Test Blu-ray / Beignets de tomates vertes, réalisé par Jon Avnet

BEIGNETS DE TOMATES VERTES (Fried Green Tomatoes) réalisé par Jon Avnet, disponible en DVD et Blu-ray le 11 avril 2017 chez Movinside

Acteurs : Kathy Bates, Mary Stuart Masterson, Mary-Louise Parker, Jessica Tandy, Cicely Tyson, Chris O’Donnell, Grace Zabriskie

Scénario : Fannie Flagg, Carol Sobieski d’après le roman « Beignets de tomates vertes » (Fried Green Tomatoes at the Whistle Stop Cafe) de Fannie Flagg

Photographie : Geoffrey Simpson

Musique : Thomas Newman

Durée : 2h10

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

De nos jours, en Alabama, Evelyn Couch, femme au foyer, mène une existence monotone jusqu’à ce qu’elle rencontre Ninny Threadgood, une vieille dame extraordinaire, qui va lui redonner goût à la vie. Celle-ci lui raconte sa jeunesse, 60 ans plus tôt, à Whistle Stop, petite bourgade du sud des Etats-Unis. L’histoire que raconte Ninny est celle de l’amitié entre deux femmes : Idgie, forte tête, véritable garçon manqué, et Ruth, douce et remarquable cuisinière. Mariée à Franck Bennett, un homme violent, Ruth finit par appeler Idgie au secours, et s’enfuit avec elle. Les deux femmes décident d’ouvrir un restaurant. Mais Bennett n’a pas dit son dernier mot…

C’est un tout petit film, tourné pour 11 millions de dollars et sorti aux Etats-Unis en janvier 1992 dans une combinaison restreinte de 5 écrans. Puis le bouche-à-oreille a fait le reste. En quatre semaines, Beignets de tomates vertes ou Fried Green Tomatoes est passé à 673 écrans, avant d’être finalement proposé dans 1331 salles. La France a dû attendre la fin septembre 1992 pour découvrir le film de Jon Avnet, alors qu’il franchissait la barre des 80 millions de dollars de recette sur le sol de l’Oncle Sam. A peine 400.000 français viendront découvrir Beignets de tomates vertes à sa sortie, mais cette chronique douce-amère est ensuite rapidement devenue culte auprès de nombreux spectateurs. Plus de 25 ans après, Fried Green Tomatoes a conservé toute son aura et n’a de cesse de faire de nouveaux adeptes.

Adapté du roman Fried Green Tomatoes at the Whistle Stop Cafe de Fannie Flag, Beignets de tomates vertes revient de loin et son adaptation a donné quelques sueurs froides au cinéaste, bien qu’il n’ait jamais pensé à abandonner ce projet qui lui tenait particulièrement à coeur, d’autant plus qu’il avait lui-même acquis les droits cinématographiques. Pour son premier long métrage, Jon Avnet s’entoure d’un casting féminin exceptionnel. Le quatuor composé de Kathy Bates (Misery) et Jessica Tandy (Miss Daisy et son chauffeur) d’un côté – toutes les deux venaient de remporter l’Oscar de la meilleure actrice – pour la partie contemporaine, et celui constitué de Mary-Louise Parker (Coups de feu sur Broadway) et Mary Stuart Masterson (Benny and Joon) pour la partie du récit se déroulant dans les années 1930, subjugue du début à la fin. « Le Secret est dans la sauce », titre québécois du film, se focalise tout d’abord sur Evelyn (Kathy Bates). Tandis qu’elle visite une tante dans sa maison de retraite, cette femme âgée d’une cinquantaine d’années fait la connaissance de Ninny (Jessica Tandy), une vieille dame encore très vive et avec qui le courant passe immédiatement. Celle-ci lui raconte sa jeunesse à Whistle Stop, une localité où, dans les années 1930, elle était amie avec Ruth (Mary-Louise Parker) et Idgie (Mary Stuart Masterson), deux jeunes femmes aux tempéraments diamétralement opposés. Opposés, mais pas moins promptes à tenir ensemble le Whistle Stop Café, un établissement qui fait du beignet de tomate verte sa grande spécialité.

Histoire(s) d’émancipation(s), Beignets de tomates vertes est un doux récit où l’écho du passé se répercute sur le présent, mais aussi et surtout une véritable histoire d’amour entre deux jeunes femmes, qui ne se dit pas dans l’Amérique des années 1930 et qui ne se vit réellement que sous la forme d’une extraordinaire et bouleversante amitié. Phénomène de librairie dès sa publication en 1987, le second livre de Fannie Flag était d’abord resté 36 semaines sur la liste des best-sellers établie par le New York Times. Sa transposition marque les débuts prometteurs de Jon Avnet, même si le réalisateur n’a jamais su ou pu confirmer par la suite en se vautrant même dans la fange hollywoodienne avec les navets Red Corner (1997), 88 minutes (2007) et La Loi et l’ordre (2008) qui marquait pourtant les retrouvailles de Robert de Niro et Al Pacino devant la caméra. Ce premier long métrage restera sans nul doute l’oeuvre de sa vie. Sa mise en scène délicate associée à un rythme lent et maîtrisé, invite les spectateurs dans des décors à la Steinbeck, à entrer dans l’intimité des souvenirs de ces femmes, Idgie, éprise de liberté et d’indépendance à l’époque de la grande dépression, Ruth, qui se libère aux côtés d’Idgie, Ninny, pétulante octogénaire et Evelyn, ménagère résignée, puis rebelle à sa condition et qui renaît grâce à Ninny.

Beignets de tomates vertes est une œuvre en état de grâce, à l’instar d’Idgie plongeant sa main dans un essaim d’abeilles afin d’en récolter le miel pour l’offrir à Ruth (scène réalisée sans doublure par Mary Stuart Masterson), ou bien encore cette promenade sur le lac avant le drame. Un film qui n’a rien perdu de son aura et de son authenticité, devant lequel on se sent bien, au chaud, rassurés, apaisés, également bercés par la musique envoûtante de Thomas Newman. Inoubliable.

LE BLU-RAY

Le superbe digibook de Beignets de tomates vertes édité par Movinside dans la collection Les Films de ma vie, renferme le Blu-ray du film. Le petit livret de 32 pages richement illustré délivre quelques notes de production signées Marc Toullec. Le menu principal de cette édition est animé et musical.

Aucun supplément vidéo.

L’Image et le son

Pour cette nouvelle édition HD de Beignets de tomates vertes, Movinside semble avoir repris le master sorti chez feu Filmedia en 2013. En dépit de légères imperfections, ce Blu-ray au format 1080p (AVC) respecte le grain original, se révèle propre et éclatant sur les scènes diurnes (les plus acérées) et les détails sont appréciables sur le cadre. La palette colorimétrique retrouve une nouvelle jeunesse (en dépit de visages un peu rosés), le relief est palpable, mais le piqué n’est pas aussi ciselé qu’espéré. En dehors de plusieurs instabilités de la définition, de couleurs sensiblement délavées (mais nettement plus convaincantes après le générique) et de légers fourmillements sur les séquences en basse lumière, les contrastes sont à l’avenant et la clarté appréciable confirment que nous sommes devant une belle édition HD, surtout pour un film tourné il y a déjà 25 ans.

La piste anglaise DTS-HD Master Audio 5.1 spatialise la superbe partition de Thomas Newman du début à la fin et use à bon escient des basses. Des ambiances latérales ont été «  rajoutées  » pour s’aligner sur les standards actuels, sans que cela donne un aspect artificiel. Des effets naturels percent sur la scène arrière sur les très nombreuses séquences en extérieur, à l’instar des scènes d’orage, des abeilles et de l’accident de train. Si le volume des dialogues aurait mérité d’être revu à la hausse, cette option acoustique s’avère de très bonne qualité. Movinside livre également une piste française en 2.0, évidemment plus plate, mais de fort bonne facture également et au doublage de qualité.

Crédits images : © Movinside / Universal / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Demain tout commence, réalisé par Hugo Gélin

DEMAIN TOUT COMMENCE réalisé par Hugo Gélin, disponible en DVD et Blu-ray le 7 avril 2017 chez TF1 Vidéo

Acteurs : Omar Sy, Clémence Poésy, Antoine Bertrand, Ashley Walters, Gloria Colston, Clémentine Célarié

Scénario : Hugo Gélin, Mathieu Oullion, Jean-André Yerles d’après le film « Ni repris ni échangé » de Eugenio Derbez

Photographie : Nicolas Massart

Musique : Rob Simonsen

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Samuel vit sa vie sans attaches ni responsabilités, au bord de la mer sous le soleil du sud de la France, près des gens qu’il aime et avec qui il travaille sans trop se fatiguer. Jusqu’à ce qu’une de ses anciennes conquêtes lui laisse sur les bras un bébé de quelques mois, Gloria : sa fille ! Incapable de s’occuper d’un bébé et bien décidé à rendre l’enfant à sa mère, Samuel se précipite à Londres pour tenter de la retrouver, sans succès. 8 ans plus tard, Samuel et Gloria ont fait leur vie à Londres et sont devenus inséparables. Pour qu’elle ne soit pas triste, Samuel envoie des e-mails à sa fille en se faisant passer pour sa mère. C’est alors que celle-ci réapparaît dans leur vie…

Demain tout commence. Ce n’est pas le slogan de la campagne de notre désormais Président de la République Emmanuel Macron, mais le titre du second long métrage du jeune réalisateur Hugo Gélin. Petit-fils de Daniel Gélin et de Danièle Delorme (à qui le film est dédié), fils de Xavier Gélin (l’inoubliable garagiste du Diable par la queue), Hugo Gélin a de qui tenir et autant dire que le talent coule dans les veines de ce cinéaste né en 1980. Sorti en 2012, son premier film Comme des frères était un vrai petit bijou sur l’amitié entre trois hommes que tout séparait, l’âge, la situation sociale, la philosophie de vie. Dans Demain tout commence, on retrouve l’humour, l’énergie et la tendresse qui faisaient la réussite de son précédent film, mais le récit s’avère bien trop mécanique cette fois.

Demain tout commence est le remake de la comédie mexicaine, No se aceptan devoluciones Ni repris ni échangé (2013) réalisé par Eugenio Derbez. A l’instar d’Un homme à la hauteur de Laurent Tirard, remake d’un film argentin, le cinéma sud-américain inspire décidément la comédie française puisque certaines séquences y sont reprises plan par plan. Depuis le gigantesque succès d’Intouchables, Omar Sy enchaîne les succès français (De l’autre côté du périph, Samba, Chocolat) et les participations à de gros puddings hollywoodiens (X-Men: Days of Future Past, Inferno, Jurassic World). Dans Demain tout commence, le comédien se donne à fond dans le rôle de Samuel, adulescent qui du jour au lendemain se retrouve avec un bébé sur les bras. Cependant, malgré cette incroyable énergie qui le caractérise, Omar Sy peine à convaincre, surtout dans les scènes dramatiques. La faute à une écriture larmoyante qui enchaîne les poncifs à la soap opéra et à une direction d’acteurs décevante. Si la partie comédie est soignée, le reste ne prend pas, les acteurs en font trop et le troisième acte plus centré sur l’émotion avec la possible séparation entre le père et sa fille, ne fonctionne pas.

L’image est clinquante, mais soignée, la b.o. fait office de juke-box et la petite Glora Colston affiche un vrai tempérament de comédienne et une vraie personnalité. Mais la relation avec Omar Sy paraît forcée, avec une ardeur et une hystérie mal canalisées, comme la séquence « montage » qui montre les années qui passent. Comme des frères apparaissait beaucoup plus spontané et l’on passait du rire aux larmes sans que le cinéaste nous impose comme ici des sentiments de manière plus pesante en se reposant trop sur le naturel de ses comédiens, ainsi que sur la musique rentre-dedans du compositeur américain Rob Simonsen (500 jours ensemble, Foxcatcher). Néanmoins, saluons les belles prestations de Clémence Poésy, soleil masqué par une éclipse, qui émeut malgré le retournement de situation quelque peu ingrat à son égard dans la dernière partie, sans oublier celle de l’excellent Antoine Bertrand, comédien québécois découvert dans Starbuck et vu dernièrement dans Le Petit locataire. Les scènes de ce dernier sont les plus réussies du film et son jeu élève d’ailleurs celui d’Omar Sy avec qui le courant et la complicité sont évidents à l’écran.

Du point de vue technique, Demain tout commence est élégant, les décors sont beaux, la photo lumineuse et colorée ravit les yeux, et le tournage à Londres apporte une petite touche « exotique » peu vue dans le cinéma français. Même s’il déçoit quelque peu après un formidable premier long métrage et s’il ne retrouve pas la fraîcheur de Comme des frères, Hugo Gélin a su toucher un large public avec Demain tout commence puisque 3,3 millions de spectateurs se sont déplacés dans les salles.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Demain tout commence, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est élégant, animé et musical.

La section des suppléments contient un making of (19’) classique, mais bien fichu, constitué d’interviews de l’équipe et d’images de tournage. L’accent est mis ici sur la complicité entre Omar Sy et Gloria Colston, ainsi que sur la bonne humeur qui régnait sur le plateau.

Deux featurettes de trois minutes se focalisent sur Omar Sy d’un côté et sur Hugo Gélin de l’autre, en reprenant principalement des images et des propos du making of précédent. Du remplissage quoi.

L’interactivité se clôt sur un bêtisier très sympa (4’).

L’Image et le son

Superbe ! Ce remarquable master HD n’a de cesse de flatter les yeux avec une superbe restitution de la colorimétrie chatoyante et étincelante (des bleus étincelants) pour la partie Sud de la France, plus froide dès l’arrivée de Samuel à Londres, une luminosité de tous les instants, un piqué acéré ainsi qu’une profondeur de champ omniprésente. Les contrastes sont denses et luxuriants, les détails foisonnent et les partis pris esthétiques raffinés du chef opérateur Nicolas Massart (Comme des frères, Paris à tout prix) trouvent en Blu-ray un magnifique écrin.

On sent que le réalisateur a voulu se faire plaisir car la bande-son de Demain tout commence compile quelques tubes comme le mythique People Get Up And Drive Your Funky Soul de James Brown, le bourrin Barbra Steisand de Duck Sauce ou le Everybody’s Gotta Live d’Arthur Lee. Tous ces tubes s’enchaînent avec la musique de Rob Simonsen et profitent d’une large ouverture des enceintes frontales et latérales, sans oublier le caisson de basses qui ponctue souvent la bande originale. Cette brillante spatialisation laisse également une belle place aux ambiances naturelles et les dialogues demeurent percutants sur la centrale. Outre ce mixage DTS-HD Master Audio 5.1, les sous-titres destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Julien Panié / Vendôme – Mars / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Amants de Salzbourg, réalisé par Douglas Sirk

LES AMANTS DE SALZBOURG (Interlude) réalisé par Douglas Sirk, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 4 avril 2017 chez Elephant Films

Acteurs : June Allyson, Rossano Brazzi, Marianne Koch, Françoise Rosay, Keith Andes, Frances Bergen

Scénario : Dwight Taylor, Daniel Fuchs, Franklin Coen

Photographie : William H. Daniels

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Helen Banning arrive à Munich pour travailler aux services d’information. L’organisation d’un concert lui fait rencontrer Tonio Fischer, un chef d’orchestre renommé. Bien que le docteur Morley Dwyer, un de ses compatriotes, lui fasse une cour discrète mais assidue, Helen s’éprend de Tonio, dont elle accepte les invitations et suit les concerts en coulisses…

Personne n’est parfait. Même pas Douglas Sirk ! C’est ce que l’on se dit après Les Amants de Salzbourg, réalisé en 1957 entre Les Ailes de l’espérance (Battle Hymn) et La Ronde de l’aube (1958). Avant son retour définitif en Allemagne, le cinéaste allemand d’origine danoise décide d’aller tourner son film en Europe, en Allemagne et en Autriche, plus de dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. A l’instar du Secret magnifique et plus tard de Mirage de la vie, Douglas Sirk signe le remake d’un film de John M. Stahl. Malheureusement, Les Amants de Salzbourg souffre cette fois de la comparaison avec le film original réalisé en 1939, Veillée d’amour (When Tomorrow Comes), avec le grand Charles Boyer et Irene Dunne.

Si les couleurs signées William H. Daniels (Tempête sur la colline, Harvey) sont évidemment magnifiques et stylisées, l’oeuvre de Douglas Sirk n’échappe pas cette fois-ci au côté carte-postale dès l’ouverture avec cette visite quasiment filmée en temps réel, pendant que le personnage d’Helen découvre les rues de Munich. Helen Banning quitte les Etats-Unis pour l’Allemagne dans le but de changer de vie et de métier. Elle y fait la connaissance de Tonio Fischer, un grand chef-d’orchestre qui ne la laisse pas indifférente mais qui pourrait ne pas être aussi libre qu’elle le pense. Ce qui frappe également dans Interlude, superbe titre original, c’est aussi le manque de charisme évident de son couple vedette. Si June Allyson (Les 4 filles du Dr March, La Pluie qui chante) s’en tire tout juste honorablement et à l’exception de Marianne Koch dans le rôle de Reni (le personnage le mieux écrit du film) et notre Françoise Rosay nationale, le reste du casting est décevant et jamais ce qui fait le charme des autres films de Douglas Sirk ne fonctionne ici.

Il faut bien l’avouer, le couple principal chez Sirk fait pâle figure en comparaison de celui de Veillée d’amour. De plus, la musique pour une fois pompeuse et omniprésente de Frank Skinner finit par plomber l’ensemble et malgré l’élégance de la mise en scène, le soin apporté au cadre, aux décors, à l’architecture et à la photographie, les personnages ne sont guère attachants et donc l’audience finit par s’en désintéresser. Le gros point faible des Amants de Salzbourg demeure également la prestation de Rossano Brazzi (Vulcano de William Dieterle, La Comtesse aux pieds nus de Joseph L. Mankiewicz, Vacances à Venise de David Lean) qui manque cruellement de charme, d’alchimie avec sa partenaire et sa prestation laisse fortement à désirer. Du coup, le couple se trouve déséquilibré, le personnage de Tonio Fisher est plus agaçant qu’autre chose et Douglas Sirk lui-même se repose sur des effets attendus en ne faisant que recopier certaines scènes provenant de ses précédents longs métrages.

C’est peu dire que nous restons sur notre faim, même si les récurrences thématiques sirkiennes sont présentes dans ce mélodrame, notamment la recherche du bonheur et le désir individuel contrarié par le collectif. S’il n’est évidemment pas un « ratage », Les Amants de Salzbourg (Interlude) reste une bluette bavarde, un roman-photo figé, une petite amourette glaciale anecdotique sans véritable saveur qui surprend de la part du cinéaste qui avouait alors sa faible implication dans le projet mise à part son souhait de retrouver le pays qui l’a vu grandir.

LE BLU-RAY

Les Amants de Salzbourg est édité en combo par Elephant Films. Le Blu-ray et le DVD du film reposent dans un boîtier plastique. Le visuel de la jaquette est très élégant, tout comme le menu principal, fixe et musical. Ce titre rejoint la collection Douglas Sirk disponible chez Elephant, qui possède déjà dix titres à son actif.

En plus d’un lot de bandes-annonces, d’une galerie de photos et des credits du disque, nous trouvons une présentation des Amants de Salzbourg par Jean-Pierre Dionnet (9’). On le sait, ce dernier considère Douglas Sirk comme un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. Ne comptez pas sur lui pour dire du mal des Amants de Salzbourg, au contraire, puisque Dionnet défend même la prestation de Rossano Brazzi. Toutefois, notre interlocuteur déclare que ce film demeure un des plus méconnus du cinéaste et que ce dernier n’était d’ailleurs pas tendre à son égard, critiquant même ouvertement la prestation de son comédien principal. C’est là où cette introduction de Dionnet est intéressante puisqu’il indique que ce qui a attiré et intéressé Douglas Sirk, c’est avant tout le tournage en Allemagne et de filmer la ville et les paysages. Les collaborateurs du réalisateur sont évoqués, tout comme le casting et les partis pris.

Nous le disions précédemment, Jean-Pierre Dionnet est passionné par le cinéma de Douglas Sirk. Le journaliste et critique de cinéma lui consacre un petit module de 9 minutes, dans lequel il parcourt rapidement les grandes phases de sa carrière, ses thèmes récurrents, ses comédiens fétiches, les drames qui ont marqué sa vie, son regain de popularité dans les années 1970 grâce à la critique française et quelques réalisateurs (Fassbinder, Almodóvar) alors que le cinéaste, devenu aveugle, était à la retraite en Allemagne.

L’Image et le son

Les Amants de Salzbourg n’était jusqu’alors disponible qu’en DVD, édité par Carlotta Films en novembre 2008. Elephant Films prend en charge la ressortie dans les bacs du film de Douglas Sirk, y compris en Haute-Définition. Ce Blu-ray reprend peu ou prou le même master et l’apport HD demeure somme toute limité. Ce n’est pas que le transfert déçoit réellement, mais les sensibles et perfectibles problèmes de définition sont identiques. Le côté carte-postale voulu par Douglas Sirk repose sur l’utilisation du Technicolor où domine une gamme disparate de vert et de bleu pastel. Le cinémascope aidant, la profondeur de champ est très estimable mais les fourmillements altèrent l’ensemble. Le grain est présent, mais sa gestion reste aléatoire et le générique en ouverture reste plus marqué par les affres du temps. Les contrastes auraient gagné à être moins accentués sur les séquences en extérieur. La copie est propre, en dépit de points et de griffures qui n’ont pu être éradiqués. Quelques couleurs ont tendance à baver (la robe blanche de l’héroïne qui tire allègrement sur le mauve), même si ces déséquilibres chromatiques semblent d’origine. Heureusement, le visionnage ne s’en trouve pas perturbé.

Privilégiez la version originale aux sous-titres français non imposés, avec ses voix plus claires et ses effets plus nets et aérés. En français, les voix des comédiens se révèlent plus sourdes et s’accompagnent parfois de légers craquements. Dans les deux cas, la musique omniprésente est dynamique et exploite au maximum les possibilités des pistes DTS-HD Master Audio Mono. Aucun souffle constaté.

Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / About Ray, réalisé par Gaby Dellal

ABOUT RAY (3 Generations) réalisé par Gaby Dellal, disponible en DVD le 22 mars 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Naomi Watts, Elle Fanning, Linda Emond, Susan Sarandon, Andrew Polk, Marcos A. Gonzalez, Tate Donovan

Scénario : Nikole Beckwith, Gaby Dellal

Photographie : David Johnson

Musique : West Dylan Thordson

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 2015

LE FILM

Ray, jeune adolescente transgenre, souhaite devenir un homme. Accompagnée de sa mère et de sa grand-mère, elle va devoir faire accepter à sa famille cette transition pour enfin s’épanouir. C’est un chemin semé d’embûches pour cette famille dont le père n’a jamais été présent. Chacun tentera de s’opposer à la réalité, avant de finalement comprendre qu’il faudra se serrer les coudes pour passer ensemble cette épreuve.

Malgré ses comédiennes prestigieuses à l’affiche, About Ray – aka 3 Generations en version originale, n’a pas eu les honneurs d’une distribution dans les salles françaises et c’est bien dommage. En effet, ce drame doux-amer porté par Naomi Watts, Susan Sarandon, Elle Fanning et Linda Emond s’avère une œuvre très délicate. Après une première projection du film au Festival de Toronto en septembre 2015 qui s’était soldée par un accueil particulièrement mitigé, la sortie d’About Ray a été purement et simplement annulée aux Etats-Unis. La réalisatrice Gaby Dellal a ensuite décidé de remonter son film, d’augmenter légèrement sa durée, puis de changer l’intégralité de la musique.

La cinéaste britannique nous avait déjà enthousiasmés en 2005 avec Une belle journée, dans lequel le grand Peter Mullan s’entraînait pour traverser la Manche à la nage afin de combattre ses démons. About Ray est l’histoire de Ramona, alias Ray (Elle Fanning), adolescente spontanée, qui vit à New York avec sa mère célibataire Maggie (Naomi Watts), et sa grand-mère pleine d’entrain, Dolly (Susan Sarandon). Lorsque Ramona, qui sait, depuis sa prime jeunesse, qu’elle est née dans un corps qui ne lui convient pas, décide de devenir un garçon et de s’appeler Ray, cette famille liée doit apprendre à vivre avec ce changement profond. Dolly, qui est elle-même lesbienne, trouve difficile d’accepter qu’elle ait à présent un petit-fils et Maggie, en tant que mère, est contrainte de prendre de grandes décisions. Pour mettre en œuvre la transformation, elles doivent rechercher le père de Ray de manière à ce que celui-ci puisse donner son consentement légal au changement de sexe.

About Ray ne tombe jamais dans la gratuité ou le pathos, grâce à quelques touches d’humour et l’incroyable performance d’Elle Fanning. La jeune comédienne âgée de 20 ans à peine compte déjà près de 60 films à son actif. Découverte à l’âge de deux ans dans Sam je suis Sam de Jesse Nelson (2001), la sœur de Dakota Fanning est ensuite passée devant les caméras de Alejandro González Iñárritu, Tony Scott, David Fincher, Sofia Coppola, J.J. Abrams, Francis Ford Coppola, Cameron Crowe, Ben Affleck et évidemment celle de Nicolas Winding Refn pour The Neon Demon, qui bien que largement surestimé a contribué à renforcer son statut de jeune star. Dans About Ray, elle impressionne avec sa démarche, ses regards, ses postures, celle d’un jeune homme enfermé dans un corps qui ne lui appartient pas. Naomi Watts est comme d’habitude parfaite et campe une mère compréhensive, qui a élevé seule sa fille, prête à tout pour que son enfant soit heureux et qui accepte donc naturellement que sa fille Ramona devienne Ray. Susan Sarandon et Linda Emond (vue dans les séries The Good Wife et Gossip Girl) forment un couple de lesbiennes féministes et engagées qui tentent de prendre le train en marche en essayant de se faire à l’idée que Ramona est sur le point de changer de sexe pour pouvoir enfin vivre et s’épanouir, pour pouvoir être.

Drame inattendu, à la fois pudique et frontal prenant pour personnage principal un adolescent transgenre, About Ray ne laisse évidemment pas indifférent, même si certains spectateurs diront bien sûr que le personnage de la mère accepte « trop facilement » de laisser sa fille prendre cette décision irrévocable. Les quelques longueurs, la mise en scène fonctionnelle et les rebondissements à la limite du soap (Ray qui se retrouve avec deux pères possibles) n’empêchent pas d’être constamment ému voire bouleversé par ce personnage de Ramona/Ray magnifiquement incarné(e) par Elle Fanning, décidément en état de grâce et qui n’a pas fini de nous surprendre.

LE DVD

Le test du DVD d’About Ray, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette est élégant et attractif. Même chose pour le menu principal, animé et musical.

Les suppléments se résument à la bande-annonce du film.

L’Image et le son

Ce master offre des conditions de visionnage banales et sans esbroufe. La colorimétrie est plutôt bien agencée, mais la définition demeure passable, même sur les quelques plans rapprochés. La clarté est de mise, les contrastes corrects, cependant le piqué manque de précision et certaines séquences apparaissent plus ternes que d’autres et s’accompagnent de moirages ainsi que de saccades.

About Ray n’est pas un film à effets et les mixages français et anglais Dolby Digital 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en extérieur s’accompagne inévitablement d’ambiances naturelles sur les latérales avec notamment la circulation dans les rues de New York. Il en est de même pour la musique systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes. Les voix demeurent solidement délivrées par la centrale, bien que la version française demeure moins ardente que son homologue. Les deux pistes Stéréo sauront contenter ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

Crédits images : © SND / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Histoire de l’amour, réalisé par Radu Mihaileanu

L’HISTOIRE DE L’AMOUR (The History of Love) réalisé par Radu Mihaileanu, disponible en DVD et Blu-ray le 29 mars 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Gemma Arterton, Derek Jacobi, Sophie Nélisse, Elliott Gould, Torri Higginson, Alex Ozerov

Scénario : Radu Mihaileanu, Marcia Romano, d’après le livre de Nicole Krauss, « L’histoire de l’amour » (The History of Love) »

Photographie : Laurent Dailland

Musique : Armand Amar

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Il était une fois un garçon, Léo, qui aimait une fille, Alma. Il lui a promis de la faire rire toute sa vie. La Guerre les a séparés – Alma a fui à New York – mais Léo a survécu à tout pour la retrouver et tenir sa promesse. De nos jours, à Brooklyn, vit une adolescente pleine de passion, d’imagination et de fougue, elle s’appelle aussi Alma. De l’autre côté du pont, à Chinatown, Léo, devenu un vieux monsieur espiègle et drôle, vit avec le souvenir de « la femme la plus aimée au monde », le grand amour de sa vie. Rien ne semble lier Léo à la jeune Alma. Et pourtant… De la Pologne des années 30 à Central Park aujourd’hui, un voyage à travers le temps et les continents unira leur destin.

Le cinéaste Radu Mihaileanu a toujours eu le goût du romanesque. Train de vie (1998), Va, vis et deviens (2005), Le Concert (2009) et La Source des femmes (2011) apparaissent comme des films-fleuves, denses, portés par des personnages exaltés et passionnés. L’Histoire de l’amour ne déroge pas à la règle.

Radu Mihaileanu adapte le roman The History of Love écrit en 2005 par Nicole Krauss. Dense et épique, L’Histoire de l’amour se concentre sur une poignée de personnages que le destin va entrecroiser au fil des époques, de la Pologne aux Etats-Unis en passant par le Chili, des années 1940 à 2006. On pense au cinéma de Claude Lelouch, le bon, pas celui qui se contente de réunir plusieurs dizaines d’acteurs français de renom pour livrer au final une pub pour les conventions obsèques. Radu Mihaileanu s’entoure d’un casting formidable. Si le film a été vendu sur Gemma Arterton, la divine comédienne apparaît finalement peu à l’écran, mais marque l’histoire de sa très belle présence et on comprend pourquoi elle devient la fameuse « femme la plus aimée du monde ». L’Histoire de l’amour se focalise surtout sur Leo âgé, interprété par Derek Jacobi, acteur shakespearien, vu au cinéma dans Gladiator et Le Discours d’un roi, mais aussi sur la jeune actrice prometteuse Sophie Nélisse, révélation de La Voleuse de livres de Brian Percival en 2013, qui incarne Alma, quinze ans, qui commence à être chamboulée par ses sentiments.

Choc des générations, mais l’amour demeure central et vital pour ces êtres réunis autour d’un livre mystérieux. Radu Mihaileanu parvient à conduire trois récits en parallèle, même si on pourra déplorer un certain manque de rythme. Toutefois, L’Histoire de l’amour reste très plaisant, chaleureux, animé par de beaux sentiments universels et joliment photographié par Laurent Dailland. Les personnages sont attachants malgré leurs contradictions et le film évite toute mièvrerie avec un humour bien dosé.

L’Histoire de l’amour est un film ample, lumineux, utopiste et romantique, qui fait du bien à l’âme, qui ne laissera peut-être pas un grand souvenir, mais qui n’en demeure pas moins recommandé pour passer un beau et bon moment de cinéma. D’accord, les violons, les cuivres et la clarinette d’Armand Amar en font parfois un peu trop, mais on ne va pas rechigner, car cette fresque émouvante, drôle et romantique est imprégnée chaque seconde de la sincérité et de la générosité de son metteur en scène.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Histoire de l’amour, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint une dizaine de featurettes promotionnelles, d’une durée totale de 28 minutes. Vous n’apprendrez pas grand-chose ici, mais ces petits modules n’en demeurent pas moins sympathiques puisqu’ils donnent la parole à toute l’équipe et dévoilent l’envers du décor. On apprend ainsi que le tournage s’est déroulé à Montréal et non pas à New York, sauf pour les scènes dont les prises de vues ont été réalisées dans le quartier de Chinatown. Les acteurs et le réalisateur s’expriment sur les thèmes du film et sur les personnages, Radu Mihaileanu revient sur l’adaptation du roman de Nicole Krauss et présente les décors, tandis que nous assistons au maquillage que Gemma Arterton a dû subir pour la vieillir à l’écran, 5h30 filmées en timelapse.

Wild Side Video livre également 12 minutes de scènes coupées. Six séquences réussies mais qui n’apportent rien de plus et qui se focalisent essentiellement sur Alma incarnée par Sophie Nélisse.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Quelques petites pertes de la définition et un piqué manquant parfois de mordant sur les séquences sombres sont à déplorer. Néanmoins, ce master demeure fort plaisant et n’a de cesse de flatter les yeux avec une superbe restitution de la colorimétrie. Les contrastes sont denses, la gestion solide et les partis-pris esthétiques raffinés du talentueux et éclectique chef opérateur Laurent Dailland (La Cité de la peur, Place Vendôme, Welcome) trouvent en Blu-ray un magnifique écrin. Très beau cadre large.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, si les dialogues s’avèrent plus discrets, la centrale parvient à leur donner un relief en adéquation avec les sentiments des personnages. Evitez le doublage français. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas, surtout en ce qui concerne la cacophonie new-yorkaise. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription pour aveugles et malvoyants. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

Crédits images : © Wild Bunch Distribution / Laurent Guérin / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Homme qui défiait l’infini, réalisé par Matt Brown

L’HOMME QUI DÉFIAIT L’INFINI (The Man Who Knew Infinity) réalisé par Matt Brown, disponible en DVD et Blu-ray le 1er mars 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Jeremy Irons, Dev Patel, Malcolm Sinclair, Raghuvir Joshi, Dhritiman Chaterji, Stephen Fry, Toby Jones

Scénario : Matt Brown, d’après le livre de Robert Kanigel, « The Man Who Knew Infinity: A Life of the Genius Ramanujan »

Photographie : Larry Smith

Musique : Coby Brown

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2015

LE FILM

Modeste fonctionnaire de l’administration indienne, Srinivasa Ramanujan décide d’écrire à Godfrey.H Hardy, l’un des plus célèbres mathématiciens de l’époque. Ce dernier, étonné par le talent spectaculaire de S.Ramanujan, décide de le faire venir en Grande-Bretagne. Il débarque à Oxford et va devoir prouver aux plus grands mathématiciens de l’histoire, la véracité de ses recherches.

L’Homme qui défiait l’infiniThe Man Who Knew Infinity est un biopic consacré au mathématicien indien Srinivâsa Aiyangâr Râmânujan (1887-1920), inspiré de la biographie écrite par Robert Kanigel. Décidément, après Un homme d’exception sur John Forbes Nash Jr. (Mathématicien et prix Nobel d’économie), Imitation Game sur Alan Turing (pionnier de l’informatique), Une merveilleuse histoire du temps sur Stephen Hawking (physicien théoricien et cosmologiste) qui a valu l’oscar du meilleur acteur à Eddie Redmayne et Seul contre tous sur Bennet Omalu (neurologue), le cinéma hollywoodien aime bien ces destins hors du commun. S’il ne révolutionnera rien au genre usé du biopic, L’Homme qui défiait l’infini se suit avec plaisir grâce au jeu des comédiens. Le rôle-titre revenait de droit à l’excellent Dev Patel, révélation en 2008 de Slumdog Millionaire de Danny Boyle, vu depuis dans les deux Indian Palace, la série The Newroom et dernièrement dans le très remarqué Lion de Garth Davis. Agé seulement de 27 ans, le jeune comédien s’en tire à merveille et s’avère bouleversant. Il est également très bien entouré puisque le grand Jeremy Irons et les formidables Toby Jones et Stephen Fry lui donnent la réplique.

La mise en scène de Matt Brown, réalisateur de London Town, un autre biopic consacré à Joe Strummer, est délicate et élégante, jamais fonctionnelle. On sent le réalisateur passionné par son sujet et soucieux de livrer aux spectateurs un bel objet de cinéma, tout en évitant de laisser l’audience sur le bas-côté en raison d’un jargon et autres discussions qui pourraient être qualifiées facilement d’hermétiques pour celles et ceux qui ne comprennent rien aux mathématiques. Ce qui importe dans L’Homme qui défiait l’infini c’est avant tout la passion des personnages pour leur spécialité, mais aussi et surtout le parcours incroyable de cet homme autodidacte, né dans une famille de brahmanes pauvres et orthodoxes, qui a appris seul les mathématiques à l’âge de 16 ans. Le film de Matt Brown se focalise sur un moment central de la vie de Râmânujan, quand ce dernier est invité en 1913 par la prestigieuse université de Cambridge en Angleterre, pour y développer de nombreuses théories mathématiques sous l’égide de son professeur Godfrey Harold Hardy. Si ce dernier croit d’abord à une supercherie et même à un canular de la part de ses confrères, Hardy doit se rendre à l’évidence et accepter le génie de ce jeune homme qui parviendra à développer moult formules mathématiques et théorèmes, tout d’abord sans démonstration. Grâce à Hardy, Râmânujan parviendra à démontrer ces célèbres formules, qui se sont toutes (ou presque) révélées exactes.

Evidemment, Matt Brown est obligé de broder autour du personnage principal et montre Râmânujan en prise avec le racisme ambiant, les moqueries, les jalousies et les brimades, à l’aube de la Première Guerre mondiale. Ayant laissé sa jeune épouse dans son pays puis cumulant les problèmes de santé pendant les privations et en raison de son régime alimentaire spécifique, Râmânujan retourne finalement en Inde à la fin des années 1910 et meurt en 1920 à l’âge de 32 ans. Il laisse derrière lui de nombreux travaux révolutionnaires non démontrés, qui continuent d’être étudiés par les plus grands scientifiques et mathématiciens du monde.

L’Homme qui défiait l’infini est au final un très bon divertissement, souvent émouvant, toujours intéressant et attachant sur un des hommes les plus fascinants et pourtant l’un des plus méconnus du XXe siècle.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Homme qui défiait l’infini, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la jolie musique du film.

L’éditeur livre le minimum syndical. Il faudra se contenter d’une rapide présentation du film par l’équipe du film (5’). Les comédiens, le réalisateur Matt Brown, le conseiller en mathématiques et producteur associé Ken Ono et les autres producteurs évoquent l’histoire et les personnages de L’Homme qui défiait l’infini, le tout entrecoupé d’extraits du film.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

M6 Vidéo frôle la perfection avec ce master HD de L’Homme qui défiait l’infini. Ce Blu-ray subjugue avec la restitution de la très belle photographie du chef opérateur Larry Smith (Bronson, Only God Forgives). Le piqué n’est jamais pris en défaut, les contrastes sont merveilleux, la profondeur de champ appréciable et la colorimétrie élégante. Le seul bémol provient de certaines séquences sombres et tamisées. La définition flanche quelque peu, les détails sont moins conséquents et la gestion des noirs est un poil plus déséquilibrée. Cela n’empêche pas que l’apport HD demeure probant et indispensable.

L’Homme qui défiait l’infini n’est pas vraiment le film avec lequel vous pourrez épater la galerie et faire une démonstration de gros son. Les versions française et anglaise sont certes proposées en DTS HD Master Audio 5.1, mais les latérales ne servent réellement qu’à instaurer quelques ambiances naturelles et à spatialiser la musique du compositeur Coby Brown. Le caisson de basses n’est pas oublié et s’avère même spectaculaire lors de la courte séquence de bombardements. Deux pistes Stéréo sont également disponibles.

Crédits images : © SND / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Vengeance, réalisé par Johnny Martin

VENGEANCE (Vengeance : A Love Story) réalisé par Johnny Martin, disponible en DVD et Blu-ray le 26 avril 2017 chez Marco Polo production

Acteurs : Nicolas Cage, Don Johnson, Deborah Kara Unger, Anna Hutchison, Emily Sandifer, Talitha Bateman

Scénario : John Mankiewicz, Scott Windhauser, d’après le roman de Joyce Carol Oates, Rape: A Love Story

Photographie : David Stragmeister

Musique : Frederik Wiedmann

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Un soir de fête nationale, après une soirée chez des amis, Teena et sa fille Bethie traversent le parc pour rentrer chez elles. Quatre hommes drogués les agressent, Bethie parvient à se cacher mais entend sa mère se faire agresser. Teena laissée pour morte, la fillette s’enfuit et croise l’inspecteur Dromoor et son coéquipier. Reconnus par Bethie, les agresseurs sont arrêtés puis jugés. Mais lors du procès, un avocat véreux, payé par la famille des malfrats, obtient leur libération en salissant la réputation de Teena. Pour Dromoor, justice n’est pas encore faite…

Lors de l’hommage qui lui était rendu au Festival du cinéma américain de Deauville en 2013, Nicolas Cage avait promis qu’on ne le reprendrait plus à jouer dans des films de seconde zone. Malheureusement, les grandes réussites de Joe et de Suspect n’étaient que la partie émergée de l’iceberg qui se profilait à l’horizon. Depuis ces deux excellents crus, le comédien qui tourne plus vite que son ombre a joué dans 18 films. Oui, c’est sans doute incroyable mais c’est vrai. Dans cette liste, nous sauverons La Sentinelle de Paul Schrader, même si le cinéaste l’a renié pour cause de différends avec le studio LionsGate, The Runner d’Austin Stark, Le Casse des frères Brewer, Dog Eat Dog également de Paul Schrader, Snowden d’Oliver Stone dans lequel le comédien fait une petite participation, USS Indianapolis de Mario Van Peebles. A l’heure où cet article est rédigé, Nicolas Cage a déjà tourné sept autres longs métrages dont cinq ne sont pas encore sortis. Autant dire que l’acteur n’a pas chômé, en raison de grands problèmes d’argent, de problèmes avec le fisc, d’un comptable véreux, d’un divorce difficile, anyway, Nicolas Cage est obligé de tourner et dans le lot, forcément, certains films s’avèrent particulièrement mauvais.

Nous ne reviendrons pas sur Tokarev et Le Chaos, qui marquent vraiment le fond du gouffre de la filmographie de Nicolas Cage, qui compte bientôt 100 films, mais malheureusement, l’oeuvre qui nous intéresse ici, Vengeance : A Love Story, rebaptisé Vengeance dans nos contrées pour sa sortie dans les bacs (sans passage par la case cinéma) est complètement anecdotique. Réalisé par un certain Johnny Martin, qui a oeuvré comme cascadeur sur plus de 160 films et en tant que responsable de la deuxième équipe (notamment sur Hell Driver, Tokarev et USS Indianapolis), Vengeance rappelle quelques films de la Cannon qui avait fait un pont d’or à Charles Bronson avec Un justicier dans la ville 2 (1982) avant les pires suites (mais merveilleux nanars) à venir. Vengeance est l’adaptation du roman de Joyce Carol Oates, Rape : A Love Story, publié en 2003 en France sous le titre Viol : une histoire d’amour.

Dans Vengeance, Nicolas Cage interprète un flic (bah voyons), veuf, fatigué, héros de sa petite bourgade, qui n’a plus que son boulot depuis que sa femme est morte. Vétéran de la Guerre du Golfe, ses exploits publiés dans les journaux sont affichés au comptoir du bar qu’il fréquente tous les soirs. Alors qu’il vient de perdre son coéquipier au cours d’une arrestation qui a mal tourné, ce flic prénommé John, rencontre Teena, une jeune femme avec qui le courant passe très bien. Mais quelque temps après, Teena est victime d’une agression par quatre mecs bourrés, qui la frappent et la violent devant les yeux de sa fille Bethie. Alors que Teena gît inconsciente, Bethie parvient à s’échapper et à prévenir la police. John arrive sur les lieux du drame. Teena s’en sort miraculeusement. De son côté, Bethie identifie les agresseurs qui sont rapidement arrêtés. Le procès démarre, les quatre désignés coupables sont défendus par un ténor du barreau, maître Jay Kirkpatrick (Don Johnson, la classe), visiblement ami du juge chargé de l’affaire. Tout est organisé pour que Teena n’obtienne pas de gain de cause. Excédé par cette parodie de justice, John décide de régler cette histoire à sa façon. Il va éliminer un par un les quatre responsables de l’agression de Teena et n’hésitera pas à violer la loi qu’il a toujours tenu à faire respecter.

Résumer ainsi Vengeance pourrait faire croire que le personnage de Nicolas Cage est omniprésent, ce qui n’est pas le cas. En réalité, le comédien fait comme qui dirait une participation et revient de manière sporadique après un début plutôt sympa et old-school. Après, l’histoire se focalise surtout sur les personnages de Teena et de sa fille Bethie, bien interprétées par Anna Hutchison (La Cabane dans les bois) et Talitha Bateman (La 5ème vague), sans oublier Deborah Kara Unger, défigurée par la chirurgie plastique, qui interprète le rôle de la mère de Teena, et qui paraît presque plus jeune que la comédienne qui joue sa fille. Nicolas Cage n’oublie de faire quelques apparitions, heureusement d’ailleurs, mais il faut vraiment attendre le dernier tiers pour le voir passer à l’action, prendre la pétoire pour jouer les justiciers, sans sourciller ni être décoiffé. Heureusement, Vengeance, écrit par John Mankiewicz, créateur de la série House of Cards, produit par Harold Becker (Mélodie pour un meurtre) n’est pas aussi mauvais que Tokarev, c’est juste que l’ensemble fait penser à un téléfilm de deuxième partie de soirée.

Nicolas Cage, longtemps pressenti pour réaliser également le film, traverse cette histoire en ayant l’air de penser au salaire qu’il touchera à la fin du tournage pour pouvoir payer ses dettes. Ce qui ne l’empêche pas de se montrer très bon dans deux ou trois scènes dramatiques, d’autant plus que son personnage s’exprime peu. Mais cela ne sauve malheureusement pas Vengeance de l’ennui.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Vengeance, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette se concentre sur Nicolas Cage et saura attirer l’oeil de ses admirateurs les plus fervents. Il y en a encore. Aucun supplément.

L’Image et le son

Ce DTV est proposé en HD dans un format 1080p. Si l’on est d’abord séduit par le rendu de la colorimétrie, force est de constater que la définition chancelle à plusieurs reprises, malgré une luminosité plaisante et un piqué somme toute mordant et acéré. Les détails sont agréables, le rendu des visages impressionne. C’est d’ailleurs là qu’on se rend compte à quel point Nicolas Cage paraît bouffi et l’image est parfois si précise que nous parvenons à distinguer les raccords capillaires du comédien. Le codec AVC tente de consolider certains plans caméra à l’épaule, surtout sur les séquences plus agitées, avec parfois un peu de difficulté. La profondeur de champ est souvent décevante, quelques sensibles fourmillements s’invitent à la partie, la gestion des contrastes étant au final aléatoire. Toutefois, certains plans sortent aisément du lot avec un relief et une texture indéniables.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant et que les fans soient rassurés, Dominique Collignon-Maurin prête sa voix cette fois encore à Nicolas Cage, tout comme Patrick Poivey qui double Don Johnson. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up.

Crédits images : © Marco Polo Production / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Secret magnifique, réalisé par Douglas Sirk

LE SECRET MAGNIFIQUE (Magnificent Obsession) réalisé par Douglas Sirk, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 4 avril 2017 chez Elephant Films

Acteurs : Jane Wyman, Rock Hudson, Barbara Rush, Agnes Moorehead, Otto Kruger, Gregg Palmer

Scénario : Robert Blees, Wells Root, Sarah Y. Mason, Victor Heerman, d’après le roman Lloyd C. Douglas « Une merveilleuse obsession – Magnificent Obsession »

Photographie : Russell Metty

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 1954

LE FILM

Un jeune milliardaire arrogant, Bob Merrick, est victime d’un accident de bateau. Une équipe de secouristes s’affaire à le sauver avec un équipement qui aurait pu éviter la mort à Wayne Philips, un grand chirurgien humaniste. Pétri de remords, Merrick va se rapprocher d’Helen, la veuve éplorée du médecin, dans une quête de rédemption et d’amour.

Avec Le Secret magnifiqueMagnificent Obsession, le cinéaste allemand d’origine danoise Douglas Sirk (1897-1987), de son vrai nom Hans Detlef Sierck, devient le maître incontesté du mélodrame hollywoodien en 1954. Alors qu’il possède déjà de nombreux succès derrière lui, en Allemagne avec les drames Les Piliers de la société et Paramatta, bagne de femmes, avant qu’il ne quitte le pays suite à la montée du nazisme, puis aux Etats-Unis avec le drame aux allures de film policier Tempête sur la colline, ainsi que les deux sublimes comédies No Room for the Groom et Qui donc a vu ma belle ? et le western Taza, fils de Cochise, Le Secret magnifique marque une étape primordiale dans la carrière du réalisateur.

En 1952, Douglas Sirk fait la rencontre du comédien Rock Hudson pour Qui donc a vu ma belle ?. Les deux hommes s’entendent à merveille, à tel point que leur collaboration s’étendra sur huit films tournés entre 1952 et 1958. Le Secret magnifique est déjà leur troisième œuvre en commun. Rock Hudson, starisé grâce à Sirk, donne la réplique à Jane Wyman, couple que Sirk réunira à nouveau dans Tout ce que le ciel permet sous la houlette du studio Universal. C’est dans Le Secret magnifique que se fait la chrysalide du style Sirk, épaulé par le directeur de la photographie Russell Metty et du compositeur Frank Skinner. Même s’il ne bénéficie pas encore de la grande liberté et des moyens dont il jouira après ce film jusqu’à la fin de sa carrière hollywoodienne, Douglas Sirk signe un chef d’oeuvre inoubliable, un mélodrame poignant, extraordinairement photographié en Technicolor.

Pourtant, à l’origine, Douglas Sirk n’était pas emballé à l’idée de réaliser le remake du film éponyme de 1935 mis en scène par John M. Stahl, même s’il n’avait pas vu le film original. Le cinéaste trouvait le roman de base (publié en 1929) de l’ancien pasteur protestant Lloyd C. Douglas trop mielleux. Il finit par accepter suite aux pressions (et par contrat) du studio Universal, mais ne peut pas revoir le scénario. Pour contrecarrer ce récit rocambolesque à souhait, il s’en remet aux couleurs de Russell Metty, qui créent une ambiance onirique et qui éloignent le film de tout réalisme. Rock Hudson fait des étincelles dans le rôle de Bob Merrick, riche playboy égocentrique, cynique, insensible, excentrique et indifférent à la nature humaine qui provoque le mal autour de lui sans s’en rendre compte. Croisant le chemin du peintre Edward Randolph (Otto Kruger), homme mystique et hors du commun qui va éveiller en lui l’envie de faire le bien, Bob Merrick va tenter d’expier ses erreurs passées au nom de l’amour, qu’il va découvrir en la personne d’une femme veuve et aveugle, dont il cause involontairement la mort de l’époux dans un accident. Vous suivez ? Il deviendra chirurgien et sauvera celle qu’il aime. A ses côtés, Jane Wyman, déjà bien installée à Hollywood, nommée quatre fois aux Oscars et lauréate de la précieuse statuette dorée en 1949 pour Johnny Belinda, bouleverse les spectateurs du début à la fin. L’alchimie entre les deux comédiens est évidente.

Malgré une histoire naïve, pour ne pas dire complètement improbable et surréaliste, l’audience demeure transportée par ce drame flamboyant et d’une infinie beauté, magistralement mis en scène et interprétée (n’oublions pas Barbara Rush et Agnes Moorehead) grâce à la magie de Douglas Sirk.

LE BLU-RAY

Le Secret magnifique est édité en combo par Elephant Films. Le Blu-ray et le DVD du film reposent dans un boîtier plastique. Le visuel de la jaquette est très élégant, tout comme le menu principal, fixe et musical. Ce titre rejoint la collection Douglas Sirk disponible chez Elephant, qui possède déjà dix titres à son actif.

En plus d’un lot de bandes-annonces, d’une galerie de photos et des credits du disque, nous trouvons une excellente présentation du Secret magnifique par Jean-Pierre Dionnet (13’). Producteur, scénariste, journaliste, éditeur de bande dessinée et animateur de télévision, notre interlocuteur, visiblement très inspiré et pour cause puisque Douglas Sirk est un de ses cinéastes favoris, replace ce long métrage dans la filmographie du réalisateur. Il en vient ensuite aux thèmes abordés dans Le Secret magnifique, en croisant habilement le fond avec la forme en indiquant que ce film est le catalyseur des mélodrames qui seront ensuite réalisés par Douglas Sirk. Le casting est évidemment passé au peigne fin, tout comme les fidèles collaborateurs du cinéaste, à savoir Frank Skinner à la musique et Russell Metty, directeur de la photographie.

Nous le disions précédemment, Douglas Sirk est un des réalisateurs fétiches de Jean-Pierre Dionnet. Ce dernier lui consacre un petit module de 9 minutes, dans lequel il parcourt rapidement les grandes phases de sa carrière, ses thèmes récurrents, ses comédiens fétiches, les drames qui ont marqué sa vie, son regain de popularité dans les années 1970 grâce à la critique française et quelques réalisateurs (Fassbinder, Almodóvar) alors que le cinéaste, devenu aveugle, était à la retraite en Allemagne.

L’Image et le son

Quoi de mieux que de redécouvrir les films hollywoodiens de Douglas Sirk dans des copies entièrement remastérisées ? En effet, si le réalisateur apportait déjà un soin tout particulier aux couleurs et à la photographie de ses films, il va sans dire qu’aujourd’hui, grâce à cette splendide restauration dont bénéficie Le Secret magnifique, le film profite doublement de cette cure de jouvence. L’attention apportée à chaque détail de l’image est à couper le souffle. Le Technicolor offre une large palette de couleurs qui souligne la beauté des comédiens, des décors et des paysages (Sirk filme beaucoup en extérieur), d’un objet ou d’un vêtement porté par Rock Hudson ou Jane Wyman. La définition est irréprochable et la compression idéale. Naturellement, ce Blu-ray au format 1080p respecte le grain original, la copie est stable et quasi-immaculée, la photo légèrement diffuse de Russell Metty flatte les rétines et la clarté est indéniable. Certains effets de pompage découlent des partis pris et ne gênent évidemment en rien le visionnage.

L’éditeur met à disposition deux pistes sonores en mono 2.0. Si le doublage français d’époque est réussi, c’est au niveau de la musique et des ambiances de fond que ça coince. En effet le tout manque d’ampleur et de clarté au niveau de la composition de Frank Skinner et des effets annexes. Tout le mérite revient à la piste originale, dynamique et vivante tout du long, sans souffle, qui permet d’apprécier un excellent mixage des dialogues avec la musique, dès le générique d’ouverture.

Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Baccalauréat, réalisé par Cristian Mungiu

BACCALAURÉAT (Bacalaureat) réalisé par Cristian Mungiu, disponible en DVD et Blu-ray le 12 avril 2017 chez Le Pacte

Acteurs : Adrian Titieni, Maria-Victoria Dragus, Rares Andrici, Lia Bugnar, Malina Manovici, Vlad Ivanov

Scénario : Cristian Mungiu

Photographie : Tudor Vladimir Panduru

Durée : 2h07

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…

Pour Baccalauréat, son cinquième long métrage, le réalisateur Cristian Mungiu, révélé par 4 mois, 3 semaines, 2 jours qui lui a valu une Palme d’Or méritée en 2007, s’inspire une fois de plus de faits réels. A l’instar de son précédent film Au-delà des collines, le cinéaste souhaite à travers le drame réaliser une radiographie de la Roumanie d’aujourd’hui, toujours gangrenée par la corruption, qui tente encore de se remettre des années Ceauşescu.

Prenant comme partis pris de ne pas être catégorique dans ses jugements ni de tenter d’identifier les coupables, Cristian Mungiu livre une oeuvre tendue comme un « thriller social » et l’on pense tout du long au cinéma de Michael Haneke (notamment le fabuleux Caché), des frères Dardenne (coproducteurs du film d’ailleurs) et d’Asghar Fahradi. Comme ces derniers, Cristian Mungiu laisse au spectateur le choix de se faire sa propre opinion sur les agissements des personnages. Où est le bien ? Où est le mal ? Qui a raison ? Qui a tort ? Le réalisateur indique « Baccalauréat est une histoire sur les compromis et les principes, sur les décisions et les choix, sur l’individualisme et la solidarité mais aussi sur l’éducation, la famille et sur le vieillissement. C’est l’histoire d’un parent qui se demande ce qui est le mieux pour son enfant, si son enfant devrait être préparé à devenir un survivant dans le monde réel ou s’il devrait se battre pour être toujours honnête et changer le monde autant qu’il le peut ».

Romeo (Adrian Titieni, bouleversant), la cinquantaine, père aimant et responsable, est chirurgien. Son mariage est en crise et il fait chambre à part avec sa femme. Il a une jeune maîtresse. Mais sa seule obsession est de sauver sa fille Eliza (Maria-Victoria Dragus, vue dans Le Ruban blanc de Michael Haneke) de l’avenir peu reluisant qui s’offre à elle si elle devait faire sa vie en Roumanie. Si elle obtient une moyenne de 18 à son bac, elle pourra bénéficier d’une bourse qui lui permettra de quitter le pays pour aller étudier dans une université prestigieuse en Angleterre. Une affaire faite pour cette élève très douée. Mais la veille des examens, l’adolescente est agressée dans un chantier près de la fac. Blessée, choquée, démotivée, elle hésite alors à se présenter à la première épreuve le lendemain matin. Toutefois, Romeo est prêt à tout. Il se tourne alors vers un patient en attente d’une greffe de foie. Influent, ce dernier lui promet d’intervenir afin de corrompre le correcteur des copies. Baccalauréat repose sur une montée de tension palpable et progressive qui prend le spectateur – placé en tant que témoin – aux tripes pour ne plus le lâcher. Quelques secrets cachés éclatent au grand jour et fragilisent les relations au sein de la famille. Que faire ? Que dire ? Le ton monte, le personnage principal, Roméo, médecin réputé, dont Mungiu adopte le point de vue, se trouve constamment face à un dilemme, pris dans une spirale infernale d’entrée de jeu (une fenêtre brisée par une pierre lancée par un inconnu) et se retrouve à utiliser les armes dont il dispose pour enfreindre la loi, dans le seul but d’aider sa fille.

A travers ces conflits intérieurs, le réalisateur dresse un constat pessimiste de son pays et de la perte de confiance de ses habitants. Avec une mise en scène implacable en plans-séquences, une structure virtuose en engrenages, un scénario brillant et le jeu intense de ses merveilleux comédiens magistralement dirigés, Baccalauréat, tout comme les œuvres précédentes de Cristian Mungiu, implique le spectateur qui s’identifie immédiatement aux personnages féminins et masculins, adultes et ados, et c’est là toute la force de son cinéma. Une oeuvre captivante et saisissante sur l’amour et le libre-arbitre, justement récompensée par le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2016.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Baccalauréat, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Après avoir (re)vu Baccalauréat, dirigez-vous immédiatement sur la section des suppléments qui propose un entretien fondamental entre Cristian Mungiu et Michel Ciment, directeur de la revue Positif (45’). Les deux hommes échangent en français sur la genèse du film, l’écriture du scénario (plusieurs faits divers reliés par un fil rouge), les personnages, les thèmes, les points de vue, la mise en scène, le rapport au spectateur, l’usage du son et l’absence de musique, le casting, les décors, le cadre. Tous ces sujets sont abordés longuement et de manière passionnante. Les cinéphiles amateurs de l’oeuvre de Cristian Mungiu ne devront pas manquer ce rendez-vous.

S’ensuivent deux scènes coupées (4’). La première se focalise sur Eliza qui demande à son petit ami Marius de la déposer au centre d’examens le lendemain matin. Ce dernier réagit en lui rappelant qu’elle serait amenée à quitter le pays, et donc lui aussi, si elle devait réussir son baccalauréat. Cela laisserait supposer que l’accusation de Romeo a l’égard de Marius est peut-être justifiée et que le jeune homme aurait peut-être préféré ne pas intervenir lors de l’agression en pensant que cela inciterait Eliza à rester en Roumanie. La deuxième scène montre Romeo et sa maîtresse Sonia le soir, ramenant le chien qu’ils ont percuté en voiture et qu’ils essayent de soigner. Le couple s’embrasse, mais un bruit suspect interrompt le baiser, comme si quelqu’un les observait.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p. Baccalauréat bénéficie d’un superbe traitement de faveur avec ce master HD élégant. Les contrastes sont à l’avenant, la luminosité des scènes diurnes est éclatante, le piqué acéré y compris en intérieur, les noirs sont denses, le codec AVC solide. Evidemment, la propreté est de mise, les détails foisonnent aux quatre coins du cadre, et hormis quelques saccades notables sur divers mouvements de caméra, la colorimétrie demeure agréablement naturelle, précise et classe.

Baccalauréat est disponible en versions française et roumaine DTS-HD Master Audio 5.1. Il n’y a rien à redire du point de vue dynamique et de la vivacité des dialogues. Les deux mixages sont harmonieux, même si la version originale est évidemment largement conseillée et plus naturelle, respectent l’ambiance intimiste du film, se révèlent fluide et créent un confort acoustique plaisant. Quelques ambiances et effets se font bien entendre sur les latérales, mais l’ensemble demeure anecdotique, surtout que le film se trouve totalement dépourvu de musique. Les sous-titres français sont imposés sur la piste roumaine et le changement de langue est verrouillé à la volée. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Le Pacte / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Mademoiselle, réalisé par Park Chan-wook

MADEMOISELLE (Ah-ga-ssi) réalisé par Park Chan-wook, disponible en DVD et Blu-ray le 22 mars 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Kim Min-hee, Kim Tae-ri, Ha Jung-woo, Jo Jin-woong, Kim Hae-suk, Moon So-ri

Scénario : Park Chan-wook, Jeong Seo-kyeong d’après le roman Du bout des doigts (Fingersmith) de Sarah Waters

Photographie : Chung-hoon Chung

Musique : Jo Yeong-wook

Durée : 2h18

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Entre la Corée et le Japon des années 1930, durant la colonisation japonaise. L’histoire mêle les trajectoires d’une jeune femme fortunée vivant recluse dans un gigantesque manoir par un vieil oncle lubrique, et d’un escroc sadique surnommé le « Conte ». Très intéressé par l’argent de la nantie, ce dernier va faire appel à une fille pickpocket, qu’il placera comme servante chez la riche héritière.

Franchement, quand on voit qu’un film comme Mademoiselle est reparti bredouille du Festival de Cannes, ou presque si l’on excepte le Prix Vulcain de l’artiste technicien remis par la CST (Commission Supérieure Technique) à la décoratrice Ryu Seong-hies, on se demande comment un tel Festival puisse encore être crédible. L’insaisissable réalisateur sud-coréen Park Chan-wook, connu dans le monde entier depuis Old Boy (2003), puis metteur en scène acclamé pour Lady Vengeance (2005), Je suis un cyborg (2006), Thirst, ceci est mon sang (2009) et un passage par le cinéma américain avec son remarquable Stoker (2013), est de retour dans son pays avec Mademoiselle, splendide thriller psychologico-érotique. En 1930, alors que la Corée est occupée par les Japonais, une jeune femme prénommée Sookee (Kim Tae-Ri dans son premier rôle à l’écran) est engagée comme servante d’une riche nipponne, Hideko (Kim Min-Hee) vivant recluse dans un immense manoir sous la coupe d’un oncle tyrannique qui souhaite faire d’elle son esclave sexuel. Mais la petite bonne a un secret. Avec la complicité d’un escroc (Ha Jung-woo) se faisant passer pour un comte japonais, ils veulent mettre à exécution un plan diabolique.

Libre adaptation du roman Du bout des doigtsFingersmith de l’écrivaine britannique Sarah Waters, publié en 2002, Mademoiselle foudroie le spectateur par sa virtuosité et la densité de son récit. Immédiatement séduit par l’histoire de ces deux femmes situées au coeur du récit, Park Chan-wook s’approprie le roman original pour livrer un véritable drame teinté de thriller, mais aussi véritable histoire d’amour aux rebondissements multiples et surprenants jamais dénués d’humour noir et aux scènes érotiques troublantes. Si l’action du roman se déroulait à Londres dans les années 1860, le cinéaste la délocalise pour son film en Corée pendant la colonisation japonaise des années 1930. Dans cette Corée soumise et à l’aube d’une époque moderne, Park Chan-wook convie le spectateur à un ballet composé d’arnaques et de faux-semblants parasité par l’irruption inattendue des sentiments. Les décors d’une richesse époustouflante reflètent alors la théâtralité des traditions et des (faux) rapports entre les personnages, mais c’était sans compter sur les sentiments qui allaient animer et enflammer les personnages de Sookee et de Mademoiselle, qui entament alors une passion amoureuse et charnelle, tandis qu’un homme, qui a envoyé la première au service de la seconde dans l’espoir que Mademoiselle accepte de l’épouser, est loin de se douter de ce retournement de situation. Qui est manipulé ? Qui manipule ? Chacun à tour de rôle.

Avec sa mise en scène étourdissante, la beauté de ses comédiennes, le soin immense apporté aux décors et aux costumes, ses scènes érotiques sulfureuses et la conduite rigoureuse de son récit découpé en trois actes (pour trois points de vue), Mademoiselle s’avère un conte féministe entre ombres et lumières, parfois difficile pour les nerfs (la lente guillotine des doigts), lente, mais toujours remarquable, fascinant, populaire et hypnotique. Et quelle photographie ! Osons le dire, ce thriller sadique et romanesque où les personnages se perdent dans un palais des glaces, dont les draps de soie remplaceraient les miroirs, est le chef d’oeuvre de Park Chan-wook.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Mademoiselle, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Une édition Blu-ray limitée (non testée) contient un deuxième Blu-ray du film en version longue inédite (167′ – VOST, soit 23 minutes supplémentaires). La version du film chroniquée est donc celle du montage cinéma. Le menu principal est animé et musical, tandis que la jaquette du Blu-ray normal reprend le visuel de l’affiche française du film.

Concernant l’interactivité, c’est carrément du foutage de gueule. Si la jaquette indique un making of, la présentation du film au Festival de Cannes et une interview du réalisateur, nous déchantons rapidement puisque la durée du premier bonus est de 5 minutes, le second 1’30 et le dernier 1’40 ! Cela serait revenu à la même chose de ne rien proposer du tout ! Surtout que n’avons pas pu obtenir la version longue du film.

Ces featurettes n’apportent évidemment rien de conséquent. L’image est d’ailleurs affublée d’un bandeau noir sur lequel sont apposés les sous-titres français, probablement pour en dissimuler d’autres. On y voit rapidement le réalisateur à l’oeuvre avec ses comédiens, tandis que l’équipe s’exprime face à la caméra sur les conditions de tournage et l’histoire du film. Le photocall et la montée des marches de l’équipe à Cannes ne nous intéressent pas, pas plus que la minuscule interview du réalisateur dans le dernier « supplément ».

Cette section se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Pour la première fois de sa carrière, Park Chan-wook a tourné un de ses film en numérique, au moyen de la très convoitée caméra Arri Alexa XT Plus, afin de pouvoir utiliser un objectif anamorphique. On ne saurait faire mieux. Le cinéaste signe sa septième collaboration avec le chef opérateur Chung-hoon Chung. Les magnifiques partis pris esthétiques originaux sont magnifiquement rendus à travers ce Blu-ray d’une folle élégance et aux couleurs étincelantes. Le piqué est affûté, la profondeur de champ impressionnante, les contrastes fabuleusement riches, les détails abondent aux quatre coins du cadre large, tandis que le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, y compris sur les très nombreuses scènes se déroulant dans la demeure ou en basse lumière. Apport HD indispensable et même primordial pour ce titre et même top démo pour ce Blu-ray (1080p).

Si elle s’avère aussi parfaite que la version originale, évitez bien évidemment de visionner Mademoiselle en français ! En coréen/japonais comme en français, l’environnement acoustique est tout aussi incroyable que la photographie. Les deux versions jouissent d’un écrin DTS-HD Master Audio 5.1 particulièrement enivrant, immersif et riche. La balance frontale rivalise d’effets et d’énergie avec les latérales, le caisson de basses intervient à bon escient, tandis que les dialogues demeurent toujours ardents sur la centrale. Toutes les séquences en extérieur s’accompagnent automatiquement d’ambiances naturelles. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo plutôt fracassantes.

Crédits images : © The Jokers – SND / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr