Test Blu-ray / The Room, réalisé par Christian Volckman

THE ROOM réalisé par Christian Volckman, disponible en DVD et Blu-ray le 15 octobre 2020 chez Condor Entertainment.

Acteurs : Olga Kurylenko, Kevin Janssens, Joshua Wilson, John Flanders, Francis Chapman, Vince Drews, Marianne Bourg, Oscar Lesage…

Scénario : Christian Volckman, Eric Forestier, Gaia Guasti, Vincent Ravalec

Photographie : Reynald Capurro

Musique : Raf Keunen

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Kate et Matt quittent la ville pour s’installer à la campagne dans une grande maison isolée et délabrée. Peu après leur déménagement, ils découvrent une chambre qui a le pouvoir d’exaucer tous leurs désirs…

Il aura fallu attendre 14 ans pour que Christian Volckman fasse son retour au cinéma, de longues années après son premier long métrage, l’ambitieux film d’animation Renaissance, réalisé en motion-capture, un projet qui lui aura demandé près de sept ans de travail et qui s’était malheureusement soldé par un échec commercial important (240.000 entrées pour un budget de 14 millions d’euros). Egalement animateur et peintre, Christian Volckman délaisse la science-fiction et le N&B, pour son deuxième film, The Room. Cette fois, le réalisateur s’attaque au genre fantastique mâtiné d’horreur et livre un petit coup de maître, très élégamment mis en scène et dans lequel on retrouve constamment son sens du cadre. S’il n’a jamais lâché la caméra (on lui doit quelques clips vidéos pour ChineseMan, Zaz, Alma, General Elektriks), on est heureux de le voir revenir au grand écran, surtout avec une œuvre aussi originale et maîtrisée, solidement interprétée par la divine Olga Kurylenko.

Kate et Matt, la trentaine, sont en quête d’authenticité. Le jeune couple décide de quitter la ville et achète une grande maison à retaper dans un coin reculé. Peu après leur déménagement, ils découvrent une pièce cachée pas comme les autres, une chambre étrange capable d’exaucer tous leurs désirs. Leur nouvelle vie devient un véritable conte de fée. Kate et Matt succombent à toutes les tentations que leur offre La Chambre. L’argent et le champagne coulent à flot, mais derrière cet Eden apparent, une ombre guette : la Chambre va dévoiler leur désir enfoui, et va leur octroyer ce qu’ils attendent depuis toujours et que la nature leur refusait… et bientôt leur rêve se transforme en cauchemar…

La patte de l’artiste qu’est Christian Volckman est omniprésente, dans le choix des couleurs, dans la composition des plans et dans la diffusion de la lumière. Déjà remarqué en 1999 avec son court-métrage Maaz, multi-récompensé dans les festivals du monde entier, le cinéaste confirme encore une fois avec The Room sa singularité au sein de l’industrie cinématographique européenne et internationale. Avec ce thriller fantastique, co-production franco-belgo-luxembourgeoise, Christian Volckman semble avoir rechargé ses batteries et signe un vrai film de cinéma, qui a malheureusement été privé d’une sortie dans les salles au mois de mars en raison des conditions sanitaires, avant d’arriver finalement sur les plateformes de VOD. La situation si particulière du confinement a créé un climat adéquate avec le récit de The Room, ce qui a pu expliquer le très grand succès du film un peu partout dans le monde, y compris aux Etats-Unis, où il était présenté sur le service de vidéo à la demande Shudder.

Histoire kafkaïenne, qui transforme progressivement son décor en Rubik’s Cube géant ou en matriochkas, où un simple escalier peut faire penser à la lithographie Relativity de M.C. Escher, The Room démarre sur les chapeaux de roue, un peu trop vite diront certains puisque la fameuse pièce est rapidement dévoilée, ainsi que son pouvoir inexpliqué. On se demande où Christian Volckman souhaite en venir et l’on devine qu’il s’agit avant tout d’une critique du consumérisme à outrance, puisque le couple demandera très vite des tableaux de maîtres, des costumes de luxe, du champagne, du caviar, et bien sûr de l’argent à foison. Une corne d’abondance qui ne se tarit pas et qui semble d’ailleurs inépuisable. C’est alors que Kate, qui a subi deux fausses couches, demande l’impensable, un enfant, même si elle avait tout d’abord rejeté l’idée insufflée par son mari Matt. Ce « coup de pouce » sera pour eux le début des ennuis, puisqu’ils découvriront que ce qui a été « créé » par la pièce, ne peut pas quitter la demeure. Si l’argent tombe en poussière dès qu’un pas est franchi à l’extérieur, qu’en est-il d’un « être humain » ?

The Room regorge d’idées narratives et visuelles. Très beau à regarder, la photographie est signée du très prometteur Reynald Capurro. Le film s’amuse à emmener ses personnages là où le spectateur était loin de se l’imaginer, en lui faisant autant perdre ses repères qu’aux protagonistes. Ceux-ci sont incarnés par Kevin Janssens, comédien flamand vu dans le surestimé Revenge de Coralie Fargeat, Les Ardennes de Robin Pront et Les Confins du monde de Guillaume Nicloux, et comme nous l’indiquions plus haut par Olga Kurylenko, décidément omniprésente, pour le plaisir des yeux et ce depuis quinze ans lorsque nous l’avions découvert dans L’Annulaire de Diane Bertrand. Loin des personnages violents qui ont fait sa petite renommée, Kevin Janssens est ici impeccable dans le rôle de Matt, un homme doux et aimant, artiste bourgeois-bohème, bref qui galère et qui tâte légèrement de la bouteille pour se consoler. C’est lui qui met à jour le pouvoir la pièce mystérieuse, par hasard, alors qu’il cherchait justement un nouvel alcool à se mettre dans le gosier. Le couple découvrira, trop tard malheureusement, que tout ce qui pouvait les faire rêver et qui devient réel en un clin d’oeil, n’est qu’illusion et éphémère. Quand le couple transgresse finalement les lois de la nature, le point de non-retour est franchi.

En revendiquant ses références, de Stanley Kubrick à David Lynch, en passant par Andreï Tarkovsi, Christian Volckman parvient d’emblée à instaurer une ambiance étrange et anxiogène, et même s’il se perd dans quelques séquences qui peuvent sembler un peu longues (surtout quand le couple enchaîne autant les vœux que leurs fantasmes les plus fous), le réalisateur peut se targuer d’afficher une deuxième réussite cinématographique à son palmarès.

LE BLURAY

C’est chez Condor Entertainment que sort The Room, en DVD et en Blu-ray. Beau visuel, à la fois élégant et intrigant. Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément de cette édition HD est un entretien très intéressant avec Christian Volckman (22’). Le metteur en scène revient sur la genèse de The Room (tout est parti d’une peinture qu’il a réalisée, représentant une maison en train de s’écrouler), sur la longue gestation du projet (en faire un roman graphique ? Une bande dessinée ? Un film ?) compte tenu du fait que Christian Volckman s’était dit qu’il ne referait jamais de cinéma après l’aventure Renaissance qui lui avait pris sept longues années. Quelques peintures, photos de tournage et dessins conceptuels, qui s’apparentent à des storyboards, illustrent cette interview, durant laquelle le cinéaste aborde également ses inspirations visuelles (il évoque la Renaissance, Vermeer), le casting, son travail avec les comédiens, les lieux de tournage, les thèmes, l’état du film de genre en France, la vente du film dans près de 40 pays, l’exploitation de The Room en VOD durant le confinement (« un écho sur le film que je n’avais évidemment pas prémédité »), ainsi que d’autres éléments toujours enrichissants.

L’interactivité se clôt sur deux scènes coupées (7’35). La première est une introduction alternative et pour le coup trop explicative quant au passé de John Doe, tandis que la seconde est en réalité une version étendue de la séquence où ate et Matt réalisent leurs fantasmes.

L’Image et le son

The Room est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la photo du chef opérateur Reynald Capurro. Les volontés artistiques sont donc respectées mais entraînent quelques pertes occasionnelles du piqué et des détails dans les scènes les moins éclairées. Néanmoins, ce master HD demeure impressionnant de beauté, tant au niveau des détails que du piqué. Le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie est optimale.

Les deux versions DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est littéralement plongé dans ce quasi-huis clos, la spatialisation reste solide tout du long et le caisson de basses est utilisé à bon escient. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu sur l’homogénéité et la fluidité acoustique, tandis que la piste française a tendance à mettre les voix un peu trop en avant. Les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © Condor Entertainment / Les Films du Poisson / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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