RODRIGUEZ AU PAYS DES MERGUEZ réalisé par Philippe Clair, disponible uniquement en coffret DVD Plus drôle que ça tu meurs !!! – 10 comédies cultes de Philippe Clair le 5 novembre 2024 chez Cinéfeel.
Acteurs : Geneviève Fontanel, Philippe Clair, Évelyne Séléna, Georges Blaness, Anne Berger, André Clair, Gérard Hernandez, André Nader…
Scénario : Philippe Clair, d’après La Parodie du Cid d’Edmond Brua
Photographie : Claude Becognée
Musique : Jean-Pierre Doering
Durée : 1h23
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
À Bab El Oued, lors de la colonisation française, l’action se déroule sur fond d’élections. Le chômeur Roro, fils du marchand de brochettes Dodièze aime Chipette, fille du coiffeur Gongormatz. Dodièze et Roro sont partisans de Fernand, l’un des deux rivaux. Dodièze est décoré par Fernand. Gongormatz, jaloux, se dispute avec Dodièze. Il le frappe avec un soufflet. Roro doit venger son père.
Il est donc là, le Citizen Kane de Philippe Clair ! Rodriguez au pays des merguez est l’adaptation cinématographique deLa parodie du Cid d’Edmond Brua, écrite dans les années 1940, que Clair avait déjà mis en scène au théâtre avant son premier long-métrage, pièce avec laquelle il avait triomphé. Le réalisateur vient de dire adieu aux 13 cloches et se lance dans ce qui sera son projet le plus personnel. Intégralement tourné en Tunisie, Rodriguez au pays des merguez ne rencontrera aucun succès dans les salles et sera même le plus grand échec de son auteur au box-office. Sorti face à On a volé la cuisse de Jupiter, Rocky 2 et même à la reprise de La Guerre des boutons, le film doit s’incliner et peu de spectateurs feront le déplacement pour aller voir des acteurs réciter Le Cid de Corneille en pataouète, qui en font des caisses, qui hurlent à tout bout de champ. Malheureusement, si ce « film d’auteur » était déjà pénible (euphémisme) à sa sortie, les années n’ont pas été tendres et il est aujourd’hui aussi inconcevable qu’impossible de défendre, de réhabiliter et sans doute de visionner Rodriguez au pays des merveilles. Demeure évidemment la curiosité malsaine, la meilleure, du cinéphile déviant, mais même celui-ci risque d’y laisser quelques neurones au passage. Le jeu n’en vaut certainement pas la chandelle.
Bab el Oued, au temps où y vivaient encore les Français d’Algérie, les pieds-noirs. Au chômage, Roro, le fils du marchand de brochettes Dodièze, est amoureux de la fougueuse Chipette, fille du coiffeur Gongormatz. Le village vit déjà dans l’effervescence des élections prochaines. Affiches et calicots fleurissent, fleurissent… Deux candidats, deux clans. Dodièze et Roro soutiennent Fernand, l’un des deux rivaux. Fernand décore Dodièze. Gongormatz, jaloux, a une altercation avec Dodièze. Dans la colère, il saisit le soufflet à braises (qui sert à attiser le feu des brochettes) et en gifle magistralement son vis-à-vis. Pour venger son père, Roro se trouve face à une situation cornélienne : car s’il affronte le borgne Gongormatz, il perdra en même temps l’amour de sa belle. Il s’y résout pourtant, et s’attire les bouderies de Chipette, qui va jusqu’a réclamer sa tête à Fernand ! Les élections arrivent… Roro et Dodièze trouvent un moyen idéal de gagner des voix pour leur préféré : faire voter les morts, pratique crapuleuse bien connue.
Heureusement que nous trouvons parfois des résumés de film sur la toile, comme celui de Rodriguez au pays des merguez, auquel on ne comprend absolument rien et ce malgré toute la bonne volonté du monde. Il faut être dans de bonnes voire d’excellentes dispositions pour visionner le dixième long-métrage de Philippe Clair, qui sortira courant 1980 et dont le bide touchera profondément son auteur. Toutefois, sans se remettre totalement en question, il se tournera vers des comédies plus sophistiquées, dans le sens moins potache (les époques changent), mieux écrites et en se plaçant (momentanément) plus en retrait dans son casting. Rodriguez au pays des merguez, s’il tient un des rôles de premier plan, Philippe Clair met en avant sa distribution dont la belle Geneviève Fontanel, ancienne pensionnaire de la Comédie-Française, immense comédienne de théâtre et vue aussi au cinéma chez Henri Verneuil (Un singe en hiver), Claude Zidi (La Zizanie), François Truffaut (L’Homme qui aimait les femmes) et Claude Bernard-Aubert (L’Affaire Dominici).
Les femmes ont le beau rôle pour une fois chez le cinéaste, à l’instar d’Évelyn Séléna (célèbre pour avoir doublé Glenn Close, Helen Mirren, Jane Seymour, Jane Fonda, Meryl Streep et tant d’autres stars) dans le rôle de Carmen. Mais Philippe Clair n’oublie pas les copains et l’on retiendra la présence toujours désopilante de Gérard Hernandez (Gongormatz), Georges Blaness (déjà au générique de Déclic et des claques quinze ans auparavant) et le fidèle André Nader (que l’on reverra dans Tais-toi quand tu parles). Tout ce beau monde semble impliqué, mais l’ensemble demeure indigeste, car comme à son habitude, Philippe Clair n’a jamais su se limiter et laisse déborder le couscoussier. À trop vouloir remplir son cadre, pour rendre compte de l’effervescence d’un pays, d’une ville, d’un quartier, le réalisateur ne sait plus quoi cadrer, ni quoi raconter, ni qui filmer.
Le spectateur se perd dans une succession de scènes sans aucun sens (mais qui devaient en avoir dans la tête du metteur en scène), ce qui finit par taper sur les nerfs (la musique omniprésente n’aide pas du tout à se relaxer, tout comme le bavardage qui reste incompréhensible), jusqu’à l’épuisement qui vient rapidement. Quand Fernand est élu député, et que Chipette, faisant contre mauvaise figure bon coeur, finit par retrouver celui de son coeur et tomber dans ses bras, cela fait bien longtemps que le spectateur a abdiqué. D’ailleurs, c’est la fin de cette histoire, courte, 83 minutes, qui paraissent durer le double. Fuyez pauvres fous.
LE DVD
Cela fait plus de 25 ans, un bon quart de siècle oui, que les œuvres de Philippe Clair étaient attendues en DVD, puis en Haute-Définition. Ses films étant bloqués en raison de problèmes juridiques avec le producteur Tarak Ben Ammar, Philippe Clair ne les aura pas vus sortir de son vivant, puisque le réalisateur nous a fait la mauvaise blague de nous quitter en 2020 à l’âge respectable de 90 ans. 2024, grande nouvelle ! L’éditeur Cinéfeel sort le 5 novembre un coffret 7 DVD intitulé Plus drôle que ça tu meurs !!! – 10 comédies cultes de Philippe Clair, comprenant, Déclic et des claques (1.66), La Grande Java (restauration 4K, 1.66), Le Grand Fanfaron (1.66), Comment se faire réformer (1.66), Les Réformés se portent bien (1.66), Ces flics étranges… venus d’ailleurs (1.66), Rodriguez au pays des merguez (1.66), Tais-toi quand tu parles (1.66), Plus beau que moi, tu meurs (2.35), Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir ! (2.35), que nous passerons évidemment tous en revue ! À noter que Plus beau que moi, tu meurs et La Grande java seront disponibles à l’unité en Blu-ray. Parallèlement, Gaumont sort Si tu vas à Rio… tu meurs en Haute-Définition. Les fans vont être aux anges, même s’il manque toujours Le Führer en folie ou bien encore L’Aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire. Aujourd’hui, il s’agit d’explorer Rodriguez au pays des merguez, l’une des plus grandes curiosités de ce coffret, couplé sur un même DVD avec Ces flics étranges…venus d’ailleurs. Le menu principal est fixe et muet.
Aucun supplément sur ce disque.
L’Image et le son
Des poussières, des raccords de montage, des rayures et autres couacs viennent de temps en temps émailler le master présenté par Cinéfeel. En dehors de ça, la vie d’ma mère, la copie est plutôt bonne, stable, certains plans sortent du lot et mettent en valeur les décors naturels, ainsi que la photographie plus soignée que d’habitude chez Philippe Clair. Le piqué est somme toute aléatoire, tout comme la gestion des contrastes, mais le résultat final n’est pas déplaisant.
Ça gesticule et parle fort comme le chantait Aznavour. Dans Rodriguez au pays des merguez, on ne sait pas s’exprimer autrement qu’en hurlant ou en s’engueulant. De ce fait, comme il n’y a pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, certains échanges nous échappent totalement et il n’est pas rare de ne rien comprendre à ce qui se dit. Cela implique de tendre l’oreille en permanence, mais même ainsi, des répliques demeurent incompréhensibles.
Crédits images : Cinéfeel / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
J’ai évoqué avec Geneviève Fontanel ce film de Philippe Clair que je n’avais pas vu, et G.Fontanel sortait tout juste du tournage d’un film « d’auteur » où elle n’avait pas été très heureuse, dirons-nous… 🙂
Le côté intellectuel et très « abstrait » de ce film l’avait pour le moins ennuyée…
Mais au nom de Philippe Clair et de ce Rodriguez, son sourire est revenu ! Elle m’a dit avoir gardé un souvenir magnifique de ce tournage et de toute l’équipe !