LE CANARD À L’ORANGE (L’anatra all’arancia) réalisé par Luciano Salce, disponible en Blu-ray et DVD le 27 juin 2017 chez ESC Editions
Acteurs : Ugo Tognazzi, Monica Vitti, Barbara Bouchet, John Richardson, Sabina De Guida, Antonio Allocca…
Scénario : Marc-Gilbert Sauvajon, Bernardino Zapponi d’après la pièce de William-Douglas Home
Photographie : Franco Di Giacomo
Musique : Armando Trovajoli
Durée : 1h45
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Mariés depuis 10 ans, Lisa et Livio, riches et célèbres, s’aiment et habitent une belle villa au bord de la mer. Au cours d’une conversation, Livio apprend par hasard que Lisa l’aurait trompé avec un playboy milliardaire et cette nouvelle le frappe de plein fouet. Livio désire cependant passer pour un mari moderne et libéré et invite son rival à passer un week-end chez eux. Pour susciter la jalousie de Lisa, il propose à sa jolie secrétaire de se joindre à eux…
L’immense Monica Vitti a eu une autre carrière à côté des films, pour ne pas dire chefs d’oeuvres de Michelangelo Antonioni, L’Avventura (1960), La Nuit (1961), L’Eclipse (1962) et Le Désert rouge (1964). Si elle demeure très célèbre auprès des cinéphiles pour cette association, la comédienne a également fait les beaux jours de la comédie en Italie dès la fin des années 1960. Citons pêle-mêle La Femme écarlate de Jean Valère, Drame de la jalousie d’Ettore Scola, Super témoin de Franco Giraldi, ou bien encore Moi, la femme de Dino Risi dans lequel elle interprète une douzaine de personnages différents dans autant de sketches. Le Canard à l’orange – L’Anatra all’arancia, pour lequel l’actrice a reçu le David di Donatello de la meilleure actrice ainsi que le Ruban d’argent, est réalisé en 1975 par Luciano Salce (1922-1989). Cinéaste aujourd’hui oublié par la critique et les spectateurs, ses comédies ont pourtant attiré un large public pendant près de 35 ans. Luciano Salce a surtout oeuvré avec son grand ami Ugo Tognazzi pour Mission ultra-secrète, Elle est terrible et Les Heures de l’amour, pour ne citer que trois de leurs collaborations, bien que ces films n’aient guère laissé de souvenirs. En revanche, Le Canard à l’orange reste un film culte.
Le long métrage de Luciano Salce est l’adaptation de la pièce de théâtre originale de William Douglas Home, The Secretary Bird, créée en 1967 et très vite transposée dans le monde entier, y compris en France où elle fut jouée par Jean Poiret à la fin des années 1970, sous la direction de Pierre Mondy. Véritable vaudeville, Le Canard à l’orange est du pain béni pour les deux monstres du cinéma transalpin, Monica Vitti et Ugo Tognazzi. Vraisemblablement en parfaite osmose, le couple se renvoie la balle avec virtuosité pendant 1h45, ne laissant pas un moment au spectateur pour souffler. Par ailleurs, s’il n’a jamais brillé pour son sens de la mise en scène, Luciano Salce est bien obligé de suivre le rythme infernal des réparties lancées par son duo vedette, véritables typhons humains, qui non seulement amusent les spectateurs du début à la fin, mais prennent également un évident et contagieux plaisir à jouer cette partition.
Livio Stefani, riche publiciste d’une quarantaine d’années, vit depuis dix ans un bonheur parfait avec sa femme Lisa, même si cela ne l’empêche pas d’avoir quelques aventures à droite à gauche. Cependant, quand il apprend que Lisa en fait de même de son côté et se serait même entiché d’un français plein aux as, Livio voit rouge, mais tente de se contenir. Alors que Lisa annonce partir en weekend avec « Jean-Claude », Livio réplique en disant qu’il vit la même chose avec sa secrétaire Lisa, qui ne brille guère par son intelligence, mais qui a « les plus belles fesses qu’il a pu voir dans sa vie ». C’est alors que Livio propose à Lisa d’inviter leurs amants respectifs afin de passer un bon week-end. Ceux-ci ne tardent pas à arriver.
Evidemment, Le Canard à l’orange est un vrai marivaudage, fait de portes qu’on ouvre et que l’on ferme, de répliques vachardes aux sous-entendus grivois. Le film montre un couple qui s’aime et qui continue de s’aimer, mais qui a peut-être oublié la façon de se le dire ou de le faire comprendre. Ils se prêtent alors à un jeu qui peut paraître dangereux, mais on comprend très vite que la flamme est bel et bien encore présente et que tout est fait pour rendre l’autre jaloux. La maîtresse, Patty, est interprétée par la sculpturale Barbara Bouchet, une fois de plus peu avare de ses charmes qu’elle expose à de nombreuses reprises. La séquence de la piqûre d’abeille est l’une des plus drôles du film et on ne se lasse pas de regarder Monica Vitti passer de la crème hydratante sur les fesses de l’actrice, après que cette dernière se soit fait martyriser avec une pince à épiler. Le playboy français est quant à lui incarné par John Richardson, vu dans Le masque du démon de Mario Bava et Torso de Sergio Martino.
Ce quatuor s’en donne à coeur joie. Le Canard à l’orange est une grande comédie, simple, mais redoutablement efficace, que l’on regarde autant pour passer un très bon moment et que pour admirer le talent de ses comédiens.
LE DVD
Le DVD du Canard à l’orange est disponible chez ESC Editions, dans la collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits sont même proposés en Haute-Définition ! La jaquette centrée sur la divine Monica Vitti est très attractive et le verso montre tous les titres déjà ou bientôt disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet.
Pour information, cette collection sortira dans les bacs en trois vagues. La première, celle déjà chroniquée dans nos colonnes, est sortie le 28 mars 2017 : Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). La seconde vague, celle que nous explorons ici, est sortie au mois de juin et nous trouvons les titres suivants : Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Le Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). Il faudra attendre le mois de septembre pour compléter sa collection avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).
A l’instar des autres titres de la collection, ESC Editions propose une présentation du Canard à l’orange par Stéphane Roux, historien du cinéma (10’). Notre interlocuteur s’intéresse surtout à la pièce de théâtre à l’origine du film, mais aussi et surtout au réalisateur et à ses comédiens. On y apprend entre autres que Dino Risi a longtemps été attaché au projet avec les comédiens George Segal et Monica Vitti dans les rôles principaux, avant que le cinéaste abandonne finalement le projet. Seule la comédienne est restée à bord. Stéphane Roux défend également Luciano Salce, metteur en scène méconnu, touche à tout, qui a rencontré de grands succès dans le registre de la comédie populaire. Plus amusant, l’historien du cinéma ne peut cacher son admiration pour la sublime Barbara Bouchet et prend son temps d’évoquer sa carrière.
L’interactivité se clôt sur une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro.
L’Image et le son
Jusqu’alors inédit en DVD, Le Canard à l’orange bénéficie d’une image médiocre, comme si le master avait été sauvé à temps. Ce sont surtout les premières séquences qui font peur avec un générique marqué par des griffures, des couleurs ternes, des tâches et points. Heureusement, la plupart de ces défauts tendent à se faire plus discrets, à moins que nos yeux s’y habituent, mais l’image demeure tout de même aléatoire. La clarté est évidente, mais les visages tirent parfois sur le rose-orangé. Quelques moirages s’invitent à la partie, un bruit vidéo reste présent et la définition peine à trouver un équilibre. Le grain original est présent, mais les contrastes manquent de densité. Il faut donc faire preuve de beaucoup d’indulgence, car ESC Editions a sûrement fait son possible pour nous proposer cette comédie aussi rare que très réussie, afin de satisfaire au mieux les cinéphiles.
La bande-son et les dialogues du Canard à l’orange, proposés en Dolby Digital 2.0, manquent parfois de naturel. Les effets sonores sont discrets et l’ensemble de ce mixage repose avant toute chose sur les très nombreux dialogues du film. Une petite résonance se fait entendre tout comme de légères saturations. En revanche, ce mixage ne manque pas d’ardeur et les quelques accrocs constatés ont tendance à s’amenuiser au fil du film. Les voix y sont beaucoup plus posées et claires, tandis que la musique (qui connaît quelques fluctuations) est bien mise en valeur par de belles envolées. Notons que les sous-titres s’avèrent verrouillés sur un lecteur de salon, mais pas sur un PC. Signalons également que ces sous-titres sont placés trop hauts et que la police épaisse gâche souvent le visionnage.
Crédits images : © R.T.I. S.P.A. / ESC Editions / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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