TRAQUÉE (Framed) réalisé par Richard Wallace, disponible en DVD le 18 février 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Glenn Ford, Janis Carter, Barry Sullivan, Edgar Buchanan, Karen Morley, Jim Bannon, Stanley Andrews, Walter Baldwin…
Scénario : Ben Maddow d’après une histoire de John Patrick
Photographie : Burnett Guffey
Musique : Marlin Skiles
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1947
LE FILM
Stephen Prince, qui est banquier, et sa maîtresse Paula Craig décident de partir en emportant 250 000 dollars. Voulant faire croire à la disparition de Stephen, ils jettent leur dévolu sur Mike Lambert, qu’ils décident de tuer pour faire passer son corps pour celui de Stephen…
Sorti en 1947, Traquée – Framed, est l’un des derniers films mis en scène par le méconnu Richard Wallace (1894-1951), ancien collaborateur de Laurel & Hardy, à qui l’on doit quelques petites pépites comme Nid d’espions – The Fallen Sparrow (1943) avec John Garfield et Maureen O’Hara. Traquée, titre français étrange car aucune femme ne l’est dans le film, est un polar comme on les aime, un film noir typique de la Columbia, avec sa durée resserrée, son intrigue signée Ben Maddow (Quand la ville dort, Le Vent de la plaine) menée sans aucun temps mort, son casting soigné, sa succession de rebondissements de la première à la dernière scène et sa photographie très élégante.
Mike Lambert, ingénieur des mines, qui se retrouve au chômage, accepte de conduire un camion pour le compte d’une petite compagnie. Mais celui-ci se révèle trafiqué et, sans frein, Mike parvient cependant à stopper l’engin en emboutissant une vieille voiture appartenant à Jeff Cunningham (Edgar Buchanan). Après une altercation avec le propriétaire du camion, il réussit à se faire payer et rembourse Cunningham. Errant sans but dans la ville, ayant trop peu d’argent pour une chambre d’hôtel, Mike se retrouve au café « La Paloma », où il fait la connaissance de la serveuse Paula Craig Janis Carter). Complètement ivre, il la suit, et, à l’aube, dégrisé, il s’aperçoit qu’il a maille à partir avec la justice. Paula accepte de payer la caution pour sa libération, car elle veut se servir de Mike pour un piège machiavélique, de concert avec le banquier Steve Price (Barry Sullivan), son amant, qui veut divorcer de sa femme…
Tous les ingrédients sont donc bel et bien réunis pour faire le parfait thriller de série B. Propulsé au sommet du box-office dès son retour de l’armée avec le succès monstre de Gilda (1946) de Charles Vidor, Glenn Ford, âgé de trente ans, est déjà impeccable, très élégant, à la fois très empathique car fragile, mais aussi capable de courage, de ruse et de force quand son personnage se rend compte qu’il est malgré lui tombé dans la toile d’une araignée venimeuse. Cette dernière est interprétée par l’étonnante Janis Carter (1913-1980). Vue dans Pilotes de chasse (1942) et L’Etrangleur (1943) réalisés par William Wellman, mais aussi chez Budd Boetticher (One Mysterious Night, The Missing Juror) et plus tard devant la caméra de Robert Stevenson, Douglas Sirk et Nicholas Ray, la comédienne trouve ici un des meilleurs rôles de sa carrière. Elle est absolument parfaite en femme fatale, savoureusement diabolique et manipulatrice à souhait, usant bien évidemment de ses charmes et de sa crinière blonde pour éblouir et hypnotiser ceux qui pourront l’aider au bon déroulement de son plan. Le troisième élément de ce triangle est interprété par Barry Sullivan (1912-1994), figure incontournable des séries télévisées dans les années 1960-70, et également connu des cinéphiles pour avoir incarné le Capitaine Mark Markary dans La Planète des vampires – Terrore nello spazio de Mario Bava en 1965. Plus effacé, mais néanmoins très bon, Barry Sullivan va également se faire mener par le bout du nez par celle qu’il croyait alors placée sous son contrôle.
Si l’on peut évidemment penser au Facteur sonne toujours deux fois – The Postman Always Rings Twice de Tay Garnett d’après le roman de James M. Cain, et même lointainement à Assurance sur la mort, dont le livre signé du même auteur était déjà sorti, Framed trouve un ton qui lui est et s’éloigne de son modèle, le tout emballé avec classe dans un formidable N&B concocté par le grand chef opérateur Burnett Guffey (Bonnie & Clyde, Tant qu’il y aura des hommes, Le Prisonnier d’Alcatraz, Plus dure sera la chute). Amoureux de la série B, Traquée est fait pour vous !
LE DVD
Proposé pour la première fois à l’unité (le film était déjà sorti chez l’éditeur en décembre 2018 dans un coffret consacré au genre), Traquée rejoint la collection Film Noir chez Sidonis Calysta. Visuel soigné, tout comme le menu principal, animé et musical.
Deux présentations sont proposées sur cette édition.
François Guérif (7’) indique d’emblée l’étonnant titre français qui indique Traquée, alors que la seule femme du film est la grande manipulatrice du récit. Puis, il en vient au réalisateur Richard Wallace, avant d’aborder l’histoire de Framed, qui lui rappelle certains éléments du Facteur sonne toujours deux fois de Tay Garnett, adapté du roman de James M. Cain, sorti l’année précédente. Le casting est également abordé.
Patrick Brion (6’) passe essentiellement ce court module à raconter une grande partie du film, sans véritablement l’analyser. Le critique donne quelques indications sur le scénariste Ben Maddow, évoque le très beau personnage féminin interprété par Janis Carter et rend hommage aux séries B de la Columbia, au style reconnaissable.
L’Image et le son
Présenté dans une nouvelle copie restaurée, Traquée bénéficie d’un joli traitement de faveur avec un N&B de bonne tenue, un grain argentique imposant, mais néanmoins bien géré, et surtout des contrastes riches qui rendent hommage à la photo de Burnett Guffey. Superbe cadre 1.33, qui contient son lot de détails, avec un piqué étonnant et une profondeur indéniable.
Comme souvent, la version originale l’emporte sur la version française. La première est plus aérée, fluide et dynamique, si on la compare à la seconde piste, plus feutrée peut-être, au rendu des dialogues plus pincé et marquée par divers craquements. Les sous-titres français ne sont pas imposés.