TARANTULA (Tarantula!) réalisé par Jack Arnold, disponible en coffret combo Blu-ray/DVD le 11 juillet 2017 chez Elephant Films
Acteurs : John Agar, Mara Corday, Leo G. Carroll, Nestor Paiva, Ross Elliott, Edwin Rand, Raymond Bailey, Clint Eastwood…
Scénario : Robert M. Fresco, Martin Berkeley
Photographie : George Robinson
Musique : Herman Stein
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1955
L’HOMME QUI RÉTRÉCIT (The Incredible Shrinking Man) réalisé par Jack Arnold, disponible en coffret combo Blu-ray/DVD le 11 juillet 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey, William Schallert…
Scénario : Richard Matheson, d’après son roman L’Homme qui rétrécit
Photographie : Ellis W. Carter
Musique : Irving Gertz, Earl E. Lawrence, Hans J. Salter, Herman Stein
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1957
LES FILMS
Spécialiste des séries B, Jack Arnold Waks alias Jack Arnold (1916-1992) n’en est pas moins un immense réalisateur. Bien que disposant de budgets très modestes, le cinéaste a toujours su transcender son postulat de départ minimaliste…pour aller vers le gigantisme. Prolifique, Jack Arnold prend son envol dans les années 1950 où il enchaîne les films qui sont depuis devenus de grands classiques : Le Météore de la nuit (1953), L’Etrange Créature du lac noir (1954), La Revanche de la créature (1955), Tarantula (1955), L’Homme qui rétrécit (1957) sans oublier La Souris qui rugissait (1959). Au total, près d’une vingtaine de longs-métrages tournés à la suite, toujours marqués par le professionnalisme et le talent de son auteur, combinant à la fois les effets spéciaux alors à la pointe de la technologie, des personnages ordinaires et attachants, plongés malgré eux dans une histoire extraordinaire.
Tarantula
Dans un laboratoire isolé, le Professeur Gerald Deemer travaille sur la formule d’un nutriment spécial et bénéfique qui permettrait d’éradiquer la famine que menace de provoquer l’accroissement de population. Jusqu’à présent ses expérimentations n’ont pas réellement donné de résultats probants, mais de sérieux déboires. Un jour qu’il s’est absenté, deux de ses collègues s’injectent le nutriment, avec des conséquences effroyables les conduisant progressivement à la mort par ce qui semble être l’acromégalie. L’un des deux meurt, tandis que l’autre attaque le professeur et lui injecte le produit avant de mourir. Pendant leur combat, une tarentule géante qui a elle aussi reçu une injection s’évade de sa cage. Dès lors, elle ne cesse de grandir jusqu’à atteindre une taille exceptionnelle et s’en prend aussi bien au bétail qu’aux humains.
Entre deux westerns, Tornade sur la ville et Crépuscule sanglant, Jack Arnold a le temps d’emballer ce petit film fantastique où toute la population de l’état de l’Arizona est menacée par une gigantesque tarentule née d’expériences scientifiques. Une fois n’est pas coutume, la créature n’est pas d’origine nucléaire, du moins pas entièrement comme cela était souvent le cas à l’époque, mais la résultante d’un sérum spécial qui contient tout de même quelques éléments radioactifs, mis au point par des savants qui ont vu leur cobaye leur échapper et aller bien au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. Tarantula demeure une référence du genre.
Sur une durée plutôt ramassée (1h20) et même s’il montre un être difforme avant même le générique, Jack Arnold préserve ses effets, à tel point que les spectateurs doivent attendre au moins la moitié du film pour que la tarentule géante fasse réellement son apparition, et encore par petites touches successives. Les personnages sont installés posément, ainsi que le cadre et les enjeux scientifiques. Arnold dose ses effets. Grâce à un montage inspiré, les séquences se suivent sans ennui, d’autant plus que le metteur en scène récompense ensuite largement son audience en enchaînant les scènes de destruction et d’affrontements, sans oublier les maquillages et les incroyables effets visuels (qui donneront quelques frissons aux arachnophobes) particulièrement réussis, réalisés à partir du déplacement d’une véritable araignée incrustée dans de véritables décors.
Pourquoi Tarantula fonctionne-t-il mieux que les autres films du même acabit qui s’affrontaient dans les salles ? Parce que Jack Arnold prend son sujet au sérieux et de ce fait crée une ambiance réaliste et empathique. Evidemment, Tarantula est avant tout un divertissement, mais le réalisateur ne se moque pas des spectateurs et essaye de leur offrir le film le plus réussi possible, même s’il doit le tourner très rapidement, en dix jours seulement, tout en récupérant une partie des partitions musicales de La Créature du lac noir et du Météore de la nuit afin de faire des économies. Ce sera exactement la même chose pour L’Homme qui rétrécit, chef d’oeuvre dont nous parlerons dans un second temps.
Tarantula est une œuvre très élégante, excellemment écrite et mise en scène, magnifiquement photographiée par le grand chef opérateur George Robinson (Le Fils de Frankenstein, La Maison de Frankenstein), et interprété par des acteurs investis (la brûlante Mara Corday, ancienne playmate et Scream Queen) et charismatiques. Pour l’anecdote, le film marque la seconde apparition à l’écran d’un comédien qui allait devenir une des plus grandes stars de l’histoire du cinéma. Il s’agit d’un certain Clint Eastwood (non crédité au générique), qui interprète ici le chef de l’escadron aérien qui affronte la créature dans le dernier acte. Même s’il apparaît masqué, les fans reconnaîtront le regard de l’acteur.
Tarantula n’a absolument rien perdu de son charme, de sa magie et de sa poésie.
L’Homme qui rétrécit
Lors d’un voyage en bateau, Scott Carey est plongé dans un brouillard radioactif et subit d’étranges transformations, jusqu’à voir sa taille réduite à quelques centimètres. Soudain, des situations de la vie quotidienne se transforment en cauchemars : un chat joueur ou une araignée deviennent des monstres sanguinaires qui peuvent vous tuer à chaque instant. Carey doit alors mettre à l’épreuve tout son courage et son intelligence pour survivre dans ce monde devenu hostile…
Deux ans après Tarantula et entre deux thrillers, Faux–monnayeurs et Le Salaire du diable, Jack Arnold réalise son chef d’oeuvre, L’Homme qui rétrécit – The Incredible Shrinking Man, d’après le roman The Shrinking Man du grand Richard Matheson (1926-2013), publié en 1956. L’écrivain signe d’ailleurs lui-même l’adaptation de son livre de science-fiction pour le grand écran. Soixante ans après sa sortie, L’Homme qui rétrécit demeure un modèle du genre avec la beauté incommensurable de ses effets spéciaux, la poésie et la philosophie du scénario, la direction artistique, la conduite du récit, la science du montage et une direction d’acteurs aussi juste que furieusement moderne.
En croisière dans le Pacifique avec son épouse Louise (Randy Stuart), Scott Carey (Grant Williams) est soudain enveloppé par un mystérieux nuage radioactif. Quelques mois plus tard, il constate avec stupeur que ses vêtements sont devenus trop grands pour lui. Il doit se rendre à l’évidence, aussi incroyable soit-elle : il a rapetissé et son poids va également en diminuant ! Les médecins lui expliquent qu’il a vraisemblablement été exposé à une radioactivité très supérieure à la moyenne. En quelques semaines, Scott passe de 1m85 à 93 centimètres. Le remède qu’on lui propose parvient à stopper sa décroissance. Hélas, ses effets s’avèrent très provisoires. Réduit à la taille d’un clou, Scott se retrouve un jour face à son chat qui le prend pour un insecte et commence à le poursuivre. Il parvient à s’en sortir indemne, mais atterrit dans la cave, qui devient alors un nouveau territoire hostile, où rôde une tarentule géante. Scott doit non seulement affronter ce nouveau danger, mais il doit également trouver de quoi manger, boire et un endroit où il puisse dormir en sécurité. Il s’arme alors d’une aiguille à tricoter qui à son échelle devient une épée, tout en trouvant refuge dans une boîte d’allumettes.
A l’instar de Tarantula, l’immense réussite de L’Homme qui rétrécit découle du sérieux avec lequel Jack Arnold empoigne son sujet. Le cinéaste y croit à fond et met en scène son film comme s’il s’agissait parfois d’un documentaire – Jack Arnold avait d’ailleurs été l’assistant du grand documentariste Robert Flaherty – sur la façon de survivre en milieu inhospitalier. Il n’y aura jamais de réelle explication sur la nature exacte du brouillard qui a enveloppé Scott et qui a entraîné son rapetissement, si ce n’est que l’homme en est une fois de plus la cause. Avec un art virtuose de l’ellipse, Jack Arnold montre les différents stades de la transformation de son personnage, tout d’abord étonné de voir ses vêtements qui se sont visiblement élargis suite à leur passage au pressing, avant de sérieusement commencer à envisager que c’est en fait lui-même qui rétrécit. Après une visite chez le médecin, il doit admettre que son corps continue de diminuer en taille, alors que son alliance glisse de son annulaire. Quelques plans suivants, alors que l’on venait de quitter Scott au volant de sa voiture, nous le retrouvons dans son salon, où il se trouve assis dans le fauteuil. Il fait la taille d’un enfant de 5 ans. La nouvelle commence à se répandre, les journalistes envahissent leur pelouse, le téléphone n’arrête pas de sonner, tout le monde veut avoir un scoop sur ce phénomène et objet de curiosité. Même le frère de Scott, visiblement attiré par l’appât du gain, l’encourage à jouer le jeu avec la presse, tandis que sa femme, très maternelle, semble se résigner à le voir rétrécir.
Louise, la femme de Scott, essaye de rester confiante, d’autant plus que le nouveau traitement semble avoir enrayé la transformation. Alors qu’il semble accepter sa nouvelle condition, surtout après rencontré par hasard une femme de petite taille, belle et épanouie, qui travaille dans un spectacle en tant que freaks, Scott, qui tombe visiblement sous le charme et qui voit que la vie demeure possible, se rend compte que le rétrécissement recommence et perd à nouveau ses moyens. Il s’enfuit. Nouvelle ellipse, il a désormais la taille d’un Playmobile et s’est installé dans une maison de poupées, qui à vrai dire ne change pas beaucoup de son domicile habituel.
Il y a deux films en un dans L’Homme qui rétrécit. Dans la première partie, le cinéaste présente ses personnages, les rend attachants en les plaçant dans le cadre banal de l’American Way of Life, jusqu’à ce que Scott soit contaminé par cette étrange atmosphère et qu’il commence à voir son corps changer. Ou comment le fantastique s’immisce dans le quotidien. Par la magie des décors, des accessoires et des incrustations, Jack Arnold rend crédible et réaliste le fait que son protagoniste rétrécisse à vue d’oeil. La séquence qui vient tout perturber est le combat cauchemardesque que Scott mène avec son chat, qui voit en lui une étrange souris, à l’issue duquel Scott se retrouve dans la cave. Un nouveau film commence, un véritable survival qui n’a absolument rien à envier à d’autres films du genre, même contemporain. De son côté, sa femme croit alors que Scott est mort, tué par son chat.
En dehors d’une voix-off réduite à son minimum à travers laquelle Scott raconte son histoire comme dans un journal de bord, L’Homme qui rétrécit devient un film quasiment dépourvu de dialogues, reposant uniquement sur la mise en scène. Et c’est fabuleux, extraordinaire et passionnant. Le spectateur suit désormais Scott, formidable et charismatique Grant Williams, découvrir ce nouvel environnement menaçant (qui lui était pourtant familier), où les fuites d’un chauffe-eau deviennent des trombes d’eau (le Marvel Ant-Man de Peyton Reed n’a évidemment rien inventé), une grille d’égout devient un précipice sans fond, une toile d’araignée devient un amoncellement de fils barbelés et le morceau de fromage placé sur une tapette à souris devient un festin convoité.
Le génie de Richard Matheson et celui de Jack Arnold s’allient pour offrir aux spectateurs l’un des plus grands, l’un des plus beaux et l’un des plus spectaculaires films fantastiques de l’histoire du cinéma. L’empathie de l’audience pour le personnage est telle qu’il n’est pas rare de cramponner les accoudoirs de son fauteuil au moment où Scott, réduit cette fois à la taille d’un dé à coudre, se retrouve coincé entre les huit pattes velues de son pire ennemi. Film d’aventures et d’action, drame et même tragédie, L’Homme qui rétrécit ne serait pas le même film sans son dénouement déchirant et ambitieux, qui ne cède en rien à la fin heureuse traditionnelle (malgré le souhait original des studios Universal), mais qui se double d’une réflexion métaphysique aussi inattendue qu’inoubliable, au même titre que l’épilogue de 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Devant se résoudre à accepter sa condition, Scott, désormais débarrassé de la menace de la tarentule, est vivant et prêt à découvrir ce nouveau monde qui s’ouvre à lui et dont il est seul à pouvoir percevoir la beauté, tout comme sa propre place dans l’univers. Scott sort finalement grandi de cette aventure.
L’Homme qui rétrécit, entré au National Film Registry et conservé à la Bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis, souvent copié mais jamais égalé, est une étape indispensable pour les cinéphiles.
LE COFFRET
Le test des éditions HD de Tarantula et de L’Homme qui rétrécit, disponibles chez Elephant Films, a été réalisé à partir de check-discs. Cette édition contient également un livret collector rédigé par Matthieu Rostac, journaliste de « SoFilm » (48 pages), non envoyé par l’éditeur. Les menus principaux, sont animés et musicaux, jaune pour Tarantula et bleu pour L’Homme qui rétrécit.
Nous retrouvons sur les deux disques, le même portrait de Jack Arnold, dressé par l’imminent Jean-Pierre Dionnet, que l’on est heureux de retrouver en grande forme (7’). Visiblement passionné par son sujet, notre interlocuteur intervient pour réhabiliter le cinéaste, trop souvent oublié ou dont les films demeurent parfois sous-estimés, même s’il a largement contribué à renouveler le genre fantastique et l’horreur au cinéma après la Seconde Guerre mondiale. Dionnet passe en revue le parcours de Jack Arnold (avec ses débuts aux côtés du documentariste Robert Flaherty), ses sujets de prédilection, son éclectisme. Il évoque également le réalisme avec lequel le réalisateur abordait le fantastique, ce qui contribuait entre autres à la grande réussite de ses films. Jean-Pierre Dionnet clôt cette intervention en indiquant que « Jack Arnold est un maître ».
Chaque film est également présenté par le même Jean-Pierre Dionnet, qui en deux fois dix minutes, revient sur le casting, les effets visuels, les thèmes, la mise en scène, le tout ponctué d’anecdotes amusantes à l’instar des essais passés par Tamara, la tarentule star de Tarantula, qui a tellement convaincu Jack Arnold qu’il la réutilisera dans L’Homme qui rétrécit.
La section des bonus propose également une galerie de photos et des bandes-annonces.
L’Image et le son
Tarantula et L’Homme qui rétrécit sont présentés dans leur format original, dans un master entièrement restauré en Haute-Définition. Le premier avait connu une sortie plutôt confidentielle il y a dix ans chez Bach Films, tandis que le second était jusqu’alors disponible en DVD chez Universal depuis 2006, avant d’intégrer la collection Universal Classics (à la jaquette rouge) en 2012 chez le même éditeur. Les deux films font donc peau neuve chez Elephant Films, qui avait déjà édité Le Météore de la nuit et La Revanche de la créature en 2016, également en Haute-Définition. N’ayons pas peur des mots, ces Blu-ray au format 1080p sont superbes. Certes, quelques points blancs et noirs subsistent parfois, mais dans l’ensemble les copies sont immaculées et la quasi-totalité des scories a été nettoyée. Souvent tourné en extérieur, Tarantula bénéficie d’une image plus lumineuse que celle de L’Homme qui rétrécit et en dehors des stock-shots, essentiellement liés au raid aérien final, la copie HD est supérieure à celle de l’autre film de Jack Arnold, même si le piqué, la gestion du grain et des contrastes, sans oublier l’équilibre au niveau des fondus enchaînés sont du même acabit. Néanmoins, le Blu-ray de L’Homme qui rétrécit s’avère également magnifique. La restauration n’a pas cherché à gommer les couacs liés aux images composites aux images incrustées. De ce fait, les scènes durant lesquelles Scott affronte son chat et l’araignée occasionnent une définition plus vacillante, mais cela fait partie du charme du film.
Les bandes-sons ont été restaurées en version originale, disponibles en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Les dialogues, tout comme la musique, sont dynamiques et le confort acoustique très appréciable. Une très grande clarté qui participe également à la redécouverte des films de Jack Arnold, surtout en ce qui concerne L’Homme qui rétrécit, puisque le cinéaste joue également avec le son pour indiquer le rétrécissement du personnage principal. Si Tarantula n’est proposé qu’en version originale aux sous-titres français non imposés, nous trouvons – en plus de version anglaise – une piste française pour L’Homme qui rétrécit. Cette dernière s’avère peu convaincante avec son doublage qui semble avoir été réalisé récemment. Le résultat manque de naturel et se concentre essentiellement sur le report des voix, au détriment des effets et des ambiances annexes. Dans tous les cas, aucun souffle constaté.
Crédits images : © Universal / Elephant Films/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr