LA VILLA réalisé par Robert Guédiguian, disponible en DVD et Blu-ray le 3 avril 2018 chez Diaphana
Acteurs : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin, Fred Ulysse…
Scénario : Robert Guédiguian, Serge Valletti
Photographie : Pierre Milon
Durée : 1h43
Année de sortie : 2017
LE FILM
Dans une calanque près de Marseille, au creux de l’hiver, Angèle, Joseph et Armand, se rassemblent autour de leur père vieillissant. C’est le moment pour eux de mesurer ce qu’ils ont conservé de l’idéal qu’il leur a transmis, du monde de fraternité qu’il avait bâti dans ce lieu magique, autour d’un restaurant ouvrier dont Armand, le fils ainé, continue de s’occuper. Lorsque de nouveaux arrivants venus de la mer vont bouleverser leurs réflexions…
Depuis son retour en force au cinéma populaire dans le sens noble du terme avec Les Neiges du Kilimandjaro (2011), le cinéaste marseillais Robert Guédiguian n’a pas déçu. Si Au fil d’Ariane était avant tout une fantaisie, une récréation solaire, poétique, ludique, marquée par les mêmes élans de bonté et les excès de coeur qui restent la marque de fabrique de son auteur, le film ne faisait que renforcer encore et toujours sa « famille » de cinéma, dans le but de se faire plaisir, en toute liberté. Au fil d’Ariane avait été réalisé dans une intention de lâcher prise, doublé d’un vibrant hommage d’un homme à son épouse, sa muse, une véritable déclaration d’amour à celle qui partage sa vie. En revanche, Une histoire de fou, né de la rencontre entre le cinéaste et l’écrivain José Antonio Gurriarán, auteur du livre autobiographique La Bombe, permettait au réalisateur d’aborder le centenaire du génocide arménien. Film engagé, fresque passionnante, difficile, Une histoire de fou rendait compte du feu qui anime toujours le cinéaste. Pour son vingtième film, Robert Guédiguian est de retour chez lui, et plus précisément dans la calanque de Méjean où il trouve le repos depuis quarante ans. La Villa permet au cinéaste de faire un nouveau point sur sa vie.
Le bonheur de retrouver Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, et les plus jeunes Robinson Stévenin, Anaïs Demoustier,Yann Trégouët est intact. La Villa est une chronique, un instantané, une fable humaniste qui sait rester chaleureuse malgré la violence des sentiments qui anime les personnages. Mais c’est celle d’aimer et de pardonner qui prédomine.
Angèle (Ariane Ascaride), Joseph (Jean-Pierre Darroussin) et Armand (Gérard Meylan) se retrouvent auprès de Maurice (Fred Ulysse), leur père âgé devenu aphasique après une attaque. Angèle n’est pas retournée dans la maison d’enfance depuis 20 ans, brisée par la mort accidentelle de sa fille Blanche. Des souvenirs mélancoliques s’échangent sur la calanque autrefois populaire et communiste, désormais livrée à la spéculation immobilière et qui a perdu son vie d’antan. Angèle n’accepte pas que son père, terrassé de remords d’être le responsable de la mort de Blanche dont il avait la responsabilité, lui réserve une plus importante part d’héritage que ses frères pour l’achat de son pardon. Benjamin (Robinson Stévenin), un pêcheur trentenaire de la calanque, retrouve avec délice Angèle, l’actrice qu’il avait tant admirée au théâtre à Marseille, qui lui avait donné le goût des planches, et dont il est secrètement amoureux. Ce faisant, des militaires en armes surveillent régulièrement la côte où échouent des migrants venus d’Afrique, afin de les arrêter et de les renvoyer dans leur pays. Un jour, les deux frères trouvent dans la falaise trois enfants sans parents, transis et affamés. Ils les cachent chez eux, ce qui les ramène à une réalité beaucoup plus dramatique que la mélancolie ambiante des souvenirs vieillissants.
Comme dans ses œuvres précédentes, la sensibilité, l’authenticité, l’optimisme et l’humour du metteur en scène marseillais font mouche et tendent à une universalité pure et essentielle. D’ailleurs, La Villa est devenu le cinquième plus grand succès de la carrière de Robert Guédiguian, en attirant plus de 550.000 spectateurs. Ce vingtième opus est comme l’indique le réalisateur un huis clos à ciel ouvert où les personnages, réunis après un drame familial, sont mis face à l’inéluctabilité du temps qui passe. En revenant dans la villa qui l’a vue grandir vingt ans après être partie, Angèle ne peut que constater que ses frères et même le monde a changé. Et qu’il faut bien continuer à avancer, même si les repères et piliers s’effondrent ou disparaissent. De toute façon, la planète continuera de tourner, avec ou sans eux.
La Villa va progressivement vers cet apaisement. Peu importe les colères et rancunes d’antan, seules comptent les étreintes et même la présence de celles et de ceux qu’on aime. Parallèlement, Robert Guédiguian, que l’on peut voir à la fois dans la figure du père de famille et aussi dans chaque membre qui la compose, livre une nouvelle oeuvre testamentaire. Une vraie famille comme celle-là est rare dans le cinéma français. Ce qui fait aujourd’hui son importance et sa beauté, c’est finalement de nous avoir invités, puis de nous avoir intégrés, pour pouvoir dialoguer, ou même de profiter des silences qui en disent parfois plus longs sur les sentiments.
La Villa est un sommet d’émotion, de mélancolie (au détour d’un extrait de Ki lo sa ?, long-métrage de Guédiguian tourné en 1985, au même endroit, avec les mêmes acteurs et I want you de Bob Dylan en fond) et d’élégance, dans la désormais immense carrière de Robert Guédiguian et nous nous souviendrons longtemps de ces petites maisons encastrées dans les collines où décline le soleil d’hiver, tout comme de ce viaduc qui fait encore résonner le bruit des trains qui passent, ainsi que le rire des enfants d’hier et d’aujourd’hui.
LE DVD
Le test du DVD de La Villa, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Pas grand-chose sur cette édition SD.
Le premier module de cinq minutes intitulé Scènes perdues, compile des plans ou de très courtes scènes non gardées, prolongeant par exemple l’accident de la petite fille d’Angèle.
L’autre bonus est un joli petit documentaire (7’) tourné sur le plateau et donnant la parole aux comédiens et à Robert Guédiguian. L’histoire et les personnages sont rapidement présentés, mais c’est surtout la délicatesse et l’émotion des intervenants qui touchent beaucoup ici, comme s’ils dressaient un bilan après ces trente années d’amour et d’amitié, devant comme derrière la caméra.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Nous voici devant un très beau master, très propre et clair, avec un cadre fourmillant de détails. La photo saturée de Pierre Milon (Foxfire, confessions d’un gang de filles, Les Neiges du Kilimandjaro) fait la part belle aux teintes chatoyantes, ambrées et solaires, avec de fabuleux dégradés de bleus, les contrastes sont denses et le piqué joliment acéré. L’encodage est solide, bien que les scènes nocturnes soient peut-être moins précises.
Le mixage Dolby Digital 5.1 est immédiatement immersif avec des ambiances souvent très présentes sur les enceintes latérales. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la musique spatialisée de bout en bout. L’éditeur joint également une piste Stéréo dynamique et suffisante, une piste Audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © AGAT FILMS & CIE / France 3 CINEMA / Diaphana/ Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr