ONLY THE RIVER FLOWS (He bian de cuo wu – 河边的错误) réalisé par Shujun Wei, disponible en DVD le 19 novembre 2024 chez Ad Vitam.
Acteurs : Zhu Yilong, Chloe Maayan, Zeng Meihuizi, Hou Tianlai, Tong Linkai, Huang Jun, Huang Miyi, Kang Chunlei…
Scénario : Chunlei Kang & Shujun Wei, d’après une nouvelle de Yu Hua
Photographie : Zhiyuan Chengma
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, le chef de la police criminelle, est chargé d’élucider l’affaire. Un sac à main abandonné au bord de la rivière et des témoignages de passants désignent plusieurs suspects. Alors que l’affaire piétine, l’inspecteur Ma est confronté à la noirceur de l’âme humaine et s’enfonce dans le doute…
Jeune cinéaste Chinois, Shujun Wei (né en 1991) a déjà une poignée de courts et longs-métrages à son actif, tous inédits dans les salles françaises. Jusqu’à l’apparition dans nos cinémas de Only the River Flows l’été dernier qui a su attirer un peu plus de 50.000 spectateurs chez nous et plus de sept millions en Chine. Un succès colossal pour ce polar qui n’est pas sans rappeler Memories of Murder (2003) de Bong Joon-ho, adapté d’une nouvelle de Yu Hua, qui révèle la virtuosité d’un réalisateur jusqu’à présent inconnu dans nos contrées et qui révèle instantanément une patte, une griffe, un style, une âme. Si l’intrigue demeure tortueuse, au point où l’on ne comprendra finalement pas tous les aboutissants, pour ne pas dire l’identité du meurtrier, Only the River Flows reste avant tout une expérience enthousiasmante de cinéma, un thriller poisseux et étouffant sur le fond comme sur la forme (la pluie tombe sans discontinuer, tout le monde a la clope au bec), qui s’interroge également sur le futur des salles de cinéma, tout en rendant hommage au passé du septième art. En ayant recours à la pellicule, d’une part pour renvoyer aux années 1990, durant lesquelles se déroule l’intrigue, mais aussi pour bénéficier d’une patine qui sied à la noirceur de l’histoire, Shujun Wei met dans le mille et nous hypnotise durant 1h35. Assurément une découverte pour les cinéphiles hexagonaux.
Chine rurale en 1995 : l’inspecteur Ma Zhe tente d’élucider le meurtre d’une personne âgée. Sous une pression croissante, il doit choisir entre une éventuelle évolution de carrière et sa conscience. Ma Zhe, homme dévoué, doit se rendre à l’évidence, le tueur demeure introuvable et son échec, dans un système social répressif, est dur à affronter.
Bien que ses autres films aient été présentés à Cannes comme Courir au gré du vent (en sélection officielle) et Ripples of Life (à la Quinzaine des Réalisateurs), Shujun Wei n’avait jamais vu l’une de ses œuvres être distribuée en France. C’est désormais chose faite, ce qui nous permet de plonger pleinement dans l’univers du réalisateur. Only the River Flows est un vrai film noir, un brillant exercice de style, avec lequel le cinéaste aborde le thème du poids de l’esprit collectif qui pèse sur l’individu, à l’instar de l’inspecteur Ma, à qui l’enquête est confiée et qui doit y consacrer tout son temps, alors que sa compagne est enceinte d’un enfant qui risque d’être atteint d’une maladie génétique. L’horreur et l’absurdité du monde sont le quotidien de Ma Zhe, brillamment interprété par l’intense Zhu Yilong, comédien très actif depuis une quinzaine d’années au cinéma et à la télévision, qui vient de connaître trois succès colossaux et successifs dont Lighting up the Stars de Jiangjiang Liu (plus de 250 millions de dollars de recette pour un budget de 8 millions). Un acteur protéiforme, méconnaissable dans Only the River Flows, qui campe un inspecteur dépassé par les événements, qui subit la pression de sa hiérarchie et qui doit donc aussi régler ses problèmes personnels. Ou quand l’ombre de l’inspecteur Johnson incarné par Sean Connery dans The Offence, chef d’oeuvre de Sidney Lumet, plane sur Ma Zhe.
Plusieurs meurtres sont commis dans Only the River Flows et leur résolution passe finalement au second plan. Ce qui nous intéresse est le portrait de ce flic somme toute solitaire, que l’on sent au bord de la dépression nerveuse, surtout quand le personnage se retrouve confronter à un monde de plus en plus dingue. On pense alors à un mélange entre l’univers tortueux et labyrinthique de Raymond Chandler et celui plus immersif des romans policiers de l’écrivain japonais Keigo Higashino, maître du genre qui n’a pas son pareil pour peindre les éléments naturels qui ont un impact sur la psyché de ses protagonistes.
Autant dire qu’Only the River Flows, récompensé par le Prix du jury au 4e Festival du film policier de Reims, n’est pas un polar comme les autres, l’histoire et ses protagonistes conservant une grande part de mystère, difficile à retranscrire dans une transposition au cinéma et donc un défi que le réalisateur relève haut la main.
LE DVD
Alors que le Blu-ray est pour l’instant uniquement disponible à la Fnac (l’édition HD sera proposée courant mars dans les autres crèmeries), nous avons pu mettre la main sur le DVD d’Only the River Flows, présenté par Ad Vitam. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation française. Le menu principal est animé et musical.
En plus de la bande-annonce et du dossier de presse (dispo en PDF), l’éditeur nous gratifie d’une très courte, mais intéressante interview de Shujun Wei (6’35). Celui-ci s’exprime sur l’adaptation avant-gardiste de la nouvelle de Yu Hua, sur ses intentions et partis-pris, le casting, ainsi que sur la situation du cinéma aujourd’hui.
L’Image et le son
Que voilà un beau master ! La copie est évidemment exempte de défauts. L’image est stable et s’accompagne d’un grain argentique élégant, les contrastes sont soignés, les couleurs sombres, froides, l’ensemble restituant à merveille les partis pris du directeur de la photographie Zhiyuan Chengma. Le film est présenté dans son format original 1.85.
En ce qui concerne le mixage mandarin DTS-HD Master Audio 5.1 (nous ne parlerons pas de la version française, inutile), la centrale délivre avec énergie les dialogues, tandis que les ambiances naturelles (le tonnerre, la pluie battante), qui ne manquent pas, sont subtilement spatialisées, tout comme la musique pesante, mystérieuse et mélancolique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi que deux pistes Stéréo.
Crédits images : © KXKH Films / Ad Vitam / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr