
LES MAUDITES (El Llanto) réalisé par Pedro Martín-Calero, disponible en DVD le 18 septembre 2025 chez Blaq Out.
Acteurs : Ester Expósito, Mathilde Ollivier, Malena Villa, José Luis Ferrer, Claudia Roset, Lía Lois, Sonia Almarcha, Tomás del Estal…
Scénario : Pedro Martín-Calero & Isabel Peña
Photographie : Constanza Sandoval
Musique : Olivier Arson
Durée : 1h43
Année de sortie : 2024
LE FILM
Quelque chose hante Andrea, mais personne, pas même elle, ne peut le voir à l’œil nu. Il y a vingt ans, à dix mille kilomètres de là, la même présence terrorisait Marie. Camila est la seule à pouvoir comprendre ce qui leur arrive, mais personne ne la croit. Face à cette menace oppressante, toutes trois entendent le même son écrasant : un cri.

L’épouvante ibérique a encore frappé ! Les Maudites – El Llanto (ou les pleurs, The Wailing en anglais) est une nouvelle et forte expérience de cinéma d’horreur, ou plutôt un thriller teinté de surnaturel, premier long-métrage on ne peut plus prometteur de Pedro Martín-Calero. Né en 1983 en Espagne, le réalisateur a d’abord fait ses armes comme scénariste sur quelques séries (Impares, Impares premium) au début des années 2010, avant de se lancer dans la mise en scène avec une poignée de courts-métrages et le clip musical, dont un pour The Weeknd. Avec Les Maudites, Pedro Martín-Calero lorgne du côté de David Lynch, avec un récit qui peut apparaître comme un chaînon manquant entre Twin Peaks: Fire Walk with Me, Lost Highway et Mulholland Drive. Mais l’histoire des Maudites s’inscrit aussi dans le sujet de société de la violence ancestrale faite aux femmes, représentée par plusieurs portraits féminins, séparés par plusieurs décennies, ainsi que par des milliers de kilomètres, mais qui s’entrecroisent tout de même, avec un dénominateur commun, la figure du mal. Si toutes les questions ne trouveront assurément pas de réponses en bout de course, Les Maudites fonctionne et joue sérieusement avec les nerfs des débuts à la (presque toute) fin, d’une part grâce à une réalisation magistrale, mais aussi en raison d’une distribution qui révèle de fantastiques comédiennes.


Le spectateur est plongé d’emblée dans un cauchemar, représenté par le décor d’une boîte de nuit, avec les danseurs baignant sous une multitude de lumières stroboscopiques. D’ailleurs, un panneau d’avertissement apparaît avant le début du film, afin de prévenir les spectateurs sensibles ou épileptiques. S’ensuit une première scène choc, éprouvante, qui donne le ton. Cependant, Les Maudites, s’il ne retrouvera pas cette même efficacité par la suite, adopte un rythme quasi-languissant, la peur provenant essentiellement du cadre, de la mise en scène, des nombreux gros plans sur les actrices, des nouvelles technologies et de l’hyperconnexion. Pedro Martín-Calero a compris que la tension pouvait provenir de ce qu’on ne voit pas, de ce que les personnages ressentent, de ce qu’ils ne comprennent pas.


On notera un énorme travail sur le son, avec une musique entêtante d’Oliver Arson (As bestas, El reino, Madre), des effets ultra-efficaces, sans avoir recours au sempiternel jump scare. Le réalisateur exploite merveilleusement ses décors, celui d’un immeuble, qui tient une place importante dans les différents « segments » (comme le monolithe dans 2001), y compris les rues de Madrid et La Plata, où le film a réellement été tourné. On est subjugué par la composition d’ Ester Expósito (Andrea, vue dans Lost in the Night d’Amat Escalante), Mathilde Ollivier (Marie, Overlord, Sarah Bernhardt, la Divine), Malena Villa (Camilla, L’Ange de Luis Ortega), la première imprimant particulièrement le film par sa présence et dont l’aura plane sur toute la partie se déroulant à la fin des années 1990, où les deux autres comédiennes crèvent tout autant l’écran.


Pedro Martín-Calero, qui a bien digéré ses références (on aperçoit aussi l’affiche de Trois Couleurs : Rouge de Krzysztof Kieslowski, autre œuvre sur les destins entrecroisés et entremêlés) livre une œuvre extrêmement sensorielle, touche au surréalisme. Il prend le risque de perdre le spectateur en cours de route en jouant avec les rares repères laissés à sa disposition, tout en lui faisant confiance pour raccrocher les wagons et comprendre ce qu’il souhaite lui raconter au cours d’un dernier acte anxiogène.


La révélation viendra (ou pas) dans un appartement apparemment banal, plongé dans le noir et où résonnent de multiples cris depuis longtemps (pour ne pas dire toujours), qui apparaissent comme des craquelures irréparables qui lézardent les murs, qui conservent la mémoire et donc hantent les lieux. Tandis que le traumatisme se transmet de génération à génération, comme le mal se refilait dans It Follows de David Robert Mitchell.


Si certains pourront trouver le final abrupt et hermétique, l’émotion prend le pas sur le reste et l’on ressort des Maudites le souffle coupé, envoûté, impressionné par la beauté plastique du film, par l’hypersensibilité qui imprègne chaque plan et par la force qui se dégage de ce récit original (où le mal frappe n’importe où, n’importe quand et arbore le même visage), qui place le cinéaste – récompensé au festival de Gérardmer par les prix de la critique et de la jeunesse – dans le peloton de ceux à suivre de près.


LE DVD
Pas d’édition HD pour Les Maudites, qui doit juste se contenter d’une sortie en DVD chez Blaq Out. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.

Comme seul et unique supplément, nous devrons nous contenter d’un clip tourné par Pedro Martín-Calero pour le groupe Territoire (5’), qui témoigne du savoir-faire du réalisateur, de son sens du cadre et de sa composition des plans.





L’Image et le son
Afin de différencier les deux époques principales, le réalisateur et son chef opérateur ont opté pour deux styles visuels distincts. Le présent à Madrid est ainsi filmé avec des outils numériques pour un rendu réaliste, tandis que la partie se déroulant à La Plata en 1998 mise sur une caméra plus organique avec des mouvements à l’épaule et une texture analogique. Le piqué est donc volontairement aléatoire, ainsi que la gestion des contrastes. Quelques baisses de la définition, surtout en basse lumière. De ce fait, la séquence finale dans l’appartement, ainsi que l’exposition sous l’effet des stroboscopes, manquent cruellement de détails, qui auraient évidemment relevé en Haute-Définition. Les scènes diurnes en extérieur sont en revanche impeccables.

Les deux versions DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est complètement plongé dans l’atmosphère du film, la spatialisation reste solide tout du long. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu avec une fluidité acoustique plus ronde. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi que les versions Stéréo et une piste Audiodescription.


Crédits images : © Blaq Out / Paname / Manolo Pavón / Tarea Fina / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr