TIRE ENCORE SI TU PEUX (Se sei vivo, spara) réalisé par Giulio Questi, disponible en DVD et Blu-ray le 23 novembre 2016 chez Rimini Editions
Acteurs : Tomás Milián, Ray Lovelock, Piero Lulli, Milo Quesada, Roberto Camardiel, Miguel Serrano, Angel Silva, Sancho Gracia, Marilù Tolo…
Scénario : Franco Arcalli, María del Carmen Martínez Román, Giulio Questi, Benedetto Benedetti
Musique : Ivan Vandor
Durée : 1h57
Date de sortie initiale : 1967
LE FILM
Un métis, parfois surnommé L’Etranger, fait partie d’une bande de voleurs qui s’empare d’une importante cargaison d’or après l’attaque d’un convoi de la Wells Fargo. Au moment du partage, les mexicains du gang sont abattus un à un par leurs collègues américains. Laissé pour mort, L’Etranger est sauvé par deux Indiens. Il se lance alors à la poursuite de ses anciens complices, et découvre qu’ils ont été tués par les habitants d’un petit village. Qu’est devenu l’or ?
La réputation de Tire encore si tu peux – Se sei vivo, spara n’est pas usurpée. Il s’agit bel et bien d’un des plus grands westerns italiens jamais réalisés. Mis en scène par Giulio Questi (1924-2014) en 1967, ce chef d’oeuvre joue avec les genres et même parfois avec les codes du giallo, ce qui lui a valu de nombreux déboires avec la censure à sa sortie, au point d’être interdit trois jours seulement après son arrivée sur les écrans. Egalement connu sous le titre anglais Django, Kill … If You Live, Shoot! – « Django » n’apparaissant pas dans ce film – ou également Oro hondo, Tire encore si tu peux est ensuite ressorti en 1975 dans une version tronquée avec notamment l’absence de séquences très gore dans lesquelles des individus s’acharnent sur le corps criblé de balles en or d’un mourant, désireux de s’emparer de ce butin inattendu. Même chose pour la scène où un indien se fait scalper en gros plan. Au total, plus de quinze minutes du film ont été coupées. C’est donc un événement et un vrai choc de découvrir le montage du réalisateur.
D’emblée, le spectateur est happé par cette main qui surgit de la terre comme dans un film de zombies. Un homme (Tomás Milián) recouvert de poussière, avait visiblement été enterré vivant. En réalité, il venait de participer à un braquage, mais ses complices (américains) ont décidé de le doubler lui et les autres mexicains ayant participé à ce vol, pour s’enfuir avec l’or. Ces derniers se font abattre dans le désert après avoir creusé leur propre tombe. Seul survivant de ce massacre, l’homme est sauvé in extremis par deux mystérieux indiens. Déterminé à se venger, il parcourt l’Ouest et apprend que des villageois ont tué et lynché les hors-la-loi, sans savoir ce qui est advenu du butin. Des bandits apprennent pour l’argent et kidnappent le fils d’un homme qui saurait où l’argent se trouve. L’Etranger sauve l’adolescent, mais malheureusement peu après qu’il se soit fait violer par les pistoleros homosexuels vêtus de chemises noires. Qui a dit fascisme ?
C’est là l’immense réussite de Tire encore si tu peux, western qui s’avère également un vrai film d’horreur surréaliste teinté de fantastique. L’Etranger survit malgré les balles et grâce à la magie des deux indiens. Giulio Questi filme une ville hostile et cauchemardesque, comme une cité perdue peuplée de monstres violents et sanguinaires, paumés dans un univers post-apocalyptique. Les salauds de l’histoire ne sont pas ceux que l’on croyait dans les premières séquences, puisque les traitres vont rapidement se faire trucider par les habitants de la ville où ils croyaient pouvoir se réfugier avant de pouvoir profiter de l’or. L’Etranger, campé par un formidable Tomás Milián, sera plongé au milieu des balles, qui visiblement ne l’atteignent pas ou plus, et tentera de reprendre sa part du butin. Seulement l’or est convoité de toutes parts et la partie est loin d’être gagnée. A la fin, L’Etranger partira au galop, dégoûté par ce qu’il aura vu, notamment ce qui restait du butin fondre littéralement sur le visage d’un adversaire. Une des séquences les plus marquantes du film.
Chef d’oeuvre baroque et redoutablement pessimiste sur la nature humaine, Tire encore si tu peux agit comme une séance d’hypnose angoissante et glaçante. Alors qu’il désirait à la base mettre en scène un thriller violent, Giulio Questi réalise l’oeuvre de sa vie, dans laquelle il désirait combattre ses démons après avoir été traumatisé pendant la Seconde Guerre mondiale. Virtuose, maîtrisé du début à la fin, audacieux, sans cesse inventif, déjanté, limite expérimental (y compris sur la bande-son), Se sei vivo, spara n’est pas un film à mettre devant tous les yeux, mais n’aura de cesse de faire de nouveaux adeptes auprès des cinéphiles et passionnés de cinéma déviant. Tire encore si tu peux reste et restera une véritable et fascinante curiosité.
LE BLU-RAY
Jusqu’alors inédit en Haute-Définition en France, Tire encore si tu peux est enfin disponible en Blu-ray dans nos contrées et ressort également en DVD, plus de dix ans après la copie Seven7 Editions. C’est à l’éditeur Rimini Editions que l’on doit cette sortie attendue par les amateurs de westerns italiens. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur noire. Le menu principal est animé sur la musique du film.
L’éditeur a mis la main sur un entretien inédit du cinéaste Giulio Questi (45’), réalisé à son domicile en mars 2009. Si la réalisation de cette interview laisse franchement à désirer et si le journaliste rebondit peu aux propos du metteur en scène, Giulio Questi se livre sur son art et revient sur les grandes étapes de sa carrière. Ses films sont passés au crible, notamment Tire encore si tu peux, tout comme La Mort a pondu un œuf (La morte ha fatto l’uovo) réalisé en 1968. Le réalisateur évoque sa passion pour le cinéma français des années 1920, son travail dans le monde du documentaire, l’évolution du cinéma, le travail avec Tomás Milián, le genre du western, ses rencontres déterminantes, sa passion pour le cinéma de Woody Allen et de Pedro Almodóvar dont il ne ratait aucun film dans les salles.
Fidèle à Rimini Editions, l’historien du cinéma Christophe Champclaux nous propose ensuite un portrait du comédien Tomás Milián (8’). Si cette présentation est sans doute trop rapide, l’ensemble ne manque pas d’informations, d’anecdotes et surtout de titres qui donnent furieusement envie de voir ou revoir les westerns, mais aussi les drames de Mauro Bolognini, Alberto Lattuada, Valerio Zurlini, Liliana Cavani, Bernardo Bertolucci, Michelangelo Antonioni et bien d’autres, dans lesquels le comédien, né à Cuba en 1933, a su briller et devenir un acteur culte auprès des spectateurs.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce américaine de « Django, Kill … If You Live, Shoot! » et la bande-annonce allemande.
L’Image et le son
Rimini livre un master HD au format 1080p (très important à signaler) qui permet aux spectateurs de redécouvrir Tire encore si tu peux dans de très belles conditions techniques, malgré quelques tâches et fils en bord de cadre qui n’ont pas pu être éradiqués. Les volontés artistiques sont respectées, tout comme le grain cinéma, le confort de visionnage est omniprésent avec ses couleurs ravivées. Le piqué est flagrant, l’apport HD non négligeable sur plans larges, les séquences sombres sont aussi bien définies que le reste, les noirs sont concis, les détails fort appréciables, notamment sur les nombreux gros plans. N’oublions pas le relief des textures, la profondeur de champ inédite, la stabilité et la restauration très impressionnante.
Les pistes italienne et française (au doublage réussi) DTS-HD Master Audio 2.0 sont de même acabit. Les deux versions délivrent leurs dialogues avec suffisamment d’ardeur et les ambiances annexes sont dynamiques. S’il fallait vraiment les différencier, la piste italienne s’avère plus modérée, les voix des comédiens apparaissent plus fluides et les ambiances plus naturelles et homogènes. Dans les deux cas, aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition du compositeur Ivan Vandor est très bien restituée. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement impossible à la volée. Comme il s’agit de la version intégrale non censurée, certaines séquences jamais doublées passent automatiquement en italien sous-titré en français.
Crédits images : © Rimini Editions / Captures Bonus : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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