L’ÉTRANGLEUR (Lady of Burlesque) réalisé par William A. Wellman, disponible en DVD le 6 décembre 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Barbara Stanwyck, Michael O’Shea, J. Edward Bromberg, Iris Adrian, Gloria Dickson, Victoria Faust, Stephanie Bachelor, Charles Dingle…
Scénario : James Gunn, d’après le roman de Gypsy Rose Lee
Photographie : Robert De Grasse
Musique : Arthur Lange
Durée : 1h26
Année de sortie : 1943
LE FILM
Un meurtre a été commis au sein d’une troupe de music-hall dans un théâtre de Broadway : une actrice a été retrouvée étranglée. Les soupçons se portent vite sur sa rivale, Dixie Daisy. Mais d’autres meurtres sont commis. Dixie va mettre en place un piège pour démasquer l’étrangleur.
Dans l’imposante filmographie de la légendaire Barbara Stanwyck, outre sa collaboration avec Frank Capra, on notera celle avec le réalisateur William A. Wellman (1896-1975), qui donnera naissance à cinq longs-métrages, de 1931 à 1943. Après L’Ange Blanc – Night Nurse, Mon grand – So Big !, The Purchase Price et L’Inspiratrice – The Great Man’s Lady, les deux remettront une dernière fois le couvert avec L’Étrangleur – Lady of Burlesque. Ce dernier est inspiré d’un roman de Gypsy Rose Lee publié en 1941, The G-String Murders, elle-même artiste de burlesque, vedette rendue célèbre pour son numéro de striptease et dont la vie sera aussi adaptée au cinéma par Mervyn LeRoy avec Gypsy, Vénus de Broadway (1952). Autant dire que la miss connaît le milieu qu’elle dépeint dans son livre et donc dans le film qui en découle, L’Étrangleur, qui se passe essentiellement dans un des vieux théâtres situés dans le quartier central de la ville de New York. Un peu à la Birdman, le truc ronflant (euphémisme) d’Alejandro González Iñárritu, mais en beaucoup moins prétentieux et surtout en plus divertissant, L’Étrangleur trimballe le spectateur dans les coulisses, sur scène, dans les moindres recoins de son décor principal, en tenant compte de la notion de troupe qui anime les lieux. Le metteur en scène de L’Allée sanglante, Convoi de femmes, The Story of G.I. Joe, L’Étrange incident, Beau Geste, L’Ennemi public et bien sûr de la première version de A Star is Born signe une sympathique récréation dans laquelle il n’a de cesse de mettre en valeur ses ravissantes actrices (souvent étonnamment déshabillées) et offre à son actrice fétiche un parfait écrin dans lequel elle se meut avec talent et délectation.
L’audience est donc invitée à prendre place au théâtre, où chacun pourra assister à différentes performances scéniques, y compris des numéros comiques et même des strip-teases softs. La caméra de William A. Wellman virevolte et cueille au passage différentes conversations (menées à cent à l’heure), comme un film d’action et l’on se demande durant un moment où le récit veut bien nous mener. Dans ce théâtre burlesque new-yorkais, l’interprète Dixie Daisy (le nom de scène de Deborah Hoople, incarnée par Barbara Stanwyck donc) devient l’une des favorites du public avec son numéro de chant et d’effeuillage. Une fois son numéro terminé, Dixie a des interactions quelque peu houleuses avec les autres danseuses, dont certaines sont méchantes et jalouses. Heureusement, d’autres personnes sont plus amicales, en particulier Gee Gee Graham (Iris Adrian). Le comique Biff Brannigan (Michael O’Shea, vu dans Baïonnette au canon de Samuel Fuller) essaie de se lier d’amitié avec elle (et même plus), mais Dixie repousse ses avances, n’ayant pas eu de bonnes expériences avec un de ses confrères auparavant. Lors d’une descente de police inattendue au cours d’une représentation, pour cause d’enfreinte des lois sur la «décence publique», les lumières s’éteignent brutalement, quand soudain des mains se resserrent sur le cou de Dixie pour tenter de l’étrangler, un acte finalement avorté au passage d’un machiniste. Un certain nombre d’interprètes et de l’équipe sont jetés en prison, mais le propriétaire et producteur du théâtre, S.B. Foss (J. Edward Bromberg, aperçu dans L’Agent invisible contre la Gestapo et Le Retour de Frank James de Fritz Lang) les renfloue et attribue à chacun une part de l’entreprise pour les garder avec lui. Un peu plus tard, une autre interprète, Lolita LaVerne (Victoria Faust), est retrouvée étranglée avec une culotte après une violente dispute avec son petit ami, le gangster Louie Grindero (Gerald Mohr, Duel sans merci, Le Fils d’Ali Baba, L’Homme à l’affût, Sirocco). Alors qu’une enquête policière commence, l’arme du crime disparaît et plusieurs suspects possibles, à la fois du théâtre et de l’extérieur, y compris Dixie elle-même, sont soupçonnés. Le coroner, cependant, révèle Lolita a été empoisonnée…
Étrange film que cet Étrangleur, qui semble hésiter constamment entre le cinéma et le théâtre, mais qui au final parvient à concilier les deux univers, en racontant une histoire de meurtre (et même de plusieurs assassinats) survenant dans les loges et même au moment d’une représentation. Un univers forcément original, moderne (belle écriture de James Gunn, scénariste du fabuleux All I Desire de Douglas Sirk), étonnant (entre film policier et comédie musicale), qui s’amuse à déjouer le tristement célèbre Code Hays, mais qui n’en demeure pas moins coquin au niveau des dialogues (« Fais-moi vibrer le slip ! ») et ses costumes affriolants, divinement portés par Barbara Stanwyck et créés à cette occasion par la mythique Edith Head. Alors n’hésitez plus et prenez votre place dans ce music-hall.
LE DVD
Deuxième titre de la dernière salve Les Classiques du mois de décembre 2022 présenté par Artus Films, L’Étrangleur, dont les droits sont comme Cinq déserteurs tombés dans le domaine public, apparaît sous la forme d’un boîtier Amaray classique de couleur noire. Belle jaquette et sérigraphie sobre du DVD. Menu principal fixe et musical.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Pour ceux qui s’en souviennent, le master 1.37 de L’Étrangleur rappelle un peu le Ciné Vieux de Grolandsat. Si la copie est suffisamment stable, elle reste très souvent marquée par des griffures, des points, des tâches… La gestion des contrastes est souvent aléatoire, tout comme celle des noirs et la définition des séquences sombres laisse à désirer. Ajoutez à cela des décrochages, un piqué émoussé, un manque flagrant de détails sur les gros plans… Bref, ce DVD n’a rien de miraculeux, mais a au moins le mérite d’exister et nous permet de découvrir ce bon petit film de William A. Wellman.
Et du point de vue du son, c’est à peu près du même acabit. Entre dialogues clairs ou soudainement couverts, criards ou feutrés, c’est un peu les montagnes russes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.