Test DVD / Ange, réalisé par Tony Gatlif

ANGE réalisé par Tony Gatlif, disponible en DVD le 18 novembre 2025 chez Blaq Out.

Acteurs : Arthur H., Suzanne Aubert, Mathieu Amalric, Maria de Medeiros, Christine Citti, Dominique Maurin, La Caita, Juliette Minvielle…

Scénario : Tony Gatlif, Patricia Mortagne & Valentin Dahmani

Photographie : Lazare Pedron

Musique : Tony Gatlif, Arthur H., Delphine Mantoulet & Fiona Monbet

Durée : 1h34

Année de sortie : 2025

LE FILM

Ange, musicien sans attache, ressent le besoin vital de retrouver et faire la paix avec son vieil ami Marco. Solea, fille de son ancien amour, en pleine révolte contre son époque, s’invite dans ce voyage. À eux deux, ils vont retrouver le chemin de la joie.

Tony Gatlif (né en 1948), de son vrai nom Boualem Dahmani, tourne beaucoup, trop sans doute diront certains et ils n’auront peut-être pas tout à fait tort. Depuis maintenant un demi-siècle, son premier long-métrage La Tête en ruine remontant à 1975, le réalisateur, scénariste, compositeur, acteur et producteur, fils d’un père kabyle et d’une mère gitane a toujours, ou tout du moins très souvent concilié la musique et le cinéma. En fait, le cinéaste de Gadjo dilo (1997), Je suis né d’une cigogne (1998), Exils (2004), Transylvania (2006), Geronimo (2014), n’a jamais vraiment su se renouveler et c’est ce qui fait pencher Ange du mauvais côté de la balance. Tony Gatlif a déjà plus d’une vingtaine de films à son actif et connaît une sérieuse perte d’inspiration depuis presque vingt ans. Dans Ange, il décide de repartir sur les routes, pour s’échapper du monde actuel et de ses problématiques. Un projet qui lui aura demandé tout de même quatre années d’écriture et près de 80 moutures différentes de scénario…pour arriver à un film qui semble pourtant faire du surplace. Cette fois encore, un électron libre est au centre de l’histoire d’Ange, incarné par Arthur H. Ce dernier a peu touché au cinéma et Tony Gatlif lui offre ici le premier rôle, ce qui ne lui était pas arrivé depuis Maman de Romain Goupil, il y a de cela 35 ans. Depuis, le chanteur, compositeur, auteur et musicien a pris de la bouteille (il approche les 60 piges) et possède une vraie gueule qui a inspiré le metteur en scène. Si Arthur H. s’en tire bien, on ne peut pas en dire autant de ses camarades de jeu, peu aidés il est vrai par des dialogues pauvres, qui frôlent l’amateurisme. On peut se laisser embarquer par cet homme « du voyage », qui a vraisemblablement fait plusieurs fois le tour du monde, qui avait disparu douze ans sans donner de nouvelles à ses proches, et qui a décidé de rentrer (pendant combien de temps?) au bercail, pour une mission précise, qu’il s’est lui-même fixée. Mais le temps passe lentement devant Ange, devant lequel il n’est pas interdit de ressentir un certain ennui. On espère que Tony Gatlif reprendra un jour du poil de la bête et sortira d’un sentier bien trop balisé, qu’il n’a eu de cesse d’arpenter en long en large.

Ange, voyageur solitaire et ethnomusicologue de profession, doit, pour rembourser sa dette, mettre le cap sur les bords de la Méditerranée. Alors qu’il a pris les routes au volant de son vieux van, telle n’est pas sa surprise quand il retrouve cachée dans le coffre sa fille de dix-sept ans dont il vient à peine d’apprendre l’existence.

L’univers sonore est très présent dans Ange, qui s’avère un road-movie musical, où les musiciens sont montrés en train de jouer sur la route empruntée par le personnage principal. La bande-originale est enivrante, riche, variée, et surtout reliée aux états d’âme d’Ange, qui pense, vit, dort, respire musique. Au fil de son périple, Ange conduit son vieux camion, seul, en embarquant le strict minimum, préférant dormir à la belle étoile. Quelques étapes dévoilent un étrange butin caché, dissimulé sous un poteau électrique, sous une vieille caillasse, avec des bouquins jaunis, des photos, et surtout des billets de banque. Dans quel but Ange se met-il à récupérer ce qu’il avait manifestement planqué avant de se barrer loin d’ici ? Il est à la recherche d’un vieux pote de bringue, Marco (qui apparaîtra plus tard, sous les traits de Mathieu Amalric), avec lequel il a fait les 400 coups. Sur le chemin, il revoit deux femmes qu’il a aimées et qui l’aiment toujours, Georgina (Maria de Medeiros) et Margareth (Christine Citti), qu’il n’a pas vues depuis très longtemps. D’ailleurs, on apprend, ou plutôt on comprend très vite que la dénommée Solea, la fille de Georgina, n’est autre que la fille d’Ange, qui s’incruste dans son véhicule et entreprend de l’accompagner sur la route, afin de faire connaissance avec lui.

C’est là l’un des gros bémols d’Ange, puisqu’il n’y a aucune alchimie entre Arthur H. et l’actrice Suzanne Aubert, que Tony Gatlif avait déjà dirigé dans Tom Medina, son œuvre précédente. La confrontation ne fonctionne pas, fait forcée, artificielle, attendue aussi et manque cruellement de surprises. Finalement, ce sont les autres rencontres faites par Ange qui interpellent le plus, dont celle avec Pepe, interprété par le regretté (oh oui alors) Dominique Collignon-Maurin, voix française légendaire de Nicolas Cage, de Willem Dafoe dans moult films, de Kevin Kline, parfois de Dustin Hoffman, et bien sûr de Mark Hamill dans la trilogie originale Star Wars. Le face-à-face avec Arthur H. est particulièrement poignant et entendre cette voix pour la dernière fois (le comédien est décédé en août 2025) donne beaucoup de frissons. Le dernier acte est ensuite propice à la fiesta endiablée, où tous les musiciens jouent les uns sur les autres, où les instruments se chevauchent et où les protagonistes se lancent dans quelques danses en état de transe.

Finalement, c’est dans les moments de silence qu’Ange est le plus crédible, sincère, réaliste et attachant. Dommage que les échanges assez pauvres reprennent le dessus à de multiples reprises, comme si Tony Gatlif n’avait pas confiance dans ce parti-pris et préférait miser à nouveau sur la cacophonie de la vie, branchée sur les instruments qui entourent Ange. La nature tient une place prépondérante, mais c’est bien peu. Quelques images resteront évidemment en tête, mais on aurait préféré se souvenir d’émotions…

LE DVD

Ange a fait un tout petit plus que Tom Medina, avec 34.000 entrées…On est cependant loin des 80.000 entrées de Djam (2017) et le temps où les films de Tony Gatlif passaient le cap des 200.000 spectateurs (Liberté, Exils) est désormais loin derrière. Cela n’empêche pas de trouver une édition DVD d’Ange chez Blaq out. Le menu principal est fixe et musical, tandis que l’éditeur reprend le visuel de l’affiche d’exploitation pour la jaquette.

Deux interviews de Tony Gatlif au prix d’une en guise de bonus !

Dans la première (27’), le réalisateur s’exprime sur la genèse d’Ange (« l’envie de faire un film de voyage, de filmer autre chose »), les différentes versions du scénario, le casting (« Travailler avec Arthur H. permettait de bosser avec un acteur qui n’avait pas d’éthique, de problèmes avec sa carrière, ou des tics de jeu »), la psychologie du personnage principal, l’importance de la musique…

Le second entretien permet à Tony Gatlif de dévoiler quelques objets personnels (8’30). Le réalisateur ouvre quelques boites contenant des photographies qui lui sont chères, des cartes postales, puis il présente des instruments de musique originaux, tout en parlant de la vie de gitan, de musique (qui l’anime au quotidien, chaque seconde), les conditions de tournage (très peu d’argent, avec une équipe réduite).

L’Image et le son

Point d’édition HD pour Ange. Il faudra donc se contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont à la fois froides et chatoyantes, le piqué est suffisamment affûté, la clarté de mise et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas sur le cadre, les noirs sont denses. Que demander de plus ?

Si Ange repose avant tout sur les dialogues, ardemment délivrés par la centrale, la piste Dolby Digital 5.1 exploite adroitement et généreusement l’ensemble des enceintes, y compris le caisson de basses (le grondement du tonnerre d’entrée de jeu), grâce aux divers numéros musicaux, mais aussi aux ambiances naturelles présentes sur toutes les séquences en extérieur (le chant des oiseaux est très présent). La spatialisation est donc indéniable, percutante, et la bande-originale s’accorde à merveille avec le reste. Présence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi que d’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Blaq Out / Princes Production / Les Films du losange / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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