Le silence reflète la cacophonie ambiante, les ambiances ne sont jamais utilisées gratuitement, mais comme un véritable personnage à part entière. Le cinéaste, l’un des plus grands à avoir su conjuguer la grammaire cinématographique, évoque la traque d’une bête sauvage, aux abois. Ou quand les malfaiteurs s’associent pour mettre la main sur un assassin, un « outsider » qui gâche leurs affaires et les empêche de vaquer à leurs occupations. En raison de cette suite de meurtres, la police organise des rafles dans les quartiers louches, jusque dans les tripots clandestins où sont saisis les flingues, les portefeuilles, bijoux et fourrures volés. C’est la goutte d’eau pour la pègre, surtout après huit mois de recherches intensives qui n’ont donné aucun résultat en dépit du gigantesque dispositif déployé et des moyens conséquents mis à disposition de la police montrée incompétente, y compris les scientifiques avec leurs analyses d’empreintes. Seuls les cambrioleurs, les arnaqueurs, les tricheurs, les pickpockets, les prostituées, pourront faire quelque chose.

En montrant les habitants d’une grande ville allemande (jamais nommée, même si un journal indique Berlin, tout comme le plan de la ville accroché dans les bureaux de la police) jetés dans la terreur et l’hystérie, Fritz Lang, s’inspirant alors d’un fait divers réel, invite à réfléchir sur les réactions, le comportement et les actions d’une société traumatisée par les crimes commis. Héritier de l’Expressionnisme allemand, M le Maudit crée un genre, transcende les générations, foudroie autant les yeux devant tant de virtuosité, que l’estomac avec son récit tendu du début à la fin. Enfin, en montrant une société se liguer dans le but d’éradiquer un être jugé « nuisible », le réalisateur anticipe alors la Solution finale…Un chef d’oeuvre prophétique. Vingt ans plus tard, Joseph Losey en signera un très grand remake avec David Wayne, avec l’action du film transposée à Los Angeles.

LE BLU-RAY

Après une première édition en DVD chez Opening, puis chez Films sans frontières dans de louches éditions DVD et Blu-ray, le chef d’oeuvre de Fritz Lang fait son retour dans les bacs par la grande porte chez Tamasa Diffusion où il est particulièrement choyé. Ce Digipack très élégant se compose du DVD, du Blu-ray et d’un livret de 16 pages, proposant des extraits du dossier pédagogique rédigé par Mireille Kentzinger et comprenant un retour sur M le Maudit, avec une analyse de séquence, un gros plan sur le montage et diverses photographies. Le menu principal est fixe et bruité.

Pour accompagner M le Maudit, Tamasa propose une intervention de Faruk Günaltay (42’). Le directeur du cinéma l’Odyssée de Strasbourg dissèque le fond et la forme du chef d’oeuvre visionnaire de Fritz Lang. La production du film (à l’époque où il devait s’intituler Les Assassins sont parmi nous), le travail sur le son (premier long métrage parlant du réalisateur), le casting, la psychologie du personnage principal, les effets de cadrage, la critique de la République de Weimar, l’anticipation de la question de l’élimination « du corps en trop » et tout un tas d’éléments sont abordés au cours de cette présentation passionnante durant laquelle quelques séquences sont également analysées.

L’Image et le son

Depuis sa sortie en 1931, M le Maudit a été vu et revu dans de différentes versions et durées. Aucune ne correspondait à la version originale. Les montages français et britannique comprenaient même des scènes filmées ultérieurement. Fritz Lang n’avait aucun contrôle sur ces versions. En 1960, M le Maudit était ressorti dans un montage de 96 minutes, lui aussi très éloigné de l’original de 1931. Le format de l’image avait même été modifié et les têtes des comédiens tronquées. Sans oublier des ambiances sonores ajoutées sur des séquences muettes. Depuis, diverses tentatives avaient été réalisées pour reconstituer l’oeuvre originale de Fritz Lang. En 2001, l’image et le son de 1931 ont enfin été retrouvés sur des pellicules nitrates. 70 % des négatifs originaux survécurent. Pour cette restauration, une copie française du négatif fut réalisée à partir d’un tirage et servit à compléter les scènes tronquées. Pour la première fois, les instabilités récurrentes de l’image dues à des perforations et des erreurs de tirage furent en grande partie corrigées. La restauration numérique de l’image a demandé un soin minutieux pour respecter les partis pris originaux. Toutefois, le montage soumis à la censure allemande de 117 minutes, n’a jamais pu être reconstitué. Alors évidemment tous les défauts n’ont pu être corrigés sur cette version restaurée 2K par TLEFilms, AFF et Deutsche Kinematek, quelques rayures subsistent par exemple, mais il faut bien admettre que le confort de visionnage est total et que la tenue des contrastes est souvent ébouriffante. Divers effets de pompages demeurent également, mais le piqué ne cesse d’impressionner, même si plus émoussé sur les parties du film provenant des copies d’exploitation.

La bande-son respecte l’idée originale de Fritz Lang avec des contrastes saisissants entre les scènes sonores et muettes. Un souffle chronique est inhérent à l’âge du film, mais ne dérange pas l’écoute. Le mixage est propre, équilibré, les bruitages précis, les dialogues sensiblement pincés, mais intelligibles.


Crédits images : © Nero-Film/Praesens – TDR – DVD / Tamasa Diffusion / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Une hache pour la lune de miel, réalisé par Mario Bava

UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL (Il Rosso segno della follia) réalisé par Mario Bava disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 9 avril 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Stephen Forsyth, Dagman Lassander, Laura Betti, Femi Benussi, Jesús Puente, Luciano Pigozzi, Antonia Mas, Gérard Tichy, Verónica Llimerá…

Scénario : Santiago Moncada, Mario Musy, Mario Bava

Photographie : Mario Bava

Musique : Sante Maria Romitelli

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

En reprenant une maison de couture au bord de la faillite laissée par sa mère, John Harrington est à nouveau hanté par son pire cauchemar. Suite à un traumatisme lié à son enfance dont il n’a plus du tout le souvenir, il est désormais incapable de contrôler les pulsions qui le poussent à vouloir tuer des jeunes femmes vêtues de robes de mariée…

Une femme ne devrait vivre que jusqu’à sa nuit de noces…

Une hache pour la lune de mielIl Rosso segno della follia, également connu sous le titre français opportuniste et ridicule de La Baie sanglante 2 (alors que le premier sera tourné après) ou bien encore Meurtres à la hache pour son exploitation en VHS dans les années 1980, n’est pas l’oeuvre la plus célèbre ou la plus représentative du cinéma de Mario Bava. Pourtant, ce film apparaît comme un condensé de ses précédents longs métrages, tout en annonçant ceux qui suivront, puisqu’il est question ici de meurtres, de psychologie dérangée et de traumatisme. Le cinéaste s’auto-cite en diffusant un extrait de son segment des Trois visages de la peur, mais on pense également à Six femmes pour l’assassin pour le milieu que Mario Bava dépeint (celui de la couture), tout en s’inspirant du cinéma d’Alfred Hitchcock avec évidemment Psychose en ligne de mire. Le spectre de Norman Bates est bel et bien présent dans Une hache pour la lune de miel. Le maestro adopte le point de vue de son personnage principal, ce qui place le spectateur en tant que premier témoin de ses agissements. Véritable tour de force, Il Rosso segno della follia déroule son récit à travers les yeux du meurtrier, tout en plongeant l’audience dans une psyché perturbée où les repères se brouillent et s’effondrent jusqu’à l’implosion.

« Mon nom est John, j’ai 35 ans… Je suis paranoïaque. Non, en fait je suis complètement fou. J’ai tué 5 belles jeunes femmes, dont 3 sont enterrées dans la serre, et personne ne me suspecte d’être un dangereux meurtrier. Cela m’amuse… », annonce nonchalamment le jeune, beau et riche John Harrington. Ce dernier est le directeur d’une maison de couture spécialisée dans les robes de mariée. Schizophrène, hanté par le spectre de sa mère castratrice morte de sa nuit de noces, et ses pulsions meurtrières le poussent à tuer les jeunes mariées avec un hachoir. Marié à une femme qu’il exècre, Mildred (Laura Betti, qui reviendra dans La Baie sanglante), il tombe amoureux d’un nouveau mannequin, Helen, fraîchement arrivé dans son entreprise matrimoniale. Alors qu’il continue à assassiner, la police se rapproche doucement de lui.

A la fin des années 1960, Mario Bava est comme qui dirait à un tournant de sa carrière. Agé de 54 ans au moment où le producteur espagnol Manuel Caño lui propose le scénario de Une hache pour la lune de miel, le réalisateur qui sort alors du coûteux Danger : Diabolik ! souhaite retrouver un film au budget modeste et certains de ses thèmes de prédilection. Cependant, le film déjoue les attentes dans le sens où le sang et autres effets gore sont ici absents. Une hache pour la lune de miel privilégie l’angoisse et la violence, la plupart du temps hors-champ. Quand le personnage use de son hachoir, nul plan sur la lame pénétrant la chair, où de membres sectionnés. Mario Bava laisse l’imagination du spectateur faire son travail et le résultat est aussi efficace.

Une hache pour la lune de miel est une autopsie des pulsions qui poussent un homme bien sous tous rapports à commettre les actes les plus abominables. On pense alors au célèbre Patrick Bateman inventé par Bret Easton Ellis, personnage principal et le narrateur du roman American Psycho. A ce titre, l’acteur Stephen Forsyth, dont c’est ici la dernière apparition au cinéma avant de se consacrer à la musique, est un choix idéal. Son visage figé qui renvoie aux mannequins de plastique qui environnent John Harrington dans son antre secrète, dissimule en réalité un être complètement fou et instable.

Tourné entre Barcelone, Paris et Rome, Il Rosso segno della follia agit comme une ronde étourdissante qui fait perdre pied et qui donne le vertige. Mario Bava, également directeur de la, photographie, joue également sur les distorsions de l’image – entre anamorphoses et zooms – et les sons – excellente bande originale de Sante Maria Romitelli – qui s’imbriquent. Le cinéaste démontre qu’il pouvait donc créer l’effroi et l’épouvante (avec un humour noir à froid) sans avoir recours à l’hémoglobine, uniquement par le biais de sa mise en scène, toujours stylisée, en tout point saisissante.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Une hache pour la lune de miel, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical. Le film de Mario Bava avait disposé d’une édition en DVD (aujourd’hui épuisée) chez One Plus One en 2002. Edition collector limitée à 2 500 exemplaires. Nous trouvons également un livret de 16 pages écrit par Marc Toullec.

Sur Homepopcorn.fr, nous sommes fans de monsieur Jean-François Rauger. C’est avec un immense plaisir que nous le retrouvons ici pour une présentation d’Une hache pour la lune de miel (25’). Le directeur de la programmation à la Cinémathèque Française replace le film qui nous intéresse dans la carrière de Mario Bava. Puis, Jean-François Rauger aborde tous les aspects de cette production méconnue du maître italien, en parlant du scénario, du casting, des influences, des thèmes du film, des motifs récurrents, des partis pris et des intentions du réalisateur. Une analyse complète et pertinente.

Du coup, l’intervention de Jean-Pierre Bouyxou apparaît bien redondante, même si très sympathique (8’). Le journaliste cinéma, critique et réalisateur français encense plutôt la splendeur visuelle d’Une hache pour la lune de miel et aborde les aspects formels de ce « film singulier, anti-gore et tout en retenue ».

L’Image et le son

La première et la dernière bobine sont les plus abîmées de ce nouveau master HD. Les points, griffures, poussières, fils en bord de cadre et tâches diverses sont légion et parsèment l’écran. Heureusement, cela s’apaise durant la quasi-intégralité du long métrage, même si certaines scories demeurent. Les couleurs – si importantes chez Mario Bava – retrouvent une certaine fraîcheur, tout comme les contrastes, étonnamment denses à plusieurs reprises. Le piqué est agréable, le relief des matières est palpable et les décors baroques ne manquent pas de détails, y compris sur les séquences sombres. La texture argentique est idéalement préservée et surtout excellemment gérée.

Trois mixages au choix ! Optez pour la version anglaise, langue officielle du tournage (même si tout a été repris en post-synchronisation), dont le confort acoustique est le plus équilibré du lot, en dépit d’un léger chuintement et de craquements parasites. La piste française est la plus faible avec des dialogues lointains, tandis que la version italienne paraît artificielle avec son rendu trop élevé des dialogues.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Crime à distance, réalisé par Ken Hughes

CRIME À DISTANCE (The Internecine Project) réalisé par Ken Hughes, disponible en DVD et Blu-ray le 19 mars 2019 chez Movinside / ESC Editions

Acteurs : James Coburn, Lee Grant, Harry Andrews, Ian Hendry, Michael Jayston, Christiane Krüger, Keenan Wynn, Terence Alexander…

Scénario : Barry Levinson, Jonathan Lynn d’après le roman Internecine de Mort W. Elkind

Photographie : Geoffrey Unsworth

Musique : Roy Budd

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Appelé à de hautes responsabilités à la Maison Blanche, l’ancien espion Robert Elliot n’entend pas quitter Londres sans avoir fait le ménage derrière lui. Son objectif : éliminer les quatre membres du réseau d’informateurs qui en savent long sur son encombrant passé et ses méthodes. Pour ça, quoi de mieux que de monter un plan machiavélique pour les pousser à s’entretuer en quelques heures.

Pour les cinéphiles, Ken Hughes (1922-2001) est le réalisateur du classique Chitty Chitty Bang Bang (1968), d’après le roman de Ian Fleming, co-écrit par l’immense Roald Dahl et le scénariste Richard Maibaum (auteur des James Bond du premier opus jusqu’à Permis de tuer), mais également produit par Albert R. Broccoli, le « père » des aventures de l’agent 007 à l’écran. Un an auparavant, Ken Hughes avait pourtant accepté de participer à la mise en scène houleuse de Casino Royale, à la suite de Val Guest, John Huston, Joseph McGrath et Robert Parrish. Un James Bond hors-série, indépendant, volontairement comique où l’on pouvait croiser aussi bien Woody Allen que Jean-Paul Belmondo, David Niven et Peter Sellers. S’il n’a jamais véritablement brillé au cinéma et que son nom reste encore aujourd’hui méconnu, Ken Hughes faisait partie de ces artisans solides très prisés par les studios. Crime à distance (The Internecine Project), également connu sous les titres plus explicites Le Manipulateur et La Main du pouvoir, est un film étrange, froid, pas aussi glacial qu’une adaptation de John le Carré, mais qui n’en demeure pas moins étonnant dans le portrait dressé de son personnage principal, ici campé par le grand James Coburn.

Ce dernier interprète un ancien agent secret, qui tient à asseoir son autorité dans le monde de la finance américaine. Mais quatre personnes sont témoins de ses activités douteuses. Il décide alors de toutes les supprimer en élaborant un plan démoniaque. Le scénario de Crime à distance est co-écrit par Barry Levinson (rien à voir avec le réalisateur de Rain Man et de Good Morning, Vietnam), également producteur, et Jonathan Lynn (réalisateur de l’adaptation Cluedo, Monsieur le député avec Eddie Murphy et Mon voisin le tueur avec Bruce Willis et Matthew Perry), d’après le roman de Mort W. Elkind. De par son atmosphère trouble et pesante, The Internecine Project rappelle parfois M15 demande protectionThe Deadly Affair (1966) réalisé par Sidney Lumet, qui annonçait la mutation du genre espionnage au cinéma. Ici, le film se double également d’une métaphore sur le travail de scénariste, puisque le protagoniste imagine une réaction en chaîne faite de meurtres et de manipulations, comme un scénario prêt à être mis en scène. Confortablement installé derrière un bureau, Robert Elliot, un verre ou un cigare à la main, se contente de souligner chacune des étapes de son stratagème criminel, heure par heure, attendant chaque coup de fil (le nombre de sonneries indique au personnage l’avancée des meurtres commis par ses « pantins ») en espérant évidemment que rien ne vienne contrecarrer ses plans. Cynique et impassible, minéral, James Coburn est à l’aise dans ce rôle peu aimable.

Sur un rythme languissant, Ken Hughes démontre son potentiel derrière la caméra, mais il peut également compter sur deux atouts de taille. L’immense chef opérateur Geoffrey Unwsorth (1914-1978) signe la magnétique photographie. Sa griffe inimitable qui aura transcendé des œuvres telles que 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, Cabaret de Bob Fosse, Zardoz de John Boorman et Superman de Richard Donner est un régal de chaque instant. Ses partis pris luminescents mettent en relief la beauté des ténèbres dans une ville de Londres sombre. A la musique, Roy Budd, compositeur du Soldat bleu de Ralph Nelson et de La Loi du milieu (Get Carter) de Mike Hodges participe également au côté inquiétant distillé au compte-gouttes, tandis que l’étau se resserre autour des futures victimes.

Il ne faut pas s’attendre à un film d’action, mais plutôt à une approche psychologique, mathématique pourrait-on dire, du meurtre, que le montage de John Shirley (Vivre et laisser mourir, L’Homme au pistolet d’or) instaure comme les faces d’un Rubik’s Cube où chacune dépend de l’autre. C’est là la belle réussite de cet étrange et hybride Crime à distance, qui flatte à la fois les spectateurs avides d’histoire d’espionnage et ceux plus intéressés par le cheminement mental des personnages.

LE BLU-RAY

ESC Editions/Distribution redonne vie à Movinside, qui pour l’occasion ressuscite ce film méconnu de Ken Hughes. Crime à distance est enfin disponible en DVD et Blu-ray. Ce dernier est contenu dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un sur-étui cartonné. Le visuel est très élégant. Menu principal animé et musical.

Pour nous présenter Crime à distance, ESC a misé sur Frédéric Albert Lévy, auteur de Bond, l’espion qu’on aimait (Broché). Durant 25 minutes souvent pertinentes, l’invité de l’éditeur analyse le fond du film qui nous intéresse, en le replaçant dans son contexte politique, économique et social. Le casting est également passé au peigne fin, tout comme l’équipe technique et la carrière du réalisateur John Hughes. Dans son excellente analyse, Frédéric Albert Lévy évoque également la sortie du film, ses différents titres français, et indique que Crime à distance reste un « parfait échantillon du cinéma anglais du début des années 1970 ». Attention, quelques spoilers, dont le dénouement, sont présents.

L’Image et le son

Un Blu-ray (au format 1080p) convaincant, sans se forcer. Le format original est respecté. Il en est de même pour le grain original, bien que très appuyé, surtout durant le premier quart d’heure. Si cela s’arrange quelque peu par la suite, la définition est ensuite aléatoire, la gestion des contrastes est honnête, les couleurs retrouvent un peu de fraîcheur. Quelques points et poussières sont encore présents, visibles notamment sur les nombreuses scènes en intérieur.

Les mixages anglais et français LPCM 2.0 distillent parfaitement la musique de Roy Budd. Néanmoins, la piste française se focalise sans doute trop sur le report des voix, parfois au détriment des ambiances annexes. La piste originale est très propre, sans souffle, dynamique et suffisamment riche pour instaurer un très bon confort acoustique. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Amour et mort dans le jardin des Dieux, réalisé par Sauro Scavolini

AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (Amore e morte nel giardino degli dei) réalisé par Sauro Scavolini, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Erika Blanc, Peter Lee Lawrence, Ezio Marano, Rosario Borelli, Orchidea de Santis, Franz von Treuberg, Vittorio Duse, Bruno Boschetti, Carla Mancini…

Scénario : Sauro Scavolini, Anna Maria Gelli

Photographie : Romano Scavolini

Musique : Giancarlo Chiaramello

Durée : 1h29

Année de sortie : 1972

LE FILM

Se rendant dans la petite ville de Spoleto, près de Pérouse, pour des travaux d’études, un ornithologue allemand s’installe dans une propriété isolée au milieu d’un parc immense, abandonnée par les derniers occupants depuis plusieurs années. Au cours d’une de ses promenades, il découvre des bandes magnétiques dissimulées derrière des buissons et entreprend de les écouter. Il entre ainsi dans l’intimité d’Azzurra, jeune femme perturbée à la sexualité déviante, qui se confie à son psychiatre. Le scientifique ignore que la découverte de ces bandes le met en danger de mort.

Quel beau titre ! Amour et mort dans le jardin des DieuxAmore et morte nel giardino degli dei (1972) est à ce jour le premier des deux longs métrages réalisés par le metteur en scène Sauro Scavolini pour le cinéma avec Un foro nel parabrezza (1985) avec Vittorio Mezzogiorno et Mimsy Farmer. Plus connu pour son travail de scénariste – ou de dialoguiste sur La Femme infidèle de Claude Chabrol – sur des films aux titres explicites Je vais, je tire et je reviens, Creuse ta tombe Garringo, Sabata revient, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé et le formidable Le cynique, l’infâme, le violent d’Umberto Lenzi, Sauro Scavolini s’incruste dans le cinéma d’exploitation au début des années 1970, mais privilégie la psychologie aux meurtres du giallo. Amour et mort dans le jardin des Dieux est une très belle surprise, qui n’a de cesse de déjouer les attentes du spectateur à travers une recherche fouillée des personnages, et ce du début à la fin.

Un ornithologue allemand âgé, Martin, s’installe dans une villa isolée située à l’intérieur d’un grand parc afin de mener à bien ses études sur différents oiseaux. Lors d’une promenade nocturne, il découvre par hasard des bandes magnétiques chiffonnées. Intrigué par sa découverte, il se met en tête de les nettoyer puis à les écouter grâce à son magnétophone. Il y découvre différentes séances de psychanalyse de l’ancienne propriétaire de la demeure, Azzura. En les rembobinant pour les écouter, malgré lui, le vieil homme assiste à un drame conjugal raconté par la défunte qui s’est conclu par son meurtre. Abandonnés depuis leur tendre enfance, depuis la mort de leur père en Afrique et l’absence de leur mère, Manfredi et sa sœur Azzura sont inséparables. Il s’est même tissé entre eux un lien presque incestueux où l’amour et la haine se mêlent. Mais leur proximité est perturbée lorsque Azzura épouse un célèbre pianiste, Timothy. Son frère ne supporte pas leur séparation et tente de l’oublier avec une autre femme, Viola.

Né en 1934, Sauro Scavolini, fait ses études – comme beaucoup de ses futurs confrères – au Centro sperimentale du cinematografia à Rome. Durant sa carrière, il s’associera avec le réalisateur Sergio Martino et le scénariste Ernesto Gastaldi, avec une prédilection pour le western et le thriller, sur près d’une quinzaine de films pour le cinéma et la télévision. Amour et mort dans le jardin des Dieux est son premier essai derrière la caméra et le moins que l’on puisse dire c’est que Sauro Scavolini s’en sort très bien. D’ailleurs, c’est une histoire de famille. Sauro occupe le poste de metteur en scène et de scénariste, tandis que son frère Romano est crédité en tant que directeur de la photographie et produit également le film aux côtés d’Armando Bertuccioli (La Soeur d’Ursula d’Enzo Milioni). Alors non, Amore e morte nel giardino degli dei n’est pas un giallo, mais s’inspire plutôt de Blow Upde Michelangelo Antonioni. Le réalisateur installe ses personnages troubles, avec une perversité croissante qui contraste avec la sérénité inspirée par un décor verdoyant, apaisant et luxuriant. Une fois le décor dressé, Sauro Scavolini peut lâcher ses protagonistes, dont les superbes Erika Blanc et Orchidea de Santis, qui se perdent dans une confusion des sentiments, souvent contre-nature, qui conduisent au point de non-retour dans une explosion de violence et de sang.

Les retournements de situation se tiennent sur un rythme lent mais maîtrisé, la musique de Giancarlo Chiaramello est très belle, tout comme la lumineuse photographie de Romano Scavolini. Si le cinéma d’exploitation transalpin aura accueilli moult cinéastes qui voulaient essayer d’avoir leur part du gâteau, Sauro Scavolini s’en tire haut la main et mérite une place de choix avec son Amour et mort dans le jardin des Dieux.

LE BLU-RAY

Troisième titre de la salve du Chat qui fume éditée au mois de mars 2019, Amour et mort dans le jardin des Dieux apparaît au cinéphile déviant sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné liseré jaune. Un objet constitué du DVD et du Blu-ray, limité à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

En guise de suppléments, Le Chat qui fume nous propose deux entretiens. Le premier est une rencontre avec la comédienne Erika Blanc (20’). L’actrice de Moi, Emmanuelle, Ni Sabata, ni Trinità, moi c’est Sartana, Django arrive, préparez vos cercueils et de plus d’une centaine de titres du même acabit, revient (en français) sur la production et le tournage d’Amour et mort dans le jardin des Dieux. Erika Blanc évoque également ses études en France, ses débuts au cinéma, la direction d’acteurs de Sauro Scavolini, sa grande amitié avec son partenaire Peter Lee Lawrence. Puis, la comédienne dit être très heureuse que ces films « rejetés par l’intelligentsia et la critique italienne » soient enfin redécouverts et surtout adorés par de jeunes spectateurs, avant d’adresser un message à ses fans français.

Autre interview sur cette galette, celle d’Orchidea de Santis (27’). L’actrice du Décameron interdit partage à son tour moult anecdotes sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. A l’instar d’Erika Blanc, la comédienne se souvient de ses débuts au cinéma, avant d’en venir plus précisément sur le travail des frères Scavolini, les lieux de tournage et ne tarit pas d’éloges sur le producteur Armando Bertuccioli (« un homme vraiment extraordinaire »). Orchidea de Santis défend son personnage dans Amour et mort dans le jardin des Dieux, parle de ses partenaires, de son rapport à la nudité à l’écran et avoue avoir apprécié la scène d’amour avec son partenaire Peter Lee Lawrence, elle qui avait pour habitude de se retrouver à l’écran « avec des mecs laids comme des poux ».

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Sublime ! Quelle beauté ! Les couleurs sont éclatantes dès le premier plan avec des teintes vertes et des rouges très riches et bigarrées. Le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, les gros plans étonnants de précision, les détails foisonnent du début à la fin et la propreté de la copie est irréprochable. Qu’ajouter de plus ?

Seule la version originale est disponible. Les dialogues sont parfois quelque peu étouffés et un léger souffle se fait entendre. C’est néanmoins nickel et certaines scènes sont même étonnamment vives. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.

Crédits images : © REWIND FILMS / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Poupée de Satan, réalisé par Ferruccio Casapinta

LA POUPÉE DE SATAN (La Bambola di Satana) réalisé par Ferruccio Casapinta, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Erna Schurer, Roland Carey, Aurora Bautista, Ettore Ribotta, Lucia Bomez, Manlio Salvatori, Franco Daddi, Beverly Fuller, Eugenio Galadini, Giorgio Gennari…

Scénario : Ferruccio Casapinta, Giorgio Cristallini, Carlo M. Lori

Photographie : Francesco Attenni

Musique : Franco Potenza

Durée : 1h30

Année de sortie : 1969

LE FILM

A la mort de son oncle, Elizabeth Balljanon, accompagnée de Jack, son fiancé, journaliste, et d’un couple d’amis, se rend dans le sud de la France pour la lecture du testament. Unique héritière, Elizabeth se retrouve propriétaire du château des Balljanon et des terres environnantes. Mais une malédiction ancestrale semble planer sur la famille et, chaque nuit, la jeune femme est en proie à de terribles cauchemars dans lesquels un homme masqué la torture dans les catacombes…

Hum…moui…mouarf…Comment dire…Malgré son affiche, le visuel du Blu-ray et son synopsis on ne peut plus attractifs, La Poupée de SatanLa Bambola di Satana, seule réalisation de l’obscur Ferruccio Casapinta ne tient pas toutes ses promesses. Giallo tendance machination, ce thriller qui rappelle malgré-lui un épisode live de Scooby-Doo, par ailleurs créé la même année en 1969, peine à éveiller l’intérêt du spectateur. Sorte de pot-pourri de tout ce qui se faisait (et cartonnait) dans le cinéma d’exploitation transalpin, La Poupée de Satan, où il n’y a d’ailleurs aucune possession démoniaque et qu’une seule apparition d’une poupée au cours d’une scène, ne se gêne pas pour piocher à droite à gauche (comme Tarantino oui), en espérant que le quidam ayant acheté son billet en ait pour son argent. Le problème, c’est que La Bambola di Satana apparaît comme un gros foutoir, concocté certes dans le but de divertir, mais sans aucun souci de cohérence narrative et dramatique. Toutefois, et c’est là l’ironie, il n’est pas impossible d’y trouver ce qu’on est venu chercher en visionnant cette Poupée de Satan, à savoir quelques éléments nawak, par ailleurs excellemment photographiés. Est-ce que cela en fait un bon film ? Sûrement pas. Une œuvre récréative ? Sans doute.

Accompagnée de son fiancé journaliste Jack, une jeune femme blonde, Elisabeth, se rend au château familial après le décès de son oncle, afin d’y découvrir son testament. Elle s’aperçoit que l’ancienne secrétaire de son oncle qu’elle croyait morte est gardée enfermée dans une chambre, clouée dans un fauteuil roulant, totalement folle. Lors de la lecture des derniers souhaits de son oncle, elle apprend qu’elle est la seule héritière du manoir constitué d’une chambre de torture d’époque. Alors qu’une ombre noire rôde dans les couloirs du château, elle est prise d’hallucinations et d’étranges rêves érotiques. La sévère gouvernante, Claudine, lui raconte que le manoir est hanté et que la meilleure chose est à faire est de le vendre à un homme d’affaires, Paul Reynaud. Très vite, un membre du personnel est assassiné par un tueur ganté de noir. Alors qu’une détective se fait passer pour une artiste- peintre pour enquêter dans la demeure, Elisabeth sombre dans la folie, prise de terribles cauchemars. Mais sont-ce de véritables rêves, ou n’est-ce pas là un complot afin de rendre folle la jeune héritière ?

La Poupée de Satan essaye d’adopter un ton sérieux qui lui sied guère, un peu comme une production de la Cannon qui tentait de se faire passer pour un blockbuster de cent millions de dollars alors que le budget était dix fois moindre. Pourtant, on ne peut pas s’empêcher de trouver le film attachant. Ce qui marque surtout dans La Bambola si Satana c’est la beauté de la photographie du chef opérateur Francesco Attenni, qui aurait d’ailleurs largement assisté le réalisateur Ferruccio Casapinta, incapable de diriger ses comédiens – ça ne fait aucun doute quand on voit le film, même si Erna Schurer et Roland Carey s’en sortent bien – et dépasser par les événements. Le montage part à vau-l’eau dès l’introduction, extrêmement maladroite puisque le générique, constitué de photogrammes du film, dévoile le dénouement de l’intrigue et donc l’identité du tueur ! Tout cela durant les cinq premières minutes.

Cependant, si le film surfe évidemment sur la mode du giallo instauré par Mario Bava et des adaptations live des fumetti, il annonce également la mutation du genre à l’aube des années 1970, alors que L’Oiseau au plumage de cristal n’est pas encore arrivé sur les écrans, ou bien encore d’autres titres auxquels on pense comme Exorcisme tragique Un bianco vestito per Marialé de Romano Scavolini et A la recherche du plaisirAlla ricerca del piacere de Silvio Amadio, tous deux sortis en 1972 et d’ailleurs disponibles chez l’éditeur Le Chat qui fume. Comme quoi, La Poupée de Satan, en reprenant toutes les ficelles, thématiques, partis pris (quelques touches gothiques et une petite pointe d’érotisme) et recettes d’un genre déjà installé, aura contre toute attente contribué (à son échelle) à son évolution. La Poupée de Satan apparaît donc comme une expérience à part entière et vaut bien qu’on s’y attarde le temps d’une projection.

LE BLU-RAY

Ce petit film oublié de tous, ou presque, refait surface grâce aux bons soins du Chat qui fume, décidément prolifique en ce début d’année 2019 ! La Poupée de Satan apparaît en France sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné, dont le visuel très attractif est une fois de plus signé Frédéric Domont. Nous le précisons, puisque son nom a été oublié dans les credits. C’était juste pour relancer les tensions (sexuelles, ou pas) entre le talentueux graphiste et m’sieur Stéphane Bouyer, grand Manitou du Chat qui fume. Edition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

L’excellent Francis Barbier du site DeVilDead.com nous fait un beau tour d’horizon de La Poupée de Satan (29’30). Ce module ironiquement intitulé Satan l’habite, contient des spoilers et n’est donc à visionner qu’après avoir vu le film. Comme il en l’habitude, Francis Barbier croise habilement le fond et la forme de l’unique film de Ferruccio Casapinta en revenant sur ce qui fait de ce giallo atypique une expérience à part entière, même si le journaliste-critique énumère les très nombreux points faibles de La Bambola di Satana et indique même qu’il s’agit d’un désastre technique. Il passe également en revue le travail du réalisateur, du chef opérateur, du compositeur, ainsi que le casting du film et son échec dans les salles. « Un film bancal et attachant […] une vraie proposition, un vrai travail photographique et quelques fulgurances visuelles et narratives, ne peuvent laisser le spectateur indifférent, ce qui est sa plus grande qualité », voici comment Francis Barbier résume intelligemment La Poupée de Satan.

L’interactivité se clôt sur la piste musicale isolée (partition soignée de Franco Potenza) avec également les effets sonores.

L’Image et le son

L’élévation HD (1080p) pourrait sembler anecdotique pour un petit film de cet acabit. Pourtant, elle met en valeur les partis pris esthétiques de la photographie signée Francesco Attenni. Le piqué dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus incisif sur toutes les lumineuses séquences tournées en extérieur. La copie est très propre, la restauration est superbe, aucune poussière n’est à signaler, les contrastes sont concis, les noirs souvent denses, les couleurs éclatantes. La gestion du grain original est équilibrée mais tend à être plus appuyé sur les scènes sombres et nocturnes. Le codec AVC consolide l’ensemble, les arrière-plans sont stables, la profondeur de champ est indéniable et les détails d’une richesse incontestée. Un très beau Blu-ray.

Comme pour l’image, le son a visiblement connu un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien DTS-HD Master Audio Mono pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est indéniable, les dialogues sont clairs et nets. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © REWIND FILMS / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Cirque de la peur, réalisé par John Llewellyn Moxey

LE CIRQUE DE LA PEUR (Circus of fear – Psycho-Circus) réalisé par John Llewellyn Moxey, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Christopher Lee, Leo Genn, Anthony Newlands, Heinz Drache, Eddi Arent, Klaus Kinski, Margaret Lee, Suzy Kendall, Cecil Parker, Victor Maddern…

Scénario : Harry Alan Towers, d’après le roman The Three Just Man, d’Edgar Wallace

Photographie : Ernest Steward

Musique : Johnny Douglas

Durée : 1h31

Année de sortie : 1966

LE FILM

Un fourgon blindé transportant des sacs remplis de billets de banque est braqué par un gang près du Tower Bridge. Le butin est ensuite dissimulé dans le Cirque Barberini par l’un des membres. Coïncidence ? Le cirque est bientôt la proie d’étranges meurtres au couteau visant son personnel. Un inspecteur de police chevronné mène alors l’enquête, laquelle s’annonce difficile, tant les suspects au sein de la troupe sont nombreux.

Belle démonstration que ce Cirque de la peurCircus of Fear (ou bien encore Psycho-Circus aux Etats-Unis, sorti dans une version tronquée et en N&B), réalisé par John Llewellyn Moxey en 1965 et sorti sur les écrans en 1966. Habitué des séries télévisées et téléfilms britanniques, le réalisateur emballe ce petit film qui oscille entre le film de casse et le cinéma d’horreur, le tout prenant la forme d’un whodunit à la Cluedo, dont la particularité est de voir son récit se dérouler sous le chapiteau d’un cirque. Interprété entre autres par Christopher Lee et Klaus Kinski, Le Cirque de la peur fait partie de ces longs métrages qui prennent aujourd’hui l’allure d’un épisode de série vintage dont le charme perdure grâce à sa mise en scène rigoureuse, la tenue de ses comédiens, son suspense maintenu du début à la fin, son rythme maîtrisé et son sens du divertissement.

À Londres, un dimanche matin, sur le Tower Bridge, une bande de malfaiteurs dévalisent une camionnette transportant d’importantes sommes d’argent. Après avoir bloqué le convoi avec leur voiture et braquer les convoyeurs, dont l’un est tué par son collègue complice des voleurs, se sont enfuis sur la Tamise à bord d’un canot à moteur. L’un d’entre eux, Mason, est chargé par leur commanditaire de lui ramener sa part du butin. Alors que ses acolytes sont arrêtés par la police, Mason se rend à son lieu de rendez-vous, un cirque à l’apparence abandonné, avec son chef mais il est aussitôt tué par un adroit lancer de couteaux et l’argent est aussitôt volé. La piste des billets dérobés, tous marqués, permet à l’inspecteur Elliott, chargé de l’enquête, de remonter jusqu’au campement d’hiver du cirque Barberini où des artistes ont dépensé de l’argent du casse. Afin d’y passer inaperçu , il se fait passer pour un photographe, désireux de faire un reportage sur la troupe. De Monsieur Loyal au lanceur de couteau, en passant par le trapéziste et le dompteur de fauves, tous semblent avoir quelque chose à cacher…

A la base du Cirque de la peur, il y a un roman du prolifique Edgar Wallace, écrivain et journaliste britannique, resté célèbre pour avoir participé à la création de King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933. Spécialiste du roman policier, du thriller anglais, d’aventures et de poursuite, toujours mâtiné d’enquête et de déduction, il signera 170 ouvrages en moins de trente ans, du début du XXe siècle, jusqu’à sa mort en 1932 à l’âge de 56 ans. A l’instar de ses meilleurs ouvrages, Le Cirque de la peur est mené tambour battant avec une succession quasi-ininterrompue d’actions et de revirements, jusqu’au final inattendu. L’auteur de la série des Quatre Justiciers, de Mr. J. G. Reeder, de l’Inspecteur Elk, de Sanders et bien d’autres, intéressera très vite le cinéma puisque les adaptations de ses nouvelles, romans et pièces de théâtre remontent déjà aux années 1920. C’est aussi et surtout en Angleterre et en Allemagne que ses écrits seront transposés en masse. Le Cirque de la peur, transposition de la nouvelle The Three Just Man, apparaît deux ans après la série The Edgar Wallace Mystery Theatre, 22 épisodes réalisés entre 1960 et 1964, dont six avaient déjà été réalisés par John Llewellyn Moxey.

Ce dernier s’empare du scénario écrit par Harry Alan Towers (également producteur) et signe un film policier très soigné, aux personnages troubles, énigmatiques et marquants, où les crimes à l’arme blanche et l’humour so british se confrontent pour notre plus grand plaisir durant 1h30. Certes Christopher Lee et Klaus Kinski apparaissent au générique, mais surtout comme seconds rôles (surtout le deuxième), et c’est surtout le comédien Leo Genn (Quo Vadis, Moby Dick, Le Jour le plus long, Le Venin de la peur) qui se distingue surtout dans ce film choral, dans le rôle de l’inspecteur Elliott. Autour de lui, tels des électrons qui s’agitent et périclitent, s’affolent tout un tas de protagonistes, dont le curieux Gregor (Christopher Lee donc), dont le visage demeure dissimulé sous une cagoule les trois quarts du film. Cela n’empêche pas l’immense acteur de s’imposer avec sa voix inimitable et son regard perçant. On appelle ça le charisme. N’oublions pas également le charme des deux actrices Suzy Kendall (L’Oiseau au plumage de cristal) et Margaret Lee (Les Insatisfaites poupées du docteur Hitchcock), mises en valeur par la belle photographie d’Ernest Steward (Les 13 fiancées de Fu Manchu).

John Llewellyn Moxey est un solide technicien – la séquence d’ouverture du casse sur le véritable Tower Bridge est d’ailleurs un brillant échantillon de son savoir-faire – qui sera repéré par l’industrie américaine et qui passera le reste de sa carrière à travailler sur de multiples séries de renoms comme Hawaï, police d’état, Mission impossible, Mannix, Magnum et Arabesque. Le Cirque de la peur est l’une de ses rares incursions au cinéma et mérite largement d’être découvert.

LE BLU-RAY

Le Cirque de la peur fait son apparition en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume. Les deux disques reposent tranquillement dans un Digipack 3 volets avec étui cartonné du plus bel effet et au magnifique visuel coloré. Superbe objet. Le menu principal est animé et musical. Edition limitée à 1000 exemplaires. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui signe une déclaration d’amour pour Christopher Lee.

Outre un lot de bandes-annonces, nous trouvons sur cette édition une présentation du Cirque de la peur par Eric Peretti (19’). Le programmateur au Lausanne Underground Film et Music Festival, ainsi qu’aux Hallucinations collectives de Lyon retrace avec une passion toujours contagieuse les origines du Cirque de la peur avec moult anecdotes de production et de tournage, un tableau dressé du casting, les portraits du producteur Harry Alan Towers et du réalisateur John Llewellyn Moxey, sans oublier une grande partie consacrée à l’écrivain Edgar Wallace. On apprend notamment qu’il existe une version allemande du film, en N&B, amputée de quelques séquences et comprenant un happy-end, qui a quand même été interdite aux moins de 18 ans à sa sortie.

L’Image et le son

Que voilà un beau master ! Rien à signaler sur la propreté et la stabilité de la copie, c’est impeccable, immaculé même. Point de scories, de points noirs ou autres griffures constatés, le master est irréprochable avec des couleurs éclatantes dans les coulisses du cirque, volontairement plus terne avec un ciel grisâtre dans la première partie londonienne. Le piqué est surprenant, vif, tandis que la patine argentique flatte constamment les rétines. Mention spéciale aux gros plans, notamment la tronche de Klaus Kinski, riche en détails avec également un teint naturel des visages. Le film utilise quelques stock-shots sur les numéros de cirque et la définition est forcément plus chancelante avec un grain plus appuyé et des teintes plus fanées. Mais cela ne dure que quelques secondes. Le film est proposé dans sa version intégrale.

La belle partition à la trompette de Johnny Douglas s’accompagne de sensibles saturations. Les dialogues sont en revanche solides et dynamiques, aucun souffle ne vient parasiter l’écoute. Signalons quelques légers « couinements » à la 55e minute. L’ensemble est très clair et les sous-titres français non imposés. Seule la version originale est disponible.

Crédits images : © Liliom Audiovisuel / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Loups de haute mer, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES LOUPS DE HAUTE MER (North Sea Hijack) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films le 28 février 2019

Acteurs : Roger Moore, James Mason, Anthony Perkins, Michael Parks, David Hedison, Jack Watson…

Scénario : Jack Davies d’après son roman « Esther, Ruth and Jennifer« 

Photographie : Tony Imi

Musique : Michael J. Lewis

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1980

LE FILM

Lou Kramer et son commando menacent de détruire plusieurs plates-formes pétrolières en pleine mer ! Pour éviter cela, le Conseil d’Urgence envoie ffolkes, le réputé commandant misogyne de la brigade antigang. Lui et ses hommes, surnommés les « loups de haute mer », se lancent dans une bataille aquatique délicate et très dangereuse contre les pirates…

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles. Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart.

Dans les années 1970, le cinéaste persiste et signe dans le western avec Chisum, Le Dernier train pour Frisco, Rio Verde, Les Cordes de la potence et La Loi de la haine. Il se voit alors proposer Les Oies sauvagesThe Wild Geese, adapté de l’oeuvre de Daniel Carney par Reginald Rose, l’auteur de Douze hommes en colère, mais également scénariste de L’Homme de l’Ouest d’Anthony Mann en 1958. L’histoire est alors prétexte pour réunir quelques grands noms du cinéma pour un film d’aventures qui allait devenir alors une référence. Deux ans après, Andrew V. McLaglen retrouve Roger Moore pour Les Loups de haute merNorth Sea Hijack, ou bien encore ffolkes, du nom du personnage principal et Assault Force lors de sa diffusion à la télévision américaine. Thriller d’aventure et d’action, bourré d’humour et de bons mots, génialement interprété, Les Loups de haute mer est également devenu un petit classique chéri par les cinéphiles et amateurs de séries B.

Lou Kramer un terroriste et son commando armé menace de faire exploser des plateformes pétrolières. Pour contrer cet homme dangereux, le conseil d’urgences déploie une équipe de professionnels. À la tête de celle-ci figure Folks, homme bougon et solitaire qui préfère la compagnie des chats à celui des femmes. Mais lui et son équipe surnommés « les loups de haute mer » sont les seuls à pouvoir empêcher l’inévitable.

Rétrospectivement, sir Roger Moore trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Son personnage misanthrope, critiquant la gent féminine, porté sur la boisson et passionné par les chats lui va comme un gant et le comédien se délecte de chacune de ses répliques. La barbe bien coupée, l’oeil moqueur et avant tout expert dans son domaine, Rufus Excalibur ffolkes était l’homme tout désigné pour mettre fin aux agissements d’une bande de terroristes bien décidé à mettre la mer du Nord à feu et à sang. Les Loups de haute mer, à ne pas confondre avec The Sea Wolves’’, sorti la même année, également réalisé par Andrew V. McLaglen, avec aussi Roger Moore au générique, connu sous le titre français Le Commando de Sa Majesté, est l’adaptation du roman de Jack Davies, Esther, Ruth and Jennifer. L’écrivain, également l’auteur de l’extraordinaire Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines taille un rôle sur mesure pour l’acteur principal.

En dépit d’une affiche très « bondienne » sur laquelle Roger Moore arbore la célèbre pose de l’agent 007 et qui rappelle celle de Sean Connery sur celle d’Opération Tonnerre, point de gadgets ou cascades ici. Les Loups de haute mer est un « petit » thriller jubilatoire, au charme rétro toujours intact, dans lequel l’agent de sa Majesté, alors en permission entre les dossiers classifiés de Moonraker et Rien que pour vos yeux, s’amuse et rivalise de cabotinage (rien de péjoratif à dire cela) avec James Mason (la vieille école fatiguée) et Anthony Perkins (suintant et grimaçant à souhait), avec sa légendaire allure décontractée.

Près de quarante ans après sa sortie, Les Loups de haute mer est toujours aussi divertissant et reste emblématique d’un cinéma britannique aussi élégant que récréatif.

A mon père.

LE BLU-RAY

Nous le désirions depuis tant d’années ! C’est désormais chose faite ! Les Loups de haute mer apparaît en HD dans les bacs français sous la bannière d’Elephant Films ! Quel bonheur ! Le film d’ Andrew V. McLaglen est disponible en combo DVD/Blu-ray. Le menu principal est fixe et musical.

Le journaliste en culture pop Julien Comelli est de retour et le moins que l’on puisse dire, c’est que la sobriété lui va beaucoup mieux. Sa présentation des Loups de haute mer est impeccable (14’). Il commence tout d’abord par indiquer les différents titres du film, avant de préciser qui est Andrew V. McLaglen, puis de donner quelques titres de films du genre, dont un alléchant La Tour Eiffel en otage, réalisé par Claudio Guzmán en 1980. Quelques anecdotes de tournage sont également au programme, ainsi que des infos concernant la sortie mitigée des Loups de haute mer au cinéma.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et un lot de bandes-annonces, dont celle du film qui nous intéresse (« Il n’a pas besoin de permis de tuer ! »), qui dévoile alors le dénouement !

L’Image et le son

La restauration n’est pas de première jeunesse et la réduction de bruit a le don d’irriter quelque peu. Néanmoins, vous pouvez mettre aux oubliettes le DVD Universal qui prenait la poussière depuis 2003 ! L’apport HD est éloquent sur les séquences diurnes et le renforcement des contrastes. Pourtant, le générique fait très peur avec une image très grumeleuse, des fourmillements à foison et diverses scories. Il faut accepter un teint plutôt cireux des visages, mais ce Blu-ray au format 1080p des Loups de haute mer permet de revoir ce bon classique dans de bonnes conditions. Le master trouve un équilibre, une stabilité suffisante, les couleurs sont ragaillardies, les détails sont plus riches, le piqué agréable.

Le doublage français est aux petits oignons, avec les grands Claude Bertrand (Roger Moore), Bernard Tiphaine (Anthony Perkins) et Jean-Claude Michel (George Baker) à la barre ! La Stéréo laisse place aux dialogues, au détriment des ambiances. L’ensemble est propre, sans souffle parasite. La piste anglaise est plus aérée et équilibrée, tandis que l’excellente partition de Michael J. Lewis semble également plus dynamique. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Baie sanglante, réalisé par Mario Bava


LA BAIE SANGLANTE (Reazione a catena – Ecologia del delitto) réalisé par Mario Bava disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 5 mars 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Volonté, Laura Betti, Leopoldo Trieste, Franco Ventura, Anna Maria Rossati, Isa Miranda, Brigitte Skay, Paola Montenero, Roberto Bonanni, Guido Boccaccini, Nicoletta Elmi, Renato Cestiè…

Scénario : Filippo Ottoni, Mario Bava, Giuseppe Zaccariello d’après une histoire originale de Dardano Sacchetti et Franco Barberi

Photographie : Mario Bava

Musique : Stelvio Cipriani

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

La vieille comtesse Frederica est brusquement arrachée à son fauteuil d’invalide et pendue par son mari qui à son tour meurt sous les coups de poignard d’un mystérieux assassin. Quatre jeunes gens venus se divertir pénètrent par effraction dans la villa. Pendant que l’une des filles se baigne nue dans la baie et se retrouve la gorge tranchée, un garçon et une fille désirant faire l’amour se retrouvent épinglés au lit par une lance…

La Baie sanglante est une œuvre tardive dans l’oeuvre de Mario Bava. Le cinéaste a 57 ans quand il entreprend ce film, considéré aujourd’hui comme l’une de ses plus grandes réussites, qui apparaît également comme une réponse au giallo, ce genre italien du film d’exploitation, cocktail de cinéma d’horreur, de film policier et d’érotisme soft. Un tueur ganté, masqué, qui assassine sauvagement (souvent en caméra subjective) à l’aide d’une arme blanche ou de ses propres mains en étranglant la plupart du temps une pauvre femme qui trépasse en hurlant, et qui rend son dernier souffle, figée dans un ultime appel au secours. Telles sont les composantes du giallo. Chantage, sexe, héros suspectés, meurtres sadiques, Mario Bava (1914-1980) ne sait pas encore qu’il vient de changer le cinéma de genre, italien, européen puis mondial avec Six femmes pour l’assassinSei Donne per l’assassino, ou bien encore Blood and Black Lace pour son titre international, qui sort sur les écrans en 1964. De cette œuvre matricielle, acte fondateur de tout un pan du septième art, Dario Argento s’en inspirera pour son propre cinéma. En février 1970, L’Oiseau au plumage de cristal connaît un succès mondial. Après le désistement du producteur Dino De Laurentiis qui voulait surfer sur la vague du giallo, Mario Bava décide d’aller plus loin et de remettre les pendules à l’heure quant au genre qu’il a lui-même créé.

Six scénaristes se refilent l’histoire de La Baie sanglante, qui déboule sur les écrans italiens en 1971. Et c’est du jamais vu. Les spectateurs se retrouvent face à une succession ou plutôt à une réaction en chaînes (traduction littérale du titre original) de meurtres (13 au total) très violents, crus, sanglants, comme s’ils étaient embarqués dans une spirale, dans une boucle constituée d’assassinats en perpétuel recommencement. Non seulement, Mario Bava a inventé le giallo, mais il crée ici un autre genre qui découle du premier, le slasher, et sera notamment la première grande influence du Vendredi 13 de Sean S. Cunningham (1981).

La Baie est un magnifique domaine, convoité par tous. La propriétaire, Federica Donati, une vieille comtesse paralytique, refuse de vendre la propriété à un architecte sans scrupule, car elle ne veut pas la voir se transformer en station balnéaire et lieu touristique. Un soir la comtesse est attaquée par son mari le comte Filippo Donati. Dans la foulée le comte est tué et son corps dissimulé dans la baie. Un mot désespéré étant retrouvé près du cadavre, la police conclut au suicide.

C’est une expérience inoubliable à laquelle nous convie Mario Bava. Presque un demi-siècle après sa sortie, La Baie sanglante, Reazione a catena (Ecologia del delitto) demeure l’un des plus grands films d’horreur, ou de terreur plutôt, de l’histoire du cinéma, probablement l’un des plus violents. Radical, mais également réflexion sur la représentation de la violence à l’écran et du rapport des spectateurs avec les films de genre, La Baie sanglante peut se targuer de flatter autant l’intellect du spectateur, que ses sens en le divertissant du début à la fin, en lui offrant ce qu’ils est venu chercher, au-delà même de ses espérances. Déçu par son Île de l’épouvante (1970), le maestro en reprend quelques motifs ici dans La Baie sanglante. Voulant retrouver une certaine forme de liberté créatrice et d’expression, Mario Bava a pour ainsi dire carte blanche. S’il a également participé au scénario sur cet opus, il y est également chef opérateur.

Bienvenue dans un monde où l’horreur peut vous surprendre n’importe où, dans le plus simple appareil, de jour comme de nuit. Véritable leçon de cinéma, du zoom au montage, en passant par la sécheresse des meurtres macabres, la beauté de la photographie, les effets spéciaux et les maquillages saisissants du grand Carlo Rambaldi (récompensés au Festival du film fantastique d’Avoriaz), La Baie sanglanteReazione a catena est un chef d’oeuvre absolu et intemporel, morbide, mais lyrique et surtout furieusement poétique.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de La Baie sanglante, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical. Après plusieurs éditions chez TF1 Vidéo (2000), Evidis (2006) et Carlotta Films (2009), le che d’oeuvre de Mario Bava revient dans les bacs, plus beau que jamais !

Le journaliste Mathieu Macheret a décidément le vent en poupe puisque nous ne cessons de le retrouver sur les éditions de Rimini Editions et bien évidemment chez ESC Editions. Il propose ici une analyse de quelques séquences spécifiques de La Baie sanglante (20’). Une présentation assez pointue et pertinente, qui croise à la fois le fond et la forme.

Critique cinématographique et écrivain, Gérard Lenne a répondu présent pour présenter à son tour La Baie sanglante de Mario Bava (25’). Cette passionnante intervention donne moult informations sur la genèse et la production du film qui nous intéresse. Ecologia del delitto est replacé dans l’oeuvre du maître italien, les partis pris sont analysés (la violence des meurtres et la représentation de la violence), le casting passé au peigne fin, ainsi que les lieux de tournage, la sortie du film sur les écrans, les quelques récompenses à Sitges (une mention spéciale) et à Avoriaz (prix des effets spéciaux pour Carlo Rambaldi), ainsi que son influence sur le genre américain puisque La Baie sanglante allait donner naissance au slasher. Moult anecdotes sont également racontées au fil de ce rendez-vous vraiment très agréable.

Chez Homepopcorn.fr, on adore Nicolas Stanzick ! Alors, quel plaisir de retrouver l’auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante ! Toujours débordant d’énergie et passionné, Nicolas Stanzick indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de La Baie sanglante (25’). S’il y a évidemment quelques échos avec ce qui a déjà été entendu précédemment, cette analyse complète parfaitement les modules passés en revue.

Nous trouvons également le montage alternatif italien de La Baie sanglante, d’une durée d’1h24’’54 contre 1h24’’24 pour le montage anglais. Selon Bruno Terrier, éminent expert de Mario Bava, les différences apparaissent au niveau de quelques dialogues et de contrechamps sensiblement plus étendus. Le film ayant été tourné en anglais, privilégiez évidemment l’autre montage, et surtout la version française très réussie.

L’Image et le son

Force est d’admettre que nous nous trouvons devant l’un des plus beaux Blu-ray disponibles chez ESC Editions. Le cadre, superbe, regorge de détails aux quatre coins et ce dès la première séquence. Si le générique est évidemment plus doux, la définition reste solide comme un roc, la stabilité est de mise et le grain original flatte constamment la rétine. La propreté de la copie (anglaise, comme l’indiquent les credits) est irréprochable, à part peut-être quelques pétouilles, mais ce serait vraiment chipoter. La palette chromatique profite de cet upgrade avec des teintes revigorées. Les séquences diurnes en extérieur bénéficient d’un piqué pointu et d’une luminosité inédite. Ajoutez à cela des noirs denses, une magnifique patine seventies, quelques éclairages luminescents et vous obtenez l’une des éditions indispensables de mars 2019.

Propre et dynamique, le mixage français DTS HD Master Audio Stéréo (à privilégier) ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la très belle partition Stelvio Cipriani. A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot, puisque la version anglaise DTS-HD Master Audio Mono 2.0 paraît bien confinée, oubliant quelques ambiances naturelles pour se concentrer sur les voix. Notons également la présence d’une piste française 5.1 anecdotique, mais qui contient son lot d’effets, en dépit d’un léger souffle chronique.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Candyman, réalisé par Bernard Rose

CANDYMAN réalisé par Bernard Rose disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 19 février 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, DeJuan Guy, Marianna Elliott, Ted Raimi, Michael Culkin…

Scénario : Bernard Rose d’après la nouvelle de Clive Barker, The Forbidden

Photographie : Anthony B. Richmond

Musique : Philip Glass

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

Helen Lyne, une étudiante, décide d’écrire sa thèse sur les mythes et légendes locales. C’est en visitant une partie de la ville inconnue qu’elle découvre la légende de Candyman, un homme effrayant qui apparaît lorsqu’on prononce cinq fois son nom en face d’un miroir. Helen, pragmatique, choisit de ne pas croire à l’existence de Candyman. Mais son univers bascule dans l’horreur quand une série de meurtres horribles commence…

Ecrivain, plasticien, dramaturge, sculpteur, scénariste, producteur, comédien et réalisateur, Clive Barker, né à Liverpool en 1952, est un touche-à-tout. 1984 est un tournant dans sa carrière puisque la même année sortent les trois premiers volumes de la série Livres de sang, recueils de nouvelles qui comprendront six tomes. C’est un triomphe immédiat. Les trois autres volets sortent l’année suivante, ainsi que le roman Le Jeu de la damnation. Echaudé par le traitement accordé à ses scénarios sur Transmutations et Rawhead Rex, le monstre de la lande, tous les deux mis en scène par George Pavlou en 1985 et 1986, Clive Barker décide de passer derrière la caméra afin d’adapter lui-même son roman (non publié) Hellraiser. Le reste appartient à la légende et le personnage de Pinhead devient une icône du film d’épouvante. Si Clive Barker a depuis continué sa carrière littéraire, le cinéaste est devenu rare. Son second long métrage Cabal (1990) s’est entre autres soldé par un échec commercial, d’autant plus que le film est remonté par la 20th Century Fox. Alors que la franchise Hellraiser en est déjà au troisième opus, un réalisateur du nom de Bernard Rose (né en 1960) décide d’adapter sa nouvelle intitulée Lieux InterditsThe Forbidden tirée du tome 5 des Livres de sang. Il lui cède les droits gratuitement en échange d’une participation à la production du film. Remarqué avec son magnifique Paperhouse (1988) et metteur en scène de trois autres longs métrages plus anecdotiques (Smart Money, Body Contact, Chicago Joe et la showgirl), Bernard Rose va alors s’approprier le récit original et créer l’un des plus célèbres boogeymen de l’histoire du cinéma avec Candyman, film d’épouvante, mais dans un contexte dramatique social.

Helen Lyle est étudiante à l’université d’Illinois à Chicago, mariée à Trevor, un professeur. Avec son amie Bernadette, elles rédigent une thèse sur les légendes urbaines et les croyances populaires. Au cours de ses investigations, elle est interpellée par une histoire récurrente, celle du mythique Candyman qui terrorise les habitants du quartier défavorisé de Cabrini Green depuis des décennies. Helen sentant qu’elle tient là l’occasion rêvée de pimenter son travail, convainc Bernadette d’aller enquêter sur les lieux mêmes des crimes, dans la cité sordide de Cabrini Green (le film a réellement été tournée sur place), un ghetto noir livré aux gangs et à la misère. Elles se rendent à l’appartement de la dernière victime en date, persuadées qu’en fait le fantôme, est un meurtrier qui s’introduit dans les appartements grâce à un défaut de conception permettant la communication entre les salles de bains par un passage situé derrière les miroirs. Sur place, Helen découvre un appartement laissé à l’abandon et recouvert de graffitis étranges et inquiétants. Plus tard, au cours d’un dîner en compagnie d’un éminent collègue de son mari qui travaille sur les mêmes sujets, elle apprend la véritable histoire de ce Candyman. Daniel Robitaille était un fils d’esclave dont le géniteur avait réussi à faire fortune grâce à une invention. Daniel fréquenta les meilleures écoles et reçut une très bonne éducation. Artiste, il commence à gagner sa vie en réalisant le portrait de riches commanditaires. En 1890 il est mandaté par un riche propriétaire terrien, qui lui commande une peinture de sa fille. Daniel et cette dernière tombent amoureux et la jeune héritière tombe enceinte. Le père furieux de cet affront (qui plus est commis par un noir) engage des brutes épaisses et avinées pour lyncher Daniel. Roué de coups, la main tranchée, Robitaille est ensuite recouvert de miel et livrer en pâture aux abeilles. Tué par les multiples piqûres, Robitaille est ensuite incinéré et ses cendres jetées sur les champs qui deviendront des années plus tard le ghetto de Cabrini Green. Depuis, toute personne qui récitera son nom à 5 reprises face à un miroir le verra réapparaître. C’est alors qu’Helen est confrontée au véritable Candyman, furieux du scepticisme dont elle fait preuve, et contraint selon lui à se montrer à nouveau pour relancer le mythe, afin que les gens croient en lui de nouveau.

Voilà la légende de Candyman. Ou comment perpétuer un mythe depuis un siècle. Tandis que résonne le magnifique thème principal composé par l’immense Philip Glass, la ville de Chicago (l’action de la nouvelle originale se déroule à Liverpool) et ses autoroutes sont montrées du ciel avec ses véhicules en mouvement, qui s’entremêlent, qui s’échappent et disparaissent. C’est comme qui dirait une métaphore d’une histoire qui se transmet par le bouche-à-oreille, qui mute et se transforme en passant d’une personne à l’autre. La légende urbaine de Candyman n’est pas que le fruit de l’imagination et si un individu peine à y croire, attention, le croque-mitaine pourrait bien lui apparaître pour chambouler son esprit cartésien.

Candyman, c’est la manifestation surnaturelle de la violence d’une nation, du racisme, de la haine des hommes. Mesurant près de 2 mètres, Tony Todd est l’incarnation parfaite de ce monstre ambigu, puisque conscient de sa dimension tragique. Digne héritier de Dracula, Candyman est un personnage romantique, victime de la xénophobie, dont l’âme brisée qui n’a jamais pu s’éteindre demeure dans la conscience collective au point de s’incarner quand on l’invoque. Gare à celle ou celui qui se trouvera à portée de son énorme crochet de boucher acéré et planté dans son moignon droit !

La “Mina Harker” de Candyman, Helen (It was always you Helen), est interprétée par la sublime et envoûtante Virginia Madsen. Révélée par David Lynch dans Dune (1984) dans lequel elle jouait la Princesse Irulan, la comédienne est également l’une des têtes d’affiche du bouillant Hot Spot de Dennis Hopper aux côtés de Jennifer Connelly. Après un détour par le fantastique (du moins dans son genre) Highlander, le retour (1991), elle trouve dans Candyman l’un de ses plus grands rôles. Magnétique, troublante, bouleversante, l’actrice, que le cinéaste hypnotisait afin d’obtenir un regard « perdu dans les limbes », foudroie le coeur et l’âme des spectateurs du début à la fin.

De son côté, Bernard Rose enchaîne les séquences cultes, merveilleusement photographiées par Anthony B. Richmond (Ne vous retournez pas et L’homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg), tandis que la musique de Philip Glass se grave dans nos mémoires à jamais. Parallèlement à la sortie du film sur les écrans, Virginia Madsen est récompensée par le Saturn Award, ainsi que par le Prix du public de la meilleure actrice au Festival international du film fantastique d’Avoriaz en 1993, où Philip Glass est également primé. Après le succès colossal de Candyman au cinéma avec 26 millions de dollars de recette (pour un budget de 8 millions) rien que sur le sol américain, une suite est envisagée. Bernard Rose écrit un premier scénario, finalement rejeté par les studios. Ce qui n’empêchera pas de voir débarquer un Candyman 2 dans les salles en 1995, produit par Clive Barker et réalisé par Bill Condon. En 1999, Candyman 3 sortira directement dans les bacs. Mais ceci est une autre légende urbaine. Il semblerait qu’un remake soit prévu par Jordan Peel, metteur en scène de Get Out. Sortie programmée en 2020. Candyman ne mourra jamais.

LE BLU-RAY

Candyman. Candyman. Candyman. Candyman. Can…non mais oh ça va pas non ? L’oeuvre de Bernard Rose réapparaît dans les bacs dans une magnifique édition Blu-ray + DVD + livret de 24 pages sous les couleurs d’ESC Editions. Vous pouvez donc oublier l’édition Blu-ray sortie chez Universal en 2012 car Candyman (zut une cinquième fois !) revient dans un nouveau master Haute-Définition avec plus de quatre heures de suppléments ! Le menu principal est animé sur la mythique partition de Philip Glass. Pas de chapitrage.

Si le menu indique seulement Bernard Rose au micro du commentaire audio (VOSTF), ses propos sont pourtant croisés avec ceux du producteur Alan Poul, de l’écrivain Clive Barker ainsi que des comédiens Virginia Madsen, Tony Todd et Kasi Lemmons ! La plupart du temps, l’intervenant indique lui-même son nom avant de s’exprimer sur Candyman. Certes, tous ces propos ont visiblement été enregistrés durant des interviews, mixés par la suite, mais ne passez surtout pas à côté de ce commentaire passionnant, qui revient sur la genèse du film, l’adaptation de la nouvelle originale, le casting (Sandra Bullock, encore inconnue, avait été pressentie pour le rôle d’Helen), la psychologie des personnages, les conditions et lieux de tournage (Virginia Madsen hypnotisée, le quartier défavorisé de Cabrini Green), les thèmes (les légendes urbaines notamment, la dimension sociale de Candyman), sans oublier la musique de Philip Glass.

Après le film, dirigez-vous vers l’intervention (34’) d’Alexandre Poncet (réalisateur du Complexe de Frankenstein) et de Laurent Duroche (journaliste chez Mad Movies). Les propos croisés et passionnés de ces messieurs se complètent sur un rythme soutenu. Chacun replace Candyman dans son contexte cinématographique au début des années 1990, avant d’en venir au personnage à sa mythologie, tout en abordant la genèse du film, les conditions de tournage et certaines scènes clés.

Place maintenant à Olivier Desbrosses, rédacteur en chef d’UnderScores (17’) qui nous propose de son côté une présentation très intéressante du compositeur Philip Glass. L’oeuvre du pionnier de la musique minimaliste est longuement abordée, à l’instar de ses travaux pour le cinéma, y compris bien sûr pour Candyman. Avec son timbre de voix qui rappelle celui de François Guérif, Olivier Desbrosses signe un module très intéressant, qui donne envie d’écouter les thèmes méconnus de Philip Glass.

Nous les avons déjà entendus dans le commentaire audio, mais c’est également très plaisant de les voir, Virginia Madsen (13’) et Tony Todd (10’) s’expriment sur Candyman. Certes, leurs propos renvoient directement à ceux déjà entendus dans le premier supplément (la création du personnage, son costume, le travail avec les abeilles, la préparation « physique » de Virginia Madsen que Bernard Rose voulait plus en chair, le recours à l’hypnose pour donner à l’actrice un regard envoûté), mais ne boudons pas notre plaisir, d’autant plus que les comédiens sont visiblement très heureux de reparler de ce film très important dans leurs carrières respectives.

Un module de huit minutes se concentre sur les effets spéciaux et maquillages du film, en compagnie des artistes Bob Keen, Mark Coulier et Gary J. Tunnicliffe, qui interviennent sur la création du crochet de Candyman, ainsi que la prothèse spéciale créée afin que Tony Todd puisse placer une poignée de véritables abeilles dans sa bouche.

Les intervenants du commentaire audio sont de retour dans un making of de 2004 (24’). Si vous êtes arrivés jusqu’ici en visionnant et en écoutant tous les bonus précédents, alors les propos tenus ici vous apparaîtront redondants puisqu’il s’agit des mêmes anecdotes glanées ici et là ! Quelques photos de tournage viennent illustrer ces anecdotes croisées.

N’oublions pas Clive Barker, qui bénéficie d’un module centré sur sa carrière, avec la participation de l’écrivain lui-même en 2004 (11’). Ce dernier remonte le fil de sa carrière et se souvient avec le sourire que son désir a toujours été de « foutre une trouille bleue aux gens en créant des trucs bizarres, un mec dont la profession est l’imagination ». L’auteur revient sur ses premières œuvres (films, peintures, écrits), ses références (Jean Cocteau notamment), sur ce qui a nourri son inspiration et sur tous ses longs métrages.

Les aficionados de Bernard Rose vont être aux anges puisque l’éditeur nous gratifie de trois de ses courts-métrages restaurés en HD ! A Bomb With No Name on It (3’, 1976), The Wreckers (5’) et Looking at Alice (30’, 1978). Expérimentaux, œuvres de jeunesse, émergence d’une sensibilité, d’un style, d’une voix, ces trois films sont animés par une fureur de (sur)vivre dans une Angleterre engluée dans d’anciennes traditions qui ne laissent aucune place à la jeunesse. Où la communication est impossible entre les générations et où le futur est non seulement incertain, mais aussi et surtout très pessimiste.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale, ainsi que sur quelques planches de storyboards mises en parallèle avec les scènes correspondantes (6’).

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré 2K provient du nouveau scan 4K effectué à partir du négatif original, le tout supervisé et approuvé par Bernard Rose et le directeur de la photographie Anthony B. Richmond. La patine argentique est donc sacrément bien respecté avec un grain présent et surtout excellemment géré. Les couleurs sont très agréables, fraîches (voir les teintes rouges), les noirs denses, les contrastes solides comme un roc et les séquences diurnes lumineuses à souhait. Les détails sont également très appréciables, au niveau des décors (les graffitis dans l’antre de Candyman) et des gros plans sur les comédiens. Un Blu-ray au format 1080p (AVC) et une formidable ressortie enfin digne de ce nom que les fans de Candyman attendaient depuis des années. Voici la plus belle copie du film à ce jour.

La version française, puisque de nombreux spectateurs ont découvert puis revu le film ainsi, est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0. La piste est très propre, avec des dialogues très clairs et bien équilibrés, même si parfois poussés trop en avant. La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cela profite essentiellement à la composition de Philip Glass, bien présente sur l’ensemble des canaux (attention les frissons dès l’ouverture !), ainsi qu’à la voix caverneuse de Tony Todd. Plus homogène, cette version est également plus dynamique avec quelques effets de basses et latéraux très sympathiques. La Stéréo anglaise est également de fort bon acabit.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Universal pictures video / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr