ROCCO réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, disponible en combo DVD-Blu-ray le 4 avril 2017 chez TF1 Vidéo
Acteurs : Rocco Siffredi, Rozsa Tano, Gabriele Galetta, Kelly Stafford, Mark Spiegler, Abella Danger, John Stagliano…
Photographie : Alban Teurlai
Musique : Pierre Aviat
Durée : 1h45
Date de sortie initiale : 2016
LE FILM
En trente ans de carrière, Rocco Siffredi reste la plus grand star masculine du cinéma pornographique. Ses amis disent qu’il a deux vies, celle de père de famille et celle de propriétaire d’un titre, d’un mythe. Lui-même dit avoir payé le prix fort dans sa vie personnelle. A 50 ans, il décide de mettre un terme à sa carrière avec un dernier long métrage. Alors que le film se prépare, le hardeur dévoile les raisons qui l’ont poussé à arrêter, les difficultés de sa vie de famille et le rôle ambigu que la nymphomanie a joué dans sa vie…
Né le 4 mai 1964 dans les Abruzzes, Rocco Tano alias Rocco Siffredi, pseudo venant du personnage incarné par Alain Delon dans Borsalino, est l’homme de tous les records dans le domaine de la pornographie. Depuis ses débuts en 1986, on lui prête plus de 5000 partenaires à l’écran et plus de 1500 films. Quant à la taille de, vous savez, cela oscille entre 23 à 25 cm, probablement en raison de la météo, et cela a largement contribué à sa réputation. Réalisateur, producteur et surtout acteur de films pornographiques, Rocco Siffredi est devenu une marque de fabrique. Spécialisé dans le style gonzo, qui inclut des scènes violentes avec gifles et même crachats à la tête de celle qui passe entre ses griffes, Rocco Siffredi est à la pornographie ce que Mike Tyson est à la boxe : une légende vivante. Sa mère aurait voulu qu’il soit curé, il est devenu acteur porno avec sa bénédiction, consacrant sa vie à un seul dieu : le Désir. En trente ans de métier, Rocco Siffredi aura visité tous les fantasmes de l’âme humaine et se sera prêté à toutes les transgressions. Hardeur au destin exceptionnel, Rocco plonge dans les abîmes de son addiction au sexe et affronte ses démons dans ce documentaire en forme d’introspection. Le moment est aussi venu, pour le monstre sacré du sexe, de raccrocher les gants. Pour tourner la dernière scène de sa carrière, Rocco a choisi ce documentaire. Une galerie de personnages – famille, amis, partenaires et professionnels du porno – l’accompagne jusqu’à cette sortie de scène spectaculaire. Des repas de famille à Budapest aux tournages de films pornographiques à Los Angeles, des ruelles italiennes d’Ortona aux villas américaines de la Porn Valley, le film déroule l’histoire d’une vie hantée par le désir et révèle en filigrane les coulisses du X, derrière le scandale et l’apparente obscénité. À l’heure où la pornographie sort de la clandestinité, envahit le cinéma traditionnel, la mode et l’art contemporain, c’est un univers à part entière, filmé au plus près, qui se dévoile à travers le parcours de Rocco Siffredi.
Après avoir tourné Relève : histoire d’une création, un documentaire sur le danseur et chorégraphe Benjamin Millepied, les réalisateurs Thierry Demaizière et Alban Teurlai se voient proposer un film sur la pornographie américaine. D’abord perplexes, les deux collaborateurs acceptent et prennent comme partis pris de se focaliser sur Rocco Siffredi et de suivre l’acteur porno pendant deux ans, avec son accord, dans sa vie privée, auprès de son épouse et de ses deux fils, mais également sur le plateau avec ses partenaires, sans oublier les moments où Siffredi se retrouve seul, face à lui-même. Si on l’a souvent vu à poil, c’est bien la première qu’il se met à nu. De son propre aveu, l’acteur traversait la pire période de sa vie, ce qui se reflète sur son visage émacié, usé, vieilli. C’est de là que proviennent la grande surprise et l’intérêt de ce documentaire. Il n’y a rien d’excitant dans Rocco, mais ce portrait dressé (nous parlons bien du portrait) ne brosse pas l’acteur dans le sens du poil et le montre dans ses contradictions. Fier de ce qu’il est devenu, confortablement installé en Hongrie, Rocco Siffredi est aussi un homme devenu esclave du monstre qu’il a créé (« ma sexualité est mon démon »), un super hardeur, un mâle alpha dominateur, un produit demandé aux quatre coins du monde, un phénomène de foire, un trépied que les jeunes actrices, fascinées par sa taille (1m85) et sa taille en centimètres, désirent monter pour l’inscrire sur leur C.V.
Parallèlement, on suit également son cousin Gabriele, qui a fait sa carrière, pour ne pas dire sa vie sur le vit de Rocco Siffredi en tant que caméraman et réalisateur. Parfaitement conscient de cette dépendance (« Qu’aurait été notre vie, si son sexe ne s’était pas dressé ? »), Gabriele se montre jaloux quand il « disparaît » derrière l’objectif pour filmer les ébats. Ce personnage quasi-tragique et pathétique interpelle, surtout lorsqu’il souhaiterait donner une touche un peu plus artistique à sa mise en scène, mais qui doit chaque fois revoir ses ambitions puisque Rocco lui indique que le porno implique d’aller directement à l’essentiel sans effusions techniques. Une vraie commedia dell’arte. En plus de ce double intérêt, Rocco donne la parole aux femmes. Celle qui partage la vie de Rocco, mais aussi toutes ses partenaires. On voit un Rocco attentionné, qui prend le temps de les connaître un peu mieux avant de passer à l’acte, leur demandant ce qu’elles aiment dans le sexe, jusqu’où elles peuvent aller et jusqu’où lui puisse se permettre d’aller avec elles. Rocco n’est pas moins un film sur l’industrie contemporaine de la pornographie que sur un acteur qui a dédié toute sa vie à son « art », au point de devenir prisonnier de son personnage. Mais le doute l’habite.
Au-delà du documentaire, Rocco peut se voir comme un vrai drame intimiste sur un homme d’une extrême complexité, touchant (avec les fantômes omniprésents de son frère et de sa mère décédés), parfois sombre et torturé, partagé entre le désir d’arrêter sa carrière quand il se rend compte que ses partenaires ont souvent l’âge de ses deux fils, mais frustré, malheureux et souffrant véritablement quand il admet que la pornographie fait partie de lui et qu’il ne pourra pas s’en passer. Très bien réalisé et photographié, sans plan « choc » et ni scènes de pénétration, pouvant parfois rendre mal à l’aise, loin des clichés et des idées reçues, c’est donc à la fois plusieurs portraits qui s’entrecroisent autour du thème du sexe dans ce documentaire. Celui de Rocco Siffredi donc, qui se livre corps et âme devant la caméra et qui se prépare à tourner sa dernière scène, de son cousin Gabriele et de toutes ces femmes, qui s’expriment librement sur leurs désirs et leur sexualité, notamment l’alter ego féminin de Rocco, Kelly Stafford, qui considère sa condition de star du porno comme un acte féministe.
Thierry Demaizière et Alban Teurlai se focalisent sur les mains, les visages usés, les crampes, les muscles, les ecchymoses, les corps avant et après « la bataille », tandis que les acteurs se remercient en se serrant la main, avant d’aller sous la douche. Des gladiateurs et lutteuses qui s’affrontent dans une guerre charnelle et de liquide séminal, mais dont la descente d’orgasme renvoie souvent à leur propre solitude. Rocco, captivant et fascinant documentaire existentiel ? Assurément.
LE DVD
Le test du DVD de Rocco, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Si vous avez aimé le documentaire, alors n’hésitez pas à prolonger le programme avec les interviews proposées en bonus. Pendant une vingtaine de minutes, Rocco Siffredi s’exprime (en français) sur la genèse du projet, sur l’évolution du milieu pornographique, sur sa rencontre avec Thierry Demaizière et Alban Teurlai et ce qui l’a poussé à se dévoiler devant leur caméra. L’acteur évoque également ses dernières années en tant qu’acteur porno, sa dépression (« ils m’ont filmé au pire moment de ma vie »), sa dépendance au sexe et avoue avoir été très mal à l’aise en découvrant le film pour la première fois. Il clôt cette excellente interview en parlant de la sexualité des jeunes d’aujourd’hui et de son lien avec l’accès à la pornographie via internet.
C’est ensuite au tour de Thierry Demaizière et d’Alban Teurlai (12’) de s’exprimer sur la mise en route du projet (à l’origine une commande pour un documentaire sur la pornographie américaine) et leur rencontre avec Rocco Siffredi. Leurs propos prolongent leur travail, notamment quand les réalisateurs parlent de la personnalité complexe de leur protagoniste, « un personnage dense et intense », « Non pas le roi du porno confortablement installé sur son trône, mais un être tragique, sombre et tourmenté ». Les partis pris (« ni juger ni encenser le personnage »), leur collaboration avec Rocco Siffredi, mais aussi les femmes présentes dans le documentaire, sans oublier l’approche visuelle et sonore, Thierry Demaizière et d’Alban Teurlai mentionnent tous ces sujets passionnants en déclarant également que le film plaît – contre toute attente – plus aux femmes qu’aux hommes.
L’Image et le son
Tourné en numérique, Rocco bénéficie d’une très belle édition SD, qui rend justice aux images souvent stylisées des deux documentaristes et de leur chef opérateur Alban Teurlai, restituées avec une précision d’orfèvre. Le cadre est superbe, la colorimétrie élégante, entre couleur et N&B et le relief omniprésent. L’encodage consolide l’ensemble avec fermeté, le piqué est merveilleusement acéré, les noirs compacts et les contrastes denses.
La piste multilangue (osons le mot ici) 5.1 sous-titrée en français demeure au point mort pendant près de deux heures et il faut attendre l’accompagnement musical pour que les enceintes arrière se réveillent sensiblement. Les séquences demeurent essentiellement axées sur les frontales, les latérales se contentant d’un écho très lointain. Pour cause de tournage brut, l’enregistrement sonore varie selon les conditions des prises de vues et de la distance des documentaristes avec leur(s) sujet(s) filmé(s). Pour une meilleure homogénéité, la stéréo se révèle parfaite, percutante à souhait, cette piste donne finalement plus de corps à l’ensemble.
Crédits images : © Emmanuel Guionet / Mars Films / TF1 Vidéo / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr