LE DESTIN EST AU TOURNANT (Drive a Crooked Road) réalisé par Richard Quine, disponible en DVD le 18 février 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Mickey Rooney, Dianne Foster, Kevin McCarthy, Jack Kelly, Harry Landers, Jerry Paris, Paul Picerni, Dick Crockett…
Scénario : Blake Edwards d’après une histoire de James Benson Nablo
Photographie : Charles Lawton Jr.
Musique : George Duning
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1954
LE FILM
Mécanicien complexé par sa petite taille, Eddie Shannon s’éprend de Barbara Mathews. Deux amis de celle-ci, Steve Norris et Harold Baker, proposent 1 500 dollars à Eddie pour les aider lors d’un hold-up. Eddie refuse dans un premier temps, mais par amour, il finit par accepter…
Quand il tourne Le Destin est au tournant – Drive a Crooked Road en 1957, le comédien Mickey Rooney a déjà près de trente ans de carrière derrière lui. Alors âgé de 34 ans, l’ancien enfant star des années 1930 n’a jamais arrêté de tourner et ce jusqu’à sa mort en 2014 à l’âge bien avancé de 93 ans. Cependant, même si l’acteur a été prolifique, peu de rôles restent marquants. Après les comédies musicales des années 1940, souvent réalisées par Norman Taurog, l’acteur est à la recherche d’un nouveau souffle. Il se voit alors proposer le superbe scénario écrit par le grand Blake Edwards, d’après une histoire de James Benson Nablo, The Wheel Man. Mis en scène par Richard Quine, Le Destin est au tournant est un drame qui lorgne sur le film noir et qui offre surtout à Mickey Rooney son plus beau rôle au cinéma, ni plus ni moins.
Jeune mécanicien et pilote automobile, Eddie Shannon pense avoir trouvé l’amour de sa vie en rencontrant la plantureuse Barbara Mathews. Alors qu’il rêve de disputer une course de rallye en Europe, il se laisse entraîner par amour dans le monde du crime par Barbara. Elle lui fait rencontrer deux braqueurs de banque qui lui demandent de conduire une voiture lors de l’un de leurs casses. Convaincu par Barbara, qui n’est autre que la fiancée de l’un des malfrats, Eddie accepte d’être leur chauffeur mais il se rend compte, trop tard, qu’il est tombé dans une machination.
Après avoir tenté une carrière d’acteur au cinéma au début des années 1940, Blake Edwards se tourne finalement vers la télévision. En 1954, il participe à la création de The Mickey Rooney Show, avec Richard Quine, également ancien comédien, devenu réalisateur en 1948. La même année que le formidable Du plomb pour l’inspecteur – Pushower, avec Fred MacMurray et Kim Novak, Blake Edwards écrit Le destin est au tournant, deux films noirs pour son ami Richard Quine et pour ainsi aider Mickey Rooney à prouver l’étendue de son registre. Il est merveilleux dans Drive a Crooked Road, jouant habilement avec son image puisque son personnage est sans cesse rabaissé et sa petite taille moquée par ses collègues. Visiblement très mal dans sa peau, timide, complexé, le visage barré d’une cicatrice, renfermé sur lui-même et vivant chichement dans une chambre de bonne qui se résume à un lit de fortune, une salle de bain minuscule et quelques coupes gagnées lors de compétitions automobiles, sa seule et grande passion, Eddie est un homme très malheureux. Sa rencontre avec Barbara (superbe Dianne Foster, vue dans Le Souffle de la violence – The Violent Men de Rudolph Maté) bouleverse alors son quotidien, surtout que la jeune femme semble être inexplicablement attirée par lui. Aurait-elle quelque chose à cacher ?
Le Destin est au tournant dresse le portrait d’un jeune trentenaire désespérément seul, souffrant terriblement de sa solitude et du manque d’amour. Quand il se retrouve impliqué malgré-lui dans un projet de braquage, dans lequel les commanditaires souhaitent utiliser ses talents de pilote automobile afin de semer la police après le casse, Eddie est pris dans un engrenage et se rend compte – trop tard – qu’il a été berné. La composition de Mickey Rooney laisse pantois. Habituellement explosif et véritable tornade humaine, il est ici tout en retenue, déchirant quand il regarde cette femme superbe, qu’il regarde, admire et désire, tout en sachant qu’un homme comme lui ne pourra jamais la convoiter et la tenir dans ses bras. Cela est encore plus ironique quand on sait que Mickey Rooney était un homme à femmes très réputé et que sa première épouse était Ava Gardner.
Mais on oublie cela devant sa performance dans Drive a Crooked Road, récit poignant et passionnant, redoutablement pessimiste et qui reste méconnu dans la filmographie de Richard Quine, loin des pétillants Le Bal des cinglés – Operation Mad Ball (1957), L’Adorable voisine – Bell, Book and Candle (1958) ou Deux têtes folles – Paris When It Sizzles (1964). Une vraie rareté et une très grande réussite.
LE DVD
Comme pour les derniers titres Sidonis que nous avons chroniqué, Le Destin est au tournant est proposé pour la première fois en DVD single, après une première édition en coffret Film Noir en décembre 2018. Le visuel est très soigné. Le menu principal est quant à lui animé et musical.
La présentation la plus complète du lot est celle réalisée par François Guérif (7’30), qui aborde notamment l’évolution du Film noir à travers Le Destin est au tournant et surtout l’inspiration de la nouvelle d’Ernest Hemingway, The Killers, publiée en 1927 et adaptée en 1946 par Robert Siodmak, avec Burt Lancaster et Ava Gardner. L’intrigue du Destin est au tournant en est proche, mais inscrite cette fois dans un « monde banal ». Il en vient ensuite à l’interprétation « terriblement bouleversante » de Mickey Rooney, ainsi qu’à la représentation singulière de la femme fatale incarnée par Dianne Foster.
Patrick Brion (6’30) a moins de choses à dire et se focalise surtout sur la carrière du réalisateur Richard Quine. Comme François Guérif, il évoque également l’inspiration de la nouvelle d’Hemingway.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Rien à redire sur ce très beau master (1.85, 16/9), propre, net, lumineux à souhait sur les scènes diurnes et aux contrastes très affirmés. Les séquences sombres et nocturnes sont également détaillées avec des noirs denses et une définition qui ne faiblit jamais. Photo de Charles Lawton Jr., immense chef opérateur de La Dame de Shanghai, L’homme de nulle part et de 3h10 pour Yuma.
L’éditeur nous propose les version anglaise et française du Destin est au tournant. Passons rapidement sur cette dernière, plus sourde, qui peine à délivrer les ambiances annexes. Evidemment, notre préférence va pour la version originale, plus homogène et naturelle, très propre, sans souffle parasite. Le confort acoustique est largement assuré. Les sous-titres français ne pas sont imposés sur la version originale.