Test DVD / Si tu voyais son coeur, réalisé par Joan Chemla

SI TU VOYAIS SON COEUR réalisé par Joan Chemla, disponible en DVD le 15 mai 2018 chez Diaphana

Acteurs :  Gael García Bernal, Marine Vacth, Nahuel Perez Biscayart, Karim Leklou, Mariano Santiago, Manuel « Manole » Munoz, Antonia Malinova, Patrick de Valette…

ScénarioJoan Chemla, Santiago Amigorena d’après le roman de Guillermo Rosales

Photographie : André Chemetoff

Musique : Gabriel Yared

Durée : 1h23

Année de sortie : 2017

LE FILM

Suite à la mort accidentelle de son meilleur ami, Daniel échoue à l’hôtel Métropole, un refuge pour les exclus et les âmes perdues. Rongé par la culpabilité, il sombre peu à peu dans la violence qui l’entoure. Sa rencontre avec Francine va éclairer son existence.

Si tu voyais son coeur est le premier long métrage de la réalisatrice franco-argentine Joan Chemla. Venue au cinéma après des études de journalisme et de droit, elle signe en 2008 son premier court-métrage Mauvaise route. Suivront Dr Nazi (2010) et The Man with the Golden Brain (2012). Atypiques, à la lisière du fantastique, inclassables même, ces films sont remarqués dans les festivals. Joan Chemla passe donc naturellement au long métrage et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on retrouve toute la singularité de ses œuvres précédentes dans Si tu voyais son coeur, drame sombre et austère, interprété par Gael Garcia Bernal. Limite expérimental, ce premier film ne manque pas d’intérêt, mais demeure cependant trop hermétique.

Après avoir perdu son meilleur ami dans un accident, Daniel, un gitan exilé à Marseille, quitte sa communauté. Il s’installe à l’hôtel Métropole, véritable purgatoire où les écorchés de la vie tentent de survivre au jour le jour. Se sentant coupable de la mort de son ami, Daniel s’auto-détruit jusqu’à sa rencontre avec Francine qui va bouleverser sa vie.

Il y a de très bonnes choses dans Si tu voyais son coeur. Tout d’abord les comédiens. On est heureux de revoir Gael Garcia Bernal rejouer dans la langue de Molière. Immense sensibilité, charisme ravageur, l’acteur mexicain porte le film du début à la fin. Il donne ici la réplique à Nahuel Pérez Biscayart, révélation 2017 de 120 battements par minute de Robin Campillo (César du meilleur espoir masculin) et Au revoir là-haut d’Albert Dupontel. Si ce dernier apparaît finalement très peu à l’écran, sa présence reste marquante tout du long. N’oublions pas la sublime Marine Vacth (Jeune et jolie, Belles familles, La Confession), dont la participation même fugace foudroie à la fois les yeux et le coeur.

Adaptation libre du roman Mon ange de l’écrivain cubain Guillermo Rosales par Santiago Amigorena, Si tu voyais son coeur peut rebuter avec sa photo poisseuse, voire cendreuse, son rythme très lent, mais le personnage de Daniel est malgré tout attachant. On le suit dans son errance, dans son processus de deuil, dans son retour à la vie grâce à Francine, jeune femme également cassée par l’existence, mais toujours vivante malgré les coups reçus. On pense alors à Orphée et Eurydice, se rapprochant de la lumière après avoir connu les Enfers. Si l’action du roman se déroulait aux Etats-Unis et suivait un exilé cubain, le film de Joan Chemla se concentre sur un exilé de la communauté gitane, paumé dans les environs de Marseille.

Présenté en compétition au Festival international de Toronto, Si tu voyais son coeur marque la naissance d’une véritable auteure et metteur en scène, par ailleurs récompensées par le Prix du meilleur réalisateur (sic) au Festival international du film de Varsovie. Tragique, sensoriel (la musique de Gabriel Yared n’y est pas pour rien), romantique et teinté d’humour noir, cette première œuvre possède une vraie patte esthétique et un sens formel indiscutable, qui rappelle parfois La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix. Dommage que le scénario ne soit finalement pas à la hauteur de ses ambitions plastiques (on pense d’ailleurs au cinéma de Paweł Pawlikowski) et espérons que Joan Chemla saura ouvrir un peu plus son univers et faire preuve de lâcher prise dans son prochain film pour une portée plus universelle.

LE DVD

Le test du DVD de Si tu voyais son coeur, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Excellente initiative de la part de l’éditeur de nous proposer les trois courts-métrages de Joan Chemla comme suppléments au programme !

Mauvaise route (12’ – 2008) : Sur une route déserte, un jeune homme se lance à la poursuite d’une moto. En chemin, les présages d’un destin tragique s’accumulent. N&B éthéré, aucun dialogue, conte singulier et dénouement surprenant, Mauvaise route impose d’emblée le style visuel de Joan Chemla.

Dr Nazi (15’ – 2010) : Charles Chinaski est un type à problèmes et se considère comme responsable de la plupart de ses problèmes : les femmes, l’alcool, son hostilité envers les groupes d’individus. Il décide un jour de consulter le premier docteur venu. Adaptation de la nouvelle de Charles Bukowski et Lauréat du Prix Canal + à Clermont-Ferrand.

The Man With the Golden BrainL’Homme à la cervelle d’or (16’ – 2012) : Stanley a sept ans quand il découvre par accident que sa cervelle est en or. Transposition d’une nouvelle d’Alphonse Daudet (La Légende de l’homme à la cervelle d’or) avec Marine Vacth et Vincent Rottiers.

Trois courts-métrages très étonnants, marqués par quelques références, notamment à Stanley Kubrick, qui montrent que Joan Chemla a vraiment le potentiel pour réaliser un jour un vrai film fantastique.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour Si tu voyais son coeur, mais un DVD de bonne qualité. La photo cendreuse, hivernale et morose de André Chemetoff (Dog Pound, Les Malheurs de Sophie) est impeccablement restituée avec un léger grain. Le piqué, les contrastes, le relief, les détails sont très appréciables, tout comme la stabilité de la copie.

La version française est disponible en Dolby Digital 5.1 et 2.0. D’emblée, le premier mixage impose une petite spatialisation discrète mais bel et bien palpable avec diverses ambiances qui percent les enceintes latérales, en plongeant directement le spectateur dans l’atmosphère du mariage. Certes, le film repose en grande partie sur les dialogues, mais il serait dommage de se priver de ce petit plus. Saluons également la tonicité de la piste 2.0 qui contentera aisément ceux qui ne seraient pas équipés à l’arrière. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : ©  Nord Ouest Films / Diaphana / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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